Sonia Dosoruth, Ambiguités et conflits dans la littérature francophone mauricienne
Sonia Dosoruth, Ambiguités et conflits dans la littérature francophone mauricienne, Paris, Hermann, 2022, 299 pp.
Testo integrale
1Sonia Dosoruth, responsable du département de français à l’Université de Maurice, à travers cet essai a voulu parcourir les étapes principales de la littérature mauricienne depuis la période coloniale jusqu’à la période contemporaine. Elle a divisé son œuvre en cinq chapitres, chacun desquels consacré à un moment ou à un sujet particulier de la vie littéraire de l’île.
2Dans le premier chapitre, l’auteure commence son voyage à la découverte de la littérature mauricienne, une littérature tout à fait jeune, puisqu’elle «a vu le jour il n’y a qu’un siècle» (p. 15). Dosoruth souligne que cette littérature est née et se développe de manière difficile, surtout si on considère «les barrières auxquelles elle doit malheureusement faire face» (pp. 15-16). Il s’agit d’une littérature qui a été souvent critiquée parce qu’on l’accusait d’être empruntée aux traditions littéraires d’autres pays. En effet les éléments qui rapprochent les premières œuvres mauriciennes des pierres angulaires d’autres littératures sont nombreux. En particulier elle conduit une analyse détaillée de Paul et Virginie, écrit par Bernardin de Saint-Pierre et considéré le premier roman de la littérature mauricienne, pour mettre en évidence d’un côté les aspects qui le font ressembler à des œuvres déjà parues, mais en même temps pour souligner comment à travers ce texte on arrive à dépasser le réalisme, grâce aux exagérations que Bernardin introduit surtout dans ses descriptions. C’est l’emploi de ces hyperboles qui donne «à la littérature mauricienne sa particularité ambiguë» (pp. 24-25). Dans la dernière partie du chapitre l’auteure introduit le dualisme du Même et de l’Autre, qui crée une distinction nette entre le soi et ce qui est opposé au soi. Mais naturellement ce contraste sape la croyance selon laquelle tous les hommes sont nés égaux. «C’est ce qui nourrit le caractère ambigu de la littérature mauricienne dès ses origines» (p. 27).
3Ensuite Dosoruth aborde le thème du rapport entre littérature et ethnie, en soulignant comment on perçoit, dans les textes qu’elle propose, une certaine tension liée à l’ethnicité. En particulier elle a sélectionné quatre auteurs de la période coloniale: Auguste Maingard, Svinien Mérédac, Robert-Edward Hart et Clément Charoux, chacun desquels offre des occasions de réflexion sur ce thème, mais toujours en montrant une nuance différente. Par exemple le recueil de Mingard Petits contes tristes est le prétexte pour mettre en évidence que souvent le Même, quand il ne connaît pas l’Autre, a la tendance à lui associer des actions ou des idées négatives, dégradantes et condamnables; au contraire les œuvres de Mérédac mettent en évidence surtout le phénomène de l’exclusion, les préjugés de couleur et le thème de la mort; Hart se focalise principalement sur le passage de l’enfance à l’adolescence en analysant les nombreuses difficultés auxquelles chaque individu doit faire face en ce moment si délicat; enfin à travers une profonde analyse de Ameenah de Charoux, Dosoruth décrit comment de ce roman émerge un net contraste entre l’être et le paraître, entre le rôle de protagoniste joué par le personnage féminin et indo-mauricienne Ameenah et une subtile, presque cachée, critique en arrière-plan, que Charoux lui accorde pendant toute la narration.
4Le troisième chapitre est l’occasion pour aborder le thème de la littérature engagée politiquement: en effet l’auteure commence cette partie en décrivant comment l’idée d’indépendance et la littérature s’influencent réciproquement. La présence d’une force coloniale a influencé les œuvres littéraires parues dans l’île. On aperçoit un désir de liberté chez les écrivains, qui imprègne chaque texte, même dans le cas d’auteurs qui ont des caractéristiques assez différentes. En particulier l’analyse de la période indépendantiste met en évidence les paradoxes et l’ambiguïté qui la constituent. Entre deux auteurs aussi différents que «Loÿs Masson, auteur franco-mauricien qui devient connu en France et Marcel Cabon, auteur créole et fondateur du mauricianisme, le message que semblent partager les deux écrivains demeure la valorisation du métissage pour une meilleure entente entre communautés» (p. 72). Pour ces deux auteurs un milieu culturel métissé est ce qui aura la capacité de créer une société pacifiée.
5Le chapitre suivant est consacré au type de littérature mauricienne qui s’est développé après l’indépendance. En effet une nouvelle génération d’écrivains s’est formée après la déclaration d’indépendance. Ils ont des idées, des désirs qui sont nécessairement différents par rapport à ceux de leurs prédécesseurs. Ces différences se manifestent même au niveau du langage utilisé dans leurs œuvres. Les nouveaux écrivains comme Jean Franchette, Muriel Obret ou Alix D’Unienville, «souhaiteront dépasser l’aspect ethnocentrique de la littérature qui prévaut afin d’offrir une dimension beaucoup plus universelle et sociale à la trame déjà complexe de l’instance littéraire mauricienne» (p. 116). Pour la première fois dans la littérature mauricienne, on trouve un mélange de langues: à côté du français, dans les nouveaux textes on trouve l’anglais et, surtout, le créole. Pour ces raisons ce nouveau genre d’écriture est appelé roman d’apprentissage: un genre qui comporte des tentatives, des expérimentations, en général des nouveautés qu’on n’avait jamais vues auparavant dans le panorama littéraire de l’île.
6Le dernier chapitre de cet essai est consacré à la contemporanéité et à la représentation que les écrivains d’aujourd’hui donnent de l’Autre. Dosoruth souligne comment on a terminé de le considérer une entité négative et dangereuse seulement parce qu’on ne le connaît pas; au contraire dans les romans contemporains on voit fréquemment des phénomènes de métissage culturel, parce qu’on ressent le besoin d’une société multiethnique qui est enrichie par la présence de personnes provenant de lieux différents qui se rencontrent, se mêlent et s’améliorent réciproquement grâce aux expériences qu’ils ont vécues.
7L’œuvre de Dosoruth se révèle une étude très bien conduite, qui mène le lecteur à travers les différentes époques de la littérature mauricienne, une littérature qui se manifeste avec toutes ses transformations et ses adaptations aux périodes qu’elle a traversées. Un travail très clair, très attentif et détaillé qui permet au lecteur de découvrir un bon nombre des romans qui sont des expressions fondamentales du panorama culturel de Maurice.
Per citare questo articolo
Notizia bibliografica
Roberto Ferraroni, «Sonia Dosoruth, Ambiguités et conflits dans la littérature francophone mauricienne», Studi Francesi, 200 (LXVII | II) | 2023, 501-502.
Notizia bibliografica digitale
Roberto Ferraroni, «Sonia Dosoruth, Ambiguités et conflits dans la littérature francophone mauricienne», Studi Francesi [Online], 200 (LXVII | II) | 2023, online dal 01 août 2023, consultato il 25 mars 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/54709; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.54709
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