Alexandre Dumas fils, La Dame aux camélias
Alexandre Dumas fils, La Dame aux camélias, éd. présentée, établie et annotée par S. Ledda, Paris, Gallimard, 2022, «Folio théâtre», 330 pp.
Testo integrale
1Tout le monde connaît l’histoire de La Dame aux camélias, que ce soit à travers le roman de Dumas, toujours présent en librairie, et même parmi les lectures scolaires, ou à travers La Traviata de Verdi, dont le succès international a fini par éclipser l’œuvre source. Plus rares sont cependant les personnes ayant lu l’adaptation scénique du même nom tirée du roman par Alexandre Dumas fils lui-même et créée au théâtre du Vaudeville le 21 février 1852. C’est désormais chose facile et agréable à faire grâce à la remarquable édition de poche procurée par Sylvain Ledda.
2Le texte reproduit la première version publiée de la pièce (Giraud et Dagneau, «Bibliothèque théâtrale», 1852), adoptée parce qu’étant plus proche de la création elle transmet une image plus fidèle de ce que les contemporains ont pu découvrir au théâtre et parce qu’elle comporte de nombreuses didascalies, supprimées par la suite, permettant de mieux imaginer le spectacle. Ont cependant été ajoutées la préface de la deuxième édition, vibrant hommage aux interprètes de la création, et un extrait de la préface plus longue et autoréflexive écrite pour l’édition du Théâtre complet de 1868, où Dumas «revient sur les conditions de création de sa pièce, mais surtout sur les conditions morales et politiques» (p. 32), interprétées à posteriori à la lumière de sa production successive. Les principales variantes ultérieures, lorsque significatives, ont étés indiquées dans les notes, qui renvoient d’ailleurs, pour une étude philologique exhaustive comme pour d’autres éléments, tels que la musique de scène, à la récente et très soignée édition critique procurée par Lise Sabourin (Théâtre complet, Classiques Garnier, 2019).
3Dans sa «Préface» (pp. 7-30), Sylvain Ledda accompagne avec élégance et empathie le lecteur dans la (re)découverte des enjeux esthétiques, sociaux et culturels de la pièce lors de sa création en 1852 comme sur une plus longue durée. Sur le plan esthétique, il resitue la pièce dans le débat polémique du temps entre un courant romantique sur le déclin et l’émergence du «réalisme dramatique», démontrant que, contrairement à ce qu’on répète depuis le xixe siècle, La Dame aux camélias relève en réalité principalement d’une «assimilation des codes du romantisme théâtral» (p. 17): esthétique mélodramatique, mélange des genres (notamment dans la caractérisation de l’héroïne), topoï dramaturgiques (mort de l’héroïne, retour offensif du passé), peinture des mœurs contemporaines, typiques du drame et de la comédie «en habit noir», distribution à contre-emploi lors de la création. La protagoniste, plus encore qu’un avatar de la «courtisane amoureuse» dans la lignée de Manon Lescaut (ou de Marion de Lorme) apparaît comme un avatar ultime de la grisette au grand cœur, sœur cadette de Bernerette et de Mimi Pinson. La dette envers Musset, et en particulier envers le style de ses comédies et proverbes, est d’ailleurs brillamment démontrée à travers une analyse du ton de la conversation prêté par Dumas à ses personnages, «art de faire entendre sur les planches une conversation enjouée et spirituelle qui semble saisi sur le vif […] émaillé de souvenirs de répliques» mussétiennes (p. 19). Sur le plan social, «la pièce questionne la société de la monarchie de Juillet à la lumière de son rapport à la sexualité et à l’argent» (p. 22), dénonçant les ambivalences morales de l’époque face à la question de la prostitution sur fonds de la crise financière et politique qui a conduit à la révolution de 1848. De ce point de vue la pièce, au-delà du destin dramatique et poignant de son héroïne, devient un révélateur de la crise politico-économique de toute une époque, le symptôme de son effondrement idéologique. La pièce «s’impose comme l’allégorie d’un double échec: celui des valeurs bourgeoises de Juillet, celui des idéaux républicains des barricades de 1848» (p. 27), et c’est ainsi à une bien plus vaste «veillée mortuaire» que Dumas fils invite ses contemporains au chevet de Marguerite.
4Une riche «Notice» qui suit le texte complète le tableau, retraçant la fortune «durable et profonde», «jamais démentie jusqu’à nous» de la Dame aux camélias à travers des considérations sur l’adaptation du roman au théâtre, sur l’histoire houleuse, couronnée par un succès triomphal, de sa création scénique, sur la réception critique de cette dernière. Elle donne également un aperçu des étapes marquantes de l’historique de la mise en scène et des adaptations pour différents médias expressifs. S. Ledda nous rappelle que les plus grandes interprètes se sont mesurées à Marguerite Gautier, d’Eugénie Doche à Isabelle Huppert en passant par Sarah Bernhardt, Eleonora Duse, Edwige Feuillère ou Isabelle Adjani, et qu’outre la célébrissime transposition opératique de Verdi on compte de très nombreuses adaptations filmiques et télévisuelles, bon nombre de parodies ainsi qu’un ballet tirés de cette histoire intemporelle. Parmi les parodies, La Femme aux camélias, numéro de clôture de la revue de fin d’année 1852 au Théâtre des Variétés, a été choisie pour clore le volume par une petite curiosité inédite, dernière preuve – s’il en fallait encore – du succès phénoménal de la pèce de Dumas fils et l’intérêt de cette nouvelle édition.
Per citare questo articolo
Notizia bibliografica
Valentina Ponzetto, «Alexandre Dumas fils, La Dame aux camélias», Studi Francesi, 201 (LXVII | III) | 2023, 715-716.
Notizia bibliografica digitale
Valentina Ponzetto, «Alexandre Dumas fils, La Dame aux camélias», Studi Francesi [Online], 201 (LXVII | III) | 2023, online dal 01 mars 2024, consultato il 05 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/55865; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.55865
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