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Discussioni e comunicazioni

Isotopie de l’élément aquatique dans “Elle disait dormir pour mourir” de Paul Willems

Renata Jakubczuk
p. 522-530

Abstract

Deeply rooted both in aquatic geography of Belgium and in the author’s imaginary world, the penultimate play by Paul Willems, titled Elle disait dormir pour mourir (1983), is perfectly settled in the current of Nordic mythology linked to the presence of water. The playwright presents an extensive system of references, where water constitutes an array of different elements which create coherent isotopic relationships. The role attributed by Willems to the element of water reaches far beyond the diegesis of the microcosmic universe of the drama. The reference to the literary hydrography is completed at the intertextual level because, similarly to the poetics of Gaston Bachelard, the Belgian playwright makes use of the mythic motives inextricably connected to the hermeneutics of the element of water.

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Testo integrale

  • 1 P. Willems, Un arrière-pays. Rêveries sur la création littéraire, Louvain-La-Neuve, Presses Univers (...)

« [...] le langage du théâtre n’est pas et ne peut être le langage de la vie [...]. La force du théâtre n’est pas d’imiter, mais de créer une autre réalité plus forte que celle de la vie quotidienne... Il crée le mythe sans lequel nous ne pourrions vivre»1.

  • 2 G. Bachelard, L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, Librairie José Cort (...)

« L’eau nous porte. L’eau nous berce. L’eau nous endort. L’eau nous rend notre mère»2.

1. En guise de prolégomènes

  • 3 Dans cet article, je me réfère essentiellement au chapitre III (pp. 85-108) et V (pp. 133-152).

1Les deux citations que je propose en incipit de mon propos renvoient à deux champs de recherche totalement distincts, en apparence: d’un côté l’étude d’un texte dramatique avec son langage destiné à être représenté sur une scène de théâtre et, de l’autre, l’analyse de l’un des quatre éléments, à savoir l’eau, en l’occurrence « l’eau maternelle et l’eau féminine», selon la typologie proposée par Gaston Bachelard dans son essai L’eau et les rêves, devenu un point de référence incontournable de toute analyse littéraire de l’élément liquide3.

  • 4 Cette comparaison me paraît d’autant plus adéquate qu’elle opposerait en même temps deux mythes lit (...)

2En effet, abondant pour la poésie et le genre romanesque, le sujet aquatique n’est pas aussi souvent abordé dans le théâtre mondial. Par la force des choses, la scène ne devient pas aussi facilement un réservoir hydrologique que tout autre élément de diégèse présent dans l’imaginaire du lecteur/spectateur. Néanmoins, la littérature francophone en propose des exemples de qualité, et les lettres belges en particulier, constituent une véritable exception. Ghelderode, Maeterlinck, Crommelynck pour ne citer que les plus importants, devenus classiques au fil du temps, plongent les univers littéraires de leurs œuvres dans l’eau, comme Camus éblouit son lecteur par des rayons de soleil4.

  • 5 Dans un autre article, intitulé: «Vous êtes des poissons». Homo aquaticus de Paul Willems, paru dan (...)
  • 6 P. Willems, Théâtre, in dir. P. Emond, H. Ronse, F. Van de Kerckhove, Le monde de Paul Willems, Bru (...)

3Paul Willems fait partie, semble-t-il, des auteurs hantés par la présence de l’eau5. Sa première œuvre publiée, Tout est réel ici, baigne dans l’eau, de même que son dernier manuscrit inachevé dont le titre même renvoie à l’hydrographie littéraire : Le Voleur d’eau. Pendant la première représentation scénique de Peau d’Ours, qui est une adaptation du texte homonyme de Grimm, « le public fut installé dans l’étang desséché du domaine familial, et c’est pourquoi le Soleil, le personnage important de cette pièce, dit à l’assemblée : “Vous êtes des poissons”»6. Cette constatation deviendra emblématique de l’ensemble de la création (pas seulement) dramatique de cet auteur belge francophone. Le lecteur/spectateur de ses pièces est directement impliqué dans l’univers aquatique tantôt imaginé tantôt mimétique, mais toujours bien présent. Barbara Wright avance même que : 

  • 7 B. Wright, La puissance créatrice de l’eau dans l’œuvre de Paul Willems, in dir. P. Emond et al., L (...)

il y a de l’eau partout dans l’œuvre de Paul Willems. Ça sent le port d’Anvers, l’“odeur des algues” d’Ostende. Et puis, c’est l’Escaut qui coule vers le grand large et la pluie qui baigne tout. L’œuvre a macéré dans des souvenirs de mer et de fuites vers l’horizon7.

  • 8 La pièce a été reprise le 5 mars 1985. Le 10 novembre 1992, à l’occasion du 80ème anniversaire de l (...)

4En effet, dans la pièce intitulée Elle disait dormir pour mourir, représentée pour la première fois le 5 octobre 1983 par le Rideau de Bruxelles au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles8, dans la mise en scène de Henri Ruder, l’eau déploie toute une panoplie d’éléments divers qui forment un système isotopique cohérent. Fortement ancrée dans l’inconscient/l’imaginaire de Willems, l’eau devient le mythe, l’élément nécessaire de toute une mythologie littéraire propre à cet auteur. Le dramaturge nous « met dans le bain» dès l’exposition de la pièce car, dès la première réplique, il esquisse un vrai climat aquatique :

  • 9 P. Willems, Elle disait dormir pour mourir, Bruxelles, Cahiers du Rideau 25, 2000, p. 15. Dorénavan (...)

