Étudier l’album sériel : une contribution collective à une théorie critique de l’album pour enfants
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Mots-clés :
album sériel, culture de l'enfance, culture populaire, critique, collection, éditeur, édition, patrimoine, patrimonialisation, album, presse illustrée, introductionKeywords:
serial picturebook, children’s culture, popular culture, critical review, collection, publisher, publishing, heritage, patrimonialization process, picturebook, press, introductionPlan
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- 1 See call for paper « Seriality, literarity and popular culture in picturebook studies » : https://j (...)
[...] j’étais installé à un carrefour de pistes précaire [...], mais d’où on pouvait pousser des reconnaissances, selon son gré, dans tous les horizons ; le sentiment de tenir entièrement sous le regard un ensemble d’une complexité vivante, d’y sentir jouer encore [...] mille interactions organiques, avait de quoi passionner.
- 2 Julien Gracq, Paris, Corti, 1992, p. 149. Ce fragment évoque la situation des études universitaires (...)
Julien Gracq, Carnets du grand chemin2
Étudier l’album sériel : une brève introduction
Corpus, perspectives, enjeux généraux
1Les « albums Trim » et la « Bibliothèque de Mademoiselle Lili », Bécassine et Les Pieds nickelés, Sylvain et Sylvette, Martine, Caroline, Lucy and Tom (série anglaise de Shirley Hughes largement plébiscitée dans le monde anglophone), Barbapapa, Mimi Cracra, Marion Duval, Dora l’exploratrice (Dora the explorer, série internationale d’origine télévisuelle), Pettson och Findus (série suédoise, en français Pettson et Picpus) et Simon Superlapin (Simon Superkanin dans la traduction suédoise), la série de bandes dessinées « La pauvreté expliquée aux enfants » : peu de ces titres demandent à être présentés à un public d’adultes intéressés par l’album et la culture d’enfance dans l’espace francophone et international en ce premier xxie siècle. Que leurs auteurs soient ou non reconnus dans leur champ (c’est notamment le cas d’Agnès Rosenstiehl et d’Yvan Pommaux), la grande majorité d’entre elles font ici l’objet d’une première étude, dans des perspectives multiples et sur la base de travaux de documentation fondateurs – avec l’acuité propre à la première saisie critique d’un réel familier et socialement largement partagé. Le sommaire retenu pour les présenter suit le principe simple et significatif de la chronologie éditoriale – faute de pouvoir offrir une image plus analytique de la multiplicité des questions qui le traversent.
- 3 On ne peut que souligner l’apport fondamental sur ce point d’études telles que celle de Julien Baud (...)
- 4 Cécile Boulaire, « Caroline, Émilie, T’Choupi : des séries d’albums à succès », Revue des livres po (...)
2Ce corpus résulte de la nécessité d’ouvrir un champ de recherche en opérant un choix parmi de nombreux objets pertinents et stimulants. Outre sa dominante francophone, il revêt un caractère relativement « classique », non pas au sens où il aurait cours dans les classes, mais où il regroupe des titres perçus comme emblématiques de l’objet étudié très au-delà de la sphère savante, portés pour certains par des liens organiques avec la presse et la bande dessinée enfantines3. À l’image de la principale étude en langue française disponible à ce jour sur l’album sériel en tant que régime et forme de création (« Caroline, Émilie, T’Choupi et les autres », article dense en avancées publié par Cécile Boulaire il y a treize ans4), les contributeurs de ce dossier ont majoritairement retenu pour ce chantier collectif des séries largement lues, par des générations multiples, pour certaines dans de nombreuses langues et de nombreux pays. À quelques exceptions près, ce sont ici à la fois les séries relevant d’une production plus restreinte et les nombreuses séries à grand tirage ayant rencontré des succès (un peu) moins imposants qui se voient provisoirement laissées de côté.
- 5 Jean-Claude Chamboredon et Jean-Louis Fabiani, « Les albums pour enfants, le champ de l’édition et (...)
3Cette première configuration d’étude permet de saisir une culture enfantine effectivement – et non idéalement – « partagée », « populaire » a minima au sens médiologique du terme. Elle prend aussi en compte, à partir d’un contexte majoritairement francophone, la question des circulations internationales, à la lumière d’une recherche exploratoire menée depuis la Scandinavie sur les flux de traduction entre la France et la Suède et la Norvège mais aussi très finement sur le statut symbolique de la production sérielle dans ces espaces – à laquelle s’ajoutent les données de l’ensemble des contributions sur des configurations interculturelles souvent contrastées. Il s’agit donc ici à la fois d’analyser le fonctionnement sériel de l’album pour enfants, de poser un premier regard critique sur des objets culturels importants, et d’en tirer des données et questions pour la communauté de recherche – dans l’esprit de l’étude multidimensionnelle consacrée en 1977 par Jean-Claude Chamboredon et Jean-Louis Fabiani au champ éditorial francophone de l’album en relation avec la question des « définitions sociales de l’enfance5 ».
- 6 Bettina Kümmerling-Meibauer, « Seriality in Picturebooks », dans : Bettina Kümmerling-Meibauer (dir (...)
- 7 Voir par exemple Raymond A. Morrow, « La Théorie critique de l’École de Francfort : implications po (...)
4Les questionnements moteurs ici apparaissent donc partiellement différents et complémentaires de ceux que travaille, dans le champ des études sur l’album en langue anglaise, l’étude consacrée à la sérialité par Bettina Kümmerling-Meibauer au sein du récent ouvrage collectif The Routledge Companion to Picturebooks6. La réflexion y pointe avec finesse les enjeux intrinsèques de la production sérielle texte-image adressée à l’enfance, à partir d’un corpus d’œuvres et d’auteurs variés, faisant l’objet d’une certaine reconnaissance critique – en continuité avec celui des actuelles études sur l’album dans le monde européen et anglo-saxon. Le présent dossier souhaite réexaminer les frontières de ces corpus d’étude, en référence au courant de la « théorie critique » né dans (et de) l’entre-deux-guerres au sein de l’école dite « de Francfort », poursuivi et hybridé en France notamment par les travaux de Pierre Bourdieu et d’un important courant de la sociologie francophone. Ce courant de pensée – qui en recoupe d’autres – accorde une place centrale, dans l’étude des faits de culture et de communication, à l’exercice d’une réflexivité constamment réhistoricisée, attentive aux effets d’ancrages et de points de vue, d’invisibilisation et de méconnaissance inhérents à l’effort intellectuel de connaissance ; s’y référer ici est aussi une manière d’évoquer le projet intellectuel de Strenae7.
