Marie-Patricia Raynaud, Corpus of the Mosaics of Turquey, I, Lycia, Xanthos, part 1, The East Basilica
Marie-Patricia Raynaud, Corpus of the Mosaics of Turquey, I, Lycia, Xanthos, part 1, The East Basilica, Uludağ University Press/Ege Yayınları, Istanbul, 2009, 24 x 32 cm, 185 p., 183 ill., 3 pl. dépl. ISBN : 978-9-7561-4950-8.
Texte intégral
1La Turquie est riche en pavements de mosaïques d’époque antique, parmi les plus fameux on compte les sols ornés du « grand palais » de Constantinople, ceux des maisons d’Antioche et récemment ceux de Zeugma et d’Édesse, mais elle recèle également des trésors de décors pariétaux de la période médiévale, en particulier ceux de l’ancienne capitale. Les multiples décors de sol retrouvés dans les maisons ou les églises d’époques romaine ou protobyzantine, dont la découverte et l’étude étaient régulièrement annoncées dans les publications étrangères ou turques, n’avaient jamais fait l’objet d’un catalogue. Après une initiative avortée en 2004, un groupe de travail international s’est créé en 2005 à l’initiative de la section turque de l’AIEMA (Association Internationale pour l’Étude de la Mosaïque Antique), afin de poser les bases d’un corpus des mosaïques de Turquie. On ne peut que saluer cette idée et adhérer à ce projet ambitieux qui viendra combler un vide et rendra justice aux multiples découvertes des sites d’Asie Mineure. Outre M. Sahin, initiateur du projet et directeur du département archéologique de l’Université Uludag de Bursa, il faut citer son co-fondateur, D. Parrish, professeur à Purdue University à W. Lafayette (Indiana), à qui l’on doit l’obtention de l’aide matérielle par la Getty Foundation à la publication du corpus. Le centre international de ce projet de la section turque de l’AIEMA a été établi à Bursa. Un certain nombre de règles a été édicté, comme celle de diviser la Turquie en 18 régions ; l’une d’entre elles, la Lycie, inaugure cette entreprise. Pour une région richement dotée en décors mosaïqués, plusieurs volumes pourront être dédiés, ce qui sera le cas de Xanthos en Lycie.
2Le présent ouvrage inaugure donc cette série attendue consacrée aux mosaïques de Turquie et s’intéresse à l’un des monuments protobyzantins du site de Xanthos, la basilique Est et son baptistère, une construction qui a été largement fouillée dans les années récentes par J.-P. Sodini et qui pourrait être la cathédrale de la ville. Il revenait à M.-P. Raynaud, dessinatrice, archéologue et ingénieur de recherche au Collège de France à Paris, dotée d’une large expérience de terrain en Asie Mineure, en Afrique du Nord, Albanie et Serbie, qui a procédé au relevé de tous les pavements de cette église de Xanthos, d’en présenter ici l’analyse et l’étude des décors de mosaïques et de marbres colorés des sols.
3L’ouvrage est paru de façon appropriée au moment où s’est tenu, en octobre 2009 à Bursa en Turquie, un symposium international sur les mosaïques.
4Après quelques phrases de présentation et de remerciements en français de J.-P. Sodini et de l’auteur M.-P. Raynaud, une préface en anglais et en turc des deux fondateurs du projet de corpus, M. Sahin et D. Parrish, établit un bref historique du projet et présente ce premier volume.
5L’ouvrage s’organise en cinq chapitres : i‑ l’introduction (p. 17-25), ii- le catalogue (p. 29‑128), iii- la synthèse des pavements (p. 129-146), iv- le résumé en turc de cette synthèse (p. 147-160), v- des addenda (p. 167-185). Ces addenda comprennent une bibliographie et les abréviations utilisées (p. 168-175), le tableau de densité des tesselles (p. 176), la fiche type du corpus des mosaïques (p. 177), un tableau des sites indexés (p. 178-181) et la liste des illustrations (p. 183-184). Entre les chap. iv et v sont placés des plans dépliants qui représentent les différentes phases et périodes du complexe. Le livre est en outre abondamment illustré de cartes en couleurs, de plans, de gravures, de photographies et de dessins.
