- 1 Cet article est le troisième d’une série « Documents pour l’histoire de l’archéologie au temps du (...)
- 2 Durant son engagement en 1914, dans le corps expéditionnaire des Dardanelles, il collabore aux fou (...)
1Joseph Chamonard a été nommé en décembre 1919 conseiller auprès du haut-commissariat pour l’archéologie et les beaux-arts et chargé d’établir les premières bases d’un service archéologique pour la Cilicie et la Syrie1. Il est regrettable que nous n’ayons pas beaucoup de données dans les archives en France sur la période qu’il a passée au Levant. Les quelques bribes d’informations éparpillées dans les publications2 ne suffisent pas toujours à reconstituer les neuf mois (12 janvier-fin septembre 1920) qu’il a passés à créer le « Service des antiquités », d’où l’importance des trois lettres publiées ici.
2Dans cette contribution, nous proposons de présenter ces documents dans leur intégralité et de mener une analyse préliminaire de leur contenu, qui sera développée lorsque nous les publierons dans le cadre de notre monographie sur le « Service des antiquités » en Syrie au temps du Mandat français.
3L’analyse des trois lettres envoyées par J. Chamonard depuis Beyrouth révèle quelques aspects de l’action menée durant la première année d’un Service qui vient d’être installé dans le grand sérail au centre de Beyrouth, avec l’administration du Haut-Commissariat qui gère l’action de la France dans toute la région syro-levantine.
4Ces documents sont conservés dans les archives d’Edmond Pottier au musée du Louvre (DAO), dans une boîte avec d’autres documents en relation avec les deux missions de terrain (1921-1922) de Maurice Pézard à Tell Nebi Mend/Qadesh, dans la région de Homs.
5Les personnes à qui ces messages ont été envoyés ne sont pas explicitement nommées, mais d’après le contexte du texte et la façon dont les formules de politesse sont écrites au début et à la fin, nous pouvons suggérer qu’Ed. Pottier est le destinataire de deux de ces lettres (DAO/419/001/0009 a-d et DAO/419/001/0002 a-b), alors que la dernière a été adressée à R. Dussaud (DAO/419/001/0001 a-d).
- 3 26,8 × 21,4 cm pour DAO/419/0001 a-d, 27,3 × 20,3 cm pour DAO/419/0002 a-b et 27,120,5 cm pour DAO (...)
6Le papier utilisé est de qualité moyenne, les dimensions sont presque identiques3 et le texte est tapé recto verso en bleu (fig. 1 et 2). Les deux lettres adressées à Ed. Pottier portent un en-tête officiel de l’autorité française : « Haut-commissariat de la République française en Syrie et en Cilicie ».
Figure 1.
Première page de la lettre adressée le 19 janvier 1920 de J. Chamonard à R. Dussaud (première lettre)
musée du Louvre, DAO/419/001/0001 a
Figure 2.
Première page de la lettre adressée le 3 septembre 1920 de J. Chamonard à Ed. Pottier (troisième lettre)
musée du Louvre, DAO/419/001/0002 a
- 4 Le texte des trois lettres est reproduit en annexe.
- 5 Précisons que L. Brossé a proposé un projet « d’une Association des amis des arts syriens » (DAO/4 (...)
- 6 Il s’agit d’un projet soutenu par R. Dussaud.
7Dans la première lettre4 en date du 19 janvier 1920 (fig. 1), J. Chamonard essaie, une semaine après son installation à Beyrouth, de fournir des informations en relation avec son programme de mise en place du « Service des Antiquités » et les activités qu’il envisage de mener durant la première année. Ensuite, il entame des discussions avec l’autorité militaire pour la création d’une Société des amis des antiquités et des arts de Syrie5, et de la revue Syria6.
8Cette lettre peut clarifier trois points importants :
- 7 Il s’agit du « Musée français de l’art antique du Levant », cf. al-Maqdissi 2019, p. 138-139.
9D’abord, la volonté du haut-commissaire de trouver un nouveau bâtiment dans la ville de Beyrouth pour remplacer le musée établi en 1918 au couvent des Diaconesses (Sodeco)7. À ce propos, J. Chamonard pense que ce musée doit répondre à une vision locale et il « ne croit pas, au reste, qu’il soit nécessaire d’avoir le Louvre syrien sur la place des canons. Le public ne s’y ruera jamais, et le Jupiter heliopolitanus n’aura pas l’attrait de la Joconde ».