Un chantier collectif : généalogie et contextualisation
- 8 Voir l’appel à contribution de ce dossier et les parties introductives de Dominique Perrin, « L’alb (...)
5Les différents panoramas et dictionnaires érudits dont dispose aujourd’hui l’album de jeunesse dans la sphère francophone n’omettent pour la plupart nullement de rappeler l’existence d’un continuum riche et problématique menant des auteurs consacrés par les adultes aux personnages titres plébiscités par des publics enfantins et/ou intergénérationnels. La revue d’actualité et de mise en perspective du CRILJ offre à ses abonnés des aperçus aigus et réguliers sur ce continuum, sans jamais en perdre de vue les enjeux socio-politiques et les questions vives. Au-delà des phénomènes complexes de relégation, d’évitement, voire de censure savante qu’on peut identifier et questionner à son sujet, l’objet « album sériel » s’est probablement vu en quelque sorte longtemps « mis de côté » au plan de la recherche du fait de multiples difficultés objectives, en même temps que faute d’être « permis » par l’état et le projet structurant des jeunes études sur l’album8.
- 9 Voir le site de Legipop : https://legipop.hypotheses.org/ et celui de l’Association internationale (...)
- 10 Voir la bibliographie générale des articles cités en note précédente, et notamment : Anne Besson, « (...)
6L’ouverture de ce chantier est bien sûr notamment redevable aux travaux francophones sur la sérialité en littérature de jeunesse envisagée dans ses rapports à la culture populaire, et particulièrement aux recherches d’Anne Besson, de Matthieu Letourneux et du collectif Legipop9. Elle doit aussi aux travaux impulsés par Stéphane Bonnéry en sociologie des pratiques privées et scolaires de lecture enfantine, et par Catherine Frier sur l’enseignement de la lecture et de la culture écrite – ainsi que, du côté des sciences de l’information et de la communication, à ceux de Pierre Bruno sur la culture juvénile et son industrialisation – dans une optique très dynamisée par les problématiques d’imposition économique et symbolique, et de conflits de points de vue socialement et idéologiquement construits10.
- 11 Voir notamment Laurence Olivier-Messonnier, Guerre et littérature de jeunesse (1913-1919). Analyse (...)
- 12 Cette introduction salue notamment les travaux porteurs de Michel Driol sur la série Trotro de Béné (...)
7Comme le rappelait son premier argumentaire, ce dossier d’orientation littéraire doit plus précisément encore son existence à des travaux de référence restés isolés dans le champ des études sur l’album11, consacrés notamment pour l’espace francophone à Bécassine, aux Pieds Nickelés et à Gédéon par Laurence Messonnier (dans le cadre de recherches de longue haleine sur la presse, la lecture et l’édition enfantines dans le premier xxe siècle), ainsi qu’à un faisceau de recherches pionnières parues de manière concomitante en 2016 et 2017. Cécile Boulaire présente cette année-là les fruits d’une enquête très approfondie sur la collection d’après-guerre des « Petits livres d’or », permettant une réflexion novatrice sur l’album « populaire » considéré dans la complexité de ses enjeux éditoriaux et culturels. Parallèlement, c’est du point de vue de la géographie que la série Caroline (mise en lien avec la série Martine, tout aussi peu et partiellement étudiée au sein des études littéraires) fait l’objet de travaux particulièrement stimulants, poursuivis et sommés ici par Christophe Meunier ; et c’est selon une optique historienne que la fécondité singulière des archives Casterman (éditeur de Martine en même temps que d’Hergé), se voit signaler et démontrer par Sylvain Lesage ; l’apport de ces archives est présenté ici en collaboration avec Florian Moine, spécialiste du fonds Casterman, à propos du statut auctorial du très discret et investi illustrateur de Martine. Enfin Isabelle Nières-Chevrel procure en 2017 une étude fondatrice sur Babar, aussi documentée que précise en termes d’analyse littéraire. Ce dossier entretient aussi un inappréciable rapport avec la réflexion collaborative du groupe de recherche-formation PRALIJE de l’INSPE de Lyon12.
8Il convient de souligner la difficulté pratique, pour les chercheurs de différents horizons, de constituer en objet d’étude un corpus que son ampleur rend sujet aux effets de naturalisation (les séries texte-image seraient dotées d’une présence et d’une longévité en soi dans l’intimité des foyers), de banalisation (elles se ressemblent et se confondent, en un continent indistinct aux enjeux dilués, en tout état de cause plutôt faibles) et de dispersion (leur conservation éparse, confiée aux particuliers, n’aurait besoin ni de volonté ni d’attention). La reconstitution présentée ici par Isabelle Nières-Chevrel des corpus décisifs que représentent dans le contexte français des années 1860 les « albums Trim » et la « Bibliothèque de Mademoiselle Lili » illustre cet enjeu. Les études d’ensemble consacrées par Cécile Boulaire à la série très vite « tentaculaire » Barbapapa et par Francis Marcoin à l’objet limite que constitue la série d’origine télévisuelle Dora ne doivent leur précision qu’à un travail très minutieux de recoupement de données ; ces deux séries emblématiques résistent très efficacement à une saisie par les principes classiques de l’auctorialité mais aussi de la continuité éditoriale.
- 13 Le récent double numéro de Strenae consacré à l’étude longitudinale de la revue Pif Gadget par un c (...)
9Le passage collectif à l’analyse de la sérialité nécessite-t-il donc surtout un recul académique dont les études en littérature d’enfance ne disposent que de façon récente à titre collectif ? La temporalité complexe de cette objectivation mérite en tous cas d’être considérée comme un objet de réflexion enrichissant. Elle invite à identifier à la fois comme une chance et comme une nécessité le caractère non seulement pluridisciplinaire mais transdisciplinaire des études réunies ici, qui mobilisent avec souplesse des perspectives et postures de recherche variées, aptes à estomper les divisions entre histoire, sociologie, anthropologie, psychologie, médiologie – et modes et objets d’analyse propres à la littérature13.
10Les lignes qui suivent proposent un point de vue synthétique et prospectif sur l’ensemble de ces avancées ; leur valeur pouvant être considérée comme conclusive autant qu’introductive, leur lecture peut au libre choix des lecteurs être différée après celle des différentes contributions.
Des lignes possibles de synthèse et de débat
1860-2023 : album et série, de la pratique au concept, et réciproquement
- 14 Les récents échanges permis par la soutenance de la thèse consacrée par Olga Fedotova à l’œuvre de (...)
