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Le théâtre de société de Marie de Solms, ou comment une femme peut devenir dramaturge au xixe siècle

Valentina Ponzetto
p. 570-582

Abstract

Could a woman be a playwright in the nineteenth century? Writing for the theater was an especially difficult career for a woman, requiring exceptional socio-cultural circumstances and a judicious career strategy. The case of Marie de Solms (1831-1902), which this article studies, is a perfect illustration of this twofold constraint. A wealthy and cosmopolitan aristocrat, she had the social and cultural prerequisites to devote herself to playwriting. Her career as a playwright then developed according to astute choices calculated to ensure her visibility and renown. First, she combined multiple fields of activity, starting out as a salonnière, journalist, founder of several journals, and friend of a number of influential men of letters. Moreover, she picked prestigious female models: Germaine de Staël and above all George Sand, with whom she corresponded. Finally, like these two models of hers, she reached the theater by way of a société stage: the Théâtre du Chalet d’Aix-les-Bains, where she was at once the owner, the manager, and one of the main playwrights. Thanks to the success of her société productions in fashionable society, and with the help of journalists and professional theater artists, she then also succeeded at having her plays staged in public venues.

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Testo integrale

  • 1 Cet article est issu d’une recherche d’abord présentée sous forme de communication au 20e colloque (...)

1Peut-on être femme et dramaturge au xixe siècle? La réponse est bien évidemment affirmative. On pensera immédiatement à George Sand, Virginie Ancelot, Sophie Gay, Delphine de Girardin ou Sophie de Bawr, dont les pièces furent jouées sur les principaux théâtres parisiens1.

  • 2 Pour les désigner, j’adopterai de préférence le nom épicène de «dramaturge». Sur la question de la (...)
  • 3 A. Finch, Women’s Writing in Nineteenth Century France, Cambridge University Press, 2000, ch. 8.
  • 4 Aurore Evain rappelle les jugements émis pendant des siècles par les hommes de lettres à propos de (...)

2Cependant les femmes qui écrivent pour le théâtre2 restent pendant tout le siècle une minorité comparées à leurs collègues masculins, s’effaçant parfois derrière ces derniers, notamment en cas de collaboration, et restent globalement beaucoup moins connues, si bien qu’Alison Finch, dans son essai Women’s Writing in Nineteenth Century France, a pu parler d’«invisible women of French theatre»3. Si l’accès des femmes artistes à l’expression n’a jamais été aisé, le théâtre reste en effet un domaine particulièrement difficile et problématique, où elles rencontrent plus d’hostilité que lorsqu’elles s’essaient à d’autres genres4. La raison de cette hostilité tient aux enjeux complexes, à la fois pratiques et idéologiques ou moraux, liés au théâtre.

  • 5 Voir C. Thouret et F. Lecercle, Misogynie et théâtrophobie: les femmes et les controverses sur le t (...)
  • 6 O. Krakovitch, Les femmes dramaturges et la création au théâtre, “Pénélope”, 3, 1980, p. 30.
  • 7 Lettre du 5 octobre 1749 à Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental, in Voltaire, Correspondance, (...)
  • 8 Voir Frederick Hemmings, The Theatre Industry in Nineteenth-Century France, Cambridge, Cambridge Un (...)
  • 9 A. Evain, Introduction cit., p. 9.
  • 10 Ibidem, p. 10.

3D’abord, les planches sont encore entourées au xixe siècle d’une aura peu respectable, héritage de siècles de condamnations religieuses ou laïques5. Malgré la vigilance de la censure, les théâtres demeurent «dans la mentalité bourgeoise un lieu de perversion morale»6. Si on traite de légère, corrompue et dégradée la femme qui joue la comédie, celle qui l’écrit n’est pas mieux considérée. Même Voltaire, dont on connaît pourtant la «théâtromanie», pouvait écrire en 1749 au comte d’Argental que la condition de dramaturge «est le dernier des métiers pour un homme, et le comble de l’avilissement pour une femme»7. Quand, au cours du xixe siècle, cette lourde stigmatisation s’évanouit progressivement8, subsistent néanmoins d’autres puissantes raisons idéologiques qui font du théâtre, pour reprendre l’expression d’Aurore Evain, une «place forte masculine»9. «C’est qu’avant de devenir un type de spectacle parmi d’autres […] le théâtre fut longtemps un média très puissant et très politique», poursuit Evain, traçant un parallèle entre l’hostilité rencontrée par les femmes au théâtre et «celle qui, aujourd’hui encore, freine leur accès à la “scène” publique»10.

  • 11 O. Krakovitch, Les femmes dramaturges et la création au théâtre cit., p. 30.
  • 12 A.-S. de Bawr, Mes souvenirs, Paris, Passard, 1853, p. 251.

4D’autre part, qui dit théâtre dit industrie du spectacle, milieu particulièrement peu favorable aux femmes puisqu’il exigeait d’elles «des qualités de gestionnaire» auxquelles, comme l’a fait remarquer Odile Krakovitch, elles «étaient mal préparées et qui, suivant l’opinion des contemporains, supposaient soit une force de caractère incompatible avec la “fragilité féminine”, soit des connaissances du milieu que les bourgeoises avaient rarement»11. Il fallait négocier avec les directeurs de théâtre, les censeurs, les acteurs et actrices, et, comme l’évoque Sophie de Bawr dans ses Souvenirs, «se procurer de puissants appuis, […] adresser des demandes fréquentes, ce qui ne peut se faire si l’on ne s’établit pas en quelque sorte dans les coulisses, où les hommes seuls peuvent se montrer fréquemment sans inconvenance»12. Voilà pourquoi, forte de son expérience, elle déconseillait aux femmes d’écrire pour le théâtre.

  • 13 C.M. Beach, French Women Playwrights Before the Twentieth Century: A Checklist, Westport-London, Gr (...)
  • 14 Femmes et littérature, une histoire culturelle, vol. 2, dir. M. Reid, Paris, Gallimard, 2020, «Foli (...)
  • 15 Ch. Beaumont Wicks, The Parisian Stage: Alphabetical Index of Plays and Authors, 5 vol., University (...)
  • 16 O. Krakovitch, Les Femmes dramaturges et la création au théâtre cit., p. 32, et pour des statistiqu (...)
  • 17 C.M. Beach, French Women Playwrights Before the Twentieth Century: A Checklist cit. Pour un tableau (...)
  • 18 Ibidem.

