Lise Bissonnette, Maurice Sand. Une œuvre et son brisant au xixe siècle
Lise Bissonnette, Maurice Sand. Une œuvre et son brisant au xixe siècle, Presses Universitaires de Rennes - Presses de l’Université de Montréal, 2017, 479 pp.
Testo integrale
1Présidente de la Bibliothèque et des Archives nationales du Québec jusqu’en 2009, Lise Bissonnette accomplit par la parution de cet ouvrage le doctorat rêvé depuis sa jeunesse et soutenu à Montréal en 2015. Elle fournit une réflexion argumentée sur l’étrange négligence qui a fait de Maurice Sand «un sidérant angle mort» (p. 433) quoique mentionné de façon récurrente dans les nombreuses études sur sa mère. S’appuyant notamment sur le fonds de manuscrits acquis par la bibliothèque Beinecke de Yale, mais aussi sur toute la bibliographie sandienne qu’elle connaît parfaitement, elle démontre combien une erreur d’appréciation commise dès l’origine, est encore prégnante dans le jugement porté sur ce fils aimé, considéré par les critiques au pire désinvolte ou paresseux, au mieux amateur polyvalent et touche-à-tout talentueux.
2Lise Bissonnette organise le livre en trois chapitres selon les critères de la recherche universitaire. Après une introduction (pp. 17-34) plaçant sa quête dans les interstices de l’histoire culturelle mais aussi sur les chemins de traverse rencontrés par la fortune critique de Maurice Sand, elle explore dans le premier chapitre, «La production d’une mémoire» (pp. 35-122), toutes les occasions manquées de l’étudier vraiment qui ont rythmé l’abondante production sur l’univers de George Sand. Tantôt fils idéal, consolateur compagnon, tantôt dilettante dévalorisé par la protection maternelle dès le xixe siècle, confiné à l’illustration, éclipsé par le destin romanesque de sa sœur Solange au xxe, Maurice est certes présent dans les travaux consacrés à l’œuvre de sa mère, mais le plus souvent en miroir filial des qualités de l’écrivaine. George Sand, il est vrai, a elle-même contribué à forger cette image en creux malgré – peut-être même à cause de – ses efforts pour valoriser sa bonté, son sens de la méthode, son aptitude à l’apprentissage, son dévouement à la cause artistique.
3Le deuxième chapitre, «Le créateur en son siècle» (pp. 123-296), est forcément le plus intéressant puisqu’il présente tout l’œuvre de Maurice Sand par genres, mais aussi en montrant les périodes et les connexions entre ses diverses pratiques. Parfois simple continuateur, parfois modeste précurseur, ce fils d’un milieu qui lui donne accès aux personnalités du temps comme aux débats agités entre créateurs semble avoir su naviguer en toute indépendance, peut-être en partie par indifférence, politique notamment, dans les domaines qui l’intéressent: l’art et la science dans leurs liens et leurs divergences à la fois. Sa préférence évidente pour le dessin et l’aquarelle ne l’empêche pas de vouloir se faire une place de peintre, notamment en exposant aux Salons de 1848 à 1861, puis de 1877 à 1880. Son atelier aux Batignolles est bien un lieu de vie artistique, non pas une simple succursale du grenier de Nohant, de même que son théâtre de marionnettes, à l’origine champ d’expérimentation pour les pièces maternelles dans les grandes salles de la capitale, deviendra un véritable lieu de représentations à Passy, préparant le théâtre libre fin de siècle. À partir de son mariage avec Lina Calamatta et de son retour dans le domaine berrichon en 1862, la littérature supplante peu à peu la démarche d’illustration (Les Légendes rustiques) et inclut le goût de la recherche historique et scientifique qui caractérise cet amateur plus qu’éclairé (Masques et bouffons et Le Monde des papillons). Le récit de voyage (Six milles lieues à toute vapeur) le mène à devenir romancier, surtout épris du passé de l’humanité (Callirhoé, Raoul de La Chastre, Le Coq aux cheveux d’or, L’Augusta…).
4Le troisième chapitre, «Une part de liberté» (pp. 297-432), se propose de cerner le fil directeur de toutes ces œuvres et le trouve dans le goût d’un fantastique, certes hoffmannien, mais traité avec une fantaisie digne du Balandard orchestrateur scénique de Nohant. Son appétence constante pour le visuel, sa fascination visionnaire pour l’étrange le poussent à utiliser ses savoirs multiples (entomologie, minéralogie, anthropologie, archéologie, histoire du théâtre…) au service d’une reconstitution des mondes disparus (légendaire berrichon, réinvention de la commedia, prolifération de Pierrot, restitution de peuplades anciennes d’Amérique ou en Orient, de races préhistoriques, réflexions sur les mythes de l’Atlantide et du Déluge).
5En épilogue (pp. 433-446), Lise Bissonnette, comme il convient à une thèse, parfois un peu jargonneuse, rassemble les fils de sa démonstration, mais voit aussi dans ce minor qui doit sans doute sa notoriété à son patronyme, mais ne mérite pas pour autant d’être tenu pour quantité négligeable, vu sa profonde singularité, un cas typique de cette histoire culturelle qui est si difficile à pratiquer, mais qui apporte tant à l’étude des mentalités comme à la préhension des grands créateurs plus reconnus.
Per citare questo articolo
Notizia bibliografica
Lise Sabourin, «Lise Bissonnette, Maurice Sand. Une œuvre et son brisant au xixe siècle», Studi Francesi, 185 (LXII | II) | 2018, 341-342.
Notizia bibliografica digitale
Lise Sabourin, «Lise Bissonnette, Maurice Sand. Une œuvre et son brisant au xixe siècle», Studi Francesi [Online], 185 (LXII | II) | 2018, online dal 01 août 2018, consultato il 04 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/13815; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/studifrancesi.13815
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