11La patiente reconstitution par Isabelle Nières-Chevrel des catalogues historiques des « Albums Trim » de la maison Hachette (23 titres, 1860-1879) et de la « Bibliothèque de Mlle Lili » de la maison Hetzel (67 titres, 1862-1913) apporte un éclairage marquant sur les commencements conjoints, dans l’espace français, de l’album pour enfants et du régime sériel de création et d’édition. Elle documente à la fois le développement de l’album pour enfants comme forme spécifique de création et l’apparition de la pratique et de la notion de « série », à la lumière des enjeux propres à l’adresse à l’enfance pré- ou néo-lectrice dans le contexte des années 186014. Les deux catalogues « annoncent » en effet chacun à leur manière l’avènement de l’album sériel tel que nous le connaissons, entre récurrence décisive des auteurs texte et image, des formats, des thèmes et des registres (en germe chez Hachette), mais aussi d’un petit cercle de personnages et de leur univers (de manière résolument assumée avec un personnage titre chez Hetzel).
12Si les « albums Trim » portent seulement les ferments de la logique sérielle, ceux de Mademoiselle Lili en présentent tous les traits inauguraux, tout en gardant une ponctuelle – et émouvante – liberté d’écart. Le catalogue restitué et commenté par Isabelle Nières-Chevrel atteste que cette série première présente la complexité « subtile » qui caractérisera nombre d’ensembles ultérieurs, loin du gaufrier « répétitif » perçu plus tard par le public adulte blasé. Globalement a-chronologique, elle ne fonctionne certes pas comme « suite » impliquant un ordre de lecture, ou comme « cycle » impliquant un trajet général, mais intègre avec finesse – et humour – des aspects et « détails » de ces modèles faisant place à l’axe du temps. Elle est le théâtre d’une exploration active de l’articulation entre texte et image, avec un effet de libération et d’approfondissement des langages iconique et graphique. Elle constitue enfin pour Hetzel un espace privilégié d’échanges techniques et culturels avec des éditeurs d’autres pays, par le biais de traductions mettant en relation la France avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne et le Danemark ; l’étude de ces commencements fait ainsi apparaitre la dimension d’emblée internationale d’une pratique culturelle marquée au sceau de la modernité.
- 15 Voir Anne Besson, « Du Club des Cinq à Harry Potter », op. cit., § 7-11 ; Matthieu Letourneux, « Sé (...)
13C’est ainsi dans le détail des précisions documentaires apportées par Isabelle Nières-Chevrel afin de rendre parlants ces deux catalogues historiques qu’on voit se développer un régime sériel de création emblématique de la littérature texte-image adressée à l’enfance, avec un succès qui permet son assomption rapide comme pratique culturelle courante – validée par une lettre historique d’Émile Zola. Aussi bien, la frontière entre collection et série ne saurait être limpide, ni au regard de leurs communs enjeux éditoriaux ni, bien sûr, au regard de la réalité évolutive des corpus et de leur présentation paratextuelle, dépourvue de la rigoureuse stabilité qu’elle affichera plus tard. On retrouve ici un état de fait bien identifié par Matthieu Letourneux et Anne Besson. D’une part, la sérialité constitue à de nombreux égards un horizon possible du geste et du projet de l’éditeur en général – qui y accède souvent à une fonction confinant à l’auctorialité, les situations extrêmes de double fonction assumées par Hetzel-Stahl pour Mademoiselle Lili ou par Languereau-Caumery pour Bécassine constituant de magnifiques cas d’étude à cet égard. D’autre part, la création sérielle illustre comme une majorité de pratiques littéraires populaires et savantes avant le xixe siècle la productivité d’une « esthétique de l’identité », de la reprise et de la variation, apte à relativiser les valeurs plus récentes d’auctorialité individuelle et d’originalité15.
14Enfin, les analyses d’Anne Besson concernant les enjeux tout à fait prépondérants de ce mariage du « même », de l’« autre » et du « différent » à propos de la littérature romanesque adressée aux enfants et préadolescents apparaissent pleinement probantes au regard des corpus étudiés ici. La perspective de psychologie du développement et d’anthropologie culturelle développée ci-dessous se voit explorer dans le présent dossier avec des fruits singuliers concernant notamment Sylvain et Sylvette et Caroline, mais aussi, du côté du très jeune public, Lucy and Tom, Mimi Cracra et Barbapapa :
L’attrait des formes à épisodes, et notamment des ensembles romanesques, tient largement à celui de la répétition – de la répétition et de l’évolution, ajouterons-nous : voir revenir les héros aimés, l’autre monde désormais familier. Ce goût, essentiel dans l’approche des textes par l’enfant, lui permettrait à la fois d’apprivoiser des peurs et de construire des modèles de vie et de comportement. [...]
- 16 Anne Besson, ibid., § 12-16.
La redondance revêt une nécessité pratique certaine dans les situations de communication orale, dans la mesure où elle joue un rôle important, bien connu des pédagogues, dans le processus de mémorisation [...]. [Son] ronron, socle nécessaire de tout processus cognitif – l’esprit humain ne peut tout simplement pas appréhender ce qui est perçu comme chaos, il doit repérer des récurrences, opérer des rapprochements –, tient logiquement une place plus grande quand le rapport au monde se met en place en même temps que se forme la personnalité. Il remplit bien sûr une puissante fonction de réassurance : dans cet environnement changeant, et alors même que je ne suis plus celui que j’étais hier, la stabilité, l’identité, existent16.
15À l’autre extrémité du champ historique construit par ce dossier, Cheyenne Olivier analyse de l’intérieur le processus de création d’un ensemble conçu depuis sa mise en projet comme relevant de la production sérielle (cinq albums parus en 2022, cinq à paraître en 2023, traduits en plusieurs langues). A priori, la sérialité ne présente plus ici aucun aspect improvisé, mais constitue un horizon de représentation et de signification solidaire d’un ensemble de contraintes et de défis, reposant sur une fonction de production découplée en trois instances conniventes (l’éditrice remplissant ici une fonction d’initiation des deux autrices aux modalités propres de la création sérielle). Loin de la condamnation aux inflexions parfois puritaines en usage dans un certain nombre de discours historiques et actuels sur l’album « commercial » et « de grande consommation », aucune des trois actrices considérées ne fait mystère de la nécessité économique ni du projet moteur d’atteindre un public à la fois ample et diversifié, et de qualifier virtuellement de « commercial » le projet qui les réunit.
