Erasmus Gaß, Die Moabiter- Geschichte und Kultur eines ostjordanischen Volkes im 1. Jahrtausend v. Chr.
Erasmus Gaß, Die Moabiter- Geschichte und Kultur eines ostjordanischen Volkes im 1. Jahrtausend v. Chr. (Abhandlungen des Deutschen Palastina-Vereins 38), Harrassowitz, Wiesbaden, 2009, x + 374 p., 36 ill., ISBN : 978-3-447-05908-4.
Texte intégral
- 1 . A. Van Zyl, The Moabites (Pretoria Oriental Series, 3), Leiden, 1960.
- 2 . St. Timm, Die Dynastie Omri. Quellen und Untersuchungen zur Geschichte Israels im 9. Jahrhundert (...)
- 3 . J.A. Dearman, Studies in the Mesha Inscription and Moab (American Schools of Oriental Research Ar (...)
- 4 . B. Routledge, Moab in the Iron Age, Hegemony, Polity, Archaeology, Culture and Society, Philadelp (...)
- 5 . G. W. Vera Chamaza, Die Rolle Moabs in der neuassyrischen Expansionspolitik, Münster, 2005 (AOAT (...)
1Après le livre de Van Zyl en 1960 1 sur les Moabites, ce volume d’E. Gaß est la première monographie systématique dédiée à la culture moabite. Si d’autres ouvrages sont parus sur Moab, par exemple Timm 1982, 1989 2, Dearman 1989 3, Routledge 2004 4, Vera Chamaza 2005 5, celui-ci est une synthèse globale : il tient compte des données non seulement littéraires mais aussi archéologiques, liées à l’intense activité de fouille et de prospection effectuée dans le royaume hachémite de Jordanie depuis le début des années soixante-dix. À côté de ces nouvelles données qui permettent maintenant d’avoir une bonne description de l’ensemble du territoire, il faut aussi signaler la parution de nouvelles inscriptions moabites ainsi que le réexamen des inscriptions connues auparavant.
2L’ouvrage s’ouvre par une brève section (A, p. 1-4) sur le nom et la localisation, dans laquelle le mot Moab est analysé. L’A. se demande si ce mot est à entendre comme territoire et non comme nom de peuple, après avoir fait justice de l’étiologie de Gn 19, 30-38. Cette thèse est aussi étayée par d’autres arguments aux p. 161-169. Suivent trois autres parties respectivement dédiées aux sources littéraires (B, p. 5‑212), aux fouilles (C, p. 231-295 et enfin à une histoire de Moab depuis l’installation jusqu’à la fin de son indépendance politique à l’époque perse (D, p. 295-306). Le volume s’achève par une bibliographie mise à jour jusqu’à 2006 et parfois 2007 (p. 307-367) ; il comprend enfin divers index analytiques (p. 368-374).
3Le corpus épigraphique moabite est recueilli et analysé dans le chapitre B1.1, p. 5-101, puis ce sont les sources égyptiennes relatives au pays de Moab (chap. B.1.2, p. 101-115), les sources néo‑assyriennes (chap. B1.3, p. 115 -36) et enfin l’ostracon VIII de Lakish (chap. B1.4, p. 137). En ce qui concerne les sources égyptiennes, l’A. (p. 104) met en question le rapprochement déjà proposé par W. F. Albright (BASOR 1941, p. 34, n. 8, et 1944, p. 220, n. 89), entre le toponyme Sutu des textes d’envoûtement et le pays de Moab sur la base de Nb 24,17. Le chap. B2 (p. 138-210) traite de Moab vu par ses voisins, et notamment par les textes bibliques, de manière très équilibrée. Au chap. B3 (p. 210-212), est examiné le témoignage de Flavius Josèphe dans AJ 9, 182. La section C est répartie en quatre chapitres : le premier C1 (p. 213-252), est dédié aux fouilles ; le deuxième, C2 (p. 259-287), aux prospections ; le troisième, C3, (p. 287-294) au mobilier cultuel. Le dernier chap. iv (p. 295-306) présente un résumé des données archéologiques relatives à l’histoire de l’occupation du territoire moabite.
- 6 . N. Avigad & B. Sass, Corpus of West Semitic Stamp Seals, Jérusalem, 1997.
- 7 . Israel 1987 : V. Brugnatelli, Atti della 4a giornata di Studi Camito Semitici ed Indoeuropei, Ber (...)
- 8 . P. Bordreuil, « Sceaux inscrits des pays du Levant », Dictionnaire de la Bible. Supplément, t. XI (...)