Marais. Étangs petits, étroits, ronds, envahis de roseaux, ou larges et dégagés. Agités de reflets, ou mats et endormis dans la vase. Réseau de fossés et de flaques. Couloirs d’eau. [...] l’estuaire d’un grand fleuve et le port de Westbeek. [...] Les fenêtres couleur d’eau, ressemblent à des étangs qui se seraient mis debout, pour regarder les autres étangs qui sont couchés9.

  • 10 Le microcosme scénique comprend les éléments de l’analyse dramatique (argument, diégèse, personnage (...)

5Dans cet article, je tacherai de cerner l’ensemble des éléments de l’univers aquatique willemsien, présent dans l’avant-dernière pièce de l’auteur belge. L’étude s’attardera donc aussi bien sur les niveaux microcosmique que macrocosmique10 dans le but de procéder à une relecture de Elle disait dormir pour mourir. Mon objectif sera aussi de démontrer que l’herméneutique de cette pièce, focalisée sur son hydrographie, construit un système isotopique complexe.

2. « Les eaux calmes sont les plus profondes»

  • 11 L’argument est un résumé de l’histoire racontée par la pièce.
  • 12 «L’action se situe à un niveau relativement profond [...] [et] peut être résumée en un code général (...)

6L’argument11 de la pièce, qui constitue l’objet de cette étude, peut être relaté de la façon suivante : durant une période de guerre, une famille composée d’un Père, d’une mère, Émilie et d’une fille de onze ans, Hélée, se voit obligée de quitter la ville et de s’abriter dans une demeure totalement isolée au milieu des marais. Le père est parti à la guerre, la mère s’est enfuie très loin en laissant sa petite fille de onze ans dans une solitude profonde et désespérante. Il ne s’y passe pratiquement rien, aucune intrigue dans le sens traditionnel du terme, point d’événements qui feraient évoluer l’action12. La guerre n’est qu’une toile de fond et les épisodes traumatiques sont racontés par un père-narrateur. Inaction au théâtre ?

  • 13 Le critique précise que «les péripéties sont des événements imprévus, créateurs de surprise [...] [ (...)
  • 14 Il convient de constater qu’il y a quand même l’arrivée du Soldat qui peut être considérée comme un (...)

7Et pourtant, comme le dit le proverbe mis en épigraphe de ce sous-chapitre, rien de plus équivoque. Toutes les dramatis personae de la pièce sont présentes sur scène. Il convient de préciser d’emblée que le personnage du Père, dissocié en deux voix différentes, fonctionne aussi dans deux espaces différents d’une même réalité. De surcroît, il devient une voix off pour les événements scéniques, sorte de narrateur omniscient de type balzacien. Les péripéties, dans le sens que Jacques Scherer attribue à ce terme13, sont quasiment inexistantes14. Et malgré cette inertie apparente, le lecteur/spectateur dévore avec impatience le texte ou les répliques des acteurs. Il reste foudroyé, stupéfait et ébahi par leur profondeur énonciative.

8La protagoniste, une jeune fille qui s’appelle Hélée, vit seule, comme dans une maison hantée ; demeure appelée dans la pièce « Maison-des-marais». Depuis plus de sept ans, ayant pour unique compagnie et viatique un dictionnaire Larousse de poche que son père lui a laissé avant de la quitter et le portrait parental, elle grandit dans une peur et une solitude inimaginables. Elle ne connaît rien de la vie, n’a pas d’autres livres que ce dictionnaire, ne dispose d’aucune radio pour entendre une autre voix humaine que la sienne. Petit à petit, elle perd la faculté de communiquer verbalement en récitant les définitions du dictionnaire. Mais il y a pire : totalement isolée du monde extérieur au milieu des eaux hostiles, n’ayant personne à qui elle pourrait adresser la parole, abandonnée à elle-même, Hélée vit dans une situation schizophrénique où elle se parle à elle-même ou s’adresse au portrait du père pour surmonter l’anxiété liée à son existence solitaire.

9La pièce resterait une histoire de famille, un mélodrame banal, sans l’arrivée d’un jeune soldat inconnu, égaré au milieu des marais et aussi apeuré qu’Hélée. Bref, un intrus qui bouleversera la monotonie quotidienne de la jeune fille de dix-huit ans. Elle, qui attendait le retour du père : « [...] Je suis tout à coup si triste ! Comme si je trahissais quelqu’un. J’attends depuis si longtemps. Ce n’était pas toi qui devais venir» (DPM, 54), est confrontée à l’arrivée inattendue d’un étranger, un substitut du père. En effet, c’est un autre homme qui débarque et la fait vivre réellement en suscitant en elle une très forte émotion et transformant sa vie sans relief en une existence profonde. À en croire Christian Angelet, qui analyse l’œuvre dramatique de Willems :

  • 15 Ch. Angelet, [in] Dictionnaire des Lettres françaises. Le xxe siècle, dir. M. Bercot et A. Guyaux, (...)