16C’est certes pourtant bien de questions de création que l’article propose de faire son enjeu – par un cheminement au terme duquel la « série » ne répond une fois encore pas à des critères simples ni tout à fait conventionnels. Elle vectorise ici le projet d’une cohérence narrative permettant de construire une première représentation enfantine de la notion économique de pauvreté à l’échelle « monde » davantage qu’elle ne vise l’attachement à un ou des personnages-titres – ceux-ci étant précisément destinés à varier d’un album à l’autre au profit d’une cohérence d’ensemble à caractère plus intellectuel. Si la pensée économique mise en jeu ne saurait nullement faire l’objet de la réflexion littéraire partagée ici, c’est bien dans son usage esthétique que la notion centrale et relative de « pauvreté » recoupe l’un des questionnements transversaux de ce dossier – comme du projet de recherche-création de l’illustratrice.
Disparité, diversité, singularité : une « culture ordinaire » vectrice de subjectivation collective
17La solidarité historique constatée « aux commencements » entre développement de l’album et dynamique sérielle peut passer pour un indice majeur du continuum global des enjeux, moyens et pratiques constitutifs du « champ » éditorial et culturel de l’album pour enfants, au-delà des différences multiples – et parfois massives – de ses modes de production et de diffusion, et, sur un plan beaucoup moins objectif, des différences présumées de posture de leurs « sous-publics ».
- 17 Voir par exemple l’évocation par Maurice Sendak du projet inducteur de Cuisine de nuit (1970) dans (...)
- 18 Isabelle Nières-Chevrel, « Proust et la petite serre de Mlle Lili », Bulletin d’informations proust (...)
18Ce continuum se manifeste également au plan de l’intertextualité. Les témoignages réflexifs concernant la lecture d’albums demeurent relativement rares dans la littérature autobiographique en général. Des créateurs consacrés tels que Maurice Sendak et Claude Ponti attestent cependant à la fois dans le cadre d’entretiens et dans celui de leur œuvre l’importance de la « sous-littérature » sérielle texte-image et notamment des livres et illustrés populaires dans la formation de leur regard, de leur imaginaire et de leur sensibilité17. Une étude d’Isabelle Nières-Chevrel publiée dans le Bulletin d’informations proustiennes documente l’évocation par le narrateur d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs d’une scène de Mademoiselle Lili revisitée à la faveur d’un travail de métaphorisation et de déplacement à haute teneur affective18.
19En sens inverse, Laurence Messonnier souligne à quel point la consistance imaginaire et langagière des aventures de Bécassine et des Pieds Nickelés (séries porteuses, au-delà de leurs ancrages idéologiques explicites, d’enjeux de satire sociale et discursive à multiple détente aujourd’hui largement évincés de la production destinée à l’enfance) repose sur une intertextualité « classique ». Les références de Caumery et Pinchon à Shakespeare, Molière, Racine, Voltaire et Proust, de Forton à la comédie latine et à la commedia dell’arte ainsi qu’à Voltaire et Zola concourent à rendre complexe l’appréciation de la portée politique « globale » des deux séries, a fortiori dans le cadre de réceptions enfantines. Dans un autre ordre d’analyse, l’étude fondatrice consacrée à Sylvain et Sylvette par Anne-Marie Mercier souligne son inscription – puissamment significative dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et des nouveaux départs de l’après-guerre – dans la tradition fondamentale en Occident de la robinsonnade, en même temps que dans le patrimoine à multiples facettes des contes et des fables. Cécile Boulaire décèle la dette des premières aventures de Barbapapa à l’égard des albums états-uniens de Tomi Ungerer centrés sur des animaux exemplairement civils (Crictor, Adélaïde, Emile, Rufus et Orlando), vecteurs d’une représentation décentrée de l’humanité dans l’univers du vivant.
20De fait, la puissance imaginaire et formelle de ces productions fonde leur statut de « grands récits partagés », aptes à nourrir la curiosité (pour ne pas dire la préoccupation) enfantine touchant au « propre » de l’humaine espèce, aux fondements des sociétés qui la structurent, à la capacité de ces dernières à se refonder en temps de grandes déroutes (enjeux que n’ignore pas le jeune public actuel). Christophe Meunier montre quant à lui comment la Caroline de Pierre Probst apporte aux jeunes générations nées après les profonds traumas des années 1940 l’élan d’une découverte hédoniste et structurante de l’espace géographique ; la figure de Martine donne forme à un intérêt collectif bien réel pour la figuration discrètement lyrique – et même pieuse, pourrait-on dire à la lumière du parcours professionnel de Marcel Marlier – d’un espace relationnel tissé entre famille et société, village-jardin et ville ouverte sur le monde. Sylvie Dardaillon met en perspective l’attraction conjointe vers la bande dessinée, la série et la figuration de multiples « ailleurs » géographiques, sociaux et mentaux caractéristique de la production d’Yvan Pommaux – au sein d’un continuum créateur explorant toutes sortes d’échelles et de configurations entre ces trois pôles. Entre 1970 et 1981, les sept éclatants premiers albums de Barbapapa n’apportent pas moins aux très jeunes lecteurs qu’une ontogonie teintée d’humour et de gravité, assortie de quêtes et voyages dans l’univers et sur la Terre – au cœur d’enjeux socio-politiques tout à fait contemporains.
Une patrimonialisation précaire en marge de la sphère savante
- 19 On renvoie à nouveau ici pour parallèle au numéro de Strenae consacré à Pif Gadget.
21La recherche et le recoupement de données quantitatives permettant de documenter la « pénétration » dans les foyers de ces univers narratifs qui appellent en partie le nom de « fondateurs » (au regard de l’âge de leurs lecteurs, et des grandes interrogations collectives qui constituent de manière plus ou moins directe l’arrière-plan de leur création19) mériteraient en soi un chantier d’étude. Les chiffres généraux apportés par chacune des contributions réunies ici – de même que les sources documentaires variées qu’elles mobilisent – confirment cependant avec éloquence l’importance culturelle de leurs objets.
22Il en va de même pour les données qui témoignent du processus précaire et contingent de leur patrimonialisation par des voies autres que celles des politiques publiques d’étude et de conservation. Timbres poste à l’effigie de Sylvain et Sylvette et titre de Commandeur des Arts et des Lettres décerné au dernier auteur de la série, enchères superlatives et ostentatoires pour la « Bibliothèque de Mademoiselle Lili », pour Caroline et par dessus tout pour les dessins de Martine – imposant en partie au discours social tenu sur ces séries le sceau de l’évaluation financière de leurs archives -, médiation culturelle confiée à la figure de Barbapapa, musées et expositions d’initiative municipale ou départementale, rééditions de fac-similés, articles occasionnels de la presse généraliste, ouvrages généraux d’histoire culturelle et, bien sûr, précieuses démarches particulières ou associatives d’archivage et de mise à disposition (voir notamment le site consacré à Maurice Cuvillier, auteur de Sylvain et Sylvette) – viennent compléter le panorama de l’imposant volume des titres, tirages, traductions, rééditions, remaniements, et bien sûr des déclinaisons en multiples supports papier, filmiques, numériques, jouets, objets.
