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Rassegna bibliografica
Cinquecento

Le texte en scène. Littérature, théâtre et théâtralité à la Renaissance, C. Cavallini et Ph. Desan (éds.)

Sabine Lardon
p. 348-350
Notizia bibliografica:

Le texte en scène. Littérature, théâtre et théâtralité à la Renaissance, sous la direction de Concetta Cavallini et Philippe Desan, Paris, Classiques Garnier, 2016, 391 pp.

Testo integrale

1Cette étude s’inscrit dans le cadre du très beau Projet de Recherche d’Intérêt National (PRIN) dirigé par Rosanna Gorris Camos et consacré au Corpus du théâtre français de la Renaissance, projet de publication destiné à rendre accessible au plus grand nombre ce corpus encore largement méconnu, mais qui encourage également la recherche autour du théâtre de la Renaissance (dont sept bourses de recherche internationales ainsi que le rappelle Rosanna Gorris Camos en Préface, p. 9), et suscite des journées d’étude et colloque. Ce présent volume est ainsi le fruit de deux journées d’étude (Bari 10-11 octobre 2014 et Paris 24 avril 2015), organisées par le PRIN Corpus du théâtre français de la Renaissance, l’université de Bari Aldo Moro, l’université de Chicago à Paris, le Gruppo di studio sul Cinquecento francese et les Montaigne Studies. Il reflète le dynamisme international de ce projet, son étendue et son intérêt.

2Ces études se développent autour d’une question initiale «La Renaissance est-elle un siècle théâtral?» et se proposent d’explorer les notions récentes de «théâtralité» et de «théâtralisation» (apparues au xxe s.) dans une perspective large (Concetta Cavallini et Philippe Desan, Introduction, pp. 11-17). L’approche est donc ici transdisciplinaire ainsi que l’atteste la qualité des intervenants, aussi bien spécialistes de littérature, qu’historiens, musicologues, historiens de l’art, conservateurs et archivistes. C’est là une indéniable richesse de cette approche. Les études, de fait, vont permettre d’interroger les notions de «théâtralité» et de «théâtralisation» dans leurs différentes manifestations (littérature, musique, arts figuratifs, médecine, cérémonies et vie sociale…), d’évaluer leur pertinence et leurs limites, et de percevoir leur champ de rayonnement dans les interactions entre les genres littéraires ou encore entre les arts et le contexte social et historique contemporain.

3Le volume s’ouvre sur une mise au point bienvenue de Charles Mazouer qui remet en cause l’idée que «le siècle de la Renaissance ne fut pas une grande époque pour le théâtre en France» pour retracer le panorama de ce «siècle théâtral», rappelant que les formes dites «médiévales» fleurissent essentiellement entre 1450 et 1550, avant d’envisager leur renouvellement entre 1550 et 1610, mais également la théâtralisation de la vie politique ou religieuse (La Renaissance, siècle théâtral, pp. 19-31). Les différentes interventions vont alors permettre d’évaluer les interactions entre le genre théâtral et le théâtre du monde. L’historienne Michèle Fogel interroge ainsi la théâtralisation de la vie politique pour la nuancer à la lueur du règlement de cour édicté par Henri III («Ensuyvent tous les règlements faits par le Roy le premier janvier mil cinq cent quatre-vingt-cinq»), qui bannit, entre autres, l’ostentation des vêtements et parures (Créations cérémonielles et métaphore théâtrale sous le règne d’Henri III, pp. 33-41). Cette étude trouve son prolongement dans l’exemple de l’habit à l’antique dont Anne Surgers retrace l’histoire pour dégager l’évolution de sa projection sur le prince, d’abord allégorique avant que l’habit ne se transpose sur le corps physique du roi et que la théâtralisation allégorique ne se résorbe dans l’humanisation du costume (En route vers un monarque normal ou l’extinction de la croyance en un double corps du roi. L’exemple de l’habit à l’antique (xve-xviie siècle), pp. 43-68). Claude Menges-Mironneau et Paul Mironneau, étudient pour leur part la représentation que l’on a des processions de la Ligue, en particulier marquée par le pamphlet que constitue la Satyre Ménippée, à la lumière d’un tableau acquis par le château de Pau, la Procession de la Ligue, peint vers 1593 et que les auteurs proposent d’attribuer à François Bunel le Jeune (Le tableau de “La Procession de la Ligue” (vers 1593) ou la politique mise en spectacle burlesque. Questions de sources et d’iconographie, pp. 191-209).