5À ce tableau peu encourageant, il faut ajouter l’oubli presque total où sont tombées, jusqu’à une époque très récente, la plupart des femmes dramaturges du xixe siècle. Cecilia Beach, dans son très minutieux recensement publié en 1994, note qu’il s’agit de «one of the groups of authors most neglected by French literary criticism and history»13. Même la récente entreprise collective dirigée par Martine Reid Femmes et littérature. Une histoire culturelle, ne consacre aux autrices de théâtre du xixe siècle qu’une dizaine de pages, tout en rappelant que leur nombre n’est en réalité pas aussi exigu qu’on pourrait le croire14. Pour mémoire, Charles Beaumont Wicks, et Alison Finch d’après lui, en comptent à peu près 20015. Ce chiffre monte à 326 selon Odile Krakovitch, qui fonde ses décomptes sur les archives de la censure16, et à 350 environ selon Cecilia Beach, qui considère également les autrices dont la vie et la production se situent au tournant entre xviiie et xixe siècle, ou entre xixe et xxe, et surtout celles dont les pièces ne furent jamais représentées sur une scène publique, mais seulement publiées et réservées à la lecture, ou jouées dans le cadre de théâtres de société ou d’éducation17. Même après les plus récentes révisions des statistiques, le nombre des femmes par rapport aux hommes parmi les auteurs de théâtre reste une minorité écrasante: 10% au mieux, 5,5% si l’on ne compte que celles dont les pièces furent jouées sur des scènes publiques. Et encore, la plupart d’entre elles ne réussirent à faire jouer qu’une seule pièce, ne connurent que fort peu de représentations et des critiques mitigées18. Autant dire qu’elles étaient vouées à un oubli prompt et durable.

6Pour qu’une femme devienne dramaturge au xixe siècle, et surtout pour qu’elle arrive à se faire reconnaître comme telle, il lui faut donc en quelque sorte un destin exceptionnel, doublé d’une stratégie solide de contournement des obstacles que peuvent lui opposer la société en général et l’industrie du spectacle en particulier.

Marie de Solms, intellectuelle cosmopolite

7C’est le cas de Marie de Solms, princesse d’Empire par sa naissance, artiste et intellectuelle polyvalente et cosmopolite par ses talents et par les hasards de son existence riche et mouvementée.

8Née Marie-Laetitia-Studolmine Bonaparte-Wyse le 25 avril 1831 à Waterford, en Irlande, elle est la fille de Lætitia Bonaparte, à son tour fille de Lucien, donc nièce de Napoléon, et de Sir Thomas Wyse, homme politique et diplomate irlandais, membre du Parlement et ministre plénipotentiaire en Grèce. Son rang et son lien de parenté avec les Bonaparte la placent au milieu de la vie politique du temps. Cousine de Napoléon III, elle est pourtant fièrement républicaine, et son opposition au régime lui vaudra d’être soupçonnée de complot et exilée en 1853, avec interdiction de porter le nom de Bonaparte. L’ordre d’expulsion, daté du 19 février 1853 la traite d’étrangère à cause de son mariage avec M. de Solms, gentilhomme strasbourgeois, qui est considéré comme allemand. En décembre 1848 Marie avait en effet épousé, contre l’avis de sa famille, Frédéric Joseph de Solms (1815-1863), avec qui elle ne vivait pourtant pas, lui préférant les hommes de lettres, en particulier Sue et Ponsard, et multipliant les liaisons. Restée veuve, elle allait se remarier deux fois, avec deux hommes d’état: d’abord, en 1863, avec Urbano Rattazzi (1808-1873), président du Conseil des Ministres du nouveau royaume d’Italie, puis en 1873 avec le sous-secrétaire d’état espagnol Don Luis de Rute (1844-1889). Entre la France, la Savoie, l’Italie et l’Espagne, le destin de Marie de Solms est donc celui d’une citoyenne de l’Europe avant la lettre, impliquée dans le débat politique et culturel de son temps grâce à ses relations et à son activité d’écrivaine et de journaliste.

  • 19 Z.-E. Harsany, Marie de Solms, femme de lettres, Aix-les-Bains, Imprimerie Multi 73, 1983, p. 20.
  • 20 À propos des femmes journalistes et des obstacles à leurs carrières, voir M.-È. Thérenty, Femmes de (...)
  • 21 Voir Jean Secret, Mme de Solms-Rattazzi et son groupe littéraire en Savoie sous le Second Empire, A (...)

9Selon Zoltan-Étienne Harsany, le talent de Marie de Solms se distingue particulièrement dans le journalisme19, autre domaine fort peu accueillant pour les femmes20. Formée par Tony Révillon, elle collabore à plusieurs journaux et revues – “Le Constitutionnel”, “La Semaine”, “Le Pays”, “La Gazette rose” – sous des pseudonymes masculins: Baron de Stock de préférence, mais aussi Vicomte d’Albens, Camille Bernard ou Louis de Kelner. À dater de son exil, elle fonde et dirige elle-même plusieurs revues, parfois éphémères: “Les Matinées d’Aix-les-Bains” (1858-1860), particulièrement importante pour se renseigner sur l’activité théâtrale de Marie et de son entourage à Aix-les-Bains, le “Journal du Chalet” (1863), “Le Courrier de Florence” (1865), “Les Matinées italiennes, revue anecdotique artistique et littéraire” (1868), “Les Matinées espagnoles, Nouvelle revue internationale européenne” (1883-1888) dont le titre devient simplement “Nouvelle revue internationale” au retour de la directrice à Paris (1889-1902)21. Tous ces périodiques partagent, à quelque menue variante près, une même conception. On y trouve des chroniques mondaines, de l’actualité, des tableaux de mœurs, des articles de critique et de la production littéraire. Marie s’entoure de collaborateurs fidèles: Eugène Sue, François Ponsard, Ponson du Terrail, Tony Révillon, mais aussi, occasionnellement, de signatures très prestigieuses comme Lamartine, Sainte-Beuve, Hugo, Dumas ou Labiche. Elle contribue elle-même à chaque numéro avec des articles et des extraits de sa production littéraire. Ses revues deviennent ainsi également la meilleure vitrine pour présenter et promouvoir ses ouvrages, une abondante production de poèmes, nouvelles, romans et pièces de théâtre.

  • 22 Ch. Coligny, “Revue pour tous illustrée” 9 juin 1861, «échos de Paris», p. 79. En plus d’être écriv (...)
  • 23 2e année, 2e vol., livraison du 1er juillet 1859. Les années de la revue commencent en juillet, ave (...)

10Flatteur pour ne pas dire flagorneur, Charles Coligny écrit d’elle dans la “Revue pour tous illustrée” qu’un «galant chroniqueur du siècle dernier la saluerait quatre fois de sublime fille d’Apollon»22. De son côté, elle s’auto-caricature en «bas bleu insupportable», lorgnon en sautoir et gros volumes de «romans», «drames» et «tragédies» sous le bras, dans la première livraison des Matinées d’Aix-les-Bains de 185923.

Staël et Sand: les modèles

  • 24 Sur le sujet voir les trois volumes collectifs dirigés par Andrea Del Lungo et Brigitte Louichon, L (...)

11L’auto-portrait de Marie de Solms en bas-bleu est révélateur. Plutôt flatteur que caricatural, il revendique le sobriquet de «bas-bleu» avec orgueil, en dépit de la connotation habituellement négative et méprisante qu’on lui attache24. Ici, le mot devient synonyme de femme de lettres, et sert à inscrire l’écrivaine dans une communauté idéale, la rapprochant de ses grands modèles et idoles: Germaine de Staël et George Sand.

  • 25 M. de Solms, Les soirées d’Aix-les-Bains, Paris, Faure, 1865, p. 3.