23Le croisement des études consacrées à ces séries pour la plupart « classiques » parce que populaires (à l’exception contrastive de la série d’origine télévisuelle Dora) place dans une vive lumière leur singularité imaginaire et stylistique, ces deux aspects s’avérant tout à fait indissociables. Ce ne sont pas la même vision du monde et de l’enfance, de la relation à la société et au monde adulte, au monde animal et plus généralement au vivant, que « proposent » les séries textes-images considérés ici – ni, bien sûr, les mêmes représentations de l’activité enfantine de lecture. Il convient en particulier de souligner ici avec Anne-Marie Mercier la prégnance quasi « biblique » de l’univers d’apparence très simple créé par Maurice Cuvillier (représentant important par ailleurs de la diversité des origines sociales des auteurs et illustrateurs étudiés dans ce dossier) pour Sylvain et Sylvette.
- 20 Voir notamment Jean-Louis Fabiani, « Le plaisir et le devoir : remarques sur la production et la ré (...)
24Dans la même perspective, il semble difficile de considérer trop rapidement le style des séries considérées comme « pauvre », l’adjectif se prêtant à de multiples jeux de relativisation voire d’inversion symbolique dans bien des domaines de la culture légitime – et jusque dans celui des séries enfantines de grande diffusion, à considérer le sort critique heureux du petit lapin blanc Miffy et de son créateur néerlandais Dick Bruna. Il ne semble pas non plus évident d’estimer à titre global que leurs univers de représentations – mis en perspective sur un plan historique, culturel et poétique – soient « beaucoup plus » unilatéralement et platement stéréotypantes que celles d’une production « moyenne » émanant d’éditeurs et de circuits de production présumés favorables à l’expression de la singularité, de la diversité et de la pensée critique. Rappelons ici brièvement l’intérêt des analyses socio-critiques – au premier chef celles de Jean-Louis Fabiani du point de vue de la sociologie, et de Christian Bruel du point de vue de l’histoire et de la critique20 – concernant les effets d’évitement et de consensus, si ce n’est d’unanimisme idéologique à caractère socio-centré qui traversent cette production médiane.
25Sans prétendre entrer ici dans ce vaste chantier d’étude, relevons que sept des treize séries travaillées ici ont pour personnage-titre unique une protagoniste féminine, offrant avec Mademoiselle Lili, Bécassine, Martine, Caroline, Marion Duval, Mimi Cracra et Dora l’exploratrice (auxquelles il serait dommage de ne pas ajouter l’exemple de l’Émilie de Domitille de Pressensé) une palette non négligeable de modèles d’« agentivité » et d’insertions sociales ; notons aussi que l’une des deux séries reposant sur une association de personnages de l’un et l’autre sexe – Sylvain et Sylvette (1941) et Lucy et Tom (1960) – place, fait rare dans la littérature enfantine, le féminin devant le masculin.
26Ces effets de convergence idéologique à caractère plus ou moins passif, plus ou moins unifié, sont étudiés par Laurence Messonnier au prisme des périodes d’« union sacrée » patriotiques et/ou nationalistes à l’échelle d’un vaste ensemble de productions adressées à l’enfance dans le premier xxe siècle. Ils le sont également par Francis Marcoin concernant la figure transmédiatique et internationale de Dora l’exploratrice, exigeant objet limite dans la perspective de ce dossier consacré à des séries intégralement ou originellement liées aux supports « papier ». L’hyper-standardisation graphique et scénaristique affichée par la série n’empêche semble-t-il pas le lectorat enfantin (et, à autre distance, le lectorat adulte qui l’y encourage) d’en user, entre autres, comme d’un vecteur de culture permettant différentes formes d’ouverture sur le monde – certes radicalement éloigné, dans ses moyens et sa portée, des séries constitutivement « littéraires ». Parmi de nombreux apports, l’étude pionnière de Francis Marcoin atteste également que la figure hispano-états-unienne de Dora offre prise à de multiples effets de sens du fait de son rapport avec les réalités sociales complexes du plurilinguisme : dans les années 2010, la fillette est ainsi sollicitée au sein de certains espaces d’information internationaux pour figurer les conséquences des politiques anti-migratoires aux États-Unis.
(Comment) les séries font-elles œuvre ?
27Ne pas renoncer à « tenir entièrement sous le regard un ensemble d’une complexité vivante », telle est peut-être la démarche la plus précieuse commune à chacune des contributions réunies ici : elles ne « cèdent pas » sur l’enjeu d’une saisie à la fois globale et dialectisée – et par là nuancée – d’objets appréhendés dans la multiplicité de leurs facettes. Les études consacrées aux séries adressées aux très jeunes lecteurs que sont, dans l’ordre chronologique, Lucy and Tom, Mimi Cracra et Barbapapa incarnent notamment la possibilité un peu miraculeuse de saisir la totalité sensible et chronologiquement ordonnée de vastes ensembles texte-image, sous les angles solidaires de l’histoire éditoriale et culturelle, de la poétique et de la réception.
- 21 Hors éditions bilingues à destination du public francophone. Ces données à caractère indicatif sur (...)
28Margaret Mackey, avec la série anglaise issue du premier album pour enfants de Shirley Hughes (Lucy and Tom, 1960-1987, six titres patrimoniaux dans le monde anglophone, très peu traduits vers d’autres langues) et Eléonore Hamaide-Jager, avec la série très populaire dans le domaine francophone apparue sous la plume d’Agnès Rosenstiehl dans Pomme d’Api (Mimi Cracra, plus de 50 titres de 1975 jusqu’à nos jours, également peu traduite vers d’autres langues21) procurent à l’étude de la littérature destinée aux très jeunes lecteurs deux contributions rayonnantes. Les configurations singulières propres à ces deux séries permettent certes d’analyser une solidarité historique et poétique entre littérature adressée aux « petits » et sérialité – on pense bien sûr aussi pour le contexte anglais à l’œuvre de Beatrix Potter ; elles apportent également des éclairages irremplaçables sur les réussites subtiles de cette littérature, sur les mécanismes de sa diffusion et de sa reconnaissance, ainsi que sur le problème délicat de la représentation des genres et des milieux à destination des très jeunes lecteurs.
