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Rassegna bibliografica
Letterature francofone extraeuropee a cura di Elena Pessini

La littérature marocaine francophone de l’extrême contemporain. Le roman. Textes réunis et présentés par Younès Ez-Zouaine

Elena Fermi
p. 496-499
Notizia bibliografica:

La littérature marocaine francophone de l’extrême contemporain. Le roman. Textes réunis et présentés par Younès Ez-Zouaine, “Interculturel Francophonies” 41, juin-juillet 2022, Alliance française de Lecce, 2022, 390 pp.

Testo integrale

1Le volume que nous présentons réunit les contributions de plusieurs chercheurs concernant la production romanesque marocaine francophone, à partir de 1999 jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi on définit, dès le titre, un horizon temporel très proche, que l’on qualifie d’extrême contemporain. Younès Ez-Zouaine, auquel a été confiée la direction du volume, justifie dans son texte introductif le choix de 1999 comme première date de publication des ouvrages faisant l’objet des études qui le composent, en identifiant cette année comme une clé de voûte dans l’histoire politique et culturelle du Maroc qui, dit-il, semblait alors «avoir pris un tournant, et des plus accentués» (p. 9), avec une volonté marquée de renouvellement du pays, de démocratisation, de libéralisation non seulement au niveau économique. Le champ littéraire n’a pas été sourd à ces changements auxquels il a réagi par une production foisonnante. Il ne s’agit pas tellement dans cet ouvrage collectif, affirme Ez-Zouaine, de définir le statut et la valeur de cette production, mais plutôt d’en remarquer la spécificité et d’en mettre en relief la nouveauté. Le référent paraît représenter le trait de renouvellement le plus spécifique à cette littérature et s’accompagne – dit Ez-Zouaine – de deux dynamiques simultanées: l’une interne qui rompt avec le discours en vigueur dans les années précédentes, l’autre externe, faisant de cette littérature le lieu d’absorption de paradigmes universels. L’ouvrage se divise en six sections, dont la dernière présente des textes inédits de romanciers contemporains, qui permettent au lecteur de se rendre compte de la diversité des styles et des thèmes traités, malgré un dénominateur qui reste commun à tous, la posture esthético-politique. La première partie s’intitule «Dissidences. Nouvelles postures esthético-politiques» et rassemble trois études. Hassan Moustir consacre la sienne au cas de Mohammed Nedali et à la posture qu’il prend dans sa production romanesque vis-à-vis de l’identité nationale. À travers l’analyse d’un corpus comprenant Le Bonheur des moineaux (2008), La Maison de Cicine (2010), Triste jeunesse (2012) et Le Jardin des pleurs (2014), le chercheur tente de montrer à quel point l’attention du romancier est portée à la scène marocaine, divisée entre mutations des valeurs et immobilismes paralysants. Le passage narratif du réel à l’imaginaire – selon Moustir – permet à l’écrivain de conduire une réflexion sur l’ordre du pouvoir, sur la déréliction de la société post-indépendance, sur la question du genre, en déployant ainsi un imaginaire national. Bernoussi Saltani aborde le roman d’Abderrahim Kamal, Tkoulia, l’attente, paru en 2010. Il s’agit d’une poétique politique qui met en scène une comédie sociale dans les années de plomb entre les villes de Meknès, Casablanca et Fès. Le titre fait d’ailleurs figure de manifeste, en mélangeant deux langages, celui de la classe populaire et le français standard de la classe cultivée. L’ordre en est cependant inversé, car la langue du peuple vient en premier, ce qui semble vouloir annoncer le ton satirique, pamphlétaire et caustique du roman. L’auteur construit une œuvre multigenre, dans laquelle le lecteur devient co-observateur et qui invite – selon Saltani – à remettre en question écriture et lecture, afin de donner des réponses collectives, participatives et positives, concernant l’art et la société. Il s’agit d’un roman militant, où la mémoire collective devient recherche et où on ne trouve aucun trait d’exotisme. S’interroger sur la figure du père dans le roman marocain à travers le filtre deleuzien est l’objectif déclaré d’Anouar Ouyachchi. À partir du constat que la présence du père est une constante dans le roman marocain depuis les années cinquante, le chercheur tente d’analyser l’évolution que cette figure subit chez les écrivains extrême-contemporains. Condensateur de diverses formes d’autorité qui s’expriment par et à travers lui, le père sert d’abord, selon Ouyachchi, de jonction entre familial et politique et joue un rôle d’équilibration autoritaire au sein de la famille. Sa présence devient, ensuite, de plus en plus discrète en faveur d’autres figures familiales comme le frère chez Abdellatif Laâbi, pour arriver à la fragilisation ou à la complète absence dans des romans des années deux mille comme La Maison de Cicine de Nedali, Des Houris et des hommes de Bouignane ou Les Étoiles de Sidi Moumen de Binebine qui feraient ainsi ressortir les vrais oppresseurs au sein de la société. Beaucoup de romanciers s’interrogent dans leurs œuvres sur la possibilité qu’ont les fils d’échapper à l’ordre dominant et mettent en scène les luttes de résistance qui naissent dans les marges du système. Le chercheur analyse un vaste corpus et arrive à la conclusion que ces écrivains adoptent, chacun dans son style, une écriture subversive, capable de mettre en valeur la lutte inlassable de l’individu contre toute volonté d’asservissement.

