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Recensions

Matthias Grawehr, Eine Bronzewerkstatt des 1. Jhs. n. Chr. von ez Zantur in Petra/Jordanien, Petra –ez Zantur IV, Ergebnisse der Schweizerisch-Liechtensteinischen Ausgrabungen

Christian Augé
p. 436-438
Référence(s) :

Matthias Grawehr, Eine Bronzewerkstatt des 1. Jhs. n. Chr. von ez Zantur in Petra/Jordanien, Petra –ez Zantur IV, Ergebnisse der Schweizerisch-Liechtensteinischen Ausgrabungen (Terra Archaeologica, VI, Monographien der Schweizerisch-Liechtensteinischen Stiftung für archäologische Forschungen im Ausland [SLSA/FSLA]), Philipp von Zabern, Mayence, 2010, ix + 262 p., 30 pl. dont 2 en coul., 5 pl., 26 tabl., 205 ill. en coul. et n/b, ISBN : 978-3-8053-4104-2.

Texte intégral

1Matthias Grawehr est l’auteur, dans la même série, d’une étude très bien documentée et fort utile sur les lampes (dans Petra -ez ZanturIII, Teil 2. Die Lampen der Grabungen auf ez Zantur in Petra = Terra Archaeologica, BandV, Mayence, 2006). Il expose ici ses recherches sur un atelier de bronzier nabatéen fouillé sur ce site. L’ouvrage est, comme tous ses prédécesseurs, magnifiquement édité : l’illustration est abondante et de qualité (26 tabl. et 205 ill., dessins et photogr. n/b d’excellente venue), l’appareil documentaire très complet (notes de bas de page, bibliogr.), et le livre reste fort maniable (tables, nombreux renvois internes, résumé en anglais). La réalisation fait honneur à la Fondation Suisse-Liechtenstein pour les recherches archéologiques à l’étranger, aux institutions, en particulier l’Université de Bâle, les organismes et programmes de recherches qui y ont contribué, et aux travaux de la mission dirigée par le Prof. Dr. R. A. Stucky puis par le Dr. B. Kolb, qui ont renouvelé nos connaissances sur l’habitat à Pétra.

2La première partie (A, p. 1-107) porte sur le complexe artisanal lui-même, situé immédiatement en contrebas d’Ez-Zantur I qui domine le centre monumental. Les fouilles y ont eu lieu entre 1989 et 2001, essentiellement entre 1993 et 1996. Elles ont mis au jour, sur une petite terrasse artificielle compensant une forte pente, un ensemble bâti en plusieurs phases : à une pièce unique au sol empierré, utilisée pour moudre du grain (phase III 1, datée du tout début de notre ère), succède une installation plus grande, soignée, faite en moellons réguliers et comprenant au moins cinq pièces : un vestibule, une petite cour, une boutique ouverte sur une rue, l’atelier proprement dit (pièce 33) et un couloir conduisant à une partie inexplorée du complexe. Cette phase III 1b, dont la construction est datée entre 20 et 70 apr. J.-C. (vers le milieu du siècle ?), se prolonge jusqu’à une destruction soudaine qui intervient autour de 100 apr. J.-C. Aucune réoccupation ne s’ensuit : le complexe est recouvert par les déblais provenant du nettoyage et de la reconstruction de la maison voisine (voir aussi le chap. ii-4).

3Dans tout ce premier chapitre, on apprécie la clarté et la précision de l’exposé archéologique : les descriptions du bâti (chap. i-2), de la stratigraphie (i‑3), des phases (i-4) et des techniques de construction (i-5) sont méthodiques et abondamment illustrées, notamment par des restitutions isométriques (par exemple fig. 75, 76, 79).