29Fort de sa simplicité apparente, le concept de « big world » développé par Margaret Mackey (« grand monde » dont la continuité englobe et excède l’univers de chacun des albums, fondant la propriété de ces derniers de pouvoir exister « à côté » l’un de l’autre) s’avère apte à saisir le grain fin d’une création espacée attentive aux évolutions et constantes de la condition enfantine dans la Grande-Bretagne du second xxe siècle – quitte à se fermer le « marché » sud-africain par la représentation assumée de cours d’école témoignant des métissages permis par la décolonisation – et inspirant ainsi, peut-être, le réalisme partiel à tropisme sériel d’Helen Oxenbury ou d’Anthony Browne. La contextualisation proposée par Eléonore Hamaide-Jager de la figure de Mimi Cracra au sein de la très novatrice revue Pomme d’Api – où cette première héroïne-titre cohabite, bien sûr, avec l’emblématique Petit ours brun – documente avec finesse l’essor de l’offre littéraire adressée aux « petits » dans le contexte francophone. L’étude attentive et dynamique de la série révèle sa remarquable constance esthétique et thématique, centrée sur la représentation d’un jardin-théâtre accueillant à l’hédonisme enfantin en général et aux rituels ludiques consacrant le statut vital de l’élément « eau » sous toutes ses formes ; mais cette exploration menée conjointement à hauteur d’adulte et à hauteur d’enfant décèle aussi les évolutions signifiantes qui font de la série un espace de recherche iconotextuelle – et une référence active de 1975 à nos jours.
30À l’autre extrémité de ce triptyque dédié à la petite enfance, Cécile Boulaire rend accessibles sous la forme de deux « récits » concurrents les fruits d’une enquête historique et médiologique sur Barbapapa – objet emblématique d’une culture enfantine internationalisée, justiciable des notions contemporaines de transfictionnalité et d’intermédialité. La mythologique série d’Annette Tison et Talus Taylor, au catalogue difficilement répertoriable de 1970 à nos jours, traduite en plus de 30 langues, est réputée être née inopinément « sur le bord d’une table au jardin du Luxembourg ». Elle paraît cependant d’emblée simultanément en France, Grande-Bretagne et États-Unis en 1970, sert très tôt de fer de lance d’une production polymédiatique internationalisée, et devient après latence et transmission familiale une pièce parmi d’autres d’un empire commercial à faible créativité intrinsèque. L’étude de cette double narration – l’une essentiellement symbolique et pourtant officielle, l’autre jusqu’ici inédite mais fondée sur les archives – documente l’histoire générale des années soixante-dix, entre dynamisme créateur et intellectuel et instrumentalisation de l’offre culturelle dans le cadre d’un capitalisme en mutation.
31D’autres ensembles très vastes, solidaires de différentes formes successives d’édition, font l’objet d’un geste soupesé de découpage, selon des paramètres aussi significatifs que le prisme d’une période historique sous haute tension idéologique (la Première Guerre mondiale comme actualité dans Bécassine et les Pieds Nickelés, avec respectivement quatre et six albums entre 1913 et 1917) ou d’une production auctoriale fondatrice, avec la création de Sylvain et Sylvette par Maurice Cuvillier (27 titres « fondamentaux » entre 1941 et 1957 pour une série qui en comptera quelque 295 jusqu’en 2022, avec plus de 20 millions d’exemplaires vendus).
32Florian Moine et Sylvain Lesage appréhendent l’ensemble de la trajectoire de Marcel Marlier « auteur image » de la série Martine au prisme de son dossier éditorial chez Casterman (1954-2014, 63 titres, traduits vers une douzaine de langues, 110 millions d’exemplaires vendus en langue française, 40 millions en traduction selon le site de l’éditeur). Une partie majeure, invisible et questionnante, des « mécanismes réels » de la sérialité se fait jour ici, dans un contexte très différent de celui que présente Cheyenne Olivier (2022-2023, cinq albums parus, cinq autres prévus, traduits en plusieurs langues) selon un précieux point de vue interne « en coupe » sur une série à mi-parcours de sa publication. L’ensemble de ces données originales exemplifie la très grande diversité des configurations relationnelles entre auteurs et éditeurs, ainsi que leur poids déterminant dans le processus d’expansion et de patrimonialisation de ces productions singulières.
33Charlotte Lindgren, Marcus Axelsson et Valérie Alfvén, spécialistes des domaines suédois et norvégien et de leurs rapports avec le domaine francophone, apportent à ce tableau général une étude originale et ambitieuse. Les trois chercheurs ont travaillé à identifier le statut symbolique de la production d’albums en série dans ces espaces, et le flux des traductions entre deux pôles aux statuts a priori inégaux, concernant les séries adressées aux enfants approximativement entre trois et six ans sur la décennie 2011-2021. L’absence de mise en relief paratextuelle mais aussi notionnelle en Scandinavie d’une pratique de création intégrée dans un champ éditorial globalement identifié comme artistique rend les résultats de cette étude à la fois complexes et remarquablement parlants. L’album sériel sous ses formes populaires ou légitimes n’est pas un objet culturel identifié dans l’ensemble de l’espace européen, notamment dans le contexte de productions nationales littérairement reconnues. L’impact complexe des représentations, conceptions et stratégies des éditeurs dans la dynamique des circulations culturelles destinées aux très jeunes lecteurs se voit illustré ici, comme on l’a vu dans de tout autres configurations géographiques et symboliques pour Lucy and Tom et Mimi Cracra. La diffusion initiale de la « Bibliothèque de Mademoiselle Lili » vers l’Allemagne, la Grande-Bretagne et le Danemark (pays d’origine retrouvé par Lorenz Froelich durant la création de la série) apparaît ici comme une donnée historique d’autant plus saillante.
- 22 Voir les données présentées par Olivier Piffault dans « Hommage à Pierre Probst », Revue des livres (...)
- 23 Ibid., p. 145.
34Les enjeux singuliers du regard géographique posé par Christophe Meunier sur la série Caroline (1953-2007, 44 albums traduits vers une douzaine de langues, 35 millions d’exemplaires vendus en 2007, dont cinq dès 1965 pour les huit premiers « grands albums22 ») appellent enfin à être soulignés dans le cadre de cette proposition de synthèse. L’œuvre haute en fantaisie comme en couleurs et en profondeur graphique de Pierre Probst peut passer pour aussi proche, en fait, d’une exploration dédiée à l’enfance du « stupéfiant image » reposant sur un singulier inconscient jungien que du dessin « joli, exact, précis » réputé résumer l’art de son auteur23 ; elle fait au sein du discours critique comme des études littéraires l’objet d’une quasi-invisibilisation à dimension d’autant plus remarquable qu’elle semble s’étendre à un certain nombre de bibliothèques à vocation conservatoire. Pourrait-on voir dans cette situation le symptôme d’un obstacle touchant à une forme de connaissance impliquée – on veut dire par là enfantine – de la série, là où le même type d’intimité s’avère au contraire pouvoir stimuler des recherches, à commencer dans le cadre du présent dossier ? On retrouve là un problème et un enjeu épistémologiques propres au champ des études en littérature d’enfance.
