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Nécrologies

Michèle Casanova (Nice, 23 octobre 1960 – Versailles, 22 décembre 2020)

Philippe Abrahami, Catherine Breniquet, Suzanne Dibo, Brigitte Lion, Catherine Marro, Cécile Michel et Régis Vallet
p. 449-452

Texte intégral

Michèle Casanova et sa fille, Alexandra, en 2011

Michèle Casanova et sa fille, Alexandra, en 2011

© A. Gosse

1Michèle Casanova s’est éteinte le 22 décembre 2020, victime de la COVID-19, après un mois d’hospitalisation. La nouvelle de sa disparition a frappé de stupeur et de tristesse la communauté des orientalistes.

  • 1 Casanova 1991, 2013.

2Spécialiste reconnue de l’artisanat des pierres dures, albâtre et lapis-lazuli, auxquelles elle avait consacré maîtrise et doctorat, réalisés sous la direction de Jean-Louis Huot à l’université de Paris I 1, Michèle Casanova était une enseignante engagée et une femme de terrain.

3Née à Nice le 23 octobre 1960 dans un milieu d’enseignants et de chercheurs, elle s’est tournée très tôt vers la voie de l’enseignement, parallèlement à des études d’histoire et d’archéologie menées à l’université de Paris I. Titulaire en 1985 du CAPES d’histoire-géographie, elle a effectué une part importante de sa carrière en collège et en lycée. Élue maîtresse de conférences à l’université de Rennes 2 en 2000, puis professeure des universités à l’université Lumière-Lyon 2 en 2012, elle enseignait l’histoire de l’art et l’archéologie de l’Orient ancien, à tous les niveaux de formation. Nommée à Sorbonne Université en 2020, elle eut à peine le temps de prendre ses nouvelles fonctions. De son parcours académique, on retiendra sa grande disponibilité vis-à-vis des étudiants, mais aussi son implication dans toutes les instances universitaires : mise en place de formations pluridisciplinaires, membre élue de la commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU), de la commission recherche, du conseil académique, et responsable de la mention « mondes anciens » au sein de l’école doctorale 483 Sciences sociales de l’université Lumière-Lyon 2. Impliquée dans la lutte contre le trafic de biens culturels, elle était associée au groupe POLAR (« POLiciers et ARchéologues contre le trafic de biens culturels ») et sensibilisait grand public et étudiants sur les questions de spoliation par des cycles de conférences. Engagée personnellement dans des programmes humanitaires, elle menait des actions pour venir en aide aux scientifiques et étudiants étrangers, bien au-delà de ce que ses fonctions exigeaient.

  • 2 Casanova 2008.
  • 3 Casanova 2009, 2012, 2014a.
  • 4 Casanova 2019, 2020.
  • 5 Casanova et Feldman 2014b ; Meyer et al. 2019.

4Tout au long de sa carrière, Michèle Casanova s’est forgé une solide réputation de spécialiste des objets de prestige dans l’Orient ancien, de leur production et de leur circulation, sur quatre millénaires, du Chalcolithique à l’âge du Fer. Ce thème fut la matière de son habilitation, soutenue en 2009, sous la direction de Serge Cleuziou. Elle ne cessa d’exploiter des thématiques variées au croisement de ses premiers centres d’intérêt comme les cosmétiques et les parfums, dans le cadre d’un GIS dédié 2, les objets de prestige du cimetière royal d’Ur3 ou la question de la naissance du commerce et d’une économie de marché 4. Plusieurs colloques internationaux témoignent de la vitalité de ces approches 5. Elle resta fidèle à son établissement et à son équipe de recherche d’origine, Du village à l’État au Proche et Moyen-Orient, au sein du laboratoire Archéologies et sciences de l’Antiquité (ArScAn, UMR 7041) à Nanterre. Elle rejoignit ensuite l’UMR 5133 Archéorient, à Lyon. Elle venait tout juste d’intégrer l’UMR 8167 Orient & Méditerranée, à Paris. Michèle a été membre des conseils de laboratoire de toutes ses unités de rattachement successives et, au niveau national, membre élue de la section 31 du Comité national du CNRS (2008-2012), membre du comité de l’Archéologie du CNRS, membre élue (en 2019) de la section 21 du CNU, pour n’évoquer que ses responsabilités les plus saillantes.

