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Rassegna bibliografica
Ottocento a)

C’est la fête!, “Le Magasin du xixe siècle” 12

Michel Arrous
p. 702-704
Notizia bibliografica:

C’est la fête!, “Le Magasin du xixe siècle” 12, 2022, 305 pp.

Testo integrale

1Avant d’entrer dans le vif du sujet et de s’adonner sérieusement à la fête avec Thérèse ou avec le Toto de Germain Nouveau, fête que le dossier examine sous toutes ses formes, le lecteur se réjouit en compagnie des auteurs de la célèbre BD Les Cités obscures. Benoît et François Schuitens, pour une fois séparément, racontent leur xixe siècle: les bibliothèques où s’est nourrie leur imagination, leur compagnonnage avec Jules Verne (Paris au xixe siècle), Nadar, Töpffer, leur relation aux gravures de G. Doré et à celles de Riou et De Neuville (Vingt mille lieues sous les mers), mais aussi Paul Otlet, l’inventeur du Mundaneum censé répertorier tous les savoirs.

2«C’est la fête!», ainsi s’intitule le riche dossier (pp. 33-165), généreusement illustré et pourvu de bibliographies fort complètes, présenté par José-Luis Diaz comme «une sorte de festologie comparée» qui traite de toutes les manifestations: fête parisienne ou villageoise, solennité religieuse ou civile, réjouissances publiques ou privées, saturnales du carnaval. Quelle est la plus belle? Pour Michelet, c’est la fête de la Fédération en 1790; pour Hugo, la «grande fête», c’est le 14 juillet. Si beaucoup d’entre elles périclitent, d’autres surgissent en l’honneur de Voltaire ou de Molière, sans compter les fêtes de banlieue où accourent les bourgeois en goguette. Le siècle fait donc la fête, à peine interrompue par la faillite de 1870.