2La deuxième section du volume, intitulée «Glissements. Roman, histoire, société, interartialité», s’ouvre avec l’étude conduite par Mohamed Semlali sur les écrits de Fouad Laroui et sur le passage qu’il fait, dans son écriture, de la chronique d’actualité à la fiction romanesque. Engagé au jour le jour dans une lutte contre toute forme de fanatisme, d’ignorance, de bigoterie et en faveur d’un dialogue et d’un partage constant entre les cultures et les civilisations, il fait de la culture et du savoir une thématique centrale de ses romans. Semlali choisit un corpus comprenant Les tribulations du dernier Sijilmassi (2014) et Ce vain combat que tu livres au monde (2016) comme exemples de cette pulsion à se réfugier dans la culture pour faire face aux discours abrutissants. Plaidoyer pour les Arabes. Vers un récit universel de 2021, propose enfin une réécriture de l’Histoire qui remette en équilibre les apports du monde arabe à la culture européenne occidentale, dans une représentation allant au-delà des nationalismes, des appartenances linguistiques et idéologiques. Bernard Urbani aborde les œuvres où Tahar Ben Jelloun introduit la critique artistique, ce qui serait un moyen, pour lui, de s’appuyer sur un modèle non littéraire pour le réinventer et pour dire à quel point les diverses formes d’expression artistique dialoguent entre elles. Les statues filiformes de Giacometti deviennent ainsi – selon Urbani – métaphore de la détresse et de la solitude de l’immigré séparé de sa terre et de sa famille dans La Rue d’un seul. La peinture du chilien Bravo, habitée par la lumière du Maroc où il a élu domicile, lui permet de porter l’essence et la spécificité de ce pays – qui est aussi la patrie natale de Ben Jelloun – dans le monde. Labyrinthe des sentiments guide le lecteur à travers les images en trompe-l’oeil de Pignon-Ernest sur les murs et les monuments de Naples, cité-carrefour de différentes cultures mais aussi lieu symbole d’un Occident rêvé par les jeunes immigrés qui fuient les maux de leur pays et se retrouvent plongés dans la clandestinité. Passionné de Caravage, peintre symbole de pulsions insurrectionnelles, Ben Jelloun tente aussi de cerner la singularité de cet artiste, en en incarnant l’œuvre dans le corps du texte. Urbani en conclut que l’écrivain marocain – comme Calvino – tente d’inscrire la littérature dans l’image selon le principe latin de l’ut pictura poesis, en révélant dans ses écrits artistiques des dénonciations sociales. Atmane Bissani se penche sur l’œuvre de Kilito Archéologie: douze miniatures afin de mettre en valeur le travail de l’écrivain inscrit à la fois dans le sillage de la littérature monde et dans une vision postmoderne de la littérature et des arts. Il s’agit d’un texte bref qui rassemble douze réflexions sur les littératures classiques. Le chercheur choisit de n’aborder que le premier de ces textes, Peinture, qu’il considère emblématique et anticipateur de l’œuvre à venir. Kilito y met en scène Adam, Sisyphe, Ulysse, Thanatos, des personnages qui ne possèdent pas de visage concret mais qui font partie de notre imaginaire culturel. Il construit autour de leurs figures un texte-labyrinthe qui, à partir du péché originel qui condamne éternellement Adam et en passant par la mythologie grecque condamnant Sisyphe à un supplice sans fin, arrive aux temps modernes à travers le regard du spectateur, personnage lui-même, rongé par ses doutes et victime des nouveaux fabricants de mythes. Le fou du roi de Mahi Binebine fait l’objet de la contribution de Boubker Bakhat Afdil et Mohamed Lakhdar qui mènent une réflexion autour de l’écriture de la bouffonnerie comme moyen pour créer un “je” polyphonique et pour suspendre momentanément les fonctions figées des personnages. L’écriture de Binebine, à travers le jeu des travestissements, de l’intertexte et de l’intersubjectivité, crée, selon les chercheurs, un dialogue constant entre les personnages mais remet également en question la relation auteur/lecteur, en faisant échouer la catégorie figée du roman, qui devient capable d’accueillir différents genres à la fois. Tahar Ben Jelloun et son roman Au pays (2009), font l’objet de l’étude de Mohamed Lachkar. Le romancier marocain y met en scène, à travers le personnage de Mohamed, les conditions de la communauté marocaine vivant en France, les représentations réciproques des deux communautés en présence, ainsi que les diverses formes d’exclusion auxquelles doivent constamment faire face les travailleurs marocains émigrés à l’étranger. Le retour fantasmé au pays natal, qui donne le titre à l’ouvrage, devient prétexte, pour le romancier, d’en raconter l’impossibilité, l’échec identitaire. Ben Jelloun réussit – selon le chercheur – à montrer dans ce roman tous les problèmes irrésolus et irrésolubles liés à l’émigration, des problèmes qui ne touchent pas que la première génération mais aussi les enfants de deuxième génération, victimes de leur dualité identitaire.