12Mme de Staël, disparue plusieurs années avant la naissance de Marie, devient pour elle un symbole d’indépendance de pensée et d’écriture, dont l’image glisse insensiblement vers la fictionnalisation. Aussi, parmi les pièces de Marie de Solms trouve-t-on un drame en vers intitulé Corinne (ou Le Dernier jour d’une muse), qui transpose le contenu du dernier livre du roman homonyme, mais aussi une comédie en un acte en vers, Madame de Staël à Coppet, qui met en scène Germaine, Juliette Récamier, Benjamin Constant, Chateaubriand, Byron et Albert de Rocca devisant d’amour et de politique dans le château de la baronne. Sans jamais prétendre rivaliser avec le génie de son illustre consœur, Marie s’identifie clairement avec elle, dans une communauté de destin de femmes de lettres exilées pour des raisons politiques et idéologiques par l’Empereur. Dans la Préface aux Soirées d’Aix-les-Bains, titre qu’elle donne en 1865 au recueil de ses pièces, elle évoque explicitement ce processus d’identification comme mécanisme déclencheur de son inspiration. En parlant d’elle-même à la troisième personne, elle décrit une excursion mélancolique sur le lac du Bourget pendant laquelle «elle compare son destin à celui d’une autre exilée, génie immense à laquelle elle a voué un culte tout particulier. Elle évoque le souvenir de Madame de Staël. L’inspiration lui vient»25.

  • 26 Pour un bilan complet du rapport Sand-Solms voir Françoise Vaysse, Une relation impossible, George (...)
  • 27 H. d’Ideville, Journal d’un diplomate en Italie, 1872, p. 101: «Parmi les réponses de madame de Sol (...)
  • 28 M. de Solms, George Sand, in “Les Matinées d’Aix-les-Bains”, 2e a., 3e vol., 1859, p. 24.

13Avec Sand, le rapport est naturellement différent, plus direct, mais aussi plus problématique. Les deux femmes se sont rencontrées une fois en 1855 et ont échangé quelques lettres. Leur relation se résume cependant à une série de malentendus et d’occasions manquées26. L’admiration de Marie pour son illustre aînée n’est pourtant pas moindre. Bien au contraire, quand en 1861 elle est invitée à s’exprimer sur ses préférences littéraires, elle indique Victor Hugo comme poète favori, et George Sand comme prosateur27. En 1858, elle consacre à Sand une étude critique élogieuse, où elle la décrit comme «écrivain supérieur» et «profond philosophe, esprit sagace et attentif aux moindres mouvements de l’âme humaine»28, déclarant qu’elle dépasse même Mme de Staël. L’analyse met en valeur les qualités de l’écriture sandienne: charme de la forme, profondeur du contenu, importance des thèmes et des réflexions sociales. Comme beaucoup de ses contemporains, cependant, Marie de Solms considère la prose de Sand plus adaptée au roman qu’au théâtre:

  • 29 Ibidem, pp. 64-65.

La phrase entraînante de George Sand est une douce musique qui résonne à l’oreille enchantée du spectateur; mais la musique a ses dangers: parfois elle invite à la rêverie… ou à la somnolence. George Sand ignore l’art de tenir le public attentif: la plupart de ses pièces sont de charmantes causeries bien écrites, bien pensées, mais qui seraient mieux à l’aise et plairaient davantage dans un roman29.

14Sand dramaturge serait-elle trop raisonneuse? Trop lyrique? Trop peu incisive pour un dialogue théâtral? Marie lui reproche de discuter «froidement et en bon français un thème moral ou social», au détriment de l’action.

15Le théâtre de Sand a pourtant contribué à la mettre sur la voie de l’écriture théâtrale, et de plus d’une manière. Outre les pièces représentées sur les scènes publiques, la pratique du théâtre de Nohant, qu’elle n’a jamais vu, mais qui pique sa curiosité, compte fort probablement parmi ses modèles au moment de se lancer dans l’expérience du théâtre de société. En 1857, aux débuts de l’activité de son théâtre du Chalet, elle va même jusqu’à écrire à Sand pour lui demander de partager quelques-unes de ses pièces privées et inédites:

  • 30 Marie de Solms, lettre a. s. inédite à George Sand, s.d. [probablement août 1857 car on y fait réfé (...)

J’ai bâti comme vous le savez probablement dans mon ermitage une salle de spectacle privée devenue déjà célèbre. Notre ambition à M. Ponsard et à moi, serait d’y jouer une de vos pièces, une de celles du répertoire de Nohant. Est-ce être trop ambitieux, Madame, que de solliciter de vous cette faveur?30

16Sand refuse, prétextant le caractère semi-improvisé de son répertoire de Nohant. Mais, sans doute pour adoucir ce refus, elle invite sa correspondante à s’émanciper et à écrire elle-même son propre répertoire:

  • 31 Lettre de Sand à Marie de Solms [Nohant, 23 novembre 1857], Correspondance, t. XIV, n. 7668, pp. 52 (...)

Comment donc voulez-vous que je vous envoie une des pièces du répertoire de Nohant, qui ne sont que des canevas […] pièces jouées devant un public de personnes intimes, toujours les mêmes? ces canevas ne supporteraient pas la publicité, et, par leur sécheresse ne vous donneraient pas la moindre idée du parti qu’en peuvent tirer les gens pour lesquels ils sont faits. Comment, vous avez Ponsard, et si la fantaisie de la Commedia dell’arte vous vient, vous seriez embarrassée d’essayer? vous-même vous pouvez jouer, arranger et composer tout un répertoire de ce genre. C’est un amusement et rien de plus, et je vous crois bien plus capable que moi de l’approprier aux ressources du milieu où vous l’essaierez31.

  • 32 M. de Solms, lettre inédite à George Sand, s.d. [nov. 1857], BHVP, cote: G 5287, fo 84.

17En vain Marie essaie de revenir à la charge, en répétant combien elle aurait aimé jouer des pièces de Sand et en soulignant comment «[s]on parterre et celui de Nohant ont une grande ressemblance», surtout à l’automne, quand, la saison des bains finie, sa salle «n’abrite plus qu’un public en blouse»32 et les membres d’un cercle intime. Elle finit par accepter le conseil d’écrire son propre répertoire, qui sera publié en version pré-originale dans sa revue “Les Matinées d’Aix-les-Bains”, puis en volume, d’abord sous le titre de Théâtre complet (Chambéry, Imprimerie du gouvernement, 1860), ensuite sous celui de Les Soirées d’Aix-les-Bains (Paris, Faure, 1865).

  • 33 M. de Solms, Les Soirées d’Aix-les-Bains cit., p. 334.