6L’introduction regroupe deux textes de spécialistes de la Lycie. Le premier texte de J.‑P. Sodini intitulé : « La Lycie byzantine » fait le point sur la géographie historique, l’organisation politique et religieuse et les divers épisodes historiques depuis l’Antiquité tardive jusqu’à la fin du xiie s., s’attardant sur les plans des premières églises, souvent inspirés de ceux de la capitale ainsi que sur les décors et la provenance des matériaux. J.-P. Sodini rappelle qu’après des désastres naturels et des guerres contre les Sassanides et les Arabes, la Lycie resta aux mains de Byzance, sans voir cesser les pèlerinages. Toutefois c’est dans la seconde moitié du xe s. que la prospérité revint, suite à une reprise en main de la région par les autorités byzantines avec de nouveaux épisodes de constructions et d’embellissements, dont une nouvelle phase de réaménagements dans la basilique Est de Xanthos et son baptistère. Cette belle synthèse permet de replacer la construction du monument qui nous occupe et ses multiples phases et aménagements dans l’histoire plus vaste de la région.
7Le deuxième texte est de la main de J. des Courtils, actuel responsable de la mission française de Xanthos-Letôon, qui traite de « la redécouverte de Xanthos ». Il s’agit d’un historique des fouilles depuis le xviiie s. jusqu’aux recherches actuelles, en particulier les vestiges protobyzantins. On aurait aimé un historique plus étoffé et surtout une description des vestiges plus nourrie, le tout accompagné d’un plan plus lisible (p. 16) du site détaillant par exemple les différentes périodes : romaine, protobyzantine, médiobyzantine avec leurs monuments, que l’auteur réserve sans doute pour les volumes à venir.
8Après cette introduction arrive l’essentiel de l’ouvrage : la description et l’étude des pavements par M.-P. Raynaud (l’A.), la partie la plus conséquente et la plus intéressante, qui donne toute sa valeur à l’ouvrage. Le catalogue des pavements (p. 29-127) détaille les décors des bâtiments, en procédant chronologiquement depuis les vestiges d’un premier monument romain précédant l’église, se poursuivant par la description du complexe basilical d’époque protobyzantine, en partant de l’atrium vers le narthex, les nefs, l’abside et se terminant par le baptistère. Les restaurations et réfections des phases suivantes, y compris les phases médiévales, sont étudiées et la description s’achève par la phase de destruction du monument.
9Dans ce catalogue remarquablement bien présenté, l’A. avance pas à pas dans ses descriptions très précises, les accompagnant de photographies et de schémas d’une grande clarté qui sont une aide très appréciable. L’idée de situer dans l’espace la zone de pavement traitée, sur une petite vignette représentant l’église, permet de suivre efficacement la progression dans le monument. La numérotation des panneaux traités sur un dessin, dont la représentation photographique suit, est d’une grande lisibilité. Pour chaque panneau ou motif examiné, des comparaisons sont proposées.
