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Rassegna bibliografica
Ottocento a) dal 1800 al 1850

Regards sur 1848, E. Castleton et H. Touboul (dir.)

Michel Arrous
p. 364-366
Notizia bibliografica:

Regards sur 1848, sous la direction d’Edward Castleton et Hervé Touboul, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2015, 416 pp.

Testo integrale

1Longtemps oubliée, la révolution de 1848 effectue un remarquable retour chez les littéraires, les historiens et les philosophes qui revisitent le premier xixe siècle. On trouvera dans ce volume les communications aux colloques des universités de Franche-Comté en 2008 et de Cambridge en 2012, dont les auteurs analysent les interprétations des événements de 1848 par les contemporains. On peut y voir aussi l’illustration du drame intérieur des élus de la bourgeoisie française, anciens membres de l’opposition libérale sous la monarchie de Juillet, devenus représentants du peuple, qui lancèrent une contre-offensive après Juin, pour «trancher le nœud gordien de la difficile imbrication de l’égalité politique avec l’inégalité sociale». À leur introduction, d’Edward Castleton et Hervé Touboul ont joint un important appendice (pp. 32-100) formé de témoignages inédits ou très peu connus sur les journées de Juin.

2Première figure convoquée, par Pierre Laforgue, celle d’un indigné, en la personne de Balzac, déjà épuisé et excédé par une révolution qui désorganisait ses affaires (Balzac et Birotteau en 1848: une économie politique de la révolution (“Lettre sur le travail”), pp. 101-113). Si Balzac est passé à côté de la révolution sans la comprendre, la lecture de sa Lettre sur le travail montre qu’en dépit d’une argumentation souvent simpliste les choses ne sont pas aussi simples. Aveuglé par ses préjugés réactionnaires et obsédé par la menace des «doctrines communistes» qu’il veut écarter en promouvant l’utopie chrétienne de L’Envers de l’histoire contemporaine, Balzac s’en tient au système du capitalisme préindustriel (celui de Birotteau) élaboré entre 1830 et 1840 pour La Comédie humaine. Avec Les “Révélations historiques” de Louis Blanc et la mémoire de 1848 en France et en Grande-Bretagne (pp. 115-149), Thomas C. Jones procède à une décisive mise au point sur le rôle du théoricien socialiste et ancien membre du gouvernement provisoire qui répliqua, en 1858, aux attaques de l’ambassadeur de Grande-Bretagne en France de 1846 à 1852, ainsi qu’à d’autres détracteurs britanniques. Non content de dénoncer les faiblesses fatales du républicanisme et du socialisme français, le marquis de Normanby condamnait l’action de Louis Blanc au pouvoir en lui attribuant à tort la création et la gestion des «ateliers nationaux». L’engagement d’Auguste Comte en 1848 et son expérience politique se limitèrent au plan de la théorie, mais dans le but d’amener le peuple à s’allier aux philosophes. Dans ses textes proprement politiques ou inspirés par lui (Discours sur l’esprit positif, «Rapport à la Société Positiviste par la commission chargée d’examiner la nature et le plan du nouveau gouvernement révolutionnaire, 9 août 1848»), le moment 1848 est une étape décisive dans l’ère révolutionnaire ouverte en 1789. Frédéric Brahimi (La raison prolétaire. Auguste Comte en 1848, pp. 151-171) expose dans le détail la tâche que se donne le philosophe qui a compris, à la différence des républicains, la force sociale des prolétaires auxquels il reconnaît une capacité politique supérieure, d’où sa déclaration en faveur d’un gouvernement révolutionnaire dirigé par le prolétariat: «En 1848, Comte est un partisan de la dictature du prolétariat». Son espoir fut mis à mal par le 2 décembre. Ce sont quelques-unes des facettes du philosophe platonicien dont l’importance a été longtemps dévaluée qu’éclaire Jean-Pierre Cotten (Cousin en 1848, pp. 173-202). C’est Cousin à une époque où il n’a plus aucun rôle effectif dans la vie politique, mais où il publie deux brochures de combat: un travail qui répondait à la demande de Cavaignac en juillet 1848, Justice et charité, sur la question du droit au travail opposable et du droit de propriété (déjà abordée dans les cours de 1820 et 1829), et Philosophie populaire, suivie de la première partie de la Profession de foi du vicaire savoyard, où il s’en prend à l’école socialiste et expose sa politique culturelle pour «élever» le peuple par la lecture d’un grand texte. Plutôt que de relire l’œuvre fictionnelle, Sophie Statius se demande si on n’a pas davantage d’informations et plus directes sur L’opinion de Flaubert sur la révolution de 1848. 1848 dans la “Correspondance” (pp. 203-215). À vrai dire, la présence de la révolution est fort réduite, voire «énigmatique», car n’y figure aucun des «souvenirs de 1848»; ils n’apparaîtront que longtemps après les faits, entre 1866 et juin 1868, à l’époque où Flaubert se livre à un énorme travail de documentation et d’interprétation. Si, en 1848, année de la mort d’Alfred Le Poitevin et de la première brouille avec Louise Colet, Flaubert fut indifférent (il a néanmoins assisté aux journées de Février avec Bouilhet et Du Camp), dans l’œuvre «l’événement n’apparaît que sous sa forme travestie et travaillée par le réalisme burlesque». Comme Michelet, Flaubert diagnostique en 1868, au premier rang des causes de l’affaiblissement de la France, les effets néfastes du néocatholicisme, cette religiosité kitsch; mais l’inquiète au plus haut point le devenir de l’art dans la société révolutionnée.