4Il en va de même dans les deux chapitres suivants, qui portent essentiellement sur les trouvailles de matériel faites dans les différentes pièces du complexe, très soigneusement et méthodiquement enregistrées dans cette fouille modèle. Seuls des objets en métal de quelque valeur furent emportés, les occupants laissèrent sur place tout le reste. L’A. limite volontairement la description du mobilier — céramique fine et commune, objets et restes de métal, lampes, verre, os et vestiges archéozoologiques — pour en étudier la répartition spatiale (chap. ii-3) et les déplacements lors de la destruction et après l’abandon (chap. ii‑4, en particulier les fig. 122 et 127 qui en proposent une cartographie). Cette partie débouche sur l’organisation d’un atelier de bronzier (chap. iii-1 et -2), axée sur l’utilisation des différents espaces (résumée en particulier dans la fig. 151).

5L’A. insiste en effet sur l’emplacement des objets retrouvés, instruments, matériaux et résidus divers témoignant du processus de fonte : moules de plâtre, moulages, réchauds, etc. Ils étaient particulièrement nombreux dans la pièce servant d’atelier, où leur distribution permet d’identifier les différentes zones de rangement et de travail : l’emplacement d’une probable étagère supportant des moulages, auprès d’une série de moules qui devaient être suspendus au mur, des espaces de stockage pour les moules, les réchauds et les fourneaux attendant d’être utilisés, d’autres pour la fabrication des modèles en cire, pour le travail de l’argile, une zone de repos comportant une banquette, une zone pour les rejets. Cette organisation du travail était aussi dictée par l’éclairage de la pièce tel qu’on peut le reconstituer.

6Dans la deuxième partie (B, p. 109-203) est exposée la technologie du travail du bronzier. L’A. commence par un utile rappel (chap. i) des diverses utilisations du plâtre, celle des moules de plâtre pour la céramique, la sculpture, la fabrication d’objets de bronze, grosses pièces d’un côté, petits objets ou ustensiles de l’autre, et celle des moulages de plâtre pour la sculpture (études, copies de statues de pierre) et pour la production de petits objets de bronze. Les sources textuelles passées en revue dans le chap. ii — Théophraste, Pline, Plutarque, Lucien, Philostrate —, ne donnent guère, à part un passage de Pline, de renseignements sur la confection de petits objets. Mais les trouvailles de moules et de moulages faites depuis le Maghreb et l’Italie jusqu’à l’Afghanistan (chap. iii et liste complète dans l’app. 1), qui portent parfois des inscriptions, dipinti et marques diverses, montrent que l’utilisation des moules de plâtre, bien attestée et diffusée au ier s. av. J.-C., pourrait bien s’être d’abord développée dans l’Égypte hellénistique. Les variantes du processus sont ensuite exposées dans les chap. iv, v etvi, à l’aide de dessins fort clairs : les fig. 155-158, en particulier, montrent bien les applications de ces techniques à différentes formes d’objets, correspondant aux trouvailles d’Ez-Zantur.

7L’app. 2 donne une liste complète et détaillée de ces trouvailles, assortie d’une étude précise et illustrée de nombreux parallèles : moules de plâtre (14 formes énumérées, dont 5 lampes, 2 fragments de supports, des fragments de thymiaterion, de clochette, de cymbalum, de cruche, d’objets divers), moulages en plâtre (une tête dionysiaque, un buste d’Athéna, une scène érotique, deux éléments de lampes, une base et une tige de candélabre), résidus de plâtre restés attachés à des récipients de terre cuite, chemisages de plâtre pour divers objets : lampe, petite statuette d’Éros, médaillon à couronne d’acanthe, souris, boulons, fragments d’un pilastre, ainsi que des restes de braseros, de bouchons et des résidus d’argile. On admire tout particulièrement les reconstitutions virtuelles (isométries) de la lampe et de l’Éros des pl. 19-20, obtenues par tomographie (voir sur l’application de cette méthode l’excursus de la p. 196), celles des canaux de coulée et de ventilation pour l’Éros assis (fig. 197-198), et d’autre part l’étude iconographique de ce motif.

8La dernière partie (C, p. 205-230) met l’atelier d’Ez-Zantur en perspective, en relation avec l’art et la civilisation des Nabatéens. Le premier chapitre, partant de l’observation que l’un des plâtres est la réplique exacte d’un objet venu de Memphis, ouvre une intéressante discussion sur l’origine égyptienne possible de l’artisan ou de son modèle en plâtre, et sur l’importance à Pétra du modèle culturel égyptien plutôt que de simples relations commerciales.