- 9 . St. Timm, « Die ikonographische Repertoire der moabitischen Siegel und seine Entwickelung: Vom Ma (...)
- 10 . F. Zayadine, « The Moabite Inscription », ADAJ 30, 1986, p. 302-304.
4On voudrait maintenant faire quelques observations particulières avant de donner un jugement d’ensemble sur le volume. À propos de la documentation épigraphique, nous sommes d’accord avec l’A. (p. 87-88, § 1.1.12) sur l’attribution à l’épigraphie ammonite des ostraca de Tell Hisban surtout pour des raisons linguistiques confirmées par l’interprétation originale qu’il propose de Nb 21, 21-31 et Dt 2, 26-36 (p. 190-206, § 2.5.1-2). En ce qui concerne la documentation sigillaire (p. 88-95, § 1.1.13), il faut signaler la publication d’un nouveau sceau moabite trouvé dans les fouilles de Jablé et publié par M. Badawi « Un sceau moabite dans la nécropole d’al-Jbeibat (Jablé, Syrie) », Semitica et Classica I (2008), p. 221-224. Ce sceau, pour son décor, doit être comparé aux sceaux moabites dans Avigad & Sass 6, p. 372-386. De façon générale, l’A. évoque (p. 88, n. 439) les sceaux identifiés comme moabites par Israel 1987 7, Bordreuil 1992 8, Timm 1989 et 1993 9 et Avigad-Sass 1997, tout en proposant sa propre liste qui comprend tous les sceaux avec une onomastique théophore en Kamoš. Cette liste restreinte semble inspirée par les mêmes critères qui ont guidé St. Timm (Timm 1989, p. 162‑264 et 1993). La réduction, par rapport à la liste de ses prédécesseurs, est liée à la présence de nombreux faux dans la documentation sigillaire palestinienne, mais les critères qui ont présidé à sa formulation relèvent, à notre avis, d’un choix méthodologique dépassé : l’attribution d’un sceau de provenance inconnue doit reposer sur la combinaison de plusieurs critères (écriture, iconographie et onomastique) et non sur la seule onomastique. L’A. termine le chapitre dédié à la glyptique inscrite (p. 98-99, § 1.1.14.3) en analysant l’onomastique théophore attestée dans les sceaux, tout en excluant quelques sceaux que nous avions considérés comme moabites pour les susdites raisons, mais qu’actuellement nous-mêmes analyserions avec prudence. Parmi la documentation épigraphique restante, il faut distinguer entre inscriptions connues avant 1986 et inscriptions découvertes après cette date qui correspond à la publication par Zayadine 1986 10 de l’inscription fragmentaire de Balu‘a (voir p. 69, § 1.1.4). Les inscriptions publiées par la suite sont recueillies p. 70-87, § 1.1.5-1.1.11 : inscription sur pilon de Balu‘a ; quatre inscriptions différentes, provenant toutes de Khirbet el-Mudeyneh ; un ostracon — en réalité on devrait parler de tesson incisé — ; un autel à parfums ; une tablette de pierre ; un fragment d’inscription lapidaire de provenance inconnue ; le papyrus du marzeah. Parfois il reste difficile de caser certaines de ces inscriptions, non pas pour leur provenance de fouilles irrégulières mais en raison surtout de la typologie de leur formulaire, non encore attesté dans d’autres documents épigraphiques. L’inscription sur l’autel à parfums de Khirbet el-Mudeyneh apporte l’attestation du pronom relatif š à coté de ’šr, bien connu en moabite par la stèle de Mesha.
- 11 . M. Eskhult, Studies in Verbal Aspect and Narrative Technique in Biblical Hebrew Prose (Acta Unive (...)
- 12 . A. Nicacci, « The Stele of Mesha and the Bible Verbal System and Narrativity », Orientalia 63, 19 (...)
- 13 . S. Mittmann, « Zwei Ratsel der Mesa Inschrift. Mit einem Beitrag zur aramaischen Steleinschrift v (...)
