Aram Kosyan, Armen Petrosyan & Yervand Grekyan (éd.), Urartu and its Neighbors, Festschrift in Honor of Nicolay Harutyunyan in occasion of his 90th Birthday, 22-24 Sept. 2009, Yerevan
Aram Kosyan, Armen Petrosyan & Yervand Grekyan (éd.), Urartu and its Neighbors, Festschrift in Honor of Nicolay Harutyunyan in occasion of his 90th Birthday, 22-24 Sept. 2009, Yerevan (Aramazd, Armenian Journal of Near Eastern Studies V, 1 et 2), 2010, 2 vol. 200 p., 7 pl. et 287 p., 54 pl. ISSN : 1829-1376.
Texte intégral
1Recension commune avec Altan çilingiroglu & Mirjo Salvini (éd.), Ayanis I, Ten Years’ Excavations at Rusahinili Eiduru-kai 1989-1998 (Documenta Asiana VI), CNR, Istituto per gli Studi Micenei ed Egeo-Anatolici, Rome, 2001, 31 cm, 396 p., ill. ISBN : 9788887345049.
2Le renouveau spectaculaire des études ourartéennes mérite d’être signalé. Dans ce qui fut longtemps une province oubliée et écartelée entre la Turquie, le Caucase et l’Iran, longtemps prise pour un canton périphérique de l’art néo-assyrien (voire de l’art sassanide), il fallut attendre, après la publication des relevés épigraphiques de F. Schulz en 1840 par la Société Asiatique de Paris (il avait été assassiné en 1828), les travaux de P. de Longpérier en 1871 pour comprendre qu’on devait voir dans les objets parvenus dans les musées occidentaux ou russes le produit des Ourartéens, un peuple mentionné dans les inscriptions cunéiformes d’Assyrie et cité par Hérodote.
3Depuis cette époque lointaine, les fouilles clandestines et les travaux archéologiques se succédèrent pendant plus d’un siècle. Durant l’ère soviétique, des recherches importantes furent conduites par les érudits russes appuyés sur une petite cohorte de courageux Arméniens qui maintinrent, contre vents et marées, le flambeau de la recherche de leur propre passé. Ainsi, lentement mais sûrement, renaissaient l’histoire et l’archéologie du royaume d’Ourartou dont l’apogée se situe entre le ixe et le viie s. av. n. ère. Il occupait la zone partagée aujourd’hui entre la Turquie orientale, l’Arménie du Sud et le nord-ouest de l’Iran. Une mine d’inscriptions cunéiformes s’offrait aux chercheurs. Elles étaient retrouvées au cours de fouilles scientifiques ou sauvées par d’intrépides voyageurs, oubliées dans des remplois hasardeux.
4Dans la série des Documenta Asiana (Ismeo de Rome) M. Salvini et A. Cilingiroglu ont publié, il y a déjà une décennie, le résultat des travaux conduits à Ayanis, sur les rives du lac de Van, en Turquie orientale. L’intérêt de M. Salvini pour la région de l’Ourartou est ancien. Il avait déjà publié en 1984, avec E. Pecorella, un livre remarqué en son temps (Tra lo Zagros e l’Urmia) et n’a cessé, depuis, d’apporter des contributions de premier plan à ce champ d’étude.
5Ce rapport couvre dix ans de fouilles (1989-1998) sur l’ancienne Rusahinili Eiduru-kai, une forteresse nichée à 1 866 m d’altitude. Sa fondation remonte à Rusa II (première moitié du viie s.). à l’intérieur des remparts, un petit établissement de 400 x 150 m fut construit sur la pente regardant le lac de Van. On ne saurait résumer ici un fort volume de 400 p. On y trouvera la présentation du contexte historique et le rappel des arguments de l’identification du site avec Rusahinili Eiduru-kai sur la foi d’inscriptions retrouvées sur les murs du temple et de la porte du rempart. Rusa II (685-645) est contemporain des rois assyriens Sennacherib (705-681) et Assarhaddon (681-668), à l’époque où l’empire néo-assyrien avait fort à faire avec ses voisins du nord, Cimmériens, Ourartéens, Mannéens ou Scythes, qui occupaient et défendaient vigoureusement les richesses métalliques ou en chevaux des hautes terres de la région des lacs.