18Les neuf pièces du recueil appartiennent aux genres typiques des théâtres de société: comédies et proverbes dramatiques en un ou deux actes, avec les variantes de la comédie-proverbe, du proverbe-idylle en vers et de la pochade. Seule exception: Corinne ou Le dernier jour d’une muse, que la mort de l’héroïne fait considérer comme un drame. La dramaturgie de ces pièces est en général fort simple et linéaire, construite autour d’une poignée de personnages (entre trois et six), et, dans le cas des proverbes proprement dits, autour de l’illustration d’une maxime comme «L’Amour se change en haine aussitôt qu’il expire» ou «Quand on n’aime plus trop, l’on n’aime plus assez». Les intrigues, introspectives, voire intimistes, portent en général sur un désaccord ou une mésentente entre les personnages principaux, que le dénouement viendra résoudre. Les thèmes abordés tournent surtout autour des variations sur les rapports de couple: mariage, adultère, ou de préférence crainte de l’adultère, heureusement dissipée au dénouement. Dans Quand on n’aime plus trop, l’on n’aime plus assez, par exemple, la jeune épouse découvre enfin que la froideur apparente de son mari n’était pas un indice d’infidélité, mais une ruse pour la reconquérir. Dans Aux pieds d’une femme, qui renverse joyeusement les clichés des vaudevilles contemporains, le mari jaloux, croyant avoir surpris un amant aux pieds de sa femme, apprend que ce n’était que… le pédicure de Madame. Indignée, elle se récrie: «Quoi! vous avez cru que c’était… Ah! monsieur le comte!… Quel indigne soupçon! […] Relevez-vous, et, à l’avenir, avant de condamner, voyez ce qu’on fait aux pieds d’une femme»33.

  • 34 Ibidem, Une livre de chair, scène 7, p. 307.
  • 35 «Manuela: […] Allons! L’épreuve a réussi. M. de Chenevieux aime mieux son petit doigt que toute ma (...)
  • 36 «Le docteur: La femme peut avoir du talent, du génie, | Elle sera toujours l’esclave de son cœur. M (...)

19Le beau rôle accordé aux héroïnes de toutes les pièces du corpus et une volonté manifeste de faire entendre le point de vue des femmes sur les relations de couple signale ce répertoire comme écrit dans une perspective féminine sinon féministe. Cinq pièces sur neuf, notamment, mettent en scène la fidélité mise à l’épreuve d’une jeune héroïne, dont la vertu et la sagesse triomphent finalement de tout obstacle. Ainsi Marguerite, protagoniste de L’Épreuve, fille d’un simple orfèvre, refuse la proposition de mariage d’un comte et résiste aux pressions de son père pour épouser enfin celui qu’elle aime. Quant à Manuela, jeune espagnole épouse d’un Lord anglais flegmatique, ou, selon ses propres mots, «une recluse qui s’ennuie et s’étiole comme une plante exotique exilée sous un ciel étranger»34, elle accepte la proposition de son mari de mettre à l’épreuve la passion de son soupirant lui demandant le sacrifice d’un doigt. Face au refus du jeune homme, elle l’éconduit, et semble réévaluer les avantages plus prosaïques de la fidélité conjugale35. Si ces héroïnes sont des personnages positifs et centraux, on ne devra pourtant pas s’attendre à trouver chez Marie de Solms des audaces, des revendications ou des dénonciations qui touchent à la condition féminine, ni rien qui puisse choquer un public bourgeois plutôt traditionnel. Font relativement exception, encore une fois, les pièces d’inspiration staëlienne, qui se penchent sur le conflit entre vocation littéraire et relations amoureuses dans la vie des femmes de lettres. Cependant le dénouement de Madame de Staël à Coppet tranche le dilemme posé par l’autrice de Corinne en la faisant pencher pour la supériorité d’un bonheur intime, trouvé en suivant son cœur plutôt que son talent et son génie36.

  • 37 Voir Marie-Henri de la Garde, Chronique [20 août 1858], in “Les Matinées d’Aix-les-Bains” 8, I, pp. (...)

20Toutes les pièces du recueil ont été représentées sur la scène du théâtre du Chalet, que Marie a fait construire vis-à-vis sa villa d’Aix-les-Bains. Elle y a joué elle-même certaines de ses héroïnes, notamment Corinne dans Le Dernier jour d’une muse, et la comtesse férue de pédicure de Aux pieds d’une femme37.

Le Théâtre du Chalet

21En 1853, quand Marie prend le chemin de l’exil, Aix-les-Bains appartient aux États de la Maison de Savoie. Ville francophone en dehors du territoire français, elle est de plus en train de devenir une station balnéaire courue du beau monde. C’est donc un endroit idéal pour le théâtre de société de la princesse exilée, car, contrairement à ce qu’elle laisse entendre dans sa captatio à l’adresse de George Sand, elle ne vise pas uniquement un public restreint et familial.

  • 38 Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Ville d’Aix-les-Bains, notice «Théât (...)

22Dès son arrivée, Marie s’occupe de faire construire, sous la houlette de son amant en titre, le comte Alexis de Pomereu, une villa assez simple pour les canons esthétiques du temps, qui prend le nom de Chalet de Solms, visible encore aujourd’hui rue Marie de Solms. De l’autre côté de la rue, elle fait construire en 1856, réaménageant un ancien manège couvert, un théâtre en bois aujourd’hui disparu, pouvant accueillir jusqu’à 300 personnes, qui prend le nom de Théâtre du Chalet. «C’était une construction en bois, couverte de chaume, de plan rectangulaire allongé […] Le fond de scène pouvait s’ouvrir sur la campagne environnante et la salle ne possédait qu’une loge officielle située de face»38.

  • 39 Lettre de Marie de Solms à James Fazy, 18 juillet 1857. Genève, BGE, Fonds Fazy, cit. in F. Vaysse, (...)

23L’inauguration du théâtre eut lieu le 17 juillet 1857. La soirée était sur invitation, mais attira une foule considérable, qui dut se contenter d’admirer l’éclairage festif du parc: «500 personnes dont 200 à l’entrée ont été refusées»39, écrit Marie à l’ami genevois James Fazy. Le programme, relaté dans les moindres détails par la “Gazette de Savoie” du 22 juillet, comprenait quatre pièces en un acte, dans l’ordre: En pénitence d’Anicet Bourgeois, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée de Musset, Horace et Lydie de Ponsard et Jobin et Nanette, vaudeville de Michel Carré et Léon Ballu. L’hôtesse des lieux et Ponsard jouaient les rôles principaux avec beaucoup de talent et, par un coup de promotion fort réussi, le chroniqueur annonçait déjà, pour la représentation suivante, un proverbe en deux actes de Marie de Solms, dont le titre et donc le «mot», c’est-à-dire la morale de l’intrigue, étaient tirés d’un vers de l’Horace de Ponsard: Quand on n’aime plus trop, on n’aime plus assez.

  • 40 M.-E. Plagnol-Diéval, Le Théâtre de société: un autre théâtre?, Paris, Champion, 2003, p. 11.
  • 41 J.-C. Yon, Le théâtre de société au xixe siècle: une pratique à redécouvrir, in Tréteaux et paraven (...)
  • 42 V. Ponzetto et J. Ruimi, Introduction, in Théâtre et société. Réseaux de sociabilité et représentat (...)