La composition complexe et subtile des pièces de Willems repose essentiellement sur deux moyens. Plusieurs personnages venus d’époques et de lieux différents se trouvant réunis sur la scène, chacun d’eux peut ignorer la présence des autres. Ils sont à la fois ici et ailleurs, présents et passés. Tantôt vivants, tantôts fantomatiques, ils représentent un entre-deux de l’imaginaire et du réel. Cette ubiquité quasiment onirique s’accompagne d’une polyvocalité très originale. Tel peut à la fois parler pour soi et dire autrui : il devient l’autre et lui prête sa voix. Les voix circulent comme les identités s’échangent et se mêlent. Les interlocutions biaisées et différées manifestent la nature énigmatique des relations familiales et amoureuses15.

  • 16 J. Tordeur, Le parler d’un ange. Préface à Paul Willems, Elle disait dormir pour mourir, Bruxelles, (...)

10On remarque aussi que l’élément ludique présent dans l’œuvre au niveau discursif devient par moments une sorte d’hypallage, car Hélée utilise les mots de façon arbitraire, inattendue, aléatoire même – le lecteur/spectateur sourit à maintes reprises – mais le message reste compréhensible et, grâce à ce procédé, il paraît même plus profond. Par contre, il serait trop simpliste de considérer la protagoniste comme une personne arriérée qui répète les mots niaisement. À cause d’une longue solitude, elle est un peu sauvage au niveau social, elle a peur des hommes mais, en même temps, elle se caractérise par une grande empathie, propre aux êtres purs et naïfs, « elle possède le vrai parler, celui de l’âme des choses. Elle est au cœur de l’être. Non à la surface du paraître»16. Telle une nymphe, une sirène ou ondine, la protagoniste de Willems vit solitaire au milieu des eaux calmes, mais aussi dangeureuses, car un seul pas malencontreux suffirait pour qu’advienne une catastrophe.

  • 17 La terminologie empruntée à Gérard Genette: «toute relation unissant un texte B (que j’appellerai h (...)
  • 18 W. Shakespeare, Hamlet; Acte III, scène 1, «Le monologue d’Hamlet»: 74. Consulté le 22 novembre 201 (...)
  • 19 Il convient d’ajouter aussi que, tout au début de la pièce, dans sa première réplique, Émilie s’adr (...)

11Écrite en 1983, en apparence simple voire simpliste, la pièce de Willems peut être interprétée – toutes proportions gardées – comme une sorte d’hypertexte par rapport à l’hypotexte17 shakespearien. Je m’explique : dans le fameux monologue d’Hamlet, on peut trouver : « Être, ou ne pas être, c’est là la question. [...] Mourir... dormir, rien de plus ; [...] Mourir... dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là est l’embarras. [...]»18. En effet, si l’on considère le texte willemsien comme un texte dérivé du texte source, les paroles répétées de façon quasi automatique par la jeune fille deviennent autres qu’un simple euphémisme19.

3. « Un diamant de la plus belle eau»

12Néanmoins, il ressort du texte de Willems une autre analogie avec la fameuse pièce du théâtre élisabéthain : le personnage d’Hélée peut être considéré comme la sœur cadette du personnage d’Ophélie. À l’instar d’Ophélie, un être aquatique devenu mythique, la protagoniste d’Elle disait dormir pour mourir est une figure féminine innocente, pure et fraîche, de même qu’une « eau printanière» selon la terminologie bachelardienne. Telle une ondine, autre figure emblématique de l’hydrographie littéraire, Hélée vit en pleine symbiose avec son environnement aquatique. Depuis sept ans, elle ne quitte pas la Maison-des-marais, obéissant aux consignes laissées par ses parents avant leurs départs respectifs. Comme s’ils savaient qu’Hélée est une Ophélie moderne et qu’elle ne peut pas quitter cette maison hantée si elle ne veut pas mourir « jeune et belle» à l’instar de sa sœur mythique. Hélée vit comme une sirène à laquelle il n’est permis ni de sortir de la profondeur de l’eau ni de tomber amoureuse d’un homme sans entraîner des conséquences néfastes. À cette différence près que toute sirène est consciente de son sort tandis qu’Hélée ne peut compter que sur sa propre intuition.

13Il s’en faut de peu pour que l’eau dormante, inséparablement liée aux profondeurs des marais, se transforme en une eau hostile et devienne une menace pour la vie de la jeune fille. Son sort demeure inconnu d’ailleurs : à la fin de la pièce, elle est partie chercher un médecin pour sauver le Soldat et, depuis, personne n’a entendu parler d’elle, personne ne l’a vue ; disparue donc mais jamais retrouvée. Une mort physique ou une mort spirituelle ? Le fonctionnaire de l’état civil déclare officiellement sa disparition en notant tout de même que « disparaître n’est pas mourir» (DPM, 90).