5Archéologue de terrain, Michèle Casanova s’était formée dès 1975 sur les chantiers français, en Corse, son île, à Renaghju et Tizzano, avec J. Liégeois. En 2014, elle était retournée y faire des fouilles, à Capu di Luogo, avec F. Léandri. Passée par la plupart des grands chantiers-écoles au cours de ses années universitaires (vallée de l’Aisne, Étiolles, Lattes…), elle devint en 1990 un membre actif de l’équipe dirigée par R. Besenval à Sarazm au Tadjikistan, avant de prendre en 1999 la codirection de la mission, aux côtés de A. Razzakov. En 2005, elle réussit à rouvrir un chantier à Shahr-i Sokhta en Iran, avec M. Sajjadi, dans le cadre de l’ANR Sophocle. Elle dégagea une partie du Quartier des artisans et de l’enceinte de ce site majeur de l’âge du Bronze. Les circonstances internationales l’amenèrent toutefois à changer de terrain et à porter son intérêt vers le nord de l’Iran et le Caucase du Sud, élaborant avec H. Nobari, en 2009, un projet d’étude sur la transition Bronze/Fer et les débuts de l’âge du Fer dans la vallée de l’Araxe, en Azerbaïdjan iranien, autour des nécropoles de Khoda Afarin. La dégradation de la situation internationale l’obligea à nouveau, en 2011, à fermer prématurément le programme. Jamais découragée, elle s’était alors tournée vers l’Azerbaïdjan pour relancer avec A. Alekberov l’exploration de la vallée du Lenkoran en 2012. Celle-ci devait documenter l’occupation de la région durant la transition entre l’âge du Bronze et le début de l’âge du Fer, afin d’illustrer les interactions culturelles entre les pays du Caucase, l’Iran et l’Anatolie. Elle visait également à mieux connaître les pratiques funéraires et découvrir l’habitat de cette période, encore inconnu dans cette région.

  • 6 Casanova et al. 2016 ; Casanova, Alakbarov et Haze à paraître.

6Parmi ses résultats les plus remarquables, on citera la découverte, dans la nécropole de Monidigah I, de tombes en ciste renfermant un riche mobilier dont une épée aux décors incisés inédits, ainsi qu’une stèle gravée, représentant un guerrier 6. En 2017, le programme « Lenkoran » avait constitué le socle d’un accord de coopération scientifique franco-azerbaïdjanais, entre l’université Lumière-Lyon 2 et l’université Khazar. Cette intégration remarquable était facilitée par la pratique courante du persan et du russe que Michèle avait acquise dès sa formation universitaire. Cette mission de terrain était couplée à un programme d’étude et de publication des collections issues des anciennes fouilles de J. de Morgan, conservées au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, avec C. Lorre. Ce partenariat original prenait la suite d’une série de collaborations engagées de longue date avec les musées français, comme le Louvre, ou azerbaïdjanais, pour des expositions et des catalogues.

7Les multiples hommages suscités par sa disparition témoignent de l'estime qu’étudiants et collègues lui portaient. Attachante, généreuse et fidèle en amitié, Michèle Casanova avait une personnalité droite et entière. Sa vie n’était pas constituée de centres d’intérêt cloisonnés. S’y mêlaient volontiers son amour immense pour ses parents, Maryse et Antoine, et pour sa fille Alexandra, sa passion communicative pour son métier, et ses combats de femme libre. La cruauté de sa disparition n’a d’égale que le respect que nous portons à sa mémoire.

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Bibliographie

Casanova 1991
M. Casanova, La vaisselle d’albâtre de Mésopotamie, d’Iran et d’Asie centrale aux IIIe et IImillénaires av. J.-C., Paris, Recherches sur les civilisations.

Casanova 2008
M. Casanova, « Vases à parfums et boîtes à fard du Proche-Orient ancien, de l’Asie centrale à la Méditerranée orientale, IVe-IIe millénaire av. J.-C. », dans L. Bodiou, D. Frère et V. Mehl, (éd.), Parfums et odeurs dans l’Antiquité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 167-178.

Casanova 2009
M. Casanova, « La symbolique des matériaux précieux dans le Cimetière royal d’Ur », dans X. Faivre, B. Lion et C. Michel (éd.), Et il y eut un esprit dans l’Homme. Jean Bottéro et la Mésopotamie (Travaux de la Maison René-Ginouvès), Paris, De Boccard, p. 291-306.

Casanova 2012
M. Casanova, « Le lapis-lazuli à Ur (Irak), Parures, artisanat et hiérarchie sociale dans le Cimetière royal », dans G. Gernez et J. Giraud (éd.), Hommage à Serge Cleuziou (Travaux de la Maison René Ginouvès), Paris, De Boccard, p. 159-173.

