George Sand, Leone Leoni
George Sand, Leone Leoni, trad. e cura di A. Silvestri, Palermo, Siké/Euno Edizioni, 2022, lxxi-191 pp.
Testo integrale
1Que se passe-t-il quand l’être fascinant et irrésistible mais moralement repréhensible qui inspire une passion violente et destructrice n’est pas une femme mais un homme? Comment écrire le roman de l’homme fatal? C’est le défi que relève George Sand avec Leone Leoni, explicitement imaginé comme une version gender bent de la Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Le roman, écrit en quatorze jours à Venise en février 1834, au chevet de Musset gravement malade, et publié en 1835, raconte les aventures et la lente descente aux enfers de Juliette, fille d’un riche bijoutier de Bruxelles, à cause de sa passion pour Leone Leoni, un noble vénitien aussi brillant et charmeur que débauché, cynique et même escroc.
2C’est aussi le point de départ de l’essai introductif d’Agnese Silvestri, qui analyse la fine trame intertextuelle sous-tendue au roman comme ses éléments d’originalité. La reprise de l’illustre modèle de Prévost est d’abord replacée dans le contexte des années 1830, où Manon fascine dramaturges, vaudevillistes, l’ami Sainte-Beuve, qui dédie un essai à Prévost, et naturellement le Musset de Namouna. Le choix original de Sand d’inverser les genres des deux protagonistes entraîne cependant selon A. Silvestri quelques conséquences qui modifient radicalement la trame et la portée du roman. D’abord, sans doute puisque, comme le souligne Sand dans la «Notice» qui accompagne son roman, «le vice [est] souvent fort près du crime pour l’homme, et l’enthousiasme voisin du désespoir pour la femme», l’atmosphère générale du roman est plus sombre et tragique, dominée par des tons lugubres et nocturnes. Ensuite, la transformation de la créature fatale en gentilhomme vénitien libertin et scélérat et de sa victime en jeune fille ignorante et innocente vient infléchir leur caractérisation et leur rapport à travers la superposition de toute une série d’autres archétypes liés aux héros masculins et féminins entre la fin du xviiie siècle et le début du xixe. Enfin ces jeux de superpositions, mais surtout les caractéristiques et rôles sociaux genrés imposés par la société, entraînent des changements dans les rôles actanciels des personnages, plus poreux et perméables, et dans leurs destins respectifs, plus complexes et ambigus. Ainsi Leoni est tributaire des figures de séducteur libertin sans scrupules, de Don Juan à Lovelace en passant par le vénitien Casanova, relues à la lumière de la fascination romantique pour les figures de bandits à la fois scélérats et sublimes, tels que les héros de Byron, le Karl Moor de Schiller ou le Jean Sbogar de Nodier. Cependant, à la différence de ses modèles, il présente des caractères d’hypocrisie, de lâcheté et de fragilité psychique qui en font un personnage plus contrasté et plus original, un homme aux multiples faiblesses, comme on en trouve souvent dans les œuvres de Sand. En même temps, sa position sociale privilégiée et ses dons de manipulation le laissent sortir triomphant et impuni à la fin du roman, qui gagne en ouverture et en ambiguïté morale. Juliette, quant à elle, est intrinsèquement conditionnée par les stéréotypes genrés imposés aux jeunes filles par la société et les canons littéraires. Sand dénonce à travers elle les ravages d’une éducation qui oriente les femmes vers des préoccupations futiles et en fait des objets dociles, soumis et résignés, tout en les isolant et en les soumettant aux jugements sans appel de l’opinion publique. En même temps, elle réactive - et détourne subtilement au dire d’Agnese Silvestri – les archétypes de la femme angélique prête à tous les sacrifices pour la rédemption de l’être aimé et de l’héroïne gothique, pure innocente et persécutée. Victime volontaire surprenante par sa force et sa détermination, Juliette finit par choisir une dernière fois une fuite avec Leoni, vers un avenir à l’ambiguïté déceptive, fuyant toute tentative de normalisation moralisante incarnée par ses autres prétendants. L’ambiguïté du roman reste ainsi «intatta di fronte a qualunque tentativo di piegarlo in una direzione univoca» (intacte face à toute tentative de l’infléchir dans une direction univoque, p. lvi), ce qui fait indubitablement son intérêt.
3Le grand intérêt de cette édition en particulier est d’offrir enfin au roman une traduction italienne élégante et moderne, la première depuis celle parue au lendemain de l’édition originale française (Giorgio Sand, Leone Leoni. Romanzo. Napoli, Tipografia dell’industriale, 1839).
4Le texte est accompagné d’une chronologie bio-bibliographique synthétique et claire (pp. lix-lxxii) et d’une bibliographie sélective riche, à jour et bien catégorisée (pp. lxxiii-lxxxi), qui nourrit l’introduction et l’apparat des notes, dialoguant, entre autres, avec les thèses récentes et novatrices de Marylin Mallia sur La présence du roman gothique anglais dans les premiers romans de George Sand (2018) et de Laetitia Hanin sur La Pratique intertextuelle de George Sand (2020).
Per citare questo articolo
Notizia bibliografica
Valentina Ponzetto, «George Sand, Leone Leoni», Studi Francesi, 201 (LXVII | III) | 2023, 712.
Notizia bibliografica digitale
Valentina Ponzetto, «George Sand, Leone Leoni», Studi Francesi [Online], 201 (LXVII | III) | 2023, online dal 01 mars 2024, consultato il 02 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/55835; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.55835
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