6L’architecture d’Ayanis étudiée ici est superbe : des sections de remparts et une porte, érigés en blocs de calcaire revêtus de dalles en andésite. à l’intérieur des remparts, sur la terrasse qui occupe la plus haute partie de la citadelle, se dresse un temple-susi (pour conserver la terminologie usuelle), probablement le mieux préservé de l’Ourartou. Le temple d’Ayanis est un bâtiment carré de 30 x 30 m construit en briques crues surmontant une infrastructure en blocs d’andésite superbement appareillés. Les murs intérieurs de la cella sont couverts d’inscriptions et ornés d’incrustations de pierre sur deux rangées superposées : motifs creusés destinés à être remplis de pierres blanches incisées et peintes, représentant des dieux et sphinx ailés, griffons, svastikas, rosettes, végétaux… Sur le podium qui occupe la cella du temple, trois dalles d’albâtre sont ornées de dieux et d’animaux mythiques (lions et griffons ailés) ou d’arbres de vie incisés. Autour du temple, des rangées de piliers précèdent chaque mur périphérique, supportant sans doute la couverture d’une galerie. De nombreux objets en bronze ont été recueillis dans et autour du temple, ornements des murs du bâtiment, souvent inscrits au nom de Rusa II en l’honneur du dieu national Haldi. Aucun objet plus récent. Le temple n’a probablement pas survécu à un désastre remontant à 645 av. J.-C.
7à l’ouest du temple, des magasins ont été dégagés, remplis de gros pithoi atteignant souvent 1,45 m de diamètre et dans lequel un homme debout tient à son aise… Ils sont accompagnés de fragments de chaudrons en bronze. Un long chapitre rend compte de la céramique, suivi d’une étude des armes de bronze et de fer (pointes de lance, épées, carquois, casques, boucliers, dont l’un est orné d’une tête de lion en relief pesant 5 kg !). Au sujet des pointes de flèche en bronze et fer à soie, une bonne synthèse rappelle le problème soulevé par leur datation. Ces pointes à soie ne suffisent pas encore pour distinguer, parmi les destructeurs du royaume d’Ourartou, Scythes, Cimmériens ou Mèdes… Enfin, parmi les « petites trouvailles », on remarque des fragments de ceinture, des vases en bronze, de lourdes épingles de bronze à tête « en champignon », des fragments de mosaïque de pierre à clous de fixation, etc.
8La deuxième partie de l’ouvrage s’ouvre par la publication des inscriptions d’Ayanis en cunéiforme et hiéroglyphe (M. Salvini), en particulier la grande inscription sur la porte du rempart et les longues inscriptions sur les murs intérieurs de la cella du temple-susi, toutes de Rusa II. On en connaît des duplicats à Karmir Blur, Armavir et Adilcevaz, mais le texte d’Ayanis est le seul qui soit intégralement préservé. On y a joint les inscriptions sur les objets de bronze (boucliers ou casques, pointes de lance, « disques de fondation » ou sikkatu inscrits en fer). 50 bulles d’argile, inscrites en cunéiforme et en hiéroglyphe, proviennent des magasins. On remarque aussi de nombreux déroulement de sceaux. Sceaux et scellements, étudiés par E. Abay, datent du règne de Rusa II. Les thèmes, très communs en iconographie ourartéenne, ne sont pas exempts d’influences extérieures (arbre de vie pollinisés, disques solaires ailés, lions et griffons ailés). On les a recueillis aussi bien dans la zone des magasins que dans la zone du temple. La plupart appartiennent à des groupes de sceaux royaux du règne de Rusa II. Un rapport (E. Stone et F. Zamansky) sur une prospection dans les environs immédiats de la citadelle, des remarques sur les problèmes de conservation des bronzes (J. Reindell) et sur les vestiges végétaux (L. Cocharro et al.) concluent ce bel ouvrage.
