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Rassegna bibliografica
Letterature francofone extraeuropee a cura di Elena Pessini

Florian Alix, L’essai postcolonial. Poétique de l’entreglose

Elena Fermi
p. 492-493
Notizia bibliografica:

Florian Alix, L’essai postcolonial. Poétique de l’entreglose, Paris, Karthala, 2022, 328 pp.

Testo integrale

1Florian Alix aborde dans cet ouvrage le genre de l’essai dans l’univers postcolonial, en s’interrogeant sur la manière dont les intellectuels et les théoriciens postcoloniaux ont renouvelé ce genre, pour le transformer en instrument d’expérimentation littéraire. Les territoires de la postcolonialité étant multiples, avec des histoires et des cultures différentes, l’auteur déclare vouloir mettre ces différents espaces en dialogue entre eux. L’Afrique – elle-même considérée dans ses différents univers, du Maghreb à l’Afrique subsaharienne, de l’héritage langagier anglo-saxon à celui de la francophonie à l’Afrique du Sud avec l’Apartheid – est mise en regard avec les Antilles, afin de suivre les liens que l’Histoire a tracés entre ces espaces. Alix choisit enfin – pour circonscrire un champ d’étude autrement trop vaste – cinq auteurs qu’il considère emblématiques dont il prend en compte un corpus très significatif: Édouard Glissant, Nadine Gordimer, Abdelkebir Khatibi, Valentin-Yves Mudimbe, Wole Soyinka. La pratique d’écriture de ces intellectuels voit l’essai occuper une place stratégique. Le dénominateur commun qui a dicté leur choix de la part d’Alix est que, bien qu’ils soient tous des intellectuels reconnus et que l’écriture créative cohabite en eux avec une production plus scientifique, ils entretiennent des liens divers avec l’institution académique. L’auteur tente ici de montrer comment – chez eux – l’essai postcolonial déjoue les catégories traditionnelles sur les plans littéraire, identitaire et politique tout en portant un discours d’émancipation.