- 24 Christophe Meunier, « Les classiques ont-ils la vie dure ? La collection des Caroline à l’épreuve d (...)
35La série mémorable de Pierre Probst trouve en tous cas dans les outils et les questions de la géographie humaine un mode et un projet d’étude à hauteur de ses enjeux, au prisme de thématiques et poétiques spatiales effectivement fondamentales à bien des titres – la double dimension de la spatialité et de la motricité recouvrant à l’évidence de puissants enjeux symboliques et initiatiques. Soulignons donc que la réflexion à paraître de Christophe Meunier sur le processus de « déclassicisation24 » de cette série associant imagination, découverte du monde et représentation très fine du rapport enfantin aux « choses » constitue une référence épistémologique majeure pour ce dossier.
Un moment de la culture texte-image adressée à l’enfance – horizons de recherche
- 25 De ces quatre titres qui jalonnent la série publiée par Casterman entre 1954 2022, les deux premier (...)
- 26 Marie Aubinais, Danièle Bour, Bayard, 1999.
- 27 Série initiée en 1986 par Paulette Bourgeois (texte) et Brenda Clark (illustration), poursuivie jus (...)
- 28 Thierry Courtin, Nathan, respectivement 2004 et 1998. Pour une proposition d’étude spécifique de T’ (...)
36Toutes les séries considérées ici sont le théâtre d’évolutions, de variations et de contrastes internes, y compris en contexte d’auctorialité unifiée. Ce constat se vérifie dans le cas des séries les plus banalisées et les plus décriées : le très contemplatif Martine et les quatre saisons n’a que peu à voir avec Martine a une étrange voisine – récit assez classique de démystification – ni avec Martine et le Prince mystérieux – pastiche (?) de romance pour enfants étrangement écrit à la première personne –, ni encore avec Martine au Louvre – fantaisie hautement compensatoire autant qu’effort convenu vers la légitimation25. Petit ours brun regarde les étoiles fut à l’aube de l’an 2000 un modique chef d’œuvre de poésie accessible en supermarché26, et la série canadienne Franklin, au graphisme d’apparence standardisée, a déployé jusqu’à une date récente un ample récit d’apprentissage fragmenté en une centaine d’aventures texte-image d’une singulière cohérence27. Enfin, un titre comme T’Choupi se dispute avec papa met en scène une palette d’attitudes mentales d’une variété inattendue au regard d’une esthétique générale où le lieu commun, l’univocité et l’hyper-explicitation semblent cultiver une forme de réduction du sens ; et T’Choupi se déguise est un album d’apparence intégralement convenue dont l’analyse – motivée par l’observation de l’intérêt scrutateur de divers jeunes lecteurs – révèle une consistance micro- et macrosymbolique difficile à évaluer au premier abord28.
- 29 Voir Michel Manson et Annie Renonciat, « La culture matérielle de l’enfance : nouveaux territoires (...)
37Les analyses de grande échelle appellent donc évidemment à être croisées avec celles des albums, considérés dans leur irréductible singularité : dans leur registre propre, ils prêtent à des analyses éclairantes aux plans critique et théorique, y compris, parfois, du fait de la liberté qu’offrent à certains illustrateurs les séries de grand ou très grand format (ainsi les séries Martine et Caroline offrent-elles des trésors d’images relevant pleinement d’une étude des « matérialités de la culture d’enfance29 », tandis que les formats allongés des légers albums Fleurette de Sylvain et Sylvette ou des premiers Barbapapa demeurent marquants en tant que tels). Le questionnement inaugural de Cécile Boulaire sur le statut d’œuvre de la série appelle donc à être mis en relation avec une lecture distinctive des titres constitutifs de ces ensembles.
- 30 Penser/classer l’album classique, sous la direction de Florence Gaiotti et Eléonore Hamaide-Jager, (...)
38On peut formuler l’hypothèse que le présent dossier dessine les contours d’un « moment » de l’album sériel pour enfants qui est (ou fut) peut-être aussi un « âge d’or », objectivement plus riche en registres et inflexions singulières que ne le comporte sa réputation d’« indignité » culturelle – et dont l’avenir en tant que culture largement partagée est loin d’être une donnée acquise au regard des évolutions actuelles. Ainsi que le montraient efficacement le colloque « Penser/classer l’album classique » mais aussi le récent dossier de Strenae consacré à la scolarisation de la littérature pour la jeunesse30, il apparaît à nouveau ici que l’analyse savante constitue un maillon décisif du processus d’intégration du champ de la culture d’enfance à l’épistémè générale.
- 31 Le loup, série d’Orianne Lallemand et Eléonore Thuillier (premier titre en 2009), Auzou ; Drôles de (...)
39Les contributions rassemblées ici mettent au jour une triangulation du désir – des auteurs, des éditeurs et bien sûr d’un public jeune et adulte constitué en une forme de communauté – pour la série texte-image en tant que lieu de continuité imaginaire, et par là d’une forme d’« éternité provisoire » garantissant elle-même une pérennité intime, et plus intensément encore une survie historique de la sensibilité enfantine. Cette intersubjectivité collective trouve des configurations marquantes notamment dans l’autonomisation, bien au-delà de leurs périodiques originels, de séries au statut aussi différent que Sylvain et Sylvette ou Marion Duval (on ne fait ici que renchérir sur la perspective de Sylvie Dardaillon à ce sujet). D’autres créations superposent à ces dynamiques le projet plus ou moins précoce et surplombant d’une instrumentalisation à vocation industrielle. Ainsi existe-t-il de considérables variations entre le degré de marchandisation des figures polymédiatiques de Martine et de Dora, de Petit Ours brun et de T’Choupi, comme de celui de Le loup et des Drôles de petites bêtes, de Peppa Pig et des infatigables Monsieur et Madame d’autre part (le statut quasi-mythologique de ce dernier titre entretenant de frappants points communs avec celui de Barbapapa)31.
- 32 Matthieu Letourneux, « Supports, réseaux, définitions – logiques sérielles et cohérences discursive (...)
- 33 Voir notamment, pour une distanciation critique par rapport aux finalités et aux fondements philoso (...)