10J. Chamonard révèle à R. Dussaud sa vision de ce musée, qui devrait être un centre d’exposition et de préservation d’antiquités et en même temps un espace de recherche et d’études pour les spécialistes de divers domaines archéologiques, épigraphiques… Ainsi, il pense à un grand bâtiment qui comprendrait à la fois un musée et le « Service des antiquités ». À ce propos, il indique clairement dans sa lettre que « le musée de Beyrouth n’a, pour le moment, ni local ni collections. Je compte sur les fouilles pour constituer les collections […]. Pour ma part, je borne mon ambition à trouver une vaste maison, comme il en existe ici, exigeant peu d’aménagement – où les chercheurs pourront travailler en paix, s’ils le désirent. Nous en avons visité hier deux, le général Gouraud et moi, dont l’une ferait assez bien l’affaire : salles nombreuses et vastes, grand hall central, plan simple, escalier à double révolution conduisant à un étage de même distribution. Elle est un peu loin du centre, mais sur la hauteur ; et le jardin qui l’entoure laisse des possibilités d’agrandissements ».
- 8 Les travaux qui ont lieu à Doura-Europos pendant une courte période d’une journée (4 mai 1920), av (...)
- 9 Rapport de fin de mission (1920) ; voir al-Maqdissi 2020-2021, p. 13.
11Ensuite, il insiste sur l’importance de reprendre les fouilles sur le terrain après l’interruption qui a accompagné la première guerre mondiale. Ainsi, J. Chamonard facilite la reprise des travaux à Jérablus/Karkémish et à Saïda/Sidon8. Pour lui, ces travaux « devront prendre une extension considérable. Nous aurons à tenir compte des antiquités interalliées d’après lesquelles nos savants ne doivent pas être favorisés au détriment des savants des nations amies. Mais, du moins, avons-nous le droit de faire dès maintenant le choix des sites que nous nous réservons. Outre Saïda (Sidon) que l’on est le droit de considérer comme inépuisable, nos orientations désirent que nous nous assurions la priorité pour Djebeil (Byblos) et Tell Nebi Mend, au sud et tout proche du lac de Homs, où l’on a la quasi-certitude de retrouver la capitale hittite de Kadesh. L’Académie des Inscriptions est disposée à entreprendre sur ce point d’importances fouilles dont le succès peut égaler celui des fouilles anglaises de Djerablous, allemandes à Sinjirli. Je laisse à mon successeur le soin d’assurer aux savants français l’exploration de ces sites antiques9 ».
- 10 Suivant l’avis du haut-commissariat et du général Gouraud, nous signalons deux points importants a (...)
12La politique d’encouragement des travaux de terrain et de fouilles est l’une des priorités de l’autorité française, mais l’instabilité sécuritaire retarde le lancement de ces derniers jusqu’en 1921, voire même 1922. De plus, la situation militaro-politique ne permet pas de proposer de nouveaux projets de terrain10. Sur ce point, il indique clairement dans son rapport de fin de mission :
- 11 Rapport de fin de mission (1920) ; voir al-Maqdissi 2020-2021.
« Attendons-nous, en effet, aujourd’hui que la paix est signée, à recevoir des savants anglais ou américains des demandes de concessions de fouilles, peut-être pour ces sites mêmes. J’ai dû déjà, lors de mon passage à Jérusalem en Juin, M. Garstang me demandant si nous avions des vues sur Byblos, lui répondre que, dès avant la guerre, nous avions adressé à Constantinople une demande de firman pour y continuer les recherches commencées par Renan. Le Professeur M. [?] à la même date, m’a pressenti pour une autorisation de fouilles à Harran, l’ancienne Carrhae, au sud d’Ourfa. Le Professeur Breasted, Directeur de l’Institut Orientale de l’Université de Chicago, qui a passé ici à la fin de mai, faisait un véritable [de] voyage de prospection archéologique. Enfin, à Paris, même, avant mon départ M. Salomon Reinach m’a communiqué une lettre de M. Ramsay, le savant anglais bien connu qui exprimait l’espoir qu’on lui laisserait reprendre les travaux commencés par lui à Antioche, offrant même d’y associer de jeunes archéologues français11 ».
- 12 En plus de L. Brossé, la mission était composée de Reginald Engelbach, Ernest John Henry Mackay et (...)
- 13 Sur ces deux inspecteurs, voir al-Maqdissi 2020, p. 416-417, note 42.
13Quant à l’équipe avec laquelle il travaille, elle était composée de deux inspecteurs, le premier est Claude Prost, spécialiste de la période islamique, et le second est Léonce Brossé, architecte possédant une connaissance approfondie des sites et édifices antiques grâce à sa présence au sein de la mission anglo-française d’inspection archéologique12 chargée en 1919 par Georges François Picot de prospecter la bande côtière syro-levantine entre les villes de Tartous au nord et de Tyr au sud13. Mais la présence de ces deux inspecteurs était inefficace en raison de leur absence tout au long de sa présence au Levant. Il indique clairement son point de vue :
- 14 Rapport de fin de mission (1920) ; voir al-Maqdissi 2020-2021.