5La stèle de Mesha fait l’objet d’une présentation détaillée § 1.1.1, p. 5-49 avec traduction p. 7-10, et commentaires p. 12-49. Depuis la parution de Van Zyl 1960, diverses traductions et études sont parues et continuent à paraître dans des monographies, des recueils de textes orientaux anciens et des articles, mais le grand mérite de l’A. reste celui d’avoir signalé en note, dans sa traduction, les autres traductions proposées pour chaque mot. La lecture de son commentaire de la stèle de Mesha ainsi que des conclusions montre que l’approche par E. Gaß de ce document précieux n’est pas bibliocentrique, comme cela a été trop souvent l’habitude : selon lui, le document reste surtout une source unique pour connaître l’histoire moabite. Le même type d’approche est employé par l’A. aussi dans l’évaluation des textes bibliques relatifs à Moab, p. 138-209, qui sont considérés par lui avant tout d’un point de vue moabite in se et per se et non dans leur rapport au reste de l’Ancien Testament, comme d’ailleurs l’A. le précise de façon programmatique p. 138. On ne peut que l’approuver quand il affirme que le développement actuel des études a mis en lumière que la stèle de Mesha est importante plutôt pour comprendre l’histoire de la langue hébraïque que pour confirmer le récit biblique. Cet acquis, fondé en grande partie sur les études de Eskhult 1990 11 et de Nicacci 1994 12 sur la syntaxe du document (voir sur ce sujet les p. 50-52, § 1.1.1.3), marque aujourd’hui la véritable nouveauté dans les études bibliques car la stèle de Mesha doit être ainsi considérée comme le seul texte extérieur à la Bible, et datable, qui soit comparable par la syntaxe du système verbal à celui de la prose biblique classique et des récits bibliques relatifs au royaume du Nord. En conclusion, le texte permet de fixer un repère chronologique précis pour la datation des événements historiques évoqués dans les textes vétéro-testamentaires ! Rien ne reste à ajouter au commentaire de la stèle de Mesha sauf que pour la l. 31 nous préférons, suivant la lecture dérivée du fac-similé de Lidzbarski, l’interprétation proposée par Mittmann 2002 13. Cette interprétation s’accorde par conséquent à la datation que l’A. propose à la p. 146 des textes qui relient le pays de Moab à David et qu’aujourd’hui l’A., comme la plus grande partie des exégètes, considère comme des réélaborations postérieures. Les données épigraphiques de la stèle de Mesha sont utilisées aussi pour l’histoire de la religion moabite (p. 62-65, § 1.1.1.7) et pour l’analyse du dialecte moabite (p. 49-50, § 1.1.1.12). Pour ce qui concerne l’histoire des religions, nous suivons tout à fait l’auteur (p. 171) dans sa prudence à propos des rapports entre le dieu éblaïte kamis et la divinité nationale moabite Kemoš/Kamiš. L’étymologie proposée par E. Gaß du théonyme Kemoš nous semble meilleure que celle qui a été proposée auparavant par nous-même (Israel 1987a, cf. p. 122). Pour l’analyse linguistique du dialecte moabite, son insertion (p. 49-50) dans la branche cananéenne du sémitique central reste exacte mais, à ce propos, il faut prendre en compte les dernières assertions de A. F. Rainey (Maarav 14, 2007, p. 67-81), dont nous déplorons la disparition, car ses observations, d’ailleurs pas nouvelles, contredisent toute sa propre recherche antérieure sur la langue employée en Canaan au IIe millénaire qui reste l’antécédent à partir duquel s’est développé l’hébreu biblique. À propos des assertions de A. F. Rainey, il faut observer que les vrais problèmes restent la détermination exacte des limites géographiques de Canaan, non selon la Bible mais selon l’histoire de la région syro-palestinienne et la définition rigoureuse du cananéen comme groupe linguistique. Dans les deux cas, une réponse n’est pas actuellement possible tant par manque de données qu’à cause de la difficulté à définir avec certitude le cananéen, comme l’a bien vu W. Wright (Lectures on Comparative Grammar of the Semitic Languages, Cambridge, 1890, p. 63).
6Dans l’analyse des sources relatives au pays de Moab, il faut signaler que la critique littéraire de Nb 21, 21-31 et Dt 2, 26-36 (p. 190- 206, § 2.5.1‑2) et leur rapport avec l’oracle de Jr 48, 45-46 n’apportent rien pour comprendre la localisation de la Heshbon biblique et historique qui sont deux réalités différentes. L’analyse de la toponymie moabite (p. 172-189, § 2.3.3 et § 2.3.4) est conduite dans le but de déterminer la nature exacte du mot Moab, peuple ou toponyme. Le chapitre se termine par un résumé (p. 189-90, § 2.4) pour résoudre cette question, d’ailleurs déjà tranchée (p. 1-4) dans le deuxième sens.
- 14 . A. Lemaire, « La stèle de Mesha et l’histoire de l’ancien Israel », D. Garrone & F. Israel, Stori (...)