40On souhaiterait renvoyer pour finir aux conclusions de Matthieu Letourneux, quoique dans des perspectives en partie différentes, au sujet de l’importance et de l’autonomie objectives des collections populaires pour la jeunesse dans le contexte francophone de l’entre-deux-guerres32. L’enjeu du présent chantier réside dans un effort de décentrement dans le point de vue du lecteur enfantin – l’album sériel se prêtant certes particulièrement à des plaisirs hors du regard adulte –, du lecteur d’image, du lecteur de série, et du double lectorat en milieu populaire (ensemble qui recouvre, dans le contexte français, une moitié de la population porteuse d’histoires et de bagages culturels remarquablement variés). Comme le souligne Francis Marcoin à propos d’un objet « limite » d’origine télévisuelle, il offre la possibilité d’une réflexion circonstanciée sur ce qui fait littérature, dans une perspective soucieuse de transcender les centrations sociales et culturelles comme les perspectives disciplinaires – la réalité psychique des pratiques enfantines d’appropriation de la littérature texte-image restant à ce jour des plus mal connues33.
Notes
1 See call for paper « Seriality, literarity and popular culture in picturebook studies » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/9028?lang=en.
2 Julien Gracq, Paris, Corti, 1992, p. 149. Ce fragment évoque la situation des études universitaires en géographie au début des années 1930.
3 On ne peut que souligner l’apport fondamental sur ce point d’études telles que celle de Julien Baudry et Marie-Pierre Litaudon : « Hachette entre héritage et renouvellement (1920-1960) : comment “faire collection” face au défi des albums “transmédiatiques” ? », au sein d’un dossier éclairant dans son ensemble (La collection, fabrique éditoriale des oeuvres pour la jeunesse : l’apport des archives, Strenæ [en ligne], n° 11, 2016, sous la direction de Marie-Pierre Litaudon, URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/1591).
4 Cécile Boulaire, « Caroline, Émilie, T’Choupi : des séries d’albums à succès », Revue des livres pour enfants, n° 256, 2010, p. 114-122 ; « Caroline, Émilie, T’Choupi, iconotextes et albums pour la jeunesse en série », Album ‘50’ [en ligne], 30 mai 2014 (version originale développée de la réflexion resserrée publiée en 2010), URL : https://album50.hypotheses.org/632.
5 Jean-Claude Chamboredon et Jean-Louis Fabiani, « Les albums pour enfants, le champ de l’édition et les définitions sociales de l’enfance », Actes de la recherche en Sciences Sociales, 1977, n° 13, p. 60-79, n° 14, p. 55-74 (republié en 2020 : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/revss/5958).
6 Bettina Kümmerling-Meibauer, « Seriality in Picturebooks », dans : Bettina Kümmerling-Meibauer (dir.), The Routledge Companion to Picturebooks, New York, Routledge, 2018, p. 103-109.
7 Voir par exemple Raymond A. Morrow, « La Théorie critique de l’École de Francfort : implications pour une sociologie de la littérature », Études françaises, vol. 19, n° 3, 1983, p. 35-49 ; Pierre Macherey, « La Théorie critique : une rationalité sous tension », Methodos [en ligne], n° 14, 2014, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/methodos.3754. On renvoie ici au texte de présentation publié en tête du sommaire de Strenae, n° 1, 2010 (Cécile Boulaire, Michel Defourny, Michel Manson, Matthieu Letourneux et Mathilde Lévêque).
8 Voir l’appel à contribution de ce dossier et les parties introductives de Dominique Perrin, « L’album de grande diffusion, un corpus populaire entre discrétion et illégitimité (1). Du contexte savant à l’institution scolaire », « L’album de grande diffusion, un corpus populaire entre discrétion et illégitimité (2). Des pratiques de classe à la recherche en didactique de la littérature », Strenae [en ligne], n° 19, 2021, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.8808 et https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.8823.
9 Voir le site de Legipop : https://legipop.hypotheses.org/ et celui de l’Association internationale des chercheurs en « Littératures populaires et culture médiatique » : https://lpcm.hypotheses.org/ (tous deux consultés en avril 2023).
10 Voir la bibliographie générale des articles cités en note précédente, et notamment : Anne Besson, « Du Club des cinq à Harry Potter, cycles et séries en littérature de jeunesse contemporaine », dans : Nathalie Prince (dir.), La littérature de jeunesse en question(s), Rennes, PUR, 2009, p. 117-154 ; Stéphane Bonnéry, Jacques Crinon, Germain Simons, « Supports et pratiques d’enseignement : quels risques d’inégalités ? », Spirale, n° 55, 2015, p. 3-10 ; Pierre Bruno, La littérature pour la jeunesse. Médiologie des pratiques et des classements, Éditions universitaires de Dijon, 2010 ; Catherine Frier (dir.), Les passeurs de lecture. Lire ensemble à la maison et à l’école, Paris, Retz, 2006 ; Pierre Bruno, La culture de l’enfance à l’heure de la mondialisation, Paris, In Press, 2000.
11 Voir notamment Laurence Olivier-Messonnier, Guerre et littérature de jeunesse (1913-1919). Analyse des dérives patriotiques dans les périodiques pour enfants, Paris, L’Harmattan, 2012 ; « Renouveau iconographique et mutation axiologique dans Gédéon (1923-1939) », Strenae, n° 6, 2013. Cécile Boulaire, Les Petits Livres d’or. Des albums pour enfants dans la France de la guerre froide, Tours, PUFR, 2016 ; Christophe Meunier, « “Caroline” et la montagne. Ces albums populaires pour enfants qui construisent la montagne », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [en ligne], vol. 104, n° 4, 2016, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rga.3298 ; Christophe Meunier, « Martine et Caroline voyagent. Histoire de genre ou genres d’histoire ? », conférence prononcée à Amiens, mars 2019 ; Sylvain Lesage, « Les archives Casterman : un continent inconnu », Strenae, n° 11, 2016 ; « L’album de bande dessinée pour enfants : genèse d’un standard », Revue des livres pour enfants, n° 251, 2010, p. 121-128 ; Isabelle Nières-Chevrel, Au pays de Babar. Les albums de Jean de Brunhoff, Rennes, PUR, 2017.
12 Cette introduction salue notamment les travaux porteurs de Michel Driol sur la série Trotro de Bénédicte Guettier, de Michèle Lusetti sur la série La Petite princesse de Tony Ross et sur la représentation du « pot » et de l’apprentissage de la propreté dans la littérature destinée aux tout petits, et de Marion Mas sur la série Monsieur/Madame de Roger Hargreaves.
13 Le