  • 20 Une thèse de doctorat consacrée à la question du mythe ophélien, intitulée «Le Mythe d’Ophélie dans (...)
  • 21 À ce propos voir l’article d’A. Cousseau, Ophélie: histoire d’un mythe fin de siècle, “Revue d’hist (...)

14Avec cette pièce, Willems s’inscrit dans la lignée de plusieurs auteurs belges qui puisent dans le mythe ophélien20. Il convient de remarquer aussi que l’intérêt pour le personnage d’Ophélie se manifeste dans la littérature européenne et, peut-être avant tout dans la peinture, bien plus tôt, dès l’époque romantique. Sans entrer dans les détails liés à la présence du mythe ophélien dans la littérature francophone, citons – à tire d’exemple uniquement – Paul Meurice et Alexandre Dumas (1847), George Sand, Alfred de Musset, Victor Hugo ou, en peinture, sir John Everett Millais, Arthur Hughes, John William Waterhouse ou les deux tableaux d’Eugène Delacroix, Scène de la folie d’Ophélie et Mort d’Ophélie21.

4. « Pêcher en eau trouble»

  • 22 H. Bauchau, L’homme de la réalité et son enfant de rêve, in Le monde de Paul Willems cit., p. 125.
  • 23 Je pense ici aux trois personnages masculins évoqués dans la pièce: le Père qui abandonne sa fille, (...)
  • 24 Parmi quelques informations éparpillées dans le texte, on peut trouver seulement qu’Émilie est très (...)

15La structure interne d’Elle disait dormir pour mourir est basée sur la dichotomie diégétique du drame : aussi bien le cadre spatial que le cadre temporel sont dédoublés. Henry Bauchau souligne « l’importance, la valeur symbolique que Paul Willems accorde aux maisons, où se déroule l’événement de son œuvre»22. La Maison-des-marais en est une preuve incontestable ; un vrai locus amoenus quand la protagoniste est seule qui devient un véritable locus terribilis quand une présence masculine y apparaît23. Mais c’est aussi une dichotomie entre un ici aquatique sécurisant : « Ici, tu es en sécurité» répètent les parents à plusieurs reprises, de même qu’Hélée le fait au Soldat avant de le quitter, et un là-bas antagonique, vague et hostile. Cet ailleurs n’est pas précisé dans la pièce : on sait que la ville de Westbeek ne se trouve pas à proximité. Dans la Maison-des-marais, on entend toutefois les bruits des bombardements et on y accède à pied. Le Père le précise tout au début de la pièce : « Plus loin, là-bas, loin, à vingt kilomètres, loin, très loin» (DPM, 15). Or la ville est une arène de guerre – donc un endroit particulièrement nocif et pathogène pour tout le monde. Il en résulte que l’espace scénique est réduit à la Maison-des-marais et l’espace dramatique, évoqué par les personnages et les indications scéniques, se clôt entre la ville de Westbeek et la demeure, imprécise et énigmatique, d’Émilie24.

  • 25 Le fait que les événements de la pièce englobent 7 ans, moins un jour, ne paraît pas innocent car l (...)
  • 26 Pour la précision de l’analyse, il est nécessaire de mentionner deux épisodes qui dépassent le cadr (...)

16Pour ce qui est de la structure temporelle, deux niveaux sont également superposés : le premier renvoie au déroulement de l’intrigue, Hélée a donc dix-huit ans, tandis que le second est évoqué par l’analepse où la rétrospection rappelle le moment du départ des parents (la fillette a onze ans). Notons d’emblée qu’entre ces deux événements il y a sept ans d’intervalle à un jour près25. Cette période correspond également au temps dramatique de la pièce26.

17Construit sur des flash-back des personnages, tout le drame focalisé sur la Maison-des-marais prend une forme circulaire, car il commence avec le premier bombardement de Westbeek et se termine avec le dernier qui constitue ainsi une sorte de boucle : « Il a suffi que je montre la lettre d’Émilie pour que son décès soit enregistré à la date du premier bombardement de Westbeek, il y a sept ans. [...] il est évident que votre fille est morte lors du dernier bombardement» (DPM, 90) constate le fonctionnaire. Le hasard ? La fatalité ? Une méchanceté gratuite de la destinée humaine ? Ironie du sort ? Mis à part l’agencement interne des événements dramatiques, on ne peut pas souligner l’importance de l’élément mythique et relever la transfiguration des anciennes idées littéraires.

5. « Entre le complexe de Caron et le complexe d’Ophélie»

  • 27 G. Bachelard, L’eau et les rêves cit., p. 89.
  • 28 Partir, c’est mourir un peu,
    C’est mourir à ce qu’on aime:
    On laisse un peu de soi-même
    En toute heure (...)

