La voix des peuples: épopée et folklore. Mélanges offerts à Jean-Pierre Martin, M.-M. Castellani et E. Poulain-Gautret (éds.)
La voix des peuples: épopée et folklore. Mélanges offerts à Jean-Pierre Martin. Textes recueillis par Marie-Madeleine Castellani et Emmanuelle Poulain-Gautret, Lille, Éditions du Conseil Scientifique de l’Université Lille 3, 2016, «UL3 travaux et recherches», 461 pp.
Testo integrale
1Les spécialités du dédicataire de ce volume, qui s’ouvre justement sur une précieuse Bibliographie des travaux de Jean-Pierre Martin (pp. 7-13), se partagent entre épopée française, folklore, tradition épique africaine: nous ne rendrons compte ici que des contributions centrées sur le premier de ces sujets, déjà riches et nombreuses.
2Loin de constituer un thème parmi d’autres, les juvenes représentent selon Dominique Boutet «l’épine dorsale» du Charroi de Nîmes (p. 25): en effet, cette notion explique certains motifs portants (ambiguïté entre richesse et pauvreté, révolte contre l’autorité, transmission des fiefs) dans une perspective idéologique et sociologique, et jusqu’à la dimension carnavalesque, que la critique a souvent reconnue dans cette chanson (La question des ‘Bachelers’ et l’idéologie du “Charroi de Nîmes”: retour sur une question lancinante, pp. 15-25).
3Marie-Madeleine Castellani réfléchit sur le motif, apparemment secondaire, de l’enfant dans les versions latine (Vita Offae primi) et françaises (Manekine de Philippe de Remi, Belle Hélène de Constantinople en vers, Roman du comte d’Anjou) du conte de la ‘fille aux mains coupées’. Dans ces réalisations littéraires, l’enfant est le noyau des problématiques qui marquent les différents textes: religion, hagiographie, questions dynastiques (Le motif de l’enfant dans quelques versions littéraires du conte de la fille aux mains coupées, pp. 51-67).
4Transmise sous plusieurs formes sans solution de continuité depuis le Moyen Âge, la chanson de Huon de Bordeaux a abouti entre la fin du xixe et le début du xxe siècle aux réécritures examinées par Caroline Cazanave: celle de Paulin et de Gaston Paris, en particulier les Aventures merveilleuses de celui-ci (1898), et la pièce théâtrale d’Alexandre Arnoux (1921), qui fut jouée jusqu’en 1959 (Les Paris, les Arnoux et “Huon de Bordeaux” – transmissions familiales et rebondissements diversifiés, pp. 69-85).
5Sous le titre anglais que lui a donné son éditeur R.C. Johnson en 1961, on lit la première chronique en prose anglo-normande centrée sur la figure de Richard Cœur de Lion. Catherine Croizy-Naquet rappelle les sources de l’auteur anonyme – notamment des chroniques latines – et les motifs littéraires qu’il a exploités: d’origine épique, romanesque (arthurienne, surtout), voire hagiographique, ils contribuent tous à former une œuvre de propagande destinée à célébrer une figure royale exceptionnelle (La compilation des motifs ou l’art de revisiter l’histoire: The Crusade and the Death of Richard I, pp. 87-105).
6Mireille Demaules offre une lecture sensible et approfondie du Songe Saint Valentin d’Oton de Granson, poème qui fonde une tradition poétique en langue française bien vivante au xve siècle. Par l’intermédiaire du songe, le poète oppose à l’amour des oiseaux, naturel, insouciant et inconstant, la fin’amor des hommes, fondée sur le respect de lois culturelles et aristocratiques (“Le Songe Saint Valentin” d’Oton de Granson ou la confluence de l’universel et du singulier, pp. 107-126).
7Les motifs rattachés à la fin’amors, en particulier le service dû à la dame, reviennent dans la production de deux princes-poètes dont l’activité est proche dans le temps et dans l’espace, Al-Mu’tamid Ibn ‘Abbad et Guillaume IX: comme le souligne Jan Goes, sans que l’on puisse prouver l’influence de l’un sur l’autre, cette similitude de thèmes n’en demeure pas moins frappante (Al-Mu’tamid Ibn ‘Abbad et Guillaume IX: quand les grands seigneurs s’approprient les motifs de la ‘fin’amors’, pp. 127-139).