3Les carnavals qui envahissent les boulevards, les bals masqués et les fêtes nocturnes, Bérangère Chaumont les évoque dans Éclats de nuits romantiques (pp. 42-49). Des années 1830 à la Belle-Époque, Paris connaît une débauche d’illuminations et de nuits blanches, des réjouissances endiablées, voire sulfureuses comme le chahut de Mabille, le galop chez Valentino ou le bal masqué de l’Opéra-Comique. La fête nocturne, c’est aussi celle de Lucrèce Borgia, d’Angelo, tyran de Padoue, de Léo Burckart, et même le spectaculaire galop final du Gustave III ou le bal masqué d’Auber et Scribe. Se produit alors une démocratisation de la fête que Brigitte Diaz suit au long du siècle en interrogeant la littérature pittoresque, du Livre des Cent-et-un aux guides de Delvau, Texier, Debord et Frémy. Ces Panoramas de la fête parisienne (pp. 51-60) permettent de lire l’histoire au prisme de la fête, laquelle dépend du régime politique et de l’état économique et social du pays. On peut faire la fête et même passer les bornes, jusqu’à «perdre la boule» au long d’une grande vadrouille entre cafés et bals. Alors, c’est la bamboche et la «Haute Noce» que Julien Schuh et Jean-Didier Wagneur pistent dans Very bad trips (pp. 61-69). Toutes les classes sociales s’y livrent: les jeunes écrivains et artistes chahutent au Quartier latin et chassent les demoiselles, tandis que les bourgeois fréquentent les maisons à gros numéros. Dans les bals, les cafés et les brasseries où les serveuses sont aussi des filles, la Bohème se rassemble, avant de provoquer le scandale sur la voie publique et de terroriser le bourgeois. On rencontre Maupassant, Jean Lorrain, Alfred Jarry, Alphonse Allais et Apollinaire dans leurs nuits de bamboche, à mille lieues des cercles familiaux et bourgeois où l’on joue sagement aux charades. Corinne Legoy a choisi la tâche difficile de cerner les acteurs des bals masqués et costumés dont les pratiques nous sont devenues étrangères: Sous le masque et le domino, la confusion des mondes? (pp. 71-77). Chaque bal a son public, du moins jusqu’aux années 1850: élégant et choisi à l’Opéra-Comique, plutôt mal famé à Valentino, d’étudiants à Bullier et à la Grande-Chaumière. Le bal prestigieux de l’Opéra, étroitement surveillé, occupe une place à part: des mondes mêlés se répartissent entre salle, foyer, loges et couloirs. Après 1850, ceux de l’Opéra, de Valentino et du Châtelet sont des rendez-vous qui attirent de véritables foules (4000 à 8000 pour le premier, 1500 à 3000 pour les seconds), mais les amateurs passent souvent d’une salle à l’autre en une même nuit. La géographie des bals s’étend et se diversifie, «les cloisonnements sociaux se brouillent» (cf. Maupassant, «Le Masque», 1889). Dans les cirques et hippodromes, dans les music-halls et les cabarets, dans les salles de patinage à partir de 1870, la préfecture de police veille qui renforce la surveillance extérieure et intérieure pour tenter de juguler toute transgression. Jean-Claude Yon examine le rituel par lequel le théâtre s’auto-célèbre, cas particulier qui n’a fait l’objet d’aucune étude: Les soupers de centième: la fête entre en scène (pp. 79-85). Dans la première moitié du siècle, rares sont les pièces qui franchissent le cap symbolique des cent représentations. Un des premiers soupers de ce genre fut offert en 1849 (Le Val d’Andorre, F. Halévy, H. de Saint-Georges); après 1850 la pratique devint plus fréquente: c’est le cas d’Orphée aux Enfers en 1859 et aussi pour les deux cents et trois cents représentations. Mais Offenbach n’a pas toujours suivi cette pratique et ne la reprendra avec un éclat particulier qu’en 1870, pour les Brigands et La Princesse de Trébizonde, alors que La Belle Hélène et La Grande-Duchesse de Gérolstein étaient plus que centenaires. Les deux premières décennies de la Troisième République sont une période faste (un exemple: le souper offert par Hugo pour la centième de Notre-Dame de Paris). Une centième, c’est l’occasion de manifestations exceptionnelles (concert philanthropique, dîner, fête nautique ou nocturne), dans un cabaret, un restaurant ou un hôtel luxueux, plus fréquemment dans le théâtre transformé en lieu festif privé où il est d’usage d’inviter des artistes d’autres théâtres, quelques représentants du Tout-Paris, des journalistes pour contribuer ou continuer le succès de la pièce. Autre événement très couru: la fête organisée par les élèves des quatre ateliers de l’École des beaux-arts a attiré les foules de 1892 à 1966. Isabelle Conte rappelle qu’il s’agissait à l’origine d’une grande fête costumée qui entendait se démarquer du bal de l’Opéra: “Le bal des Quat’Z’arts”. Un chef-d’œuvre de la fête transposé à la scène (1892-1914), pp. 87-93. Chaque atelier reconstituait une époque puis participait à la traversée de Paris en costume, dans le style du Carnaval ou de la descente de la Courtille. Avec ses modèles féminins en tenue légère, l’édition 1893 fit un tel scandale qu’il en résulta un procès, suivi d’une manifestation de la jeunesse des Écoles réprimée violemment (mort d’un étudiant), puis d’un soulèvement des étudiants. Le calme ne revint qu’après la démission du préfet de police. Avant même que ne se crée le mythe du bal sulfureux, cette fête inspira plusieurs revues de fin d’année, ainsi que des spectacles aux Folies-Bergères et aux Bouffes parisiens, fréquentés par la bonne société que fascinait le monde des ateliers d’artistes. Ce renouvellement du bal sur la scène et même à l’écran (en 1913) passa de Paris aux villes de province; il s’exporta par transposition en Belgique (1918), à Londres (1920), jusqu’en Australie en 1922, et sous une forme dérivée aux États-Unis en 1908. Parmi les traditions festives, il y a, bien moins connue, la «fête industrielle» que Chloé D’Arcy révèle dans Une fête industrielle: l’inauguration du chemin de fer à Dieppe (pp. 95-102). Organisée non sans difficultés les 29 et 30 juillet 1848 – un mois après les journées de Juin –‒ elle n’est certes pas la première du genre, mais la politique est l’invitée principale de ces journées marquées par un différend sur la conception de la République. En 1948, la municipalité souhaita, sans y parvenir, commémorer cet événement en l’associant au centenaire du chemin de fer; elle dut attendre juin 1998 pour le 150eͤ anniversaire de la ligne. Sans aucun doute plus connues, Les fêtes révolutionnaires en France: 1848 et 1871 (pp. 103-109) dont Jacqueline Lalouette dit qu’elles s’inspirèrent souvent des fêtes de la Grande Révolution. On y rend hommage aux vertus républicaines et aux citoyens morts en combattant pour la République. À Paris, en mars 48, plantation d’arbres de la liberté, cortège officiel de l’Hôtel de Ville à la colonne de Juillet, interprétation de La Marseillaise et du Chœur des Girondins; en novembre, autre fête place de la Concorde pour célébrer la nouvelle Constitution. Suivirent une fête de la Fraternité le 20 avril, célébrée à l’Arc de triomphe, une fête de la Concorde le 21 mai, elle aussi avec défilé des autorités. Des fêtes funéraires en hommage aux morts de février furent organisées le 4 mars et le 6 juillet. Tout aussi nombreuses et importantes furent celles organisées en province par les pouvoirs public, mais il y eut aussi des fêtes spontanées avec promenades aux flambeaux et banquets improvisés par «souscriptions spontanées». Le contexte de 1871 fut bien différent: fête de la proclamation de la Commune, convois funéraires des Fédérés, fêtes de bienfaisance, concerts-spectacles aux Tuileries, renversement de la colonne Vendôme, fêtes improvisées. Les fêtes de 1848 et 1871 se ressemblent et rappellent celles de la Grande Révolution, mais ce qui distingue les premières des secondes c’est «la tonalité religieuse essentiellement catholique». Certaines d’entre elles, comme en 1848 la remise des drapeaux à la Garde nationale, préfigurent la remise à l’armée des nouveaux drapeaux, le 14 juillet 1880, par le président Grévy. Si la République a ses fêtes à dates fixes, le Second Empire a ou aurait vécu dans une atmosphère de fête perpétuelle, la fameuse «fête impériale» qu’une légende noire s’est employée à discréditer. Stella Rollet, après avoir énuméré les fastes déployés par le régime, en analyse les enjeux politiques, pour le pouvoir comme pour ses contempteurs: La «fête impériale» entre réalité historique et construction mémorielle (pp. 111-118). L’usage ou la stratégie de la fête est d’abord politique: la magnificence dans tous les domaines valorise le règne et signe sa réussite. Avec la libéralisation, ses adversaires perturbent ponctuellement les manifestations en dénonçant les profiteurs ou les dépenses somptuaires de Napoléon III. Après Sedan, le dénigrement du régime se déchaîne contre la frivolité, l’absence de sens moral et autres maux à l’origine de la décadence nationale. La République forge la légende noire de l’Empire. Deux articles traitent d’aspects quasiment ignorés de la sociabilité festive. Alors qu’en 1912 on statufie la grisette de 1830, Judith Lyon-Caen ressuscite ses lointaines petites sœurs, ces midinettes qui n’ont plus rien à voir avec les bonnes filles de Musset et de Murger: Grisettes en fête: une histoire politique (pp. 119-126). L’image de Mimi Pinson est malmenée par la dure réalité des temps que scandent les grèves des travailleuses du textile de 1910 à 1935. À côté des commémorations officielles des grandes figures du Romantisme, il y eut aussi des événements festifs organisés dans la campagne proche de Paris. Constance Barbaresco illustre cette pratique avec, entre autres exemples, la reconstitution d’un site dont Paul de Kock avait fait le décor de ses romans aseptisés: Commémoration des parties de campagne de Paul de Kock en banlieue dans les années 1930 (pp. 127-134). Le «Centenaire historique et romantique de Romainville» (3 juillet 1933) fête à la fois le peintre des mœurs populaires et l’ancien village, non sans arrières- pensées politiques. En 1930, avait déjà eu lieu une grande cavalcade à Montfermeil, village déshérité bien différent de celui que Paul de Kock avait décrit dans La Laitière de Montfermeil (1827). La fête fait aussi l’objet d’un florilège abondant rassemblé par J.-L. Diaz (pp. 135-152), où sont convoqués Mme de Staël (la fête du carnaval dans Corinne), Fourier et ses festivités réglementées, Hugo et la Fête des Fous, les bals d’artiste, de l’Opéra et du Carnaval en 1835, les fêtes de Juillet en 1833, la fête du bœuf gras, le système des fêtes publiques et privées organisées par les prêtres de l’Humanité chez Auguste Comte, celles de la Tarasque racontées par Mistral, et les innombrables fêtes champêtres «où l’on s’étouffe chaque année davantage». Aux pp. 155-164, Bérangère Chaumont et Victoire Feuillebois proposent des «Orientations bibliographiques» qui s’ajoutent à celles données par chaque contributeur.