3Jonathan Beecher relate les travaux et les jours d’un célèbre témoin de l’échec des révolutions européennes de 1848, qui s’exila en France (il arriva à Paris le 5 mai 1848), en Italie, en Angleterre, et en Suisse (Herzen en 1848, pp. 217-259). Au spectacle des journées de Juin qui le révoltèrent, le révolutionnaire russe perdit sa foi dans les idéaux démocratiques qui avaient inspiré les révolutionnaires de Février. Dans ses mémoires écrits de 1848 à 1852, Herzen insiste sur «l’incapacité fondamentale des acteurs de l’histoire (y compris lui-même) à changer le monde selon leur intention». L’échec de 1848 conduisit nombre d’écrivains à se retirer de la vie politique. Marieke Stein apporte quelques éclaircissements sur Hugo, partisan de la monarchie constitutionnelle, persuadé dès 1830 que la République serait l’aboutissement du progrès social (Victor Hugo en 1848: «Tiens! Ce n’est que ça la République!», pp. 261-277). Févier 1848 est une date charnière pour le poète à l’écart de l’action et quelque peu désorienté. Hugo ne veut pas encore de la République; ce qu’il veut, c’est le maintien de l’ordre. Il se méfie des socialistes et des communistes et redoute la République rouge. À lire sa profession de foi électorale, on comprend qu’il acceptera la République sans y adhérer, et, finalement, il l’accepte dans sa forme bourgeoise et modérée. Il ne deviendra vraiment républicain qu’en 1850, et ce n’est qu’en exil qu’il comprendra que la révolution inaboutie de février 1848 doit être prolongée, renouvelée. Au retrait momentané de Hugo, on opposera l’attitude de Lamartine, l’homme décisif qui, le 24 février, dans une volte-face que d’aucuns jugèrent préméditée, se prononça contre la régence. Dominique Dupart revient sur cette manœuvre du tribun accusé de démagogie et jugé responsable de la faillite de la monarchie (Un coup d’État oratoire. Discours sur la formation du gouvernement provisoire, 24 février 1848, pp. 279-290). Hervé Touboul examine la thèse globale de Marx dans Les Luttes de classes en France 1848-1850 et Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (Marx, les «journées de 1848», la politique et le théâtre, pp. 291-318). La méthode suivie dans ces pages où Marx écrit une histoire du présent en philosophant, alors qu’il n’a pas été le témoin direct des événements, a été discutée en 1972 et 1985 par des historiens anglais et américains qui confortent Marx plus qu’ils ne le réfutent. Lors de son retour en chaire au Collège de France, le 6 mars 1848, Michelet prononça une «Allocution aux Écoles». C’était donc après les événements de février et la journée du 2 mars qui, aux yeux de l’historien philosophe, confirmaient ses thèses sur le rôle du peuple et la mission de la France, même si dans ses cours antérieurs et dans Le Peuple pointaient quelques doutes quant à la possibilité d’une véritable révolution qui marquerait la fin de l’histoire dans la fusion fraternelle des différentes classes sociales. Aurélien Aramini (Michelet en 1848: le rendez-vous manqué d’une philosophie de l’histoire, pp. 319-338) signale l’ambiguïté de la pensée de Michelet. L’illusion lyrique à l’œuvre dans son discours n’effaçait pas les doutes antérieurement formulés sur l’action politique du peuple et sa relation avec les intellectuels. Le traumatisme des journées de Juin confirmera ses doutes: la «merveilleuse unité» du peuple français évoquée dans l’Introduction à l’histoire universelle, n’est plus à l’ordre du jour et, plus grave, sa philosophie de l’histoire est à revoir. D’où un changement de perspective et la volonté de régénérer le citoyen par l’éducation afin que réussisse la fraternité politique. François-Vincent Raspail ou «L’Ami du Peuple» en 1848 (pp. 339-358): Jonathan Barbier ressuscite un héros populaire, le républicain et médecin des pauvres qui ne cessa de diffuser des principes d’amélioration sociale, de droit au bonheur, de réforme, et de suffrage universel. On suit le parcours chaotique de cette icône politique, de son retour sur la scène nationale en février à son cuisant échec à l’élection présidentielle de décembre, sans oublier son emprisonnement, la présidence de son club «L’Ami du Peuple», ni son journal homonyme transformé en almanach en 1849 et 1850.