24On ne retracera pas ici l’histoire et le répertoire du Théâtre du Chalet, auquel Françoise Vaysse a consacré un article fondateur (Le Théâtre du Chalet. Sauver de l’oubli un patrimoine disparu) et qui mériterait une étude à part. Il sera cependant utile de donner un rapide aperçu de l’activité de ce théâtre. Pour répondre à la question posée par Françoise Vaysse, il me semble que, du moins pendant les années où il reste sous le contrôle direct de Marie de Solms et de Pomereu, entre 1856 et 1861, le Théâtre du Chalet puisse être défini sans contredit comme un théâtre de société. Il répond en effet aux critères établis par Marie-Emmanuelle Plagnol d’un théâtre «amateur, discontinu et non lucratif (sauf exceptions ponctuelles)»40, auxquels on peut ajouter le critère d’«utilisation d’un lieu privé» proposé par Jean-Claude Yon41, puisque, comme on vient de voir, il a été construit pour un commanditaire privé et sur ses terres, ou d’«espace de représentation appartenant à un particulier qui en limite et règle les entrées»42.

  • 43 G. Sand, Le Théâtre et l’Acteur et Le Théâtre des marionnettes de Nohant, in Œuvres autobiographiqu (...)
  • 44 M. de Solms, Les Soirées d’Aix-les-Bains cit., p. 2.
  • 45 L. d’Aubray, “Gazette de Savoie”, 14 août 1858.

25Les acteurs et actrices principaux étaient Marie de Solms elle-même, dont tous les chroniqueurs vantent la beauté et les dons de comédienne, et les membres de son entourage, autrement dit, sa «société». Pour évoquer les débuts de son activité, elle décrit même une sorte de bouillonnement d’enthousiasme collectif et de surgissement spontané qui n’est pas sans rappeler les textes où Sand raconte la naissance du Théâtre de Nohant43: «Quelqu’un songe au théâtre. Jouer dans un salon les proverbes de Musset, quelle fête! […] Il y avait tout un avenir d’oublis et d’émotions nouvelles dans cette idée; aussi fut-elle adoptée avec enthousiasme. On se met à l’œuvre, et la première représentation a lieu». La spontanéité et le naturel sont de rigueur. «Là on trouvait tout du théâtre, excepté le mensonge: les jeunes premiers étaient les membres des clubs parisiens; un vrai comte jouait le Caprice; les artistes, les écrivains se disputaient les rôles de genre»44, comme par exemple Dumas père, très applaudi dans le rôle-titre du Bonhomme jadis de Murger45.

26Les représentations reproduisaient en général une même formule, typique des théâtres de société: trois ou quatre pièces brèves, presque toujours en un acte, de genre gai et léger (comédies, proverbes, pochades, pastiches) et entrecoupées par des intermèdes de musique vocale ou instrumentale. Le programme-type du Chalet se composait d’un proverbe de Musset, invariablement Un caprice ou Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, d’une pièce de Marie de Solms, d’une de l’un de ses plus stricts collaborateurs, d’habitude Ponsard, et d’une nouveauté des scènes parisiennes. Pour ne donner qu’un exemple, voici le programme de la soirée du 16 août 1861, tel qu’il est transcrit par la chronique mondaine de la “La Gazette Rose” du 1er septembre:

  • 46 Vicomtesse de Renneville, “La Gazette Rose”, 1 septembre 1861, pp. 200-201.

Chœur des mineurs, paroles de Ponsard, musique de Marie de Solms
Musset, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée
Intermède musical
Marie de Solms, Le dernier jour d’une muse
Musset, Idylle
Anicet Bourgeois, En pénitence46

27La «saison» des représentations correspondait en général à l’été, de juillet à septembre, mais, quoique de plus en plus couverts par la presse locale et annoncés à grand renfort d’affiches publicitaires, les spectacles restent discontinus, très variables en nombre et en disposition sur l’année, et souvent difficiles à reconstituer.

  • 47 J.-M. Dejey, Théâtre du Chalet, “Journal d’Aix-les-Bains”, 2, 14 septembre 1879, p. 3. Voir aussi l (...)
  • 48 Seulement après l’éloignement de Marie de Solms d’Aix, qui correspond grosso modo à la révocation d (...)

28Les premières représentations, en 1857-58, étaient privées, sur invitation. Très rapidement le Théâtre du Chalet commence cependant à s’ouvrir au public, avec des représentations gratuites, par exemple à l’occasion des fêtes du 15 août, accompagnées de musique, danse et feu d’artifice, ou avec l’organisation de soirées caritatives, dont la recette est versée au profit des pauvres. En 1879, quand on commence à parler de démolition du théâtre, un journaliste écrit: «depuis vingt ans, il s’y est donné cinquante représentations au profit des pauvres d’Aix, la recette de chacune d’elles a dépassé mille francs»47. Ces pratiques restent typiques du théâtre de société et n’enfreignent pas la règle de son caractère éminemment non lucratif48. Elles sont cependant symptomatiques du désir de Marie de Solms d’ouvrir son théâtre à un public plus vaste et composite, semblable à celui des théâtres publics, et très certainement de faire connaître plus largement ses pièces, qui rencontrent les faveurs du beau monde aixois.

De la scène privée à la scène publique

29Le passage des pièces de Marie de Solms à la scène publique a lieu grâce à Brindeau, sociétaire de la Comédie Française, qui découvre à Aix Quand on n’aime plus trop on n’aime plus assez et Corinne, et décide de les inclure dans la tournée de sa troupe en Italie en 1858. Le journaliste Charles Coligny, admirateur inconditionnel de la princesse, raconte que l’acteur «tourmenta tant madame de Solms, qu’il obtint la permission de représenter» ses pièces, et que la tournée en consacra le succès:

Les pièces de madame de Solms ont été jouées à Gênes, à Turin, par la troupe nomade de Brindeau. Madame Boudeville de l’Odéon, a rempli avec beaucoup de talent et d’intelligence dramatique […] le rôle de Corinne, à Chambéry, à Annecy.
À Genève, on a joué aussi les pièces de madame de Solms. Mais le brillant succès de l’illustre muse a été lorsqu’on a joué Corinne à Turin.

  • 49 Ch. Coligny, Muses parisiennes: Mme la princesse Marie de Solms, “Le Papillon”, 25 juin 1861.

À Turin, le public et toute la cour applaudissent «à vingt reprises», et le roi Vittorio Emanuele fait apporter à la princesse «ses gants tout déchirés pour lui faire voir combien il avait battu des mains»49.

  • 50 “La Gazette de Savoie”, 15 août 1858.
  • 51 “La Gazette de Savoie”, 26 juin 1858.
  • 52 [Auguste Vitu], La Vérité sur Madame Rattazzi, Paris, Degorce-Cadot, 1869, p. 78.

30Le proverbe est particulièrement bien accueilli, comme le démontrent les échos dans la presse lors des représentations au Théâtre Royal de Chambéry en juin 1858 et au théâtre de Genève, en lever de rideau avant la Lucie de Lammermoor, en décembre de la même année, ou encore la fortune éditoriale de la pièce. Quand on n’aime plus trop on n’aime plus assez est publié en plaquette à Gênes (Imprimerie ligure-économique, 1858), reparaît dansLa Gazette rose” le 16 juin 1861, et, immédiatement traduit en italien par Louis Beraud, est joué au Théâtre Tivoli de Casale en août 185850. “La Gazette de Savoie” salue la «vérité bien simple, bien naïve, que madame la princesse de Solms a trouvée sans efforts», et le «dénouement amené sans peine» d’une pièce où il ne faut pas chercher une intrigue pleine d’action et de rebondissements, mais plutôt la simplicité de la vie et des sentiments quotidiens transfigurés par l’art51. Auguste Vitu considère «toutes les pièces qu’elle fit jouer et joua elle-même sur son théâtre» comme des «productions originales, amusantes, spirituelles et fines, vivement dialoguées, écrites avec une gaieté de bon goût et un sentiment sincère»52. Le “Journal de Genève” loue surtout le style, dont on souligne encore une fois le naturel, qualité considérée comme particulièrement seyante pour le proverbe depuis le xviiie siècle:

  • 53 “Journal de Genève”, 2 décembre 1858.