4Conformément aux habitudes éditoriales du “Magasin”, on trouvera dans la deuxième partie, «Le xixe siècle s’affiche» (pp. 167-266), une revue commentée des expositions de l’année 2022. Signalons «Le xixe siècle à l’écran», avec Germinal de France 2, Eugénie Grandet par Marc Dugain, Illusions perdues dans l’adaptation de X. Giannoli. Dans une si copieuse matière, des choix s’imposent: on ne passera pas sous silence les bicentenaires de Flaubert et de Baudelaire sur lesquels reviennent Gisèle Séginger et Corinne Bayle (pp. 210-221), ni les étonnants romans «néo-victoriens» d’Ambrose Parry (pseudonyme d’un couple d’Écossais auteur de The way of all flesh, 2018) qu’on découvre grâce à Sophie-Valentine Borloz (pp. 237-240), ou les «thrillers» dans le Londres de Dickens, présentés par Jessy Neau (pp. 240-243). Bien que prévenu par B. Diaz, le lecteur ne manquera pas d’être étonné par quelques bizarreries qu’on découvre aux «Frontières de l’intime» (pp. 245-247). Claire Paulhan qui en a édité les années 1919 et 1920, donne des extraits du Livre-Journal où Ferdinand Bac évoque entre juin et août 1921 ses rencontres avec son ami l’abbé Mugnier: «Je le soupçonne d’écrire son livre-journal». La rivalité secrète entre Ferdinand Bac et l’abbé Mugnier (pp. 248-252). Pierre Michel, éditeur de la Correspondance générale d’Octave Mirbeau, signale son intérêt majeur car l’écrivain fut au centre d’un vaste réseau d’amis, de confrères et d’artistes qu’il soutient, conseille et réconforte: Octave Mirbeau en correspondance (pp. 253-257). Si les lettres de Mirbeau ne disent quasiment rien de sa vie sentimentale ou conjugale, elles témoignent abondamment de sa vie intellectuelle, de ses combat politiques, sociaux et artistiques, comme le montrent celles adressées à Monet, Pissaro et Rodin qui lui doivent en grande partie leur reconnaissance internationale. Alors qu’il n’a pas tenu de journal ni écrit d’autobiographie, il est arrivé à Flaubert de noter un rêve fait le jour où il venait d’enterrer Emma. Ce rêve, J. Bruneau en a donné le texte et Joëlle Robert, qui l’a étudié en 2021, le rapproche de données biographiques pour donner sens au cauchemar: Quand Flaubert rêve (pp. 258-261). On reste aux frontières mouvantes de l’intime avec Rimbaud intus et in cute (pp. 262-265): ne se limitant pas aux lettres dites «du voyant», Adrien Cavallaro s’arrête sur quelques-uns des jalons de l’œuvre qui «font de Rimbaud un poète des intimités, familier du locus amœnus et de la confidence amoureuse, mais aussi de l’espace domestique asphyxiant».

