Stéphan Geonget, «Le Mariage de l’estude du droict avec les lettres humaines». L’œuvre de Louis Le Caron Charondas
Stéphan Geonget, «Le Mariage de l’estude du droict avec les lettres humaines». L’œuvre de Louis Le Caron Charondas, Genève, Droz, 2021, ouvrage publié avec le soutien du Centre national du Livre, de l’Institut universitaire de France et de la République et Canton de Genève, 557 pp.
Testo integrale
1Cette étude consacrée à Louis Le Caron est le fruit d’une méthode exemplaire: une lente familiarisation avec la pensée de l’auteur et la longue fréquentation de ses textes (pp. 15-16) ont permis à Stéphan Geonget de dégager l’originalité, les nuances et l’évolution de cet auteur prolifique, mais relativement méconnu, à la fois juriste, poète et philosophe, «dans le même temps et dans toutes ses œuvres» (p. 13). La première partie («Les choix de Louis le Caron») se consacre à la pensée de ce juriste humaniste (chapitre I: «L’humanisme de Louis le Caron, «Ce fut une belle guerre que l’on entreprit lors contre l’ignorance», pp. 25-136), aux idées «progressistes» pour son temps envers les femmes (capables de philosopher) ou encore les pauvres, animé d’un désir permanent de transmission du savoir et de la vérité. Chrétien convaincu et catholique engagé, il montre un intérêt pour le néoplatonisme plus marqué que ses contemporains (chapitre II: «Le néoplatonisme des années 1550, Prisca theologia, philosophia perennis, prisa jurisprudentia», pp. 137-160), mais s’en éloigne ensuite tandis que sa pensée se radicalise (chapitre III: «La christianisation des années 1580», pp. 161-182). Bien avant Juste Lipse et Guillaume Du Vair, il est sensible aux idées stoïciennes, dans une approche philosophique personnelle (chapitre IV: «L’influence déterminante du néostoïcisme», pp. 183-226). La Seconde partie («La littérature, fascination et paradoxes») explore la permanence et la spécificité du lien que Louis Le Caron entretient avec la littérature. Soucieux de se construire un nom, il cite volontiers ses modèles (Etienne Pasquier, Guillaume Des Autels, les Du Faur, Papire Masson…), mais n’évoque en revanche jamais Montaigne, ce qui amène à s’interroger sur ce silence (chapitre V: «“Charondas” face à ses modèles», pp. 229-299). Par-delà les liens permanents que l’auteur tisse entre le droit, la littérature et la philosophie, l’on perçoit néanmoins une évolution à partir de 1566 vers des intérêts plus sérieux et des enjeux plus pratiques (chapitre VI: «Un va-et-vient constant entre droit et «lettres humaines»», pp. 301-313), son écriture étant marquée par son souci constant de vérité et de clarté (chapitre VII: «Pour une littérature vertueuse», pp. 315-357), mais également par son évolution idéologique et personnelle (chapitre VIII: «Le plaisir de raconter des histoires, de l’illustration à l’invention», pp. 359-404). Dans ce chapitre, Stéphan Geonget poursuivant le travail ébauché par Lucien Pinvert, met à jour une liste «tout à fait prodigieuse» (p. 386) d’une quarantaine de textes divers que Le Caron dit avoir écrits sans préciser s’ils ont été ou seront publiés et dont nous n’avons pas trace (pp. 382-386). Un relevé précis des citations attribuées de manière allusive à un «vieil roman» ou un «vieil poète» (pp. 388-401) amène à faire l’hypothèse d’auto-montages, voire d’auto-citations, tout comme la «(très mystérieuse) piste Raphel Micheli» (pp. 401-403) pourrait mener soit à l’auteur lui-même, soit l’un de ses émules – autant d’études aussi pointues qu’intéressantes. La troisième et dernière partie («Menaces sur l’unité du royaume. Louis le Caron «politique»») évoque l’engagement politique de Louis Le Caron, fervent défenseur de l’unité du royaume face au risque réel de scission, dans le contexte religieux de l’époque (chapitre IX: «La France menacée entre les «partialitez»», pp. 411-428). Catholique fervent et gallican sans être Ligueur, admirateur de Michel de L’Hospital et ami proche d’Etienne Pasquier, Le Caron soutient l’idée d’un pouvoir fort et d’une unité nationale (chapitre X: «Refonder l’unité nationale autour d’un pouvoir fort», pp. 429-448), à la fois linguistique (chapitre XI: «Refonder l’unité nationale à partir de la langue française», pp. 449-462), juridique (chapitre XII: «Refonder l’unité nationale autour d’un droit français», pp. 463-483) et religieuse (chapitre XIII: «Un choix «politique», postposer la question religieuse», pp. 485-503), en préservant toujours l’héritage français et l’indépendance du royaume. Passionnant et d’une clarté remarquable, l’ouvrage de Stéphan Geonget nous fait découvrir l’originalité et la richesse de Louis Le Caron ainsi que le réseau qui le lie aux humanistes et juristes lettrés de son temps (parmi lesquels Rabelais, Tory, Erasme, Budé, Du Bellay, Claude Fauchet et Etienne Pasquier). Une ample bibliographie et un index nominum complètent cette riche et belle étude.
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Notizia bibliografica
Sabine Lardon, «Stéphan Geonget, «Le Mariage de l’estude du droict avec les lettres humaines». L’œuvre de Louis Le Caron Charondas», Studi Francesi, 199 (LXVII | I) | 2023, 153-154.
Notizia bibliografica digitale
Sabine Lardon, «Stéphan Geonget, «Le Mariage de l’estude du droict avec les lettres humaines». L’œuvre de Louis Le Caron Charondas», Studi Francesi [Online], 199 (LXVII | I) | 2023, online dal 01 juin 2023, consultato il 07 février 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/52665; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.52665
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