9Plus récemment, un remarquable volume de l’Armenian Journal of Near Eastern Studies (Aramazd) rend hommage à la longue et féconde carrière de Nicolay Harutyunyan à l’occasion de son 90e anniversaire. N. Harutyunyan est un spécialiste de la géographie historique de l’Ourartou, en liaison avec sa profonde connaissance des sources historiques arméniennes classiques. Il a publié à Erivan, en 2001, un Korpus urartskix Klinoobraznyx nadpisej (KUKN) aujourd’hui complété, huit ans seulement après sa parution (c’est dire la rapidité avec laquelle de nouvelles inscriptions sont découvertes) par le Corpus dei Testi Urartei publié par M. Salvini en 2008 (voir Syria 88, 2011, p. 423-424). Le dernier volume d’Aramazd salue comme il convient la riche carrière de N. Harutyunyan, dont les premiers ouvrages remontent à un demi-siècle : Zemledelie i Skotovodstvo v Urartu (L’agriculture et l’élevage ourartéens), Erivan, 1964 ; Novye Urartskie nadpisi Karmir-Blura (Nouvelles inscriptions ourartéennes de Karmir Blur), Erivan, 1966.
10Le premier fascicule de cet ensemble sous-titré Urartu and its Neighbors est consacré à l’histoire ourartéenne (entre autres contributions : M. Salvini, « Recent Discoveries of Urartian Inscriptions » ; Y. Grekyan, « The Battle of Uaus Revisited »). M. Salvini, qui a rencontré N. Harutyunyan pour la première fois en 1968 (ce dernier venait de publier l’inscription du temple de Karmir Blur) revient ici sur l’inscription de Rusa II, éclairée par la publication récente de celle du temple d’Ayanis. Il aborde également des fragments de stèles épars dans des remplois souvent improbables, que les autorités turques auraient tendance à laisser au fond de trous incontrôlés… L’infatigable voyageur tente de préserver ce qui peut l’être, en parcourant ce qu’il baptise avec humour des « open air museums ».
11R. Da Riva, à la suite de son étude récente des inscriptions rupestres du Wadi Brissa et du Nahr el Kelb au Liban (BAAL HS V, 2009), rouvre le dossier du fameux « mur Mède » construit par Nabuchodonosor pour défendre Babylone, remis en honneur par les fouilles belges des années 1980 à 30 km au sud-ouest de Bagdad (le Habl es Sahr). M. Roaf aborde celui de la huitième campagne de Sargon en 714 en confrontant avec acribie les interprétations de Thureau-Dangin (1912) et de Lehmann-Haupt (1917). Il vaut mieux se rallier aux conclusions de Thureau-Dangin concernant la liste des rois ourartéens, de Sarduri II à Rusa II.
12La seconde partie de ce premier fascicule est consacré à des points de linguistique ourartéenne.
13Le deuxième fascicule est archéologique. Fort de plus de 200 p., il offre un riche panorama de la recherche actuelle, tant en Arménie qu’en Iran. Un très intéressant article de S. Kroll précise les relations délicates entre l’Ourartou et le site iranien de Hasanlu, fouillé jadis par R. Dyson (Hasanlu IV B et III). à la suite du travail récent d’A. Fuchs consacré aux inscriptions néo-assyriennes en rapport avec le Zagros (habilitation inédite de 2004) qui remplace désormais l’ancienne étude de L. Levine sur la campagne de Sargon et la géographie de cette zone montagneuse à l’époque néo-assyrienne, on peut revenir sur les rapport de Hasanlu avec le Caucase méridional. La destruction du site (Hasanlu IV B) ne peut toujours être attribuée avec certitude ni aux Mannéens, ni aux Assyriens. Le site fut ravagé (250 squelettes, 14 000 no d’inventaire…). Qu’est-il arrivé ensuite ? Le niveau est important, contrairement à ce que pensaient les fouilleurs en 1965. à cette période (Hasanlu III, dite « Triangle Ware Period ») le matériel du niveau IIIA est achéménide. Qu’en est-il du niveau intermédiaire III B ? à qui doit-on l’érection du gros City Wall construit après IV B, mais avant III B/III A ? Ce niveau (Hasanlu III C) est bien ourartéen, dans le style de Karmir Blur.