« J’ai trouvé ici, en arrivant, deux Inspecteurs attachés au Service des Antiquités, MM. Brossé et Prost. Mais M. Brossé, qui avait en 1919 porté à peu près seul tout le poids du Service, et qui, par suite, avait le plus grand besoin de repos, parti en congé trois jours après mon arrivée, tombé malade en France, n’a pu rentrer à Beyrouth qu’au début de Mai. Quant à M. Prost, il quitta son poste, sur votre demande, en Février, pour l’Etat-Major de la 2ème Division, où il était demandé comme interprète de turc par M. le Général de Lamothe. Bien que malade et, désormais, moins utile, il eût demandé au commencement de Juin son rappel, et que j’eusse transmis cette demande, en insistant à plusieurs reprises sur la nécessité de son retour, ce n’est cependant qu’en Août qu’il a pu reprendre son poste. Je suis donc resté pendant près de trois mois, seul pour assurer le Service, et nous ne nous sommes trouvés réunis que pendant quelques semaines14 ».
14Enfin, quant à son quotidien, ce qui est frappant, c’est l’incapacité de J. Chamonard à s’adapter à cette région de la Méditerranée, et depuis les premiers jours il cherche un remplaçant. Pour lui, la vie à Beyrouth est difficile, comme il le dit au début de la lettre : « Me voici, depuis une semaine, installé à Beyrouth, si le mot installation peut s’appliquer ici ! Les rares éclaircies qui, pendant ces huit jours, ont coupé d’un peu de soleil des pluies diluviennes, n’ont pas réussi à me faire entrevoir l’agrément que quelques-uns trouvent à cette ville. Elle me paraît, pour le moment, inhabitable. Je souhaite que la première impression soit la pire ».
15Les deux lettres adressées à Ed. Pottier en date respectivement du 4 août et du 3 septembre 1920 (fig. 2) ont un ton particulier. L’archéologie s’y mêle aux soucis d’avenir de J. Chamonard dans cette région.
16Il convient de noter deux points :
- 15 Ce musée est constitué à partir d’une collection regroupée par le colonel Normand, gouverneur mili (...)
17Le premier point concerne les problèmes liés au musée d’Adana, installé à partir d’avril 1919 dans l’édifice du gouverneur ottoman de la ville, précédemment la Direction de la police15.
18J. Chamonard a tenté de donner une réponse à Ed. Pottier et de rester vraisemblablement dans une position neutre au sujet de la demande de ce dernier de transférer un certain nombre de sculptures en pierre conservées dans ce musée à Beyrouth pour être réexpédiées en France, probablement pour le musée du Louvre.
19Plusieurs facteurs retardent cette action, dont le premier est le manque de sécurité dans la région en raison de l’hostilité franco-turque et le second le poids important des pièces sélectionnées, qui ne permet pas de les transporter facilement.
- 16 Une liste des objets acquis durant la première année de son existence est conservée en deux exempl (...)
- 17 Il s’agit de son article, Chamonard 1920, p. 94-95.
- 18 Deuxième lettre.
20Mais si l’on essaie de lire entre les lignes, pour J. Chamonard, le problème avec ces objets est beaucoup plus profond, car ils se trouvent conservés dans un musée situé dans la sphère d’influence française. Ce musée possède des inventaires des pièces qui y sont conservées16, et donc, en cas de déplacement de certaines d’entre elles, cela pourrait créer un problème lorsque la situation militaire changerait. À ce propos, il indique clairement : « Vous êtes trop indulgent pour la note que j’avais envoyée à Dussaud17. Il m’avait paru en la relisant, qu’elle contenait beaucoup d’inutile bavardage, les lecteurs de Syria n’ayant aucun besoin qu’on leur rappelle, par exemple, ce qui se passait sous l’administration turque : tous le savent. Si vous pensez qu’il est plus simple de ne pas le réduire » ou « j’aurais voulu, tout au moins, que l’on pût faire sauter le paragraphe sur le musée d’Adana, pour le cas où nous le déménagerions18 ».
- 19 Pour J. Chamonard, la personne idéale devrait avoir les mêmes caractéristiques que Jacques de Morg (...)
21Le second point a trait à la succession de J. Chamonard. Celui-ci propose à Ed. Pottier plusieurs noms pour lui succéder : tout d’abord, R. Dussaud, l’orientaliste et spécialiste des antiquités syriennes, ainsi que trois Athéniens, Charles Fossey, Gustave Mendel et Paul Perdrizet19. Mais le général Gouraud a tranché en choisissant Charles Virolleaud.
- 20 Pour ce rapport, voir al-Maqdissi 2020 et al-Maqdissi 2020-2021.
22J. Chamonard fait immédiatement de sérieux préparatifs pour faciliter la tâche de son successeur en rédigeant un rapport détaillé sur son travail, qu’il remet au haut-commissaire le 20 septembre 192020.
- 21 D’une manière générale, voir Bouyrat 2016 ; Taoutel et Wittouck 2016.
23Ce que nous pouvons confirmer à partir de ces trois lettres, c’est la volonté de J. Chamonard de quitter Beyrouth au plus vite, car son adaptation n’a pas été facile, d’autant plus qu’il vient de Grèce et que le Levant sort de crises dont la plus importante est la famine qui a accompagné la fin de la première guerre mondiale21.