Cet essai a parfaitement réussi, et prouve que Mme de Solms peut prétendre à quelque chose de plus au théâtre. Elle a bien fait sans doute de lui donner la modeste qualification de proverbe. Ce n’est en effet que cela […] mais nous ne pouvons que louer sans restriction le style. Il est toujours clair, correct, naturel, et sans trop de prétention. C’est en un mot celui de la bonne comédie et l’esprit et le trait n’y manquent pas quand l’action le demande53.

31Ce dernier commentaire est particulièrement intéressant, car il montre le double succès du passage à la scène publique de Marie de Solms. Non seulement son petit proverbe est apprécié, mais elle est invitée à montrer plus d’ambition dans l’écriture dramatique, à s’assumer pleinement en tant qu’auteur.

 

  • 54 O. Krakovitch, Les Femmes dramaturges et les théâtres de société au xixe siècle cit., p. 185.

32Le cas de Marie de Solms montre donc par quel concours de circonstances favorables et de stratégies d’auto-promotion une femme peut devenir dramaturge au xixe siècle. D’abord, la fortune et la position sociale jouent un rôle déterminant. Pour écrire, il est nécessaire d’avoir reçu une certaine instruction, de jouir d’un minimum d’indépendance et de disposer du temps et des conditions matérielles indispensables pour le travail de composition, le fameux «lieu à soi» dont parlera Virginia Woolf, en somme. Pour écrire des pièces de théâtre, en particulier, il faut avoir une expérience de la scène, et si possible il vaut mieux y avoir accès directement, connaître le travail des comédiens, expérimenter. Or ces conditions ne sont pas faciles à réunir pour une femme. Voilà pourquoi, d’après les dépouillements d’Odile Krakovitch, «les seules œuvres reconnues ont été écrites par trois catégories sociales d’auteures: les aristocrates ou grandes bourgeoises d’abord […] les institutrices ensuite, et les actrices enfin»54. Les actrices ont évidemment une expérience professionnelle de la scène. Les deux autres catégories y ont accès par une voie alternative: le théâtre de société, ou, dans le cas des institutrices, la sous-catégorie particulière du théâtre d’éducation.

  • 55 C’est le cas également d’autres autrices contemporaines, par exemple Augustine Brohan ou Anaïs Séga (...)

33Le passage par le théâtre de société s’avère ainsi un détour libérateur pour la créativité féminine et un formidable tremplin pour accéder au statut de dramaturge reconnue. Par son caractère privé, parfois presque familial, cette pratique se soustrait aux contraintes matérielles et à la logique commerciale de l’industrie du spectacle pour rejoindre en revanche une sphère intime, plus proche de l’écriture mémoriale ou poétique, où les femmes étaient déjà admises et socialement acceptées depuis l’Ancien Régime. La relative autarchie de ces théâtres, qui fonctionnent selon un calendrier et un budget propres même en cas d’ouverture occasionnelle au public, placent en outre les femmes assez riches et indépendantes pour en posséder un dans une position de force, renversant les rapports de pouvoir en place dans les établissements publics. C’est flagrant dans le cas de Marie de Solms, qui gère personnellement son théâtre et peut décider librement de la composition du programme et du parterre. De plus, le choix de petits genres à la mode et «sans prétention» (le mot revient dans la critique), de mise pour les théâtres de société, facilite le passage aux scènes professionnelles, comme dans le cas de Marie de Solms avec ses proverbes d’inspiration mussétienne, qui s’adaptent bien aux représentations à bénéfice et sont traités avec plus d’indulgence par la critique55.

34Enfin, l’exemple d’autres femmes illustres ne doit pas être négligé. Ce n’est certes pas un hasard si Marie choisit de poser au sommet de son panthéon Germaine de Staël et George Sand. Toutes les deux ont animé un célèbre théâtre de société et, dans le cas de Sand, celui-ci a représenté le laboratoire où forger une dramaturgie applaudie sur les principales scènes parisiennes.

35Sans accéder au même degré de succès et donc à la même postérité que George Sand, Marie de Solms a pourtant réussi à faire représenter ses pièces sur des scènes publiques grâce au retentissement mondain de ses productions de société et à la médiation de journalistes et d’artistes dramatiques professionnels. Elle a donc pu atteindre un certain degré de reconnaissance et de gloire, du moins de son temps et à une échelle qu’on qualifierait aujourd’hui de «rayonnement régional».

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Allegato

 

Œuvres théâtrales de Marie de Solms [Marie Letizia Bonaparte-Wyse, Mme de Solms, puis Mme Rattazzi, puis Mme de Rute]

Marie de Solms, Théâtre complet, Chambéry, Imprimerie du gouvernement, 1860.

2e éd.: Les Soirées d’Aix-les-Bains, Paris, Faure, 1865.

Comprend:

1. Le Dernier jour d’une muse, comédie-drame en un acte en vers [2e éd.: Corinne, drame]

2. Aux pieds d’une femme, parodie du Caprice, marivaudage en quelques scènes [2e éd.: proverbe en un acte en prose]

3. L’Amour se change en haine aussitôt qu’il expire, proverbe-idylle en deux tableaux, en vers

4. L’épreuve, comédie-proverbe en un acte, en prose

5. Quand on n’aime plus trop, l’on n’aime plus assez, proverbe en 2 actes et en vers

6. L’Auberge de la Madone, proverbe en un acte, en prose

7. Les Suites d’un ménage de garçon, essai-comédie en un acte, en prose [2e éd.: comédie]

8. Mme de Staël à Coppet, comédie en un acte, en vers

9. Le Livre de chair, pochade en un tableau, en prose [2e éd.: Un Livre de chair]

Suivi dans la 1e éd. de: Molière à Vienne, comédie en deux actes en prose de Ponsard.

 

Sous le nom de Marie Rattazzi:

L’aventurière des colonies, drame en 5 actes, précédé d’un prologue, Florence, Le Monnier, 1867.

Le portrait de la comtesse, comédie en un acte en vers, Paris, Degorce-Cadot, s. d.

Une nuit de noces, comédie

Pour un doigt, comédie

Le muet qui parle, comédie

Le chant du cygne, comédie

 

Catalogue établi par Jean Secret, Marie de Solms et son salon littéraire d’Aix-les-Bains, Mémoires et documents publiés par la Société Savoisienne d’histoire et d’archéologie, t. LXXII, 1935, repris comme Mme de Solms-Rattazzi et son groupe littéraire en Savoie sous le Second Empire, Aix-les-Bains, Armand éditeur, 1935, p. 60.