14I. Karapetyan aborde le temple-susi d’Armavir (Argishtihinili), un temple ourartéen de type classique fouillé ces dernières années, mais le plan donné est sommaire et le texte qui l’accompagne également (on est surpris de le voir illustré, entre autres, par la photographie bien connue d’un objet de Toprak Kale conservé à l’Ermitage [ici pl. VIII/4] publié il y a cinquante ans par B. Piotrovsky, Urartu, Genève, 1969, illustration en couleurs no 14). R. Dan (Rome) propose une hypothèse de restitution du temple-susi de Karmir Blur. Le site est connu depuis les fouilles de Piotrovsky en 1939, mais celles d’Ayanis permettent aujourd’hui de comparer ce dernier bâtiment, le mieux préservé des temples-susi aujourd’hui connus avec celui de Karmir Blur, et de comprendre le rôle des fameux « piliers de pierre » qui ne sont pas de simples « tourettes » décoratives, mais bien partie prenante de l’architecture du bâtiment, à dater du règne de Sarduri II (756-730).
15Chr. Piller (Munich) propose une lecture du nord de l’Iran aux âges du Fer II et III à propos de la découverte d’un bracelet inscrit recueilli dans le Gilan iranien. Il revient à cette occasion sur le rôle de l’Ourartou en Iran, qui semble avoir été sous-estimé. Mais il convient d’être prudent. On n’a repéré aucune fortification ourartéenne dans cette région. Il ne faut pas s’empresser de baptiser ourartéen ce qui ne l’est pas forcément. Parmi les objets recueillis à Tul‑e Talesh par les fouilleurs iraniens, un petit bracelet inscrit en ourartéen ne doit pas faire illusion. Il est fait de morceaux raboutés et doit dater, dans son état final, du Fer III/IV. On ne peut le tenir pour une preuve de relations fortes entre l’Ourartou et cette région. Le seul vrai objet ourartéen est un carquois dont des parallèles ont été recueillis à Toprak Kale et Karmir-Blur. Le reste du matériel n’a rien d’ourartéen. Et les armées ourartéennes n’ont jamais dû atteindre les rives de la Caspienne.
16S. Devedjyan publie quelques objets ourartéens provenant de tombes à Lori Berd, à la frontière géorgienne (un casque, des ceintures à relief, des fragments de boucliers, des harnais de chevaux). D. Stronach revient sur le dossier du temple de Haldi à Erebuni et son rôle dans les origines de l’Apadana achéménide. Sa profonde connaissance du dossier (appuyée désormais également sur les fouilles d’Ayanis) lui permet de dater le Hall à colonnes d’Erebuni de la seconde moitié du viie siècle. Deux articles de R. Heidari publient le matériel issu de fouilles iraniennes récentes à Rabat Tepe II, sur la rive est du Zab inférieur, au cœur du pays mannéen, qui a livré de remarquables sols en mosaïques de galets et des briques émaillées parfois inscrites en néo-assyrien. Malheureusement, les « comparaisons » iconographiques proposées sont de peu d’intérêt, malgré une abondance souvent stérile.
17Le fascicule apporte enfin, en conclusion, une petite monographie sur le seul village arménien encore habité dans la région d’Alexandrette, dans le Hatay turc d’aujourd’hui. Ottoman jusqu’en 1918, français jusqu’en 1938, à nouveau turc depuis lors, symbole de l’histoire tragique d’un peuple qui retrouve aujourd’hui les traces de son passé ourartéen. Au nord d’un Proche-Orient si troublé, on voit que l’histoire et l’archéologie de l’Ourartou vivent aujourd’hui une superbe renaissance, à laquelle les trois riches volumes ici salués ne contribuent pas pour peu.
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Louis Huot, « Aram Kosyan, Armen Petrosyan & Yervand Grekyan (éd.), Urartu and its Neighbors, Festschrift in Honor of Nicolay Harutyunyan in occasion of his 90th Birthday, 22-24 Sept. 2009, Yerevan », Syria, 89 | 2012, 407-409.
Référence électronique
Jean-Louis Huot, « Aram Kosyan, Armen Petrosyan & Yervand Grekyan (éd.), Urartu and its Neighbors, Festschrift in Honor of Nicolay Harutyunyan in occasion of his 90th Birthday, 22-24 Sept. 2009, Yerevan », Syria [En ligne], 89 | 2012, mis en ligne le 01 juillet 2016, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/syria/1051 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/syria.1051
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page