- 22 Al-Maqdissi 2020, p. 446-447. Nous pouvons classer ces difficultés en quatre points : instabilité (...)
24Quant à son travail de terrain pour la création du « Service des Antiquités », il rencontre de nombreuses difficultés, dont il fait état dans son rapport final et que nous pouvons résumer par un manque de moyens matériels et humains22.
- 23 Rapport de fin de mission (1920) ; voir al-Maqdissi 2020-2021, p. 16.
25Il donne son point de vue sur le développement de ce Service à la fin de son rapport, où il dit : « Le développement que ne peut manquer de prendre le Service des Antiquités et des Beaux-Arts, lorsqu’il aura son personnel au complet, rendra impossible son maintien dans les trois pièces qui lui ont été assignées au Sérail. Elles nous ont suffi cette année. Mais le jour où, à côté du Directeur, des Inspecteurs résideront à Beyrouth, où les Services d’architecture développés, la bibliothèque enrichie auront besoin de plus de place, il sera nécessaire de chercher une plus vaste installation23. »
- 24 Ce dernier est ouvert à la coopération et tente de réaliser un programme ambitieux pour sortir la (...)
- 25 Particulièrement avec Ed. Pottier et R. Dussaud.
- 26 Pour la publication de ce chef d’œuvre dans le premier article du premier fascicule de Syria, cf. (...)
26Ses relations avec la communauté locale de Beyrouth ou de Damas se sont bien développées, nous citons par exemple Muhamed Kurd-Ali, ministre de Fayçal et président de l’Académie scientifique arabe24, le jésuite Sébastien Ronzevalle, qui est l’un des relais pour l’acquisition d’antiquités entre Beyrouth et le musée du Louvre25, ou encore Charles Sursock, le propriétaire de la statuette en bronze de Jupiter (Baalbek)26.
- 27 Rapport de fin de mission (1920) ; voir Al-Maqdissi 2020-2021, p. 12.
27Dans certains cas, il a pu intervenir sur des problèmes concernant les antiquités palestiniennes entre le père Lagrange, directeur de l’École biblique et archéologique, et John Garstang, directeur du Service des antiquités britanniques en Palestine, et même pousser le haut-commissariat à financer les « travaux de consolidation devenus urgents au tombeau d’Hélène d’Adiabène, dit tombeau des rois de Judas, propriété de la France » ou « l’achat à Abou-Gosh, à quelques kilomètres de Jérusalem, de terrains où se trouvent des restes intéressants d’édifices francs, dépendant d’une belle église du xiie siècle, propriété nationale, dont la garde est confiée aux bénédictins français »27.
28Avec J. Garstang, il coopère efficacement dans plusieurs domaines et échange des vues sur diverses questions, notamment celles liées à la création du « Service des Antiquités » ou à la rédaction d’une nouvelle loi sur les antiquités pour remplacer la loi ottomane datant du 10 avril 1906. Sur ce dernier point, il précise :
- 28 Rapport de fin de mission (1920) ; voir Al-Maqdissi 2020-2021, p. 9-10.
« désireux de savoir quels étaient, en pareille matière, les projets des autorités anglaises de Palestine, et d’arriver à établir une législation à peu près semblable dans les deux pays voisins, je me suis, de plus, en Juin, rendu à Jérusalem pour communiquer à M. le Professeur Garstang chargé d’organiser le Service des Antiquités britanniques le projet de loi et le projet d’arrêté sur le commerce des antiquités. Nous avons eu, à ce sujet, plusieurs conversations. M. le Professeur Garstang m’a, de son côté, communiqué le projet anglais qui, beaucoup moins poussé, dans le détail, est, dans les grandes lignes auxquelles il est actuellement réduit, assez voisin du nôtre28 ».
29Il s’est également intéressé à la création de ce qu’on appelle la « Société des amis des antiquités et des arts de Syrie ». Il souhaitait établir une société locale afin de soutenir ses actions et particulièrement de création d'un musée.
30Ses bonnes relations avec Ed. Pottier lui permettent d’aborder divers sujets, notamment son manque de connaissance précise des arts orientaux anciens, qui explique son incapacité à suivre les spécialistes. Pour lui, la nomination de Ch. Virolleaud comme successeur est une décision sage : il note à ce propos qu’il est « très heureux d’une désignation dont l’initiative vient de vous, ce qui a écarté le danger d’une de ces interventions d’ami personnel auxquelles on est trop tenté ici de faire un accueil favorable. Et je suis persuadé que ce changement tournera au mieux du Service. Je me serais, tôt ou tard, trouvé paralysé par mon incompétence en matière d’antiquités orientales. Elle aurait pu m’entraîner à des erreurs. Et si l’on donne suite au projet anglais d’instituer auprès de chaque Direction des antiquités, en pays de mandat, une sorte de conseil interallié de trois membres, j’aurais été fort gêné en présence des spécialistes que l’Angleterre, les États-Unis et, il le faudra bien, la France, ne manqueront pas de déléguer ici. Je préfère me retirer à temps. M. Virolleaud pourra ainsi bien asseoir sa situation avant que cet aréopage ne soit constitué29 ».