10L’A. note que le bâtiment dans son ensemble rappelle, dans bien des parties, l’église de Saint-Jean-Stoudios à Constantinople ; dans les détails d’architecture et la forme générale, toutefois, les décors de sol sont d’une beaucoup plus grande complexité, révélant le travail de plusieurs équipes œuvrant soit en même temps, soit pour restaurer des larges parties détériorées après un séisme. Ces décors de sol sont de deux ordres : mosaïques et dallages de calcaire et de marbre. Les mosaïques, au premier abord, paraissent plus géométriques que figurées, bien que la présence de feuillages, de fruits habilement insérés et de quelques panneaux particuliers se détache. L’étude commence par le pavement mosaïqué de l’atrium, dont seul un tapis adopte un motif figuré. Parmi les panneaux géométriques qui présentent des schémas connus ou répertoriés, l’A. fournit un certain nombre de références comparatives, qui permettent de réaliser que ces motifs circulaient dans une grande partie du monde romain oriental (Syrie, Jordanie, Grèce), mais aussi en Occident — p. 45 — (Gaule, Espagne, Afrique du Nord, Italie). On aurait aimé quelques références comparatives à propos d’un des décors de l’atrium, celui du panneau 2-6, trop connu aux dires de l’A. (bien qu’elle renvoie au Décor I, pl. 220, pour la description ; ici, p. 43). Concernant ce décor de l’atrium, où deux équipes travaillaient conjointement, l’A. reconnaît une influence syrienne qui se manifeste différemment selon les équipes. Dans les tapis successifs, l’horreur du vide est notable, ainsi que le fractionnement en petites unités et la fréquence des bordures. En outre, les deux équipes utilisent à profusion le style « arc-en-ciel » très apprécié dans la sphère syrienne. La cour de l’atrium, qui était couverte de carreaux de calcaire en partie disparus, apporte des informations sur les supports. Ici un arrangement de briques disposées en ligne est présent sous le mortier, une technique unique dans l’église pour la pose de plaques (p. 52), qui paraît être une innovation reprise, peut-être, en support de mosaïques dans la partie sud du narthex.
11L’examen du décor du narthex, dans son compartiment sud (p. 58), révèle des informations intéressantes : la présence de mosaïques en pâte de verre, ce qui est unique dans toute l’église, comme l’utilisation de tesselles plus petites qu’ailleurs pour représenter les fruits et les feuilles. De même le lit de pose apparaît différent des habitudes normales et la trace d’un dessin préparatoire est décelable. Le tout révèle l’ouvrage d’un nouvel atelier assez singulier.
12Le reste du narthex en opus sectile réalisé de façon originale et inventive, mélangeant pierres colorées et marbres habilement agencés, présente des points de comparaisons avec des modèles connus pendant tout le vie s. au Proche-Orient, utilisés ensuite à Chypre, en Grèce, en Asie Mineure et dans les Balkans.
13Après ces étonnants pavements de l’atrium et du narthex, l’A. décrit les nefs latérales de l’église qui ont été plus abîmées et refaites, mais présentent également des particularités. À l’ouest du bas-côté nord, une scène figurée à caractère symbolique évident représentant deux cerfs buvant dans un cratère, (p. 68), conduit vers le baptistère qui se trouve au bout du collatéral. Cette scène n’est pas très adroite et contraste avec la virtuosité des dessins géométriques en trompe l’œil décorant le reste du bas-côté, reprenant d’ailleurs des motifs de l’atrium nord. Le bas-côté sud présente plus de phases et de multiples restaurations ; des traces de dessins préparatoires, à la fois complexes et rares, y ont été notées (p. 75). C’est grâce à l’étude de ce bas-côté sud, bouleversé mais riche en phases et informations diverses sur les mortiers, les tapis multiples et les remplois constatés, que la chronologie du bâtiment pour la période protobyzantine a pu être proposée (p. 76).
14La description des pavements de la nef centrale apporte aussi des compléments variés sur les phases de constructions du monument et sur la chronologie. L’A. tire de ses observations que les deux pavements successifs de cette partie, mêlant parfois mosaïques, plaques de pierres et fragments de sectile, ont pu être posés dans une période d’un siècle et demi entre le ve et la fin du vie s. (p. 87), et la zone devint un cimetière après l’effondrement du toit au début du viie s. Des restes de deux ambons et les fragments d’un troisième en marbre ont été complètement détruits par l’installation de ces tombes.
15Malgré les destructions et les remplois dans la nef, l’A., en analysant chaque motif restitué ainsi que les empreintes laissées par les plaques, est parvenue à proposer une division tripartite de la nef dans sa première phase, suggérant des circulations et mettant l’accent sur la liturgie. Cette division tripartite est reprise dans la seconde phase, juxtaposant plusieurs panneaux composant une grille agrémentée de dessins figurés comme des vases et des couronnes. Le goût particulièrement inventif des dessins et des motifs de remplissage, la grande unité esthétique sont remarquables, traduisant selon l’A. le travail unitaire d’une nouvelle équipe (p. 105). Les parallèles les plus proches pour l’organisation générale semblent venir d’Asie Mineure et de Grèce.