 

Traductions

Le Grand Galeoto, drame de José Echegaray, traduit [de l’espagnol] par Madame de Rute, Paris, Dentu, s.d.

Un divorce, drame d’Antonio Ennès, traduit et adapté [du portugais] par Madame Urbain Rattazzi, représenté pour la première fois en Français à l’Hôtel d’Aquila le jeudi 10 octobre 1878, Paris, Librairie des bibliophiles, 1878.

Le Soufflet, drame en trois actes et en prose de Pedro de Novo y Colson, adapté à la scène française par Mme Rattazzi, “Nouvelle revue internationale”, septembre 1901.

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Note

1 Cet article est issu d’une recherche d’abord présentée sous forme de communication au 20e colloque international George Sand: George Sand et ses consœurs: la femme artiste et intellectuelle au xixe siècle, Università degli Studi di Verona, 29 juin-1er juillet 2015, ensuite approfondie dans le cadre du projet FNS Femmes «en société». Rôles et importance des femmes dans l’émergence et la création des spectacles de société («SNF Professorship» 2021-2022).

2 Pour les désigner, j’adopterai de préférence le nom épicène de «dramaturge». Sur la question de la dénomination de ces autrices, auteures, femmes auteur, femmes de lettres ou écrivaines voir notamment: Ch. Planté, La Petite sœur de Balzac, essai sur la femme auteur [1989], nouvelle éd., Presses universitaires de Lyon, 2015, ch. 1; A. Evain, Les autrices de théâtres et leurs œuvres dans les dictionnaires dramatiques du xviiie siècle, Rencontres de la SIEFAR, juin 2003, en ligne [consulté le 7 septembre 2022]; M. Reid, Des femmes en littérature, Paris, Belin, 2010.

3 A. Finch, Women’s Writing in Nineteenth Century France, Cambridge University Press, 2000, ch. 8.

4 Aurore Evain rappelle les jugements émis pendant des siècles par les hommes de lettres à propos de l’écriture féminine, qui «ont fini par dessiner une véritable cartographie de la différence sexuelle: aux hommes le théâtre, l’épopée, l’Histoire; aux femmes le roman, la poésie, l’art épistolaire» (A. Evain, Introduction, in Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, vol. I, Paris, Garnier, 2014, p. 11).

5 Voir C. Thouret et F. Lecercle, Misogynie et théâtrophobie: les femmes et les controverses sur le théâtre, “Alternatives théâtrales” 129, 4e trimestre 2016.

6 O. Krakovitch, Les femmes dramaturges et la création au théâtre, “Pénélope”, 3, 1980, p. 30.

7 Lettre du 5 octobre 1749 à Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental, in Voltaire, Correspondance, t. III, éd. Théodore Besterman, Paris, Gallimard, 1975, «La Pléiade», p. 117.

8 Voir Frederick Hemmings, The Theatre Industry in Nineteenth-Century France, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, pp. 135-148.

9 A. Evain, Introduction cit., p. 9.

10 Ibidem, p. 10.

11 O. Krakovitch, Les femmes dramaturges et la création au théâtre cit., p. 30.

12 A.-S. de Bawr, Mes souvenirs, Paris, Passard, 1853, p. 251.

13 C.M. Beach, French Women Playwrights Before the Twentieth Century: A Checklist, Westport-London, Greenwood Press, 1994, p. ix.

14 Femmes et littérature, une histoire culturelle, vol. 2, dir. M. Reid, Paris, Gallimard, 2020, «Folio essais», pp. 87-97.

15 Ch. Beaumont Wicks, The Parisian Stage: Alphabetical Index of Plays and Authors, 5 vol., University of Alabama Press, 1950; A. Finch, Women’s Writing in Nineteenth-Century France cit., p. 62.

16 O. Krakovitch, Les Femmes dramaturges et la création au théâtre cit., p. 32, et pour des statistiques complètes Les Femmes dramaturges et les théâtres de société au xixe siècle, in Tréteaux et paravents: le théâtre de société au xixe siècle, dir. J.-C. Yon et N. Le Gonidec, Créaphis éditions, 2012, p. 198. Les pièces soumises à la censure n’ont parfois pas été jouées, ou ne l’ont été qu’une seule fois. Dans la moitié des cas, elles n’ont pas été publiées.

17 C.M. Beach, French Women Playwrights Before the Twentieth Century: A Checklist cit. Pour un tableau récapitulatif avec statistiques détaillées de ces travaux et des autrices répertoriées, voir Julie Rossello-Rochet, Retour sur l’élaboration d’un répertoire de pièces d’autrices dramatiques françaises notoires du xixe siècle: dessin d’une généalogie d’ancêtres de même corporation, “Horizons/Théâtre”, 10-11 | 2017, pp. 220-239 [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ht/567] et la thèse de la même J. Rossello-Rochet, Des autrices dramatiques parisiennes dans l’espace public au xixe siècle (1789-1918), thèse d’Arts de la scène sous la direction de Bérénice Hamidi-Kim, Université Lyon 2, 2 vol., 2020 [déposée sur HAL https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03427286]. Rossello-Rochet compte en tout 345 femmes dramaturges, dont 192 ayant eu au moins une pièce jouée sur une scène publique.

18 Ibidem.

19 Z.-E. Harsany, Marie de Solms, femme de lettres, Aix-les-Bains, Imprimerie Multi 73, 1983, p. 20.

20 À propos des femmes journalistes et des obstacles à leurs carrières, voir M.-È. Thérenty, Femmes de presse, femmes de lettres. De Delphine de Girardin à Florence Aubenas, Paris, CNRS Éditions, 2019 et dir. C. Planté, M.-È. Thérenty et I. Matamoros, Masculin/féminin dans la presse du xixe siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2022.

21 Voir Jean Secret, Mme de Solms-Rattazzi et son groupe littéraire en Savoie sous le Second Empire, Aix-les-Bains, Armand éditeur, 1935.

22 Ch. Coligny, “Revue pour tous illustrée” 9 juin 1861, «échos de Paris», p. 79. En plus d’être écrivaine, elle était de plus une artiste dilettante en plusieurs domaines: on dit qu’elle avait appris la sculpture de Pradier, la caricature de Daumier et la musique de Rossini.

23 2e année, 2e vol., livraison du 1er juillet 1859. Les années de la revue commencent en juillet, avec l’ouverture de la saison estivale.

24 Sur le sujet voir les trois volumes collectifs dirigés par Andrea Del Lungo et Brigitte Louichon, La Littérature en bas-bleus, et plus particulièrement l’article de M. Reid, La couleur d’un bas, t. I, Paris, Classiques Garnier, 2010, pp. 21-32. «La catégorie «bas-bleu» oscille entre un sens étroit (une fraction de petites bourgeoises entichées de littérature et d’inspiration, parce que désormais elles savent lire) et un sens beaucoup plus large, aux frontières assez floues (à peu près toutes les femmes de lettres à l’exception de quelques génies)» (ibidem, p. 27).

25 M. de Solms, Les soirées d’Aix-les-Bains, Paris, Faure, 1865, p. 3.

26 Pour un bilan complet du rapport Sand-Solms voir Françoise Vaysse, Une relation impossible, George Sand-Marie de Solms, in “La Lettre d’Ars: lettre d’information du Centre international George Sand et le Romantisme” 41, 12/2006, pp. 7-10.