31Les trois documents brièvement présentés dans cette contribution éclairent par quelques éléments la période obscure de la présence de J. Chamonard au Levant. Cet Athénien, habitué à une vie tranquille à l’École française d’Athènes (local, bibliothèque, milieu scientifique…) et aux fouilles de grands sites comme Délos avec des moyens confortables, se trouve soudainement seul avec des moyens dérisoires, sans aucune possibilité d’action concrète et sans aucun moyen de faire aboutir son travail, dans un Levant qui a connu le fléau de la guerre.
- 30 R. Dussaud, Ed. Pottier, Fr. Cumont…
- 31 D’une manière générale, leur présence dans la région syro-levantine ne s’étendait pas au-delà de l (...)
32De plus, les Syrianisants30 étant presque absents durant son séjour, il ne communique avec eux que par correspondance31… Cela crée une situation qui ne lui permet pas de travailler efficacement et en toute confiance.
- 32 Cette déception, il l’exprime à Ed. Pottier lorsqu’il lui écrit : « contradiction qu’il y ait entr (...)
- 33 Il note clairement « ni le pays, ni les habitants ne sont attachants ».
33Outre l’ambiance générale qui l’entoure, et notamment la présence oppressante de l’autorité militaire32, ce sentiment d’aliénation le rend incapable de s’adapter à la vie orientale à Beyrouth33.
Beyrouth le 19 janvier 1920
Cher Monsieur,
Me voici, depuis une semaine, installé à Beyrouth, si le mot installation peut s’appliquer ici ! Les rares éclaircies qui, pendant ces huit jours, ont coupé d’un peu de soleil des pluies diluviennes, n’ont pas réussi à me faire entrevoir l’agrément que quelques-uns trouvent à cette ville. Elle me parait, pour le moment, inhabitable. Je souhaite que la première impression soit la pire.
M. de Caix venait de repartir pour Paris lorsque nous sommes arrivés. C’est donc à son remplaçant, le commandement Canonge, que j’ai parlé de votre projet de fondation d’une Société des amis des antiquités et des arts de Syrie, et de la Revue que vous projetez de publier. J’en ai, ce qui valait encore mieux, parlé au général Gouraud lui-même, qui me paraît très désireux d’encourager toute manifestation de cet ordre. Le général a complètement approuvé les deux projets. J’ai donc pensé qu’on pouvait obtenir davantage de sa bonne volonté qu’une simple adhésion ou une subvention modique, et, comme, lors de mon départ de Paris, M. Sursock ne parlait plus de mettre à votre disposition les 6000 fr jugés nécessaires pour la mise en train de la publication, je les ai demandés au général, sur les crédits prévus pour les beaux-arts au budget syrien de 1920. Il me les a accordés sans difficulté. Vous pouvez donc compter sur cette somme, que je vous ferai verser à Paris lorsque vous jugerez le moment venu. Naturellement, il faudrait qu’elle fût considérée comme une souscription à un certain nombre d’exemplaires (150 ou 100, ce dernier chiffre paraissant suffisant, de telle sorte qu’une partie de la subvention fût reportée au fonds destiné à la rémunération des auteurs : dans ce cas, l’exemplaire étant calculé à 30 fr, ce fonds bénéficierait de 3000 fr.). Je vous serais alors reconnaissant de vouloir bien spécifier avec Geuthner que nous nous réservons d’employer nos exemplaires à des échanges avec d’autres périodiques scientifiques, au profit de la bibliothèque du Service. Il ne faudrait pas qu’il nous accusât de concurrence déloyale et de détournement de clientèle le jour où nous enverrons une circulaire aux Universités ou Instituts scientifiques pour leur proposer cet échange. Et je vous demanderais même, lorsque la date de l’apparition du 1er no et le sommaire auront été fixés, de vouloir bien m’en aviser, pour que je puisse envoyer, sans tarder, ces propositions. Tout cela vous convient-il ? Bien entendu, c’est le Comité de direction que vous constituerez à Paris qui réglera tous les détails de la publication. Mon rôle se bornera à vous servir ici de correspondant et, si l’occasion s’en présente, de pourvoyeur de copie. Voulez-vous que je demande quelque chose au Père Ronzevalle ? La publication des Mélanges de la Faculté orientale est suspendue, en raison des dommages qu’a subis l’imprimerie des Jésuites ; il n’a pas, pour le moment, de débouché, et je crois qu’il ne hait pas de voir son nom sur une couverture.
