M. Crouzet, Stendhal. Héroïsme Nation Religion
Michel Crouzet, Stendhal. Héroïsme Nation Religion, Paris, Eurédit, 2015, 399 pp.
Testo integrale
1Les récentes études rassemblées dans les trois sections de ce volume traitent de quelques thèmes non pas inattendus mais étonnants dans la mesure où ils entretiennent des rapports plus étroits qu’il n’y paraît au premier abord.
2Dans la première, cinq analyses apparemment divergentes de l’héroïsme: «Mme de Rênal ou la tendresse héroïque» (pp. 9-69), «Mathilde de La Mole ou la décadence moderne de l’énergie passionnelle» (pp. 71-138), «La guillotine, n’est-ce que ça?» (pp. 139-169), «Le banquier stendhalien» (pp. 171-224), «Stendhal, Maine de Biran et l’énergie» (pp. 225-280). Chez Stendhal les femmes s’opposent ou résistent à l’esprit du temps. Elles ne sont pas révolutionnaires, mais elles font preuve d’indépendance et d’audace, en dépit parfois d’une docilité apparente. À côté de la Sanseverina, il y a la douce et modeste Mme de Rênal dont Michel Crouzet montre que par bien des traits elle aurait dû être exclue de la dimension héroïque. Dans la France morale de la monarchie constitutionnelle, cette «étrange héroïne de la tendresse» incarne la loi du cœur contre la loi de l’intérêt. Mme de Rênal, c’est la femme souveraine selon le modèle courtois, mais c’est aussi la femme douée d’une tendresse innée, naïve et simple, une héroïne fidèle à l’émotion ressentie qui vit selon son cœur. Le paradoxe étant que cette amante parfaite appartient à la réaction et qu’elle vit sous l’emprise de l’intérêt et de l’égoïsme, dans un monde où la brutalité de l’individualisme moderne l’emporte sur la grâce. Quant à son antithèse, la difficile Mathilde, on connaît sa fidélité aux valeurs héroïques, vécue comme une palingénésie, et à la morale aristocratique dans une époque marquée par une baisse de l’énergie. Trop héroïque, trop avide de singularité, Mathilde est autant victime de son idolâtrie que de son «amour de tête» qu’elle vit comme un devoir. Elle introduit dans le roman le thème de l’héroïsme de l’échafaud car elle comprend que le vrai privilège, c’est la peine de mort. Que représente la mort de Julien et que doit-on comprendre de cette laideur qui est évoquée mais dont on ne dit rien? Plus que la mort, euphémisée, comptent la préparation à la mort et la mort vécue comme une action d’éclat. Rappelons la phrase qui suit la méditation philosophique et religieuse: «Julien se sentait fort et résolu comme l’homme qui voit clair dans son âme». Le cheminement vers cette résolution est analysé à l’égal d’une montée vers le courage, au terme de laquelle le héros est pleinement lui-même, un héros qui se réhabilite par l’estime qu’il a de lui-même, c’est-à-dire par la capacité à se surmonter. Autre figure qui occupe une place paradoxale dans cette galerie: le banquier. Chez Stendhal, cet emblème de la modernité, c’est l’homme qui connaît le réel, le maître du jeu et le détenteur du pouvoir. Figure paradoxale puisque le banquier stendhalien n’est pas un homme à argent. Sa désinvolture et son ironie radicale en font le joueur qui sait se libérer de l’argent. Ces manifestations individuelles illustrent chez le disciple de Tracy dont est précisé en détail le tribut à l’égard de Maine de Biran, une théorie de l’énergie ou de la volonté exposée dès l’Histoire de la peinture et qui caractérisera plus tard les personnages au Moi fort pour qui être, c’est être énergique.
3La deuxième section est tout entière consacrée à la place de l’idée de nation ou, plus précisément, à la matière nationale chez Stendhal penseur de l’Europe des nationalités, penseur de la diversité et de la singularité. Non sans jubilation, Michel Crouzet relève d’innombrables exemples qui sont autant d’arguments contre l’idéologie universaliste qui nie la nation et que caractérise une «haine du singulier, du local, du fortuit, de l’individuel, de l’historique enraciné en un temps et en un lieu». À l’opposé du négationnisme de la nation (épinglé en la personne de J.-F. Lyotard), le Touriste s’enchante de la découverte du divers et du différent qui permettent à la nation d’échapper – pour longtemps encore? – à la menace de l’indifférenciation, à l’anglicisation «prélude à l’américanisation qui en est la suite». Loin d’être un réactionnaire nostalgique ou un nationaliste qui fait de la nation un absolu, Stendhal pense les nations comme des monades pleines de génialité, et donc riches de leurs différences: «les nations sont des êtres originaux, des forces créatrices sans doute inexplicables, mais qui expliquent l’histoire, elles représentent toutes un apport particulier dans l’histoire, mais cet apport incomparable et unique limite le progrès à une avancée spécifique compatible avec une régression des autres possibilités».
4Au seul titre de la troisième section, «Religion», on pense aux innombrables témoignages sur l’athéisme revendiqué de Stendhal et aux reproches qu’il adressait à l’idée de Dieu. Avec «Stendhal, la Mort de Dieu et le génie du catholicisme» (pp. 335-362), on revient au Stendhal qui a échappé au piège de la religion, un Stendhal «catholique par l’esthétique». Dieu est mort, mais il n’empêche que le catholicisme est la plus belle des religions, car Stendhal conçoit un catholicisme sans la foi qui est la condition de la création artistique et se confond avec la passion amoureuse. Le volume se clôt avec «Le ciel et la terre chez Stendhal» (pp. 363-399), où est d’abord examiné l’usage stendhalien des termes religieux ou spiritualistes, particulièrement le terme si fréquent et fondamental, l’âme, dont est détaillé le rôle dans l’analyse du sentiment esthétique, et ensuite le statut de ces anges évoqués quand les amants accèdent à une compréhension ineffable.
Per citare questo articolo
Notizia bibliografica
Michel Arrous, «M. Crouzet, Stendhal. Héroïsme Nation Religion», Studi Francesi, 182 (LXI | II) | 2017, 372.
Notizia bibliografica digitale
Michel Arrous, «M. Crouzet, Stendhal. Héroïsme Nation Religion», Studi Francesi [Online], 182 (LXI | II) | 2017, online dal 01 août 2017, consultato il 14 janvier 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/9991; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.9991
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