2En partant du constat que l’essai est, par excellence, un genre ambigu et difficile à cerner, Alix repère dans l’œuvre de Michel de Montaigne le modèle par excellence, dans la mesure où – comme le dit Claire Obaldia – il s’agit d’un «mélange apparemment arbitraire d’éléments littéraires disparates». Le sous-titre de l’œuvre, évoquant l’entreglose, vient lui aussi de Montaigne mais avec un virement de sens cette fois, car il ne s’agit pas, comme chez l’intellectuel de la Renaissance, d’analyser l’intertextualité présente dans les œuvres abordées mais de mettre en évidence la relation des textes étudiés avec les sciences humaines, dont ils proposeraient une réécriture. En prenant acte du changement du tissu social avec la sortie des pays africains et des Antilles du système colonial et de la nécessité de la classe intellectuelle postcoloniale de reconquérir son espace propre, Alix déclare vouloir tâcher d’étudier les dynamiques et les tensions que l’essai établit entre les savoirs. Les réflexions vont porter d’abord sur la construction de la subjectivité de l’essayiste, ensuite sur les rapports entre essai et critique littéraire pour aboutir enfin à la relation complexe que le genre noue avec les sciences humaines. Le volume se divise en cinq chapitres: La subjectivite dans l’essai postcolonial: écriture de soi et figures du lecteur, L’essai postcolonial comme forme critique, La stratégie philosophique de l’essai postcolonial, L’essai postcolonial en tension avec l’ethno-anthropologie et Histoire, métahistoire et mémoire dans l’essai postcolonial. Le chercheur examine successivement les liens de l’essai postcolonial avec l’autobiographie, avec la critique littéraire, la philosophie, l’anthropologie et l’historiographie. Les cinq chapitres s’ouvrent tous avec un excursus qui présente l’évolution de la discipline objet d’analyse en Europe, en Afrique subsaharienne, au Maghreb et dans les Antilles. L’auteur s’attache ensuite à l’analyse d’un corpus plutôt vaste qui comprend des œuvres de deux intellectuels francophones, Édouard Glissant et Abdelkebir Khatibi, des anglophones Nadine Gordimer et Wole Soyinka, tous les deux lauréats du Prix Nobel pour la littérature et du congolais Valentin-Yves Mudimbe qui, devenu professeur aux États-Unis, se situe au carrefour des deux langues, puisque ses textes les plus autobiographiques sont publiés en français, et les plus érudits en anglais. Pour ce qui est du rapport à l’autobiographie, à l’écriture de soi, Alix analyse les relations diverses que l’essayiste crée avec le «nous» duquel il se distancie mais aussi avec le «tu» de son lecteur, en postulant, en conclusion, que le «je» de l’écrivain n’existe que dans sa relation à une pluralité d’expériences subjectives. Quant à la critique, genre strictement connecté et souvent confondu avec l’essai, elle se distingue de ce dernier – selon l’auteur – parce que l’essai fait un travail de reconfiguration des œuvres dont il traite, en mettant ainsi en relation plusieurs «fonds culturels» (p. 102), ce qui permet de mettre en valeur la transculturalité des ouvrages dont il aborde l’analyse. Un discours similaire pourrait se faire, dit Alix, pour le rapport de l’essai postcolonial à la philosophie, un rapport qui jouerait, lui aussi, sur l’entreglose, en mettant en relation le discours philosophique avec d’autres discours et, ce faisant, en le complexifiant et, encore une fois, en le reconfigurant. L’ethno-anthropologie occupe une place cruciale dans les études postcoloniales. Alix fait dialoguer essai et récit de voyage dans les littératures postcoloniales, afin de mettre en valeur l’approche particulière de ces récits aux lieux et à la temporalité. Le passage à travers des lieux différents ne correspond pas, dans ces récits, à une succession temporelle mais à la «réunion de divers espaces au sein d’une même temporalité» (p. 224). Essai et récit s’intègrent donc, selon le chercheur, l’un à l’autre dans la mesure où le premier «fait porter l’intérêt sur la façon dont ils (les lieux) intègrent l’imaginaire de l’auteur, qui les met en relation» (p. 224). La polyphonie, la pluralité des voix et des visions, la reconfiguration des narrations des faits historiques, telles qu’elles avaient été faites par les historiens européens, paraît être aussi le fil rouge qui relie l’essai postcolonial à l’historiographie et à la mémoire. L’essayiste, selon Alix, actualise dans son écriture la mémoire, en créant un rapport nouveau entre passé et présent mais aussi entre collectivité et individus. Cette relation se traduit en un dialogue qui reste toujours ouvert aux apports venant de l’extérieur. En conclusion de cette étude, l’auteur classe l’essai comme un genre-carrefour qui ne peut se comprendre qu’en relation au contexte dans lequel il est produit. Il est politique mais pas au sens militant du terme, car il interroge plutôt qu’il ne convainc; il est aussi déroutant, dans la mesure où il se situe en marge de l’académie, dont il va mettre en doute les chemins parcourus dans le domaine des sciences humaines depuis les années 1970; il possède une dimension littéraire et devient un espace collaboratif, tout en se fondant sur une expérience individuelle. Il ouvre de nouvelles perspectives, en appelant à une transformation de la pratique politique contemporaine qui doit prendre en compte le respect de la vie humaine, l’égalité entre les cultures et les individus, l’ouverture à d’autres espaces culturels et à la relation avec l’Autre.

3Le volume présente une riche bibliographie de référence, qui témoigne de la richesse d’information et de la réflexion approfondie qui a mené à sa publication.

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Notizia bibliografica

Elena Fermi, «Florian Alix, L’essai postcolonial. Poétique de l’entreglose»Studi Francesi, 200 (LXVII | II) | 2023, 492-493.

Notizia bibliografica digitale

Elena Fermi, «Florian Alix, L’essai postcolonial. Poétique de l’entreglose»Studi Francesi [Online], 200 (LXVII | II) | 2023, online dal 01 août 2023, consultato il 08 février 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/54629; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.54629

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