J’ai trouvé ici le Service des antiquités pourvu de deux inspecteurs, M. Prost, arrivé depuis deux mois, et qui s’occupera des arts musulmans (il pourra, je l’espère, collaborer à votre Revue), et M. Brossé, un architecte, qui est resté seul pendant de longs mois et s’est très activement employé à mettre ce service sur pied. M. Brossé est parti en permission quelques jours après mon arrivée. Je lui ai dit d’aller vous voir à Paris. Il a fait, au printemps dernier, une longue tournée d’inspection en compagnie de deux officiers anglais, et pourra vous renseigner « de visu » sur nombre de sites qui vous intéressent. Il avait également conçu le projet d’une Association des amis des arts syriens, projet qu’on avait ici trouvé prématuré, il avait réuni un certain nombre d’adhésions, que nous retrouverons, je l’espère.
Je pense que vous pouvez toujours compter sur M. Sursock pour réunir les adhérents promis. Voyez vous-même s’il est opportun de lui parler de la subvention accordée par le Haut-Commissaire : peut-être mieux vaut-il ne pas laisser tiédir son zèle ni lui enlever la conviction que son honneur, -en l’espèce, son amour propre, - est engagé à la réussite de l’affaire.
Le musée de Beyrouth n’a, pour le moment, ni local, ni collections. Je compte sur les fouilles pour constituer les collections, - et, en attendant, je cherche le local. M. Brossé, qui est orfèvre, aimerait construire. Pour ma part, je borne mon ambition à trouver une vaste maison, comme il en existe ici, exigeant peu d’aménagement – où les chercheurs pourront travailler en paix, s’ils le désirent. Nous en avons visité hier deux, le général Gouraud et moi, dont l’une ferait assez bien l’affaire : salles nombreuses et vastes, grand hall central, plan simple, escalier à double révolution conduisant à un étage de même distribution. Elle est un peu loin du centre, mais sur la hauteur ; et le jardin qui l’entoure laisse des possibilités d’agrandissements.
Je ne crois pas, au reste, qu’il soit nécessaire d’avoir le Louvre syrien sur la place des canons. Le public ne s’y ruera jamais, et le Jupiter heliopolitanus n’aura pas l’attrait de la Joconde. Les intéressés en trouveront toujours le chemin. Et les anciens ou nouveaux riches de Beyrouth, dont les résidences sont toutes voisines, seront peut-être plus tentés d’y déposer leurs collections personnelles. Il faudra bien vingt ans pour remplir ces salles. A ce moment, la Syrie une et indépendante pourra s’offrir si bon lui semble, le luxe d’un somptueux Palais des arts, sur la place où piaffera la statue équestre élevée par la nation reconnaissante à l’émir Fayçal, libérateur du territoire.
J’ai également parlé au général Gouraud de l’intérêt qu’il y aurait à reprendre les fouilles de Saïda. Il est entendu qu’on n’ouvre pas de chantiers nouveaux jusqu’à ce que soit arrêté le statut définitif de la Syrie, mais que les recherches entreprises antérieurement à la guerre peuvent être poursuivies. Woolley est déjà revenu à Carchemish. Avec une correction à laquelle le fait de la relève des troupes anglaises par les nôtres enlève peut-être un peu de son mérite, il a donné au général Gouraud l’assurance – renouvelée par écrit – qu’il s’en tiendrait, d’ordre de son gouvernement, aux termes de l’accord conclu avec les turcs, c.à.d. qu’il remet au gouvernement syrien toutes ses trouvailles. J’ai remontré au général que nous nous devions de reprendre, de notre côté, nos fouilles et je lui ai demandé, pour celles de Saïda, 30000 fr, qu’il m’a accordés. Je viens d’écrire au Dr Contenau pour l’en aviser. Il vous communiquera, sans doute, ma lettre, où je lui donne quelques détails.
Songez, je vous prie, à mon remplaçant ! Je suis de plus en plus persuadé qu’il faudra, quand ce service sera entré dans une période active, mettre à sa tête quelqu’un de la partie. Je l’ai déjà dit au général Gouraud. Choisissez ce quelqu’un, d’accord avec les syrianisants. Je lui passerai la main dès que vous me ferez signe.
Rappelez-moi, je vous prie, au souvenir de M. Pottier. Mes amitiés à De Ridder. Et croyez, je vous prie, à mes sentiments très sincèrement et cordialement dévoués.