16Le décor du sanctuaire connut deux phases, consistant pour la première en une division en quatre sections décorées de plaques de marbre, disposées en jouant sur les formes et les matériaux, bien que seule l’empreinte des fragments soit visible, de façon à créer un mouvement de circulation allant vers l’abside (p. 107).
17Toute la partie qui concerne le baptistère, depuis l’accès et son corridor au baptistère lui-même avec sa voûte en cul-de-four à mosaïques pariétales et les salles annexes nord et sud, témoigne de nombreuses évolutions et parallèles pour cette période protobyzantine. La pièce sud en particulier (p. 117) présente une mosaïque à bordure figurée, tandis que le champ central formé de cercles et carrés est animé de nombreux animaux, motifs floraux et objets (vases), motifs qui ont des parallèles en Grèce et en Asie Mineure. Ce goût pour la complexité et les motifs élaborés, qui a des liens avec le pavement de la nef centrale, suit une évolution similaire à celle que l’on connaît dans les pavements de mosaïque de Syrie (p. 119).
18M.-P. Raynaud entreprend ensuite (p. 120) l’étude de l’église médiobyzantine — et de ses annexes — qui s’est installée probablement au début du xie s., suivant l’évolution historique de la Lycie byzantine, réutilisant certaines parties les mieux conservées, dont le baptistère (plan 137, p. 120). L’A. fait bien la différence entre les remplois de marbre et les nouveaux carreaux, plus petits, et le mortier utilisé, plus léger. Elle note que les plaques décorant la nef, si elles sont influencées par les motifs précédents, ont perdu en qualité : dessins préparatoires et effets décoratif sont absents (p. 127).
19Il semble qu’après la bataille de Mantzikert, les Turcs aient occupé cette région de Xanthos qui vit des raids de pirates accentuer sa désertion et favorisa la fuite des moines, mais c’est seulement après une réoccupation nomade et un incendie advenu à la fin du xiie ou au plus tard au xiiie s. que se termine l’histoire du complexe ecclésial.
20Après ce long développement du catalogue, une synthèse des pavements est proposée (p. 129-146). Cette partie est d’un très grand intérêt, non seulement dans l’histoire des pavements mais aussi à propos du site, dont on attend avec impatience les publications détaillées, comme l’étude de l’architecture de la basilique Est par J.-P. Sodini, qui présentera peut-être des plans et une étude des autres basiliques du site dont la fouille reste à faire. L’A. propose des parallèles avec les sols d’autres monuments civils de Xanthos, de même époque, qu’ils soient en mosaïque ou en marbre découpé.
21Les conclusions qui se rapportent à l’opus sectile protobyzantin de la basilique Est soulignent l’originalité des bordures géométriques que l’on ne retrouve ni à Xanthos, ni au Letôon. La création d’un pavement mixte qui mélange de l’opus sectile et des panneaux petits et grands est aussi à remarquer (p. 131). Les sols de l’église médiobyzantine reflètent bien les goûts d’une époque qui aime les pavements entrelacés mélangeant plusieurs motifs que l’on retrouve dans d’autres monuments d’Asie Mineure comme à Saint-Nicolas de Myra.