4Les contributions permettent alors d’étendre l’étude de la théâtralité de la vie publique à sa théâtralisation, que ce soit, comme Giovanna Devincenzo, pour montrer l’inscription de l’actualité dans une églogue de Bélyard, Charlot, contrepoint comique de sa tragédie Le Guysien, célébrant l’évasion du fils aîné de Henri de Guise dont la tragédie déplorait l’assassinat (Artifices et camouflages de la représentation de l’actualité dans “Charlot, églogue pastorelle” de Simon Bélyard, pp. 119-130); ou pour voir, à l’inverse, comme le montre Michele Mastroianni, comment La Guisade de P. Matthieu opère le mouvement inverse d’identification de l’actualité au mythe (La théâtralisation de l’histoire contemporaine dans la tragédie française de la Renaissance. “La Guisade” de Pierre Matthieu, pp. 173-189). Or la notion même de théâtralité invite à interroger le rapport entre vérité et dissimulation, masque et nudité, la question se posant pour la vie sociale comme pour le théâtre. C’est ainsi que Montaigne (qui a connu une formation théâtrale) observe la théâtralité de la vie sociale, véritable comédie humaine, dont l’auteur condamne la dissimulation au profit d’un idéal de la transparence qu’il s’efforce de respecter dans sa vie et dans son œuvre comme le montre Philippe Desan (Montaigne et la théâtralité du politique, pp. 131-149). Déborah Knop se penche, pour sa part, sur le motif théâtral de l’évanouissement: sans remettre en cause la sincérité de certains évanouissements et la dimension fondamentalement pathétique du motif, elle envisage, à travers plusieurs exemples, les nuances qu’il peut revêtir, qu’il soit simulé ou du moins préparé (Faiblesse du corps et force de la théâtralisation. Le motif de l’évanouissement dans les théâtres français et élisabéthain, pp. 227-251). L’intérêt des études ici réunies est donc de proposer une vision nuancée et diversifiée de la théâtralité dans ses interactions entre le siècle et le texte. On peut le constater à travers l’étude du motif de la bataille. Tandis en effet que Bruno Méniel étudie la représentation valorisante de la bataille dans les textes de la Renaissance, reflet de la fascination de l’époque pour la guerre et ses valeurs nobles (La bataille comme spectacle, dans les textes du xvie siècle, pp. 151-171), Goulven Oiry se concentre sur le motif de la guerre dans la comédie, en particulier à travers le personnage emblématique du soldat fanfaron, afin de voir comment cela constitue le reflet déformé et comique du contexte contemporain des guerres de religion (La matrice de la guerre parodique dans le théâtre et la narration comique de la fin de la Renaissance française (1550-1650). Pour une étude des influences croisées, pp. 289-304). Cette complexité s’observe également dans les tensions entre texte et représentation. Concetta Cavallini étudie ainsi le rapport problématique du texte à la scène dans une moralité de Benoît Voron publiée en 1585, pour relever les indices d’échec de la représentation («Ce discours fabuleux et joly». L’échec de la représentation dans l’“Enfer poétique” (1585) de Benoît Voron, pp. 305-318). Emmanuel Buron s’intéresse à la mise en page typographique de la tragédie humaniste que les éditions modernes viennent souvent modifier, qu’il s’agisse du nom du locuteur et de la disposition des répliques ou de l’organisation ou non en actes et scènes ou encore de la présence ou absence d’indications scéniques. Dans un souci différent de celui de la représentation, le texte imprimé est surtout le moyen de dégager la cohérence et la dimension poétique du discours (La présentation typographique des tragédies humanistes, pp. 253-271). Cet écart entre les enjeux de l’impression et ceux de la représentation se retrouve dans l’étude que Mariangela Miotti consacre aux Suppositi de l’Arioste, au travers des éditions italiennes puis de sa traduction française (De la scène au texte, de l’Italie à la France. Quelques réflexions sur le théâtre de l’Arioste, pp. 319-334). Une réflexion que Bruno Petey-Girard étend à l’œuvre poétique de Philippe Desportes, qui envisage le livre comme une scène sur laquelle l’auteur se met en scène, s’effaçant en tant qu’homme derrière sa voix poétique (Mettre en scène(s) la voix poétique. Philippe Desportes et l’art de l’effacement, pp. 101-118). Ce rapport s’observe également dans les glissements d’un genre d’écriture à un autre. Anna Bettoni étudie ainsi le glissement, qu’atteste l’évolution du nom, d’un personnage traditionnel des romans et contes populaires au théâtre à travers une inflexion de ses enjeux, jusqu’à démasquer le personnage (Du “sage Nigromancien” des romans au nécromancien imposteur du théâtre. Présences d’un rôle dans la prose et sur scène au xvie siècle, pp. 211-226). Tandis qu’à l’inverse Magda Campanini observe la transposition narrative d’une histoire tragique de François de Belleforest (1572) à la croisée de deux sources d’inspiration: un livret de Nicolas de Moffan et La Soltane de Gabriel Bounin pour constater l’affaiblissement de la dimension théâtrale dans le passage au récit (Tragédie et histoire tragique. Transitions et interférences, pp. 273-288). Giorgio Maselli s’intéresse pour sa part au dialogue Iulius Exclusus − selon toute probabilité d’Érasme (bien que celui-ci en ait nié la paternité) pour explorer ce qu’il emprunte au théâtre, aussi bien latin que contemporain, et ce que le théâtre lui emprunte en retour (en particulier Molière dans son Dom Juan) (Intersections théâtrales dans le “Iulius exclusus” d’Érasme, pp. 89-99). Outre les différents genres littéraires, les contributions permettent également d’envisager les différentes formes d’art ou d’écriture. Brenno Boccadoro observe la manifestation des affects dans le madrigal italien et dans l’opéra florentin en lien avec ses fondements idéologiques (platonicien / ficinien et aristotélicien) et avec la notion de l’ut pictura musica selon laquelle l’harmonie de l’âme peut être reproduite dans l’œuvre (La déclinaison spatiale de l’Idée dans la “phantasia” comme principe de l’expression des affects dans la pensée musicale du xvie siècle, pp. 69-87). Milena Maselli s’intéresse à la dimension théâtrale d’un genre qui se développe dans la seconde moitié du siècle dans les milieux médicaux et consiste à recenser des cas cliniques à travers une véritable mise en scène des personnages et du décor (La mise en scène d’un cas clinique. De l’“exemplum” médiéval à la “curatio” humaniste, pp. 335-356).