Signature
Haut-commissariat de la République française
Service archéologique
Beyrouth
via Port-Saïd
Beyrouth le 4 août 1920
Monsieur et cher maître,
Votre lettre du 16 juillet ne m’est parvenue que le 2 août. Vous excuserez donc le retard de ma réponse. Permettez-moi, tout d’abord, de vous remercier de la confiance amicale que vous me témoignez. J’en suis profondément touché, mais avec la conscience de ne pas la mériter entièrement. J’ai fait ici ce que j’ai pu, - et ce n’a pas été grand-chose, faute, non de bonne volonté, mais surtout de ressources. C’est maintenant que, la situation éclaircie, il va être possible de réaliser le programme complet d’un Service des antiquités. Or mieux je me suis rendu compte de la tâche, plus je me suis convaincu que, comme j’en avais l’impression à Paris, c’est un orientaliste, familier avec l’art, les langues, les sites, l’histoire, qu’il faut ici, tout au moins un homme au courant des travaux déjà faits, des publications. Tout cela m’est malheureusement étranger et j’ai déjà dû avouer à Dussaud que, je ne me sens aucune inclination à essayer de combler, tant bien que mal, cette lacune. Pour cette première année, l’inconvénient n’était pas très grave. Il s’agissait d’une mise en train, - d’organisation matérielle, et je pouvais m’en tirer. Du jour où une direction scientifique sera nécessaire, je vois que d’autres seront mieux qualifiés que moi : il est donc tout naturel que je leur passe la main. Je ne puis même pas me rabattre sur cette considération que je pourrais vous demander un Inspecteur plus particulièrement chargé du département oriental. C’est à mon sens le chef du Service qui doit être compétent en pareille matière. Et je crois au reste, qu’il serait plus difficile encore de trouver un jeune homme déjà capable de tenir cette place qu’un remplaçant pour moi-même.
Joignez à cela que ni le pays, ni les habitants ne sont attachants, - en quoi, d’ailleurs, je ne suis pas seul de mon avis ; que depuis 1908 j’ai habité ce Levant à peu près sans interruption, et que j’en ressens la fatigue plus que je ne l’aurais prévu ; que je crains que cette fatigue n’entraine, à mon insu, une diminution de l’activité nécessaire… Je ne voudrais pas m’exposer à me le faire reprocher quelque jour.
C’est pour ces raisons que, depuis longtemps, j’ai demandé à Dussaud de penser, d’accord avec vous, à mon remplacement. C’est lui qui devrait être ici. Mais je comprends ses raisons de persister dans son refus de venir, puisque ce sont pour une part, - la moindre, cependant, - les miennes. Il m’avait écrit récemment que vous vouliez bien vous mettre en quête de quelqu’un que l’on puisse recommander au général Gouraud, et que vous aviez l’intention d’en parler à Mendel. L’occasion s’étant présentée de rappeler au général que ma mission prend fin au 1er Octobre, je l’ai donc saisie, et lui ai indiqué, comme successeurs possibles, Dussaud, Fossey et Mendel. A ces noms, j’ai ajouté, en écrivant dans le même sens à M. de Caix, celui de Perdrizet, mais je doute qu’il consente à quitter Strasbourg.
Aucun de ces noms ne parait vous satisfaire, puisque vous voulez bien me demander de prolonger l’expérience d’un an, pour vous donner le temps de résoudre le problème. Si vraiment vous estimiez que je vous mets dans l’embarras, et désiriez encore prendre le temps de la réflexion, je l’aurais fait, bien que sans entrain, et sous toutes réserves, - celles que je vous ai exposées plus haut. Mais cela me parait bien difficile. Le général, lorsque je lui ai parlé de mon départ, ne m’a fait aucune proposition de prolongation de ma mission, - et comme je l’ai écrit à Dussaud, je crois qu’il me voit partir sans regret, - quelqu’amical et bienveillant qu’il se soit montré pour moi en toute occasion. Les résultats de mon travail ne sont pas tangibles, je n’ai pu résoudre la question du Musée, qu’il aurait certainement aimé inaugurer, - pas de fouilles, et pas de découvertes retentissantes. C’est un Service qui n’a pas assez fait parler de lui. Je crois bien qu’un homme comme M. de Morgan, qui s’était proposé, ferait mieux son affaire. - Il n’a pas tort. Il faut donner aux Syriens l’impression que l’on s’occupe d’eux, que l’on met leur pays en valeur, et qu’il y a décidément quelque chose de changé.
Ne pensez-vous pas, d’ailleurs, qu’il y a intérêt à ce que, le plus tôt possible, le poste soit pourvu du titulaire qui devra l’occuper de longues années ?
Vous êtes trop indulgent pour la note que j’avais envoyée à Dussaud. Il m’avait paru en la relisant, qu’elle contenait beaucoup d’inutile bavardage, les lecteurs de Syria n’ayant aucun besoin qu’on leur rappelle, par exemple, ce qui se passait sous l’administration turque : tous le savent. Si vous pensez qu’il est plus simple de ne pas le réduire, je ne puis, évidemment que m’en rapporter à vous, quelque contradiction qu’il y ait entre l’exposition d’un programme et le refus de l’appliquer. J’aurais voulu, tout au moins, que l’on pût faire sauter le paragraphe sur le musée d’Adana, pour le cas où nous le déménagerions.