7La dernière partie du volume est constituée par une synthèse sur l’exploration archéologique du pays de Moab (p. 213-306). Dans celle-ci, le chapitre final C4 (p. 295-306), relatif à l’histoire de l’installation dans le territoire moabite, forme la partie la plus intéressante pour les philologues qui ont souvent lu la stèle de Mesha comme une source littéraire, historique ou linguistique sans pouvoir la relier à l’archéologie du pays moabite. Les données archéologiques permettent de mettre en perspective la stèle de Mesha et de considérer les affirmations du document comme une réalité et non comme des vantardises de la part du souverain moabite. Au cœur de son royaume, le pays dibonite, une grande partie des nouvelles constructions ont eu lieu entre la fin du ixe s. et le début du viiie s. Si, comme il semble, la stèle de Mesha a été rédigée dans les dernières années de son règne (cf. Lemaire 1991 14), l’activité bâtisseuse de Mesha dans la partie méridionale de son royaume serait confirmée. On peut dire donc qu’il s’agit du principal résultat du volume. Pour terminer, il nous reste à féliciter l’A. pour ce patient travail, bien digne de son insertion dans la prestigieuse série des Abhandlungen der deutschen Palaestina Vereins ; l’ouvrage restera, sans doute, dans les prochaines années, une pierre de touche pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire moabite.
Notes
1 . A. Van Zyl, The Moabites (Pretoria Oriental Series, 3), Leiden, 1960.
2 . St. Timm, Die Dynastie Omri. Quellen und Untersuchungen zur Geschichte Israels im 9. Jahrhundert vor Christus (Forschungen zur Religion und Literatur des Alten und Neuen Testament 124), Gottingen, 1982 ; St. Timm, Moab zwischen den Machten: Studien zu historischen Denkmalern und Texten (Ägypten und Altes Testament, 17), Wiesbaden, 1989.
3 . J.A. Dearman, Studies in the Mesha Inscription and Moab (American Schools of Oriental Research Archaeology and Biblical Studies 2), Atlanta, 1989.
4 . B. Routledge, Moab in the Iron Age, Hegemony, Polity, Archaeology, Culture and Society, Philadelphie, 2004.
5 . G. W. Vera Chamaza, Die Rolle Moabs in der neuassyrischen Expansionspolitik, Münster, 2005 (AOAT 321).
6 . N. Avigad & B. Sass, Corpus of West Semitic Stamp Seals, Jérusalem, 1997.
7 . Israel 1987 : V. Brugnatelli, Atti della 4a giornata di Studi Camito Semitici ed Indoeuropei, Bergamo, Istituto Universitario 29 Novembre 1985, Milan, p. 101-138.
8 . P. Bordreuil, « Sceaux inscrits des pays du Levant », Dictionnaire de la Bible. Supplément, t. XII, fasc. 66, 1992, col. 86-212.
9 . St. Timm, « Die ikonographische Repertoire der moabitischen Siegel und seine Entwickelung: Vom Maximalismus zum Minimalismus », B. Sass & Ch. Uehlinger, Studies in the Iconography of Northwest Semitic Inscribed Seals. Proceedings of a Symposium held in Fribourg on April 17 -20,1991 (Orbis Biblicus et Orientalis 125), Freiburg, 1993, p. 161-193.
10 . F. Zayadine, « The Moabite Inscription », ADAJ 30, 1986, p. 302-304.
11 . M. Eskhult, Studies in Verbal Aspect and Narrative Technique in Biblical Hebrew Prose (Acta Universitatis Upsaliensis Studia Semitica Upsaliensia, 12), Uppsala, 1990.
12 . A. Nicacci, « The Stele of Mesha and the Bible Verbal System and Narrativity », Orientalia 63, 1994, p. 226-248.
13 . S. Mittmann, « Zwei Ratsel der Mesa Inschrift. Mit einem Beitrag zur aramaischen Steleinschrift von Dan (Tell el Qadi) », ZDPV, 118, 2002, p. 33-65.
14 . A. Lemaire, « La stèle de Mesha et l’histoire de l’ancien Israel », D. Garrone & F. Israel, Storia e Tradizioni di Israele. Scritti in onore di J.A.Soggin, Brescia, 1991, p. 47-74.
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Référence papier
Felice Israel, « Erasmus Gaß, Die Moabiter- Geschichte und Kultur eines ostjordanischen Volkes im 1. Jahrtausend v. Chr. », Syria, 89 | 2012, 420-422.
Référence électronique
Felice Israel, « Erasmus Gaß, Die Moabiter- Geschichte und Kultur eines ostjordanischen Volkes im 1. Jahrtausend v. Chr. », Syria [En ligne], 89 | 2012, mis en ligne le 01 juillet 2016, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/1087 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.1087
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