4Alors que les socialistes allemands vivront de cruelles désillusions, l’étudiant Lorenz Stein (1815-1890), qui deviendra un juriste célèbre pour sa théorie de l’ordre social fondé sur l’intérêt réciproque, publie en 1842 un ouvrage – fruit d’une mission d’espionnage! – qui fera découvrir au public allemand le socialisme et le communisme français. Le succès du livre poussa Stein à l’enrichir en exposant sa théorie du «mouvement social» et des «intérêts de classe». Un nouveau séjour à Paris, de juin à l’élection présidentielle, lui permettra d’ajouter à la troisième édition une remarquable analyse des phases de la révolution de 1848. On doit remercier Diana Siclovan, qui a consacré sa thèse à Stein, pour son bref mais substantiel exposé, Le mouvement social et la naissance de la démocratie sociale: 1848 selon l’interprétation de Lorenz Stein (pp. 361-387).

5Ce volume se clôt avec Histoire de la révolution de 1848 de Daniel Stern, souvent consultée et citée, appréciée de Renan, Michelet et Littré. La vie de la comtesse Marie d’Agoult qui brava les lois de la société et se convertit à la foi républicaine est bien connue. Éditeur de sa correspondance et de ses Mémoires, Charles F. Dupêchez la commente dans L’éveil d’une aristocrate aux idées républicaines: le cas de la comtesse Marie d’Agoult, alias «Daniel Stern» (pp. 389-410). La comtesse rêva de jouer un grand rôle en égérie de Lamartine, mais les journées sanglantes de Juin calmèrent son exaltation. De la fin de ses illusions naîtra le projet d’écrire une histoire de la Révolution.

6En proposant ce retour sur 1848, les directeurs de la publication posaient la question: «Peut-on en finir?» Non, car manquent à l’appel de grands témoins, par exemple les traumatisés et les désenchantés de 48 (voir Dumas anticipant le retour de 93, ou Fromentin dans Dominique). En attendant la parution de deux tomes qui complèteront cette première liste d’invités, on ne peut que louer l’ampleur et la diversité de l’enquête commencée.

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Notizia bibliografica

Michel Arrous, «Regards sur 1848, E. Castleton et H. Touboul (dir.)»Studi Francesi, 182 (LXI | II) | 2017, 364-366.

Notizia bibliografica digitale

Michel Arrous, «Regards sur 1848, E. Castleton et H. Touboul (dir.)»Studi Francesi [Online], 182 (LXI | II) | 2017, online dal 01 août 2017, consultato il 07 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/9975; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.9975

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