5Faute de place, on se limitera à mentionner dans la partie «Archives» (pp. 267-289), trois contributions de J.-C. Yon: La psychologie animale selon Louis Pergaud, avec quatre extraits de 1913-1914, “Les Trois valets”, un scénario inédit de Ludovic Halévy, projet de 1862 qui n’aboutit pas, Un hommage à Molière en 1854, premier banquet qui prouve l’ampleur prise par le culte de l’auteur du Misanthrope au xixe siècle.

6Dernière partie, en guise d’annexe au Dossier: «L’esprit des lieux: tivolis, bals et jardins de divertissement». Ces lieux – plus d’une centaine  – où Paris s’amusait, François Kerlouégan, Des fausses ruines aux montagnes russes: l’épopée des tivolis et J.-D. Wagneur, «Les pieds qui r’muent». La fièvre du samedi soir à Paris (pp. 291-305) les explorent en suivant l’évolution des plaisirs parisiens. D’abord dans les jardins de divertissement, sur le modèle des vauxhalls anglais, comme celui installé en 1817 dans l’ancienne Folie Beaujon, avec ses «Montagnes françaises» ancêtres des montagnes russes; puis dans les tivolis des quartiers Saint-Lazare et Saint-Georges, successeurs du Tivoli de la rue de Clichy, qui déclinèrent après 1830, concurrencés par les jardins d’amusement et, à partir des années 1870, par les parcs d’attractions. Quant aux bals, leur succès ne se démentit pas de la monarchie de Juillet à la Troisième République quand sévissait la «dansomanie».

7Une livraison en forme d’encyclopédie des anciennes et nouvelles pratiques de la fête, de l’Empire à la République.

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Notizia bibliografica

Michel Arrous, «C’est la fête!, “Le Magasin du xixe siècle” 12»Studi Francesi, 201 (LXVII | III) | 2023, 702-704.

Notizia bibliografica digitale

Michel Arrous, «C’est la fête!, “Le Magasin du xixe siècle” 12»Studi Francesi [Online], 201 (LXVII | III) | 2023, online dal 01 mars 2024, consultato il 08 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/55700; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.55700

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