18« La Mort est un voyage et le voyage est une mort. “Partir, c’est mourir un peu”. Mourir, c’est vraiment partir et l’on ne part bien, courageusement, nettement, qu’en suivant le fil de l’eau [...]»27. Dans cette citation de L’eau et les rêves, Gaston Bachelard reprend le premier vers du poème intitulé Rondel de l’adieu28 d’Edmond Haraucourt, poète français de la fin du xixe siècle qui nous annonce de façon nostalgique : « Partir, c’est mourir un peu». Le dramaturge belge recourt au motif du voyage et cela pour tous les personnages de la pièce. Le Père part pour la guerre et n’en revient qu’après le départ de sa fille, Émilie va le chercher et part réellement pour ne jamais revenir ; le Soldat – à l’instar du Père – part à la guerre mais revient très vite en faisant semblant d’être grièvement blessé, Hélée part à la recherche d’un médecin pour sauver le Soldat et – à l’instar de sa mère – n’en revient jamais. On remarque tout de suite une sorte de dédoublement des couples des personnages : d’un côté, le Père et Émilie et, de l’autre, le Soldat et Hélée qui subissent un même destin, marqué par l’absence – la mort ? Or ce n’est pas une mort « naturelle», « ordinaire» qui touche les personnages, mais une mort mystérieuse, quasi onirique, toujours accompagnée d’eau ; une mort imaginaire ressortissant au subconscient des personnages et liée à leur absence.

19Dans ce contexte, on pourrait hasarder l’hypothèse que Willems recourt au vieil archétype de l’imaginaire antique qui associe la mort à l’idée du voyage aquatique, identifiée dans le personnage de Caron, ce fils des Ténèbres (Érèbe) et de la Nuit (Nyx), qui transporte sur sa barque les âmes errantes des défunts à travers les eaux de Styx. Nommé par Bachelard « le complexe de Caron», le motif de la balade fluviale nocturne et lugubre, serait un topos présent dans les textes qui abordent le sujet aquatique, non seulement fluviale, mais aussi lacustre et marin.

20Un autre complexe évoqué par Bachelard concerne le personnage d’Ophélie, mentionné déjà plus haut. Fortement inspiré du drame shakespearien dont les éléments successifs lui servent d’exemplification, le philosophe français mythifie la figure d’une jeune femme suicidaire qui doit expier les péchés d’autrui. Elle-même innocente et pure, Ophélie met fin à sa courte vie sans joie, vie qui n’est « autre chose qu’une vaine attente». Et comme dans Hamlet où les circonstances de la disparition d’Ophélie demeurent obscures, toute la vie du personnage willemsien est une longue attente de... ? Oui, qu’attend-elle en réalité ? Les parents ? L’amour ? Le bonheur ? Une vraie vie ou peut-être... la mort, à l’instar de sa grande sœur de la pièce de Shakespeare ?

6. « Eau de vie, eau de mort»

21La mort est au centre du mythe ophélien. Pour Bachelard, qui considère l’eau comme symbole de l’érotisme, de la féminité mais aussi d’une mort jeune, cette mort donne l’origine à la naissance du complexe d’Ophélie :

  • 29 C’est l’auteur qui souligne.
  • 30 G. Bachelard, L’eau et les rêves cit., p. 98.

L’eau est l’élément29 de la mort jeune et belle, de la mort fleurie, et, dans les drames de la vie et de la littérature, elle est l’élément de la mort sans orgueil ni vengeance, du suicide masochiste. L’eau est le symbole profond, organique de la femme qui ne sait que pleurer ses peines et dont les yeux sont si facilement “noyés de larmes”30.

  • 31 À plusieurs reprises dans la pièce, Émilie pleure: «J’ai beaucoup pleuré. Autrefois je faisais coul (...)

22Dans cette dernière caractéristique, c’est Émilie qui devient la personnification du mythe féminin, car elle se noie dans ses propres larmes : « Pourquoi est-ce que je pleure ? [...] Tout a été si bien pour moi... avec étonnement et je pleure ?» (DPM, 95)31. Mais il y a plus encore : la mère d’Hélée pourrait être considérée comme un être aquatique par excellence. Avant leur séparation définitive, le Père s’adresse à sa femme : « Émilie... comme tu es belle... tu es toujours aussi crédule, aussi innocente, tu te souviens, tu voulais marcher sur les vagues», et elle répond : « [...] et moi légère, légère sur les vagues... [...] tu criais de joie, et je courais sur les vagues [...]» (DPM, 95).

23Émilie passe pour un être peu mature, enfantin même, qui a besoin de la protection des autres et qui n’est capable de prendre soin ni de sa fille ni d’elle-même. Le père en avertit d’ailleurs Hélée avant de partir. Cette dernière est comme stigmatisée dès sa naissance. Plus tard, adolescente avide de tendresse maternelle, tout comme l’Ophélie mythique, Hélée ressentira un fort besoin d’amour maternel.

24De même qu’Ophélie, Hélée devient l’incarnation de la jeune fille mal préparée pour faire face aux ennuis de la vie d’une femme adulte. On notera, bien évidemment, une certaine transfiguration du mythe ophélien, car Hélée ne flotte pas sur les eaux avec des cheveux dénoués. Au contraire, c’est une disparue, donc, une morte invisible, une absente jamais ressurgie qui reste dans la mémoire des hommes – le Père et le Soldat – comme une fille fragile, tendre, sensible, douce ; bref, une jeune femme idéale.

  • 32 G. Bachelard, L’eau et les rêves cit., p. 106.