22Ce chapitre de synthèse se poursuit par un long développement sur les différents ateliers qui ont œuvré dans ce complexe, divisé en deux parties : 1- combien d’ateliers et quelles en sont les caractéristiques, 2- quels répertoires sont utilisés et quelles influences trouve-t-on le plus souvent. Dans la première partie, l’A. essaye de déterminer quels ont été les ateliers les plus anciens, ici, l’atelier A qui a posé les premières mosaïques dans l’atrium nord lors de la première phase. Les autres ateliers semblent avoir été influencés par les motifs, schémas, iconographie et effets du premier, ce qui rend difficile la chronologie exacte, mais n’empêche pas de mettre en valeur des différences évidentes entre les équipes. L’A. a cherché à déterminer quelles étaient les caractéristiques, les originalités, les inventions de chaque équipe, en matière de motifs, de technique de support, de matériaux utilisés ; elle a pu définir cinq ateliers, entre la première et la deuxième phase, dont trois — A, B et C — travaillant simultanément lors de la première phase (pl. 152, p. 131). Au sujet de l’atelier E, qui a œuvré dans le compartiment sud du narthex (pl. 158, p. 135), elle formule une intéressante hypothèse à partir des caractéristiques notées, par exemple la présence de mosaïque de verre, la densité des tesselles, le dessin préparatoire et le support soigné qui le différencient et lui font suspecter d’y voir à l’œuvre l’équipe qui a décoré la voûte du baptistère (p. 136). L’utilisation d’un support de briques placées verticalement sous les mosaïques pourrait être une solution pour parer aux secousses telluriques, car ce support garde une certaine souplesse (p. 136) ; l’A. s’appuie sur des exemples similaires rencontrés en Albanie, à Byllis (église Est) et à Vrina près de Butrint (pour contrer l’humidité du sol, dans ce cas). Mais cette technique, assez rarement utilisée et qui ne se retrouve qu’à cet endroit précis dans l’église, pourrait aussi révéler un manque de familiarité avec les décors de sol en mosaïque, pour cette équipe précise. Enfin, la manière très picturale des motifs utilisés, le réalisme et les effets illusionnistes manifestes, semblent aller dans le sens d’une équipe E plus habituée aux décors pariétaux qu’aux représentations musives des sols. L’A. se pose de nombreuses questions à propos de ce singulier pavement, le seul attribuable à l’atelier E. Était-il le seul sol ayant nécessité une réfection et pour quelles raisons, pourquoi tant de soins ont-ils été prodigués à ce décor ? Ces questions restent sans réponse en l’absence d’éventuels nouveaux sondages (p. 137).
23La seconde partie fait le point sur les répertoires utilisés et les influences manifestées (p. 137-138). Il s’avère que la plupart des motifs sont communs au monde romain et s’insèrent dans les dominantes de l’époque. Le style « arc-en-ciel », très populaire aux ive et ve s., très fréquent en Syrie du Nord, à Antioche et Apamée, continue d’avoir la faveur des équipes œuvrant pendant les deux premières phases. Cette influence de Syrie du Nord se retrouve avec plus ou moins de force dans les motifs des ateliers A, B et D, mais c’est l’atelier D (qui travaillait dans l’atrium Sud) qui en a subi le plus l’ascendant. Outre cette empreinte des motifs et styles de Syrie, les îles grecques ont aussi joué un rôle dans le goût pour la symétrie, les espaces homogènes. L’atelier C a particulièrement été influencé par ce style, où la ligne semble privilégiée et où le poids de l’Égée paraît plus fort que celui du Proche-Orient. Selon l’A., des motifs venant d’Occident (Afrique du Nord, Espagne, Gaule) seraient caractéristiques de l’atelier E, qui décora le compartiment sud du narthex. On en conclut que ces multiples influences dans le répertoire des sols de cette église reflètent bien les échanges culturels qui avaient lieu entre les diverses parties du monde romain.
24M.-P. Raynaud revient ensuite sur un motif particulier, assez remarquable, qui apparaît trois fois dans cette église, le motif en croix de U, et en retrace l’origine en Syrie, son développement en Turquie et en Grèce et discute du sens que l’on peut lui attribuer, décoratif comme symbolique (p. 140). Enfin, une dernière question attire l’attention de l’A. : le choix de certains motifs ou agencements est-il en lien avec la liturgie ? Elle avance que plusieurs décors, en fonction de leur emplacement précis, font en effet partie d’un programme ambitieux qui donne de l’importance à certains espaces et qui privilégie certaines circulations.
25Une partie est alors consacrée aux effets décoratifs générés par la polychromie des pavements, puis s’attarde plus longuement sur la technique utilisée pour la pose, qui lui a permis de faire la distinction des divers ateliers et des différentes phases, en fonction des mortiers, des supports, des couleurs et des matériaux. Quelques motifs singuliers pourraient même représenter la « signature » d’un artiste ou d’une équipe (p. 142).