8Personnage secondaire dans la chanson de Gaufrey (xiiie siècle), Berard du Mont Didier possède toutes les qualités requises à un guerrier de l’entourage de Charlemagne; ce qui fait son originalité, comme le souligne Bernard Guidot, c’est que sa présence et ses actions dans la geste sont déterminées par l’amour que lui voue Flordespine, jeune femme sarrasine qui lui donne vie et lui permet de sortir de l’anonymat (Une brève lueur dans la nuit de l’anonymat: Berart du Mont Didier dans “Gaufrey”, pp. 141-151).
9Edward A. Heinemann analyse la récurrence des éléments «Ne t’esmaier oncles dist Guïelin» (v. 1613) dans dix passages de La Prise d’Orange; au-delà des variantes individuelles, ces reprises provoquent des effets d’écho au niveau tant rythmique que structurel (Jeu d’échos dans “La Prise d’Orange”, pp. 153-165).
10Roman arthurien composé vers 1250, L’Âtre périlleux fait une large place aux combats, dont Laurence Mathey-Maille analyse les «structures d’expression» (définition de J.-P. Martin, citée p. 193); les variantes formelles, nombreuses, sont à ses yeux la preuve du goût et de l’habileté d’un auteur capable d’exploiter le matériel épique à l’intérieur d’une écriture romanesque (Scènes de combats dans “L’Âtre périlleux”, pp. 193-202).
11Rattaché au folklore, le motif du «fier baiser» est associé dans Le Bel Inconnu à une description de la guivre qui semble emprunter au savoir scientifique circulant, encore en latin, à l’époque de rédaction du roman (début du xiiie siècle). Selon Jean Maurice, si Renaud de Beaujeu n’est pas un clerc, il faudra néanmoins admettre qu’il était au courant de certaines notions de zoologie, sans doute diffusée oralement en langue vulgaire (Les embrassades du folklore et du savoir zoologique: le ‘fier baiser’ dans “Le Bel Inconnu”, pp. 203-211).
12Personnage issu de la tradition celtique, rattaché au merveilleux par certains de ses traits, Guivret affronte deux fois Érec: dans ce jeu de répétitions, Bénédicte Milland-Bove reconnaît l’intégration d’un thème épique au sein du roman; l’insertion du motif réitéré du compagnonnage constitue par ailleurs un autre élément provenant de la chanson de geste (L’‘enromancement’ des motifs épiques: l’exemple des deux combats contre Guivret dans “Érec et Énide”, pp. 203-211).
13Dans le cadre plus vaste de l’histoire sémantique du verbe traire et de ses dérivés, Aimé Petit analyse la forme à la retraite, de son sens technique en ancien français, rattaché au domaine du combat à l’épée, jusqu’à la signification moderne (À partir de la formule ‘À la retraite’, pp. 257-269).
14Chanson de geste du xiiie siècle, Florence de Rome recèle au moins deux épisodes, qu’Emmanuelle Poulain-Gautret définit des «crimes», dans lesquels les «enquêtes» qui suivent révèlent une attention particulière pour les tempéraments individuels. Loin d’être bâti uniquement avec des matériaux plus ou moins figés et stéréotypés, ce poème prête ainsi une attention remarquable à la psychologie des personnages (Histoire d’un crime: motifs épiques… et enquête policière dans “Florence de Rome”, pp. 271-281).
15Dans un très bel article de synthèse, Claude Roussel revient sur la question définitoire des «chansons d’aventures». La connaissance approfondie du corpus des textes produits entre xiie et xive siècle lui permet d’identifier les traits constitutifs de ce «genre», et surtout de réviser quelques points capitaux: l’ouverture précoce de la chanson de geste à des motifs et éléments hétérogènes et l’influence réciproque entre celle-ci et la littérature courtoise (De geste et d’aventures, pp. 283-296).