27 H. d’Ideville, Journal d’un diplomate en Italie, 1872, p. 101: «Parmi les réponses de madame de Solms […], il en est de fort piquantes et dans lesquelles on retrouvera certains traits du caractère du personnage. Quel poëte? – Hugo. Quel prosateur? - Georges Sand […] Quelle occupation? – Écrire. Quel plaisir? - Jouer la comédie. Quelle passion? - En inspirer. Quel gouvernement? La république».

28 M. de Solms, George Sand, in “Les Matinées d’Aix-les-Bains”, 2e a., 3e vol., 1859, p. 24.

29 Ibidem, pp. 64-65.

30 Marie de Solms, lettre a. s. inédite à George Sand, s.d. [probablement août 1857 car on y fait référence à la mort récente d’Eugène Sue, décédé le 3 août], Paris, BHVP, cote: G 5287, fo 79. Je rectifie la transcription donnée par Françoise Vaysse in Le Théâtre du Chalet. Sauver de l’oubli un patrimoine disparu, inArts et mémoire” 67, publication de la Société d’Art et d’Histoire d’Aix-les-Bains, mai 2012, p. 7. Qu’elle soit ici remerciée pour son aide et ses conseils.

31 Lettre de Sand à Marie de Solms [Nohant, 23 novembre 1857], Correspondance, t. XIV, n. 7668, pp. 526-527.

32 M. de Solms, lettre inédite à George Sand, s.d. [nov. 1857], BHVP, cote: G 5287, fo 84.

33 M. de Solms, Les Soirées d’Aix-les-Bains cit., p. 334.

34 Ibidem, Une livre de chair, scène 7, p. 307.

35 «Manuela: […] Allons! L’épreuve a réussi. M. de Chenevieux aime mieux son petit doigt que toute ma personne. Convenez, monsieur, que ce n’est pas trop flatteur pour moi, ni trop galant de votre part; vous n’avez pas voulu aller jusqu’au bout du… doigt» (ibidem, p. 314).

36 «Le docteur: La femme peut avoir du talent, du génie, | Elle sera toujours l’esclave de son cœur. Madame de Staël (au docteur): Puisque c’est le moyen de trouver le bonheur…» (ibidem, p. 132).

37 Voir Marie-Henri de la Garde, Chronique [20 août 1858], in “Les Matinées d’Aix-les-Bains” 8, I, pp. 318-319; J. Lebeau, Chronique [6 août 1859], “Les Matinées d’Aix-les-Bains” 6, II, pp. 237-239.

38 Inventaire général du Patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Ville d’Aix-les-Bains, notice «Théâtre du Chalet» dans la base Mérimée (Patrimoine architectural) et notices «Théâtre du Chalet» et «Maison, dite chalet de Solms» dans la base d’inventaire patrimonial de la Région Auvergne-Rhônes-Alpes. [Sites consultés le 7 septembre 2022]. Voir également J. Secret Mme de Solms-Rattazzi cit., p. 10.

39 Lettre de Marie de Solms à James Fazy, 18 juillet 1857. Genève, BGE, Fonds Fazy, cit. in F. Vaysse, Le Théâtre du Chalet. Sauver de l’oubli un patrimoine disparu cit., p. 5.

40 M.-E. Plagnol-Diéval, Le Théâtre de société: un autre théâtre?, Paris, Champion, 2003, p. 11.

41 J.-C. Yon, Le théâtre de société au xixe siècle: une pratique à redécouvrir, in Tréteaux et paravents: le théâtre de société au xixe siècle cit., p. 15. Voir également V. Ponzetto et J. Ruimi, Théâtres de société. Un objet à redéfinir, in Espaces des théâtres de société. Définitions, enjeux, postérité, dir. V. Ponzetto et J. Ruimi, Rennes, PUR, 2020, «Le Spectaculaire. Arts de la scène», pp. 7-27.

42 V. Ponzetto et J. Ruimi, Introduction, in Théâtre et société. Réseaux de sociabilité et représentations de la société, dir. V. Ponzetto et J. Ruimi, “Études de Lettres” 317, 2022/1-2, p. 3.

43 G. Sand, Le Théâtre et l’Acteur et Le Théâtre des marionnettes de Nohant, in Œuvres autobiographiques, t. II, éd G. Lubin, Paris, Gallimard, 1970, «Bibliothèque de la Pléiade», pp. 1239-1244 et pp. 1249-1276.

44 M. de Solms, Les Soirées d’Aix-les-Bains cit., p. 2.

45 L. d’Aubray, “Gazette de Savoie”, 14 août 1858.

46 Vicomtesse de Renneville, “La Gazette Rose”, 1 septembre 1861, pp. 200-201.

47 J.-M. Dejey, Théâtre du Chalet, “Journal d’Aix-les-Bains”, 2, 14 septembre 1879, p. 3. Voir aussi la préface aux Soirées d’Aix: «On élargissait le cercle des spectateurs, et le produit de la recette (on faisait des recettes de douze cents à quinze cents francs) était consacré à soulager les pauvres de la vallée» (cit., p. 2).

48 Seulement après l’éloignement de Marie de Solms d’Aix, qui correspond grosso modo à la révocation de son exil en 1860, puis à son mariage avec Rattazzi en 1863, le Théâtre du Chalet s’ouvre peu à peu à un public payant. Voir à ce propos F. Vaysse, Le Théâtre du Chalet cit.

49 Ch. Coligny, Muses parisiennes: Mme la princesse Marie de Solms, “Le Papillon”, 25 juin 1861.

50 “La Gazette de Savoie”, 15 août 1858.

51 “La Gazette de Savoie”, 26 juin 1858.

52 [Auguste Vitu], La Vérité sur Madame Rattazzi, Paris, Degorce-Cadot, 1869, p. 78.

53 “Journal de Genève”, 2 décembre 1858.

54 O. Krakovitch, Les Femmes dramaturges et les théâtres de société au xixe siècle cit., p. 185.

55 C’est le cas également d’autres autrices contemporaines, par exemple Augustine Brohan ou Anaïs Ségalas. Voir V. Ponzetto, Augustine Brohan, reine des soubrettes et auteur de proverbes, “Women in French Studies”, dir. M. Cruse, Special issue 2014, pp. 158-170; B.T. Cooper, Anaïs Ségalas, dramaturge, critique théâtrale et organisatrice de spectacles de société, in dir. F. Fix et V. Ponzetto, Femmes de spectacle au xixe siècle, Berne, Peter Lang, 2022, pp. 121-134.

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Notizia bibliografica

Valentina Ponzetto, «Le théâtre de société de Marie de Solms, ou comment une femme peut devenir dramaturge au xixe siècle»Studi Francesi, 201 (LXVII | III) | 2023, 570-582.

Notizia bibliografica digitale

Valentina Ponzetto, «Le théâtre de société de Marie de Solms, ou comment une femme peut devenir dramaturge au xixe siècle»Studi Francesi [Online], 201 (LXVII | III) | 2023, online dal 01 décembre 2024, consultato il 05 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/56345; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.56345

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