25Pour Bachelard, « [...] l’eau est le cosmos de la mort. L’ophélisation est alors substantielle, l’eau est nocturne. Près d’elle, tout incline à la mort. L’eau communique avec toutes les puissances de la nuit et de la mort»32. Dans la pièce de Shakespeare, Ophélie meurt dans l’eau en y retrouvant « son propre élément» ; dans l’œuvre willemsienne, Hélée est celle qui « peut-être ne pouvait-elle pas... vivre» (DPM, 94).

7. Conclusion

  • 33 M. Quaghebeur, Lettres belges entre absence et magie, Bruxelles, Édition Labor, Archives du Futur, (...)

26Elle disait dormir pour mourir de Paul Willems se hisse au rang des grandes œuvres dramatiques de la littérature belge francophone. C’est une pièce aussi profonde que les eaux calmes, mises en exergue dans la deuxième partie de cette étude. Les sujets abordés par le dramaturge ne sont en rien « une tempête dans un verre d’eau» – pour continuer à citer des proverbes aquatiques – ou une simple réécriture postmoderne du mythe ophélien. L’écrivain belge crée une pièce originale qui ne laisse pas le lecteur/spectateur indifférent. Tout au contraire, le public attentif appréciera surtout la technique dramatique pratiquée par l’auteur dans laquelle les répliques scéniques des personnages, énoncées de façon directe, sont combinées avec les parties narrées par la voix off du personnage du Père ; les répliques dont « la topographie fait d’autant mieux ressortir les moments de langage qui donnent à la pièce sa densité humaine et son pouvoir émotionnel»33.

  • 34 Le caractère codé, le personnage-type du Père est de prendre soin de la famille, de protéger ses pr (...)

27L’isotopie de l’élément aquatique chez Paul Willems est visible à tous les niveaux de l’analyse dramaturgique de son œuvre : microcosmique – sur le plan de la diégèse et des protagonistes et macrocosmique – renvoyant aux éléments référentiels de la culture générale. Le choix onomastique que l’auteur nous propose semble être aussi intéressant à souligner : du côté féminin, les noms d’Émilie et d’Hélée possèdent une sonorité liquide ; du côté masculin, l’auteur recourt au procédé de l’antonomase en leur attribuant des noms communs : le Père, le Soldat ou un vieil homme. Au théâtre, cette technique réduit les personnages à leurs rôles respectifs34 qui, dans la pièce de Willems, ne sont pas observés et prennent une forme biaisée. Malgré cette transgression des rôles codés des personnages, il est nécessaire de souligner qu’ils vivent tous en symbiose avec l’élément aquatique ; que l’eau qui entoure la Maison-des-marais joue un rôle très important dans le déroulement des événements scéniques.

  • 35 M. Quaghebeur, Du fantastique réel au réalisme magique ou d’une guerre mondiale à l’autre. “Tout es (...)
  • 36 Ibidem, p. 30.
  • 37 C’est aussi une tradition familiale car Paul Willems est le fils d’une grande écrivaine belge: Mari (...)
  • 38 Je me réfère ici à un article d’Henri-François Loriau et Agnieszka Pantkowska, intitulé Paul Willem (...)

28On ne saurait terminer cette étude de l’élément aquatique dans Elle disait dormir pour mourir de Paul Willems sans souligner l’importance que cet auteur accorde à l’eau, à la Flandre et à la nature en général dans l’ensemble de sa création littéraire, et pas seulement dramatique. S’inscrivant dans la postérité du symbolisme belge, représenté par des auteurs comme Maeterlinck ou Rodenbach qui glorifient la Flandre « littéraire et picturale», Willems crée son propre mythe qui diffère de l’archétype ; le mythe qui « renvoie à une Flandre physique plus que spirituelle, dût son propos pouvoir être relié au topos de la Flandre fruste et/ou sensuelle, physique»35. Marc Quaghebeur avance même que Willems attribue des valeurs mythiques à l’Escaut, fleuve emblématique pour la Belgique : « Ce fleuve hantera plusieurs fictions de l’écrivain – dont La plage aux anguilles ou La Ville à voile, pièce qui porte Anvers, l’Escaut et le vent d’ouest aux dimensions du mythe»36. Tout en continuant la tradition littéraire belge37, la création de Willems constitue une œuvre à part où l’omniprésence de l’élément aquatique devient un mythe propre à ce « dernier écrivain belge»38.

Torna su

Note

1 P. Willems, Un arrière-pays. Rêveries sur la création littéraire, Louvain-La-Neuve, Presses Universitaires de Louvain UCL, 1998, p. 101.

2 G. Bachelard, L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière, Paris, Librairie José Corti, 1942, p. 150.

3 Dans cet article, je me réfère essentiellement au chapitre III (pp. 85-108) et V (pp. 133-152).

4 Cette comparaison me paraît d’autant plus adéquate qu’elle opposerait en même temps deux mythes littéraires: le mythe aquatique dans les lettres nordiques concentrées autour de la Mer du Nord et le mythe solaire caractéristique des littératures du Sud, concentrées autour de la Mer Méditerranée.