9Dans le chap. ii, c’est le bâtiment lui-même qui est replacé dans le contexte du développement urbain de Pétra : l’installation de meunerie primitive appartient à une phase d’activité agricole encore bien attestée, au tournant de l’ère, sur les pentes de la colline comme en beaucoup d’autres lieux à Pétra. Son extension et sa transformation en atelier d’artisanat, entre 20 et 70 apr. J.-C., correspondent à la construction systématique de murs de terrasses, qui atteste une extension considérable de la surface bâtie sur les pentes des collines à partir du deuxième quart du ier s. apr. J.-C. : cet atelier de bronzier reste en activité tout près d’une zone résidentielle. Enfin, sa destruction définitive aux alentours de l’an 100 serait imputable, non pas à un tremblement de terre, mais bel et bien à la conquête romaine de 106 : des indices concordants de plus en plus nombreux, que l’auteur énumère (p. 211-213), montrent que toute une série de destructions remonte à cette période et qu’une diminution brusque et rapide de la population a suivi l’annexion, puisque beaucoup de bâtiments détruits ne furent pas reconstruits, au moins dans l’immédiat.

10Le chap. iii envisage la place de cet artisanat du bronze à Pétra dans l’économie nabatéenne. La région ne manque pas de gisements de cuivre, les plus proches étant ceux du Wadi Abu Khusheiba et de Faynan qui ont pu fournir le matériau utilisé. Plus généralement, l’apparition et la diffusion de cette activité artisanale au cours du ier s. apr. J.-C. illustreraient assez bien le modèle de développement proposé par Z. Fiema, plus précisément la phase de diversification qui aurait succédé à une première phase d’activités pastorales et commerciales.

11Enfin, le chap. iv réexamine et réinterprète les œuvres produites dans l’atelier en relation avec d’autres monuments figurés du domaine nabatéen. Pour chaque motif — la souris, le buste d’Athéna, le Gorgoneion, la tête dionysiaque, la scène érotique, l’Éros —, l’auteur recense de façon très poussée, avec un grand nombre de références récentes, les motifs comparables attestés à Pétra et en Nabatène. Les thèmes ainsi illustrés sont certes répandus dans le monde hellénistique et romain, mais certaines constatations, pour l’Athéna et l’Eros, suggèrent une perception particulière de ces figures dans la société nabatéenne, peut-être liée au culte d’Al-ʿUzza. Bien que les catégories de la classification suivie pour cette étude, celle de K. Lembke, ne nous paraissent pas s’imposer dans tous les cas, cette étude iconographique très sérieusement menée ouvre donc de larges perspectives. Elle offre une conclusion appropriée à ce bel ouvrage, qui rassemble la documentation disponible, jusqu’ici très dispersée, sur un type de matériel mal connu, mais qui va bien au-delà : il en tire le meilleur parti grâce à un faisceau d’analyses et de méthodes nouvelles, et fait ainsi notablement progresser notre connaissance de l’artisanat et de la vie quotidienne à Pétra avant la conquête romaine.

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Pour citer cet article

Référence papier

Christian Augé, « Matthias Grawehr, Eine Bronzewerkstatt des 1. Jhs. n. Chr. von ez Zantur in Petra/Jordanien, Petra –ez Zantur IV, Ergebnisse der Schweizerisch-Liechtensteinischen Ausgrabungen »Syria, 89 | 2012, 436-438.

Référence électronique

Christian Augé, « Matthias Grawehr, Eine Bronzewerkstatt des 1. Jhs. n. Chr. von ez Zantur in Petra/Jordanien, Petra –ez Zantur IV, Ergebnisse der Schweizerisch-Liechtensteinischen Ausgrabungen »Syria [En ligne], 89 | 2012, mis en ligne le 01 juillet 2016, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/1090 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.1090

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Christian Augé

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