3La troisième section s’intitule «Extrêmes. Roman, culture et bifurcation esthétiques». La première contribution d’Abderrahim Kamal est consacrée aux Écritures du carcéral au Maroc (1999-2011) et dédiée en exergue à l’ami et collègue Abdelali El Yazami, ancien prisonnier politique. L’auteur aborde les écrits de témoignage des victimes des violences politiques afin de montrer à quel point ils ont indirectement agi sur le champ littéraire. Il s’interroge sur ce que signifie écrire pour témoigner, sur le déclic qui mène à cette forme d’écriture, sur la diversité et la complexité de l’acte de témoigner, sur l’engagement des personnes qui écrivent les préfaces de ces œuvres. Vu la variété des écritures testimoniales, le chercheur pose le problème de la frontière entre romanesque et témoignage véridique, en postulant un glissement inévitable entre l’un et l’autre. Il pose aussi la question de l’impact de ces écritures sur le champ politique, littéraire et théorique marocain et de leur contribution à la création de nouvelles écritures et à la construction d’un sujet autonome et différent. Hamid Ammar se penche sur les écritures d’extrêmes de Bouignane et Ouahboun. En s’appuyant sur La Théorie du roman de Lukács, il déclare vouloir tenter d’élucider deux questions concernant la manière dont le roman marocain francophone approche le réel dans lequel il évolue et se développe et dans quels extrêmes l’individu peut basculer, dans la société marocaine, en pensant sa relation et ses lieux à la modernité (p. 217). Le roman de Bouignane, De Fès à Kaboul, traite d’un individu enraciné dans une communauté, tandis que le recueil de nouvelles Il faut assassiner la peinture de Ouahnoun le considère sous le prisme de l’individualisme. On trouve, d’un côté, un protagoniste que l’on suit dans son parcours d’affiliation à un islamisme extrémiste, de l’autre des artistes qui gardent leur distance de la réalité ambiante. À travers des parcours différents, les protagonistes sont portés à agir sur le réel et, à travers leurs actions, à retrouver un humanisme qu’ils n’avaient jamais perdu. La réflexion de Hassan Id Brahim porte sur les contes pour la jeunesse de Habib Mazini, en particulier sur La Guerre des poubelles. L’étude tente de donner une réponse à quelques questions clé, concernant le rapport entre le réel et la fiction, les représentations de la société qui se dégagent de l’œuvre, les représentations que fait l’auteur de la jeunesse marocaine et l’esthétique à la base de son écriture. Le constat de départ est celui d’une urbanité qui ancre l’imaginaire et l’écriture de Mazini et qui voit son territoire d’élection dans la ville de Casablanca et dans l’un de ses quartiers les plus chics. Cet espace est le lieu d’une construction narrative à la fois utopique et dystopique qui montre – selon Brahim – un lieu de désolation et de violence qui conditionne et broie les êtres qui y vivent. Mazini déconstruit, de cette manière, les normes du conte de jeunesse et, au-delà du questionnement de la société marocaine contemporaine et de toutes ses problématiques, interroge toute cité moderne et tout homme contemporain. Mohamed Nedali retourne à l’honneur dans l’article de Khalid Dahmany avec son cinquième roman, Triste jeunesse, un drame passionnel relaté de l’effet vers la cause par lequel l’écrivain semble faire le portrait d’une société contradictoire, injuste et assujettissante qui domine les individus, en les enfermant dans un destin scellé à l’avance.