5 Dans un autre article, intitulé: «Vous êtes des poissons». Homo aquaticus de Paul Willems, paru dans la revue scientifique “Lublin Studies in Moderne Languages and Literature”, 42, 3, septembre 2018, pp. 90-103, j’étudie l’élément aquatique présent dans l’ensemble de l’œuvre dramatique de Paul Willems (http://journals.umcs.pl/lsmll/article/view/6919/5730).

6 P. Willems, Théâtre, in dir. P. Emond, H. Ronse, F. Van de Kerckhove, Le monde de Paul Willems, Bruxelles, Éditions Labor, Archives du futur, 1984, p. 290.

7 B. Wright, La puissance créatrice de l’eau dans l’œuvre de Paul Willems, in dir. P. Emond et al., Le monde de Paul Willems cit., p. 60.

8 La pièce a été reprise le 5 mars 1985. Le 10 novembre 1992, à l’occasion du 80ème anniversaire de l’auteur, Le Rideau de Bruxelles a préparé une nouvelle réalisation de la pièce, réalisée par le metteur en scène Frédéric Dussenne.

9 P. Willems, Elle disait dormir pour mourir, Bruxelles, Cahiers du Rideau 25, 2000, p. 15. Dorénavant, les références à cette pièce seront données entre parenthèses, dans le corps du texte, par l’abréviation DPM, suivie de la pagination.

10 Le microcosme scénique comprend les éléments de l’analyse dramatique (argument, diégèse, personnages etc.), le niveau macrocosmique renvoie au système plus large de l’univers, sa représentation symbolique, culturelle, historique etc.

11 L’argument est un résumé de l’histoire racontée par la pièce.

12 «L’action se situe à un niveau relativement profond [...] [et] peut être résumée en un code général et abstrait» et «L’intrigue, par opposition à l’action, est la suite détaillée des rebondissements de la fable, l’entrelacement et la série des conflits et des obstacles et des moyens mis en œuvre par les personnages pour les surmonter». Voir: P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, Paris, Armand Colin, 2009, p. 8 et 179.

13 Le critique précise que «les péripéties sont des événements imprévus, créateurs de surprise [...] [cette dernière] ne peut naître que d’un événement extérieur [...] l’événement imprévu [qui] soit un “changement de fortune”; [elles] doivent être réversibles». Voir: J. Scherer, La dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 1986, pp. 83-90.

14 Il convient de constater qu’il y a quand même l’arrivée du Soldat qui peut être considérée comme une péripétie.

15 Ch. Angelet, [in] Dictionnaire des Lettres françaises. Le xxe siècle, dir. M. Bercot et A. Guyaux, Paris, Le Livre de Poche, 1998, pp. 1163-1164.

16 J. Tordeur, Le parler d’un ange. Préface à Paul Willems, Elle disait dormir pour mourir, Bruxelles, Cahiers du Rideau 25, 2000, p. 8.

17 La terminologie empruntée à Gérard Genette: «toute relation unissant un texte B (que j’appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire». Voir: G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Éditions du Seuil, 1982, p. 11.

18 W. Shakespeare, Hamlet; Acte III, scène 1, «Le monologue d’Hamlet»: 74. Consulté le 22 novembre 2017, http://www.pitbook.com/textes/pdf/hamlet.pdf.

19 Il convient d’ajouter aussi que, tout au début de la pièce, dans sa première réplique, Émilie s’adresse ainsi à sa fille: «[...] Et toi, ma petite Hélée, s’il t’arrive de mourir, ce sera exactement comme je te l’ai toujours dit: ce sera un “rien du tout”. Et on s’en tire toujours. C’est comme dormir. On s’en tire toujours du dormir. Eh bien, du mourir on s’en tire aussi» (DPM, 16).

20 Une thèse de doctorat consacrée à la question du mythe ophélien, intitulée «Le Mythe d’Ophélie dans la littérature belge d’expression française à l’époque du symbolisme», préparée sous la direction du professeur Wiesław Malinowski, a été soutenue par Alicja Sobierajska, en 2014, à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań. Récemment, le prof. Wiesław Malinowski avec la collaboration d’Alicja Sobierajska a publié un article Sur la conjonction de l’ophélique et du narcissique dans l’œuvre poétique de Georges Rodenbach, paru dans “Lublin Studies in Moderne Languages and Literature”, 42, 3, 2018, pp. 4-17 (http://journals.umcs.pl/lsmll/issue/view/427/showToc) dans lequel il étudie la présence du mythe d’Ophélie et du mythe de Narcisse dans la poésie de Rodenbach.

21 À ce propos voir l’article d’A. Cousseau, Ophélie: histoire d’un mythe fin de siècle, “Revue d’histoire littéraire de la France”, 101, 2001, pp. 105-122.

22 H. Bauchau, L’homme de la réalité et son enfant de rêve, in Le monde de Paul Willems cit., p. 125.

23 Je pense ici aux trois personnages masculins évoqués dans la pièce: le Père qui abandonne sa fille, le Soldat qui, inconsciemment, provoque la mort d’Hélée et un messager qui apporte la lettre annonçant la mort d’Émilie: «[…] un vieil homme a frappé à la porte. Il avait l’air de venir d’un nuage mais pas d’un bon nuage. Il avait l’air de venir de la mer mais pas d’une bonne mer. Il ressemblait à un arbre blanc. Il avait l’air de venir de la terre, mais pas d’une bonne terre» (DPM, 58). De cette façon, on repère l’évocation des quatre éléments naturels rassemblés dans un seul personnage.