16Quatrième chanson du cycle de Nanteuil, Parise la Duchesse fait l’objet de l’étude de François Suard: il y décèle, au-delà de motifs épiques et folkloriques facilement reconnaissables (l’épouse injustement accusée, le duel judiciaire entre bien d’autres), des traits d’originalité, dont le premier est de donner une fille à Garnier (“Parise la Duchesse” et le cycle de Nantueil, pp. 297-328).
17L’épée de Roland ne saurait se réduire à un simple objet: dès la Chanson d’Oxford, elle est en effet assimilée à un être vivant. Jean Subrenat s’interroge ici sur ce caractère exceptionnel de Durendal en cherchant dans les poèmes épiques français et dans la Chronique de Turpin les origines qui lui ont été tour à tour attribuées, et surtout les traces de sa destinée après la mort du neveu de Charlemagne («Rollant est proz, Durendal est seintisme», pp. 329-346).
18Dernier texte épique franco-italien (fin xive-début xve siècle), Aquilon de Bavière est constamment inscrit par son auteur, Raffaele da Verona, dans une chronologie prétendument historique allant de l’Antiquité tardive à l’époque du narrateur. Comme le rappelle Jean-Claude Vallecalle, cette histoire englobe également le règne d’Arthur et celui de Charlemagne, et ne se prive pas d’évoquer, à travers un rappel du règne du Prêtre Jean, un monde idéal sans conflit, en dehors de la temporalité (Histoire et utopie dans “Aquilon de Bavière”, pp. 389-400).
19Myriam White-Le Goff relit les deux romans de Mélusine de Jean d’Arras et de Coudrette dans l’optique d’une interprétation de l’aristocratie médiévale. Ce lignage fondé par une femme, fée qui plus est, se déploie entre une origine mythique et folklorique, bâtie sur une faute, et la préoccupation lignagère, incarnée par la filiation (Définition de l’aristocratie selon la légende mélusinienne. La littérature entre folklore et histoire, pp. 417-427).
20Signalons enfin deux articles consacrés à des auteurs plus récents. Celui de Brigitte Buffard-Moret porte sur un écho médiéval dans l’œuvre de Victor Hugo. Le grand poète donne en épigraphe de son Chant du tournoi (Odes et Ballades, XII) quatre vers dont il ne précise pas l’auteur: qu’il le connaisse ou pas – ces vers ont circulé, anonymes ou non, entre la seconde moitié du xviiie siècle et le début du xixe –, il s’agit de l’envoi de la ballade 444 d’Eustache Deschamps (‘Ancienne ballade’ pour un ‘jeune temps’: à propos d’une épigraphe hugolienne, pp. 27-38). La contribution de Christian Morzewski retrace, sur la base de la bibliothèque médiévale réunie par Jean Giono dans sa demeure de Manosque (quelque 8000 volumes dont 200 pour le Moyen Âge), la fascination que celui-ci a exercée sur l’auteur d’Un roi sans divertissement, où l’on retrouve un écho sensible de la scène des trois gouttes de sang sur la neige de Perceval (Giono au Moyen Âge, pp. 231-239).
21Le volume est complété par une bibliographie générale comprenant les textes, les guides et dictionnaires, les articles et ouvrages critiques (pp. 429-451) et par un index (pp. 453-457).
Per citare questo articolo
Notizia bibliografica
Maria Colombo Timelli, «La voix des peuples: épopée et folklore. Mélanges offerts à Jean-Pierre Martin, M.-M. Castellani et E. Poulain-Gautret (éds.)», Studi Francesi, 182 (LXI | II) | 2017, 329-330.
Notizia bibliografica digitale
Maria Colombo Timelli, «La voix des peuples: épopée et folklore. Mélanges offerts à Jean-Pierre Martin, M.-M. Castellani et E. Poulain-Gautret (éds.)», Studi Francesi [Online], 182 (LXI | II) | 2017, online dal 18 octobre 2017, consultato il 17 janvier 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/9868; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.9868
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