5En regard du regard panoramique qu’avait offert en ouverture Charles Mazouer sur le théâtre et la théâtralité à la Renaissance, la contribution finale de Larry F. Norman considère la manière dont le xviie siècle envisage le théâtre renaissant. Revenant sur un lieu commun de l’histoire littéraire, selon lequel le principal intérêt du théâtre renaissant serait d’ouvrir la voie au théâtre classique, l’auteur montre combien ce jugement est éloigné de la façon dont les hommes du xviie siècle envisagent leurs précédesseurs, partisans des Anciens comme des Modernes se rejoignant dans un même rejet des dramaturges de la Renaissance (Le théâtre renaissant vu de l’âge classique. Élaboration d’une distinction critique, pp. 357-369). Cet ouvrage, complété par un index nominum (pp. 371-377) ainsi que par les «résumés et présentations des auteurs» de chaque contribution (p. 379), offre ainsi un très riche panorama des notions de théâtralité et théâtralisation à la Renaissance. Dans un esprit de nuance que Montaigne n’aurait pas renié, les différentes contributions permettent d’envisager ces notions selon différents points de vue qui se complètent sans pour autant se contredire, tout en balayant le vaste champ d’application de ces notions, de la vie publique à la scène de théâtre, de la scène au livre, d’une forme d’art à l’autre. À la question initiale, «La Renaissance est-elle un siècle de théâtre?» (Introduction, p. 11), ces différentes études permettent de répondre par l’affirmative, montrant que la réflexion sur le theatrum mundi, omniprésente et protéiforme, permet d’exploiter, de refuser ou de dénoncer ce que le vingtième siècle appellera la théâtralité.

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Notizia bibliografica

Sabine Lardon, «Le texte en scène. Littérature, théâtre et théâtralité à la Renaissance, C. Cavallini et Ph. Desan (éds.)»Studi Francesi, 182 (LXI | II) | 2017, 348-350.

Notizia bibliografica digitale

Sabine Lardon, «Le texte en scène. Littérature, théâtre et théâtralité à la Renaissance, C. Cavallini et Ph. Desan (éds.)»Studi Francesi [Online], 182 (LXI | II) | 2017, online dal 01 août 2017, consultato il 24 janvier 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/9926; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.9926

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