Casanova 2013
M. Casanova, Le lapis-lazuli dans l’Orient ancien. Production et circulation, du Néolithique au IIe millénaire av. J.-C. (Documents préhistoriques 27), Paris, CTHS.

Casanova 2014a
M. Casanova, « Luxuries of precious materials, the Royal Cemetery of Ur (Iraq) and the lapis lazuli, witnesses of intercultural relations in the Near East », dans M. Casanova et M. Feldman (éd.), Les produits de luxe au Proche-Orient ancien aux âges du Bronze et du Fer (Travaux de la Maison René-Ginouvès 19), Paris, De Boccard, p. 31-34.

Casanova 2014b
M. Casanova, « Les vases de prestige en pierre tendre au Proche-Orient ancien, IVe-IIe millénaires av. J.-C., typologie, fonction, fabrication, circulation », dans M. Casanova et M. Feldman (éd.), Les produits de luxe au Proche-Orient ancien aux âges du Bronze et du Fer (Travaux de la Maison René-Ginouvès 19), Paris, De Boccard, p. 97-109.

Casanova et al. 2015
M. Casanova, G. Pierrat-Bonnefois, P. Quenet, V. Danrey, D. Lacambre, « Lapis lazuli in the Tôd treasure: A new investigation », dans P. Kousoulis et N. Lazaridis (éd.), Proceedings of the Tenth International Congress of Egyptologists, University of the Aegean, Rhodes, 22-29 May 2008, Vol. II (Orientalia Lovaniensia Analecta 241), Louvain, Peeters, p. 1619-1640.

Casanova et al. 2016
M. Casanova, C. Lorre, A. Alakbarov, H. Fahimi, M. Sauvage, M.-A. Vella, « The necropolises of Azerbaijan during the Bronze and Iron Ages in the Lenkoran and the Lerik areas (NABIALLA project, Azerbaijan): Preliminary report of the 2012-2013 campaigns », Quaternary International 395, p. 1-14.

Casanova 2019
M. Casanova, « Exchanges and trade during the Bronze Age in Iran », dans J.-W. Meyer, E. Vila, M. Mashkour, M. Casanova et R. Vallet (éd.), The Iranian Plateau During the Bronze Age. Development of Urbanisation, Production and Trade (Archéologie[s] 1), Lyon, MOM éditions, p. 301-311.

Casanova 2020
M. Casanova, « Prestige objects in soft and fine stone in the ancient Near East: Manufacture, function, distribution, value », dans S. Alibaigi, R. Miri et H. Pittman (éd.), Sepehr Majd: Essays on the Archaeology of Iranian World and Beyond in Honor of Dr. Yousef Madjidzadeh, Téhéran, p. 71-89.

Casanova, Alakbarov et Haze à paraître
M. Casanova, A. Alakbarov, M. Haze, « The necropolises during the Bronze and Iron Ages in the Lerik province (Azerbaijan) », dans C. Lorre, R. Vallet, M. Mashkour et J. Bendezu-Sarmiento (éd.), Caspian Sea Shores: Contacts, Spaces and Territories along the Caspian Sea during the Bronze and Iron Ages, Oxford, Archeopress.

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Notes

1 Casanova 1991, 2013.

2 Casanova 2008.

3 Casanova 2009, 2012, 2014a.

4 Casanova 2019, 2020.

5 Casanova et Feldman 2014b ; Meyer et al. 2019.

6 Casanova et al. 2016 ; Casanova, Alakbarov et Haze à paraître.

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Table des illustrations

Titre Michèle Casanova et sa fille, Alexandra, en 2011
Crédits © A. Gosse
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/docannexe/image/13689/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 53k
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Pour citer cet article

Référence papier

Philippe Abrahami, Catherine Breniquet, Suzanne Dibo, Brigitte Lion, Catherine Marro, Cécile Michel et Régis Vallet, « Michèle Casanova (Nice, 23 octobre 1960 – Versailles, 22 décembre 2020) »Syria, 98 | 2021, 449-452.

Référence électronique

Philippe Abrahami, Catherine Breniquet, Suzanne Dibo, Brigitte Lion, Catherine Marro, Cécile Michel et Régis Vallet, « Michèle Casanova (Nice, 23 octobre 1960 – Versailles, 22 décembre 2020) »Syria [En ligne], 98 | 2021, mis en ligne le 29 août 2022, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/13689 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.13689

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Auteurs

Philippe Abrahami

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