4La quatrième section du volume, «Transgressions», se penche sur les écritures contemporaines au féminin. Mohamed El Bouazzaoui analyse Ti t’appelles Aïcha de Mina Oualdlhadj, un roman où l’écrivaine belge d’origine marocaine met en scène la problématique identitaire des femmes immigrées. Le chercheur tente d’analyser la mise en scène des difficultés des personnages face aux conflits culturels et à la résistance des familles, ainsi que la tentative de les atténuer à travers l’humour. S’il se configure, selon El Bouazzaoui, comme une représentation des tensions et des conflits identitaires et culturels auxquels sont exposés les immigrés de la première génération et aux conséquences indélébiles que ceux-ci ont sur leurs enfants, les références culturelles et artistiques multiples dont il est rempli attestent d’une volonté d’ouverture multiculturelle à l’altérité et à l’hybridité contemporaine. Rachid Souidi et Tarik Hilal abordent l’écriture romanesque de Bouthaïna Azami, en particulier Le Cénacle des solitudes et Au café des faits divers. Ils analysent, dans ces deux ouvrages, la problématique langagière dérivée de l’incapacité de dire l’indicible, pour laquelle l’écrivaine s’inscrit dans la lignée d’auteurs tels que Blanchot ou Duras et qu’elle tente de dépasser par la pratique artistique du dessin. Les auteurs s’interrogent, en outre, sur la théâtralisation du corps féminin, sur la manière d’Azami de le représenter en lui enlevant le côté érotique, en le rendant laid, voire monstrueux. Dans son écriture tout comme dans sa production artistique, Azami montre, selon les auteurs de cette étude, la crise postmoderne du sujet, de plus en plus fragmenté, qui cède la place à des narrateurs divers, à des voix polyphoniques, à un langage polysémique. La déconstruction et la reconstruction identitaire font l’objet de la contribution de Rachid Essad et Abdellah Romli autour de Souviens-toi qui tu es (2019) de Bahaa Trabelsi. La romancière y met en scène un personnage en quête d’identité, quête qui passerait, selon les deux contributeurs, à travers différentes étapes: une déconstruction d’abord, puis une reconstruction de soi à travers l’Autre, enfin le dépassement des limites et la transgression comme moments nécessaires de la recherche de sa propre liberté. La cinquième section du volume s’intitule «Réceptions» et présente une seule contribution, dans laquelle Anass Harrat aborde la problématique de la critique littéraire qui accompagne la production dont il a été question jusqu’ici. Il part du constat que la foisonnante création littéraire marocaine n’a pas toujours été accompagnée par une critique digne de ce nom et que, en tout cas, elle semble rester l’apanage des universitaires. Une nouvelle génération de critique voit cependant le jour aujourd’hui, qui tente un renouvellement de la méthode d’approche aux textes. Harrat pose plusieurs questions autour de la relation entre la vieille et la nouvelle génération, auxquelles il tente de donner une réponse en passant par un excursus historique qui veut mettre en lumière les diverses approches et méthodes d’analyse des textes mais aussi poser le problème de l’impartialité et de la justesse de la critique, qui oublierait parfois sa tâche.

5La dernière section du volume présente des textes inédits de romanciers contemporains, qui permettent au lecteur de se rendre compte de la diversité des styles et des thèmes traités, malgré un dénominateur qui reste commun à tous, la posture esthético-politique. Chaque étude est suivie de sa bibliographie, ce qui facilite le repérage des informations concernant les sources et permet une consultation plus flexible.

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Notizia bibliografica

Elena Fermi, «La littérature marocaine francophone de l’extrême contemporain. Le roman. Textes réunis et présentés par Younès Ez-Zouaine»Studi Francesi, 200 (LXVII | II) | 2023, 496-499.

Notizia bibliografica digitale

Elena Fermi, «La littérature marocaine francophone de l’extrême contemporain. Le roman. Textes réunis et présentés par Younès Ez-Zouaine»Studi Francesi [Online], 200 (LXVII | II) | 2023, online dal 01 août 2023, consultato il 14 février 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/54674; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.54674

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