J’en ai reparlé hier précisément au général Gouraud, la ville étant, depuis deux ou trois jours, dégagée. Il est, en effet, d’avis de ne laisser là-bas que les choses sans intérêt. En réalité, c’est la grande majorité. Le colonel Normand, a accumulé les fragments informes, les chapiteaux grossiers banals, les sculptures médiocres. Mais, il valait mieux ne pas le décourager, car dans cette masse pouvaient se rencontrer quelques pièces de valeurs. Les plus intéressantes sont d’un tel poids que je ne sais si, dans l’état actuel des communications possibles, on pourra les enlever. J’irai prochainement voit ce qui peut être fait. Je dois auparavant aller à Damas, où je porterai à Kurd Ali, devenu, dans le ministère formé in extremis par Fayçal et conservé par nous, ministre de l’Instruction publique, la réponse de l’Académie à l’académie arabe. Cette réponse avait été retenue jusqu’ici, pour éviter l’abus qu’on en aurait pu faire.
J’ignore les projets du colonel Normand, auxquels vous faites allusion. J’étais absent lors de son passage à Beyrouth et ne l’ai pas vu. On m’a simplement avisé qu’il faisait expédier au Louvre une statue, que je n’ai pas vue davantage, et que je souhaite digne du Musée.
Je serais très heureux si les renseignements que j’ai envoyés à M. Girard, à la suite de mon voyage à Jérusalem pouvaient aider à dissiper un malentendu. Je lui ai résumé de mon mieux la thèse du P. Lagrange et les conversations avec M. Garstang. Puissent ces renseignements être pour vous d’utiles éléments d’appréciation.
Croyez, je vous prie, Monsieur et cher maître, mes sentiments très respectueusement et sincèrement dévoués.
Signature
P.S. Me permettriez-vous de vous demander, pour notre bibliothèque, les tirages à part dont vous pourriez disposer en sa faveur ?
Beyrouth le 3 septembre 1920
Monsieur et cher maître,
Le général m’a fait envoyer votre lettre relative aux monuments du musée d’Adana que vous souhaitez faire venir au Louvre. J’ai aussitôt écrit, suivant l’instruction jointe à la lettre, au général Duffieux, pour lui transmettre votre désir et lui demander s’il pense qu’on puisse le réaliser prochainement. Je crains bien qu’il ne faille encore attendre. Adana, débloquée un jour, est cernée de nouveau dès que la colonne y est rentrée. La voie est toujours impraticable, la ligne étant coupée. Aussi, non seulement doit-on manquer du personnel nécessaire pour s’occuper de charger ces énormes pièces, mais aussi de moyen de transport jusqu’à Mersina. Il est entendu que, aussitôt parvenue la réponse du général Duffieux, s’il juge le transport possible, M. Prost, un des deux inspecteurs de notre Service, ira à Adana s’occuper du choix.
Je ne sais si le colonel Normand vous a montré la photographie des pièces en question. Elles sont loin d’être de premier ordre. Il se fait beaucoup d’illusions sur la valeur de tout ce qu’il a rassemblé. La seule pièce qui ait quelque intérêt est une tête de lion, malheureusement détachée de l’ensemble. Quant à l’« hermaphrodite », c’est un bas-relief tout à fait informe.
Comme on devait me remettre les photographies de toutes ces pièces, je n’en ai pas pris moi-même à Adana. Voici toutefois une photographie où vous trouverez réunis les fragments hittites. Le grand sarcophage n’est pas celui qui est indiqué sur la liste Normand. Mais celui-ci est tout à fait du même ordre. Spécimen bien conservé, d’un art tardif et assez grossier.
Dussaud a dû vous dire que le général Gouraud a accepté M. Virolleaud et télégraphié dans ce sens à Paris. Je ne sais ce qu’il est, depuis, advenu de l’affaire. Elle doit suivre son cours. Je suis très heureux d’une désignation dont l’initiative vient de vous, ce qui a écarté le danger d’une de ces interventions d’ami personnel auxquelles on est trop tenté ici de faire un accueil favorable. Et je suis persuadé que ce changement tournera au mieux du Service. Je me serais, tôt ou tard, trouvé paralysé par mon incompétence en matière d’antiquités orientales. Elle aurait pu m’entraîner à des erreurs. Et si l’on donne suite au projet anglais d’instituer auprès de chaque Direction des Antiquités, en pays de mandat, une sorte de conseil interallié de trois membres, j’aurais été fort gêné en présence des spécialistes que l’Angleterre, les Etats Unis et, il le faudra bien, la France, ne manqueront pas de déléguer ici. Je préfère me retirer à temps. M. Virolleaud pourra ainsi bien asseoir sa situation avant que cet aréopage ne soit constitué.
J’envoie à Dussaud un exemplaire du rapport de mission que j’ai remis au général, et que j’ai surtout rédigé pour mon successeur. Dussaud vous le remettra. Peut-être penserez-vous qu’il est correct de mettre la Commission de Syrie-Palestine de l’Académie brièvement au courant de ce qui a été fait ici pendant ces quelques mois, puisqu’elle a été précisément nommée pour suivre le travail des missions françaises.
Veuillez agréer, Monsieur et cher maître, l’expression de mes sentiments respectueux et dévoués.
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