26Avant d’en venir à un essai de chronologie du bâtiment, l’A. rappelle des différentes étapes et les apports du programme récent de restauration. La chronologie du complexe (p. 144) ne repose ni sur des inscriptions, ni sur des monnaies ou des textes de l’époque. C’est l’étude du bâti, des phases de reconstruction consécutives à des séismes qui sont répertoriés dans cette région, aidée de l’examen des sols qui a permis à l’auteur de donner quelques fourchettes de dates. L’église protobyzantine aurait fait l’objet de deux périodes de construction et reconstruction, proches dans le temps et séparées par un séisme important. Ces périodes se situeraient entre le milieu du ve s. et la seconde moitié du vie s. Ces propositions sont étayées par plusieurs constats : les remplois de certains matériaux, les changements d’équipes, la copie de certains motifs. Un nouveau séisme semble être intervenu dans la seconde moitié du vie ou au début du viie s., rendant l’église inutilisable pour le culte, avant qu’un petit sanctuaire ne vienne s’établir au xie s. dans les ruines de l’ancien baptistère.
27En guise de conclusion, l’A. mesure l’importance de ce chantier de la basilique de Xanthos à l’époque protobyzantine et le rôle qu’ont dû jouer les commanditaires dans l’élaboration d’un ambitieux et vaste programme décoratif des sols de l’atrium, du narthex, de l’église et du baptistère. La multiplication des équipes et les influences croisées témoignent du statut sans doute élevé de ce complexe, qui était probablement la cathédrale. L’A. s’attarde plus particulièrement sur la question des ateliers de mosaïstes, dont la provenance locale ou itinérante et étrangère reste en question.
28Après la traduction turque de la synthèse, sont présentés des addenda.
29Dans ce premier ouvrage du Corpus des mosaïques de Turquie, d’une indéniable réussite, une question n’est pas éclaircie : la raison pour laquelle le livre a été rédigé en anglais par l’auteur de langue française et l’on se demande si c’est un parti pris qui sera adopté pour tous les volumes suivants. On formulera aussi quelques restrictions sur deux points. Dans le tableau p. 178-181, on regrette certaines erreurs et omissions. Dans cette liste comparative des motifs classés par sites, provinces romaines, et pays modernes, on relève quelques inexactitudes et imperfections pour les provinces romaines de certains sites de Syrie et de Jordanie, comme de grossières erreurs dans les pays modernes, qu’il sera nécessaire de revoir. Mettons-les sur le compte de la rapidité des dernières corrections. Enfin on remarque que les deux plans dépliants placés dans le volume pâtissent d’une distinction peu lisible des couleurs qui veulent différencier les phases du bâti de la période protobyzantine.
30Ce beau livre aux descriptions claires, aux schémas précis, utilement disposés et aux comparaisons bien choisies augure bien de ce Corpus des mosaïques de Turquie. On apprécie également le gros travail sur la détermination des ateliers, l’étude par motifs, par tesselles, par les mortiers et les supports, un travail qui fournit quantité d’informations bien analysées par M.-P. Raynaud. Il faut souligner que la synthèse tirée de l’analyse des pavements, qui n’apparaît que rarement dans les corpus de mosaïques, est un apport inestimable à la connaissance de ce complexe. En outre, la méthode utilisée et son illustration abondante feront date et serviront d’exemple.
Pour citer cet article
Référence papier
Marie-Christine Comte, « Marie-Patricia Raynaud, Corpus of the Mosaics of Turquey, I, Lycia, Xanthos, part 1, The East Basilica », Syria, 89 | 2012, 444-448.
Référence électronique
Marie-Christine Comte, « Marie-Patricia Raynaud, Corpus of the Mosaics of Turquey, I, Lycia, Xanthos, part 1, The East Basilica », Syria [En ligne], 89 | 2012, mis en ligne le 01 juillet 2016, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/1107 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.1107
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