24 Parmi quelques informations éparpillées dans le texte, on peut trouver seulement qu’Émilie est très loin, car elle s’adresse à son mari: «Mon chéri-très-loin» (DPM, 91), et que c’est une région chaude: «Il y a des palmiers ici. Tout le temps. Et tout le temps les mêmes» (DPM, 28) qui est mise en opposition au pays de «brumes» de la Maison-des-marais.

25 Le fait que les événements de la pièce englobent 7 ans, moins un jour, ne paraît pas innocent car le chiffre 7 est considéré comme un «chiffre magique». La symbolique du 7 est vraiment très riche. Il revient de façon quasi obsessionnelle dans toutes les traditions et toutes les cultures. Soulignons seulement qu’une théorie présuppose que la vie humaine est faite de cycles de 7 ans. Le départ d’Hélée de la Maison-des-marais après 7 ans de solitude s’inscrit donc parfaitement dans cette tradition.

26 Pour la précision de l’analyse, il est nécessaire de mentionner deux épisodes qui dépassent le cadre mentionné plus haut: le premier est un souvenir du père, de la balade avec Émilie au bord de la mer (DPM, 89); le second correspond à un temps postérieur à la disparition d’Hélée, donc au départ du Père et du Soldat à Londres un mois après l’événement (DPM, 90) ainsi que leur séjour sur place: «Je suis déjà depuis six mois à Londres» (DPM, 92).

27 G. Bachelard, L’eau et les rêves cit., p. 89.

28 Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime:
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu.
C’est toujours le deuil d’un vœu,
Le dernier vers d’un poème;
Partir, c’est mourir un peu. 
C’est mourir à ce qu’on aime.
Et l’on part, et c’est un jeu,
Et jusqu’à l’adieu suprême
C’est son âme que l’on sème,
Que l’on sème à chaque adieu...
Partir, c’est mourir un peu.
E. Haraucourt, Recueil: Seul, roman en vers (1890). Consulté le 22 novembre 2017, http://www.mon-poeme.fr/poeme-partir-cest-mourir-un-peu/.

29 C’est l’auteur qui souligne.

30 G. Bachelard, L’eau et les rêves cit., p. 98.

31 À plusieurs reprises dans la pièce, Émilie pleure: «J’ai beaucoup pleuré. Autrefois je faisais couler les larmes vers l’intérieur pour ne pas abîmer mes yeux, mais ces larmes-ci sont allées dans l’autre sens, et pendant que je les versais, toutes les autres qui avaient coulé en-dedans depuis sept ans, ont profité de l’occasion pour se déverser elles aussi, au-dehors» (DPM, 91).

32 G. Bachelard, L’eau et les rêves cit., p. 106.

33 M. Quaghebeur, Lettres belges entre absence et magie, Bruxelles, Édition Labor, Archives du Futur, 1990, p. 232.

34 Le caractère codé, le personnage-type du Père est de prendre soin de la famille, de protéger ses proches; le rôle codé du Soldat est de se battre pour défendre plus faibles que lui ou la patrie; le personnage-type du vieil homme est l’incarnation de la sagesse. Dans la syntaxe générale du texte dramatique où ils fonctionnent, les protagonistes willemsiens sont en conflit avec le rôle actoriel qui leur est réservé dans la tradition sociale. Voir: A. Ubersfeld, Lire le théâtre I, Paris, Belin, Lettres SUP 1996, pp. 79-87.

35 M. Quaghebeur, Du fantastique réel au réalisme magique ou d’une guerre mondiale à l’autre. “Tout est réel ici” de Paul Willems, in dir. R. Bizek-Tatara, Au-delà du réel. Écritures du surnaturel dans les lettres belges francophones, Lublin, Wydawnictwo Uniwersytetu Marii Curie-Skłodowskiej, 2017, p. 29.

36 Ibidem, p. 30.

37 C’est aussi une tradition familiale car Paul Willems est le fils d’une grande écrivaine belge: Marie Gevers.

38 Je me réfère ici à un article d’Henri-François Loriau et Agnieszka Pantkowska, intitulé Paul Willems: le dernier écrivain belge?, paru dans “Studia Romanica Posnaniensia”, 28, 2001, pp. 149-162 dans lequel les auteurs prétendent que Willems clôt une certaine période dans la littérature belge. Il est en tous les cas un des derniers grands écrivains francophones de Flandre.

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Per citare questo articolo

Notizia bibliografica

Renata Jakubczuk, «Isotopie de l’élément aquatique dans “Elle disait dormir pour mourir” de Paul Willems»Studi Francesi, 189 (LXIII | III) | 2019, 522-530.

Notizia bibliografica digitale

Renata Jakubczuk, «Isotopie de l’élément aquatique dans “Elle disait dormir pour mourir” de Paul Willems»Studi Francesi [Online], 189 (LXIII | III) | 2019, online dal 01 décembre 2020, consultato il 16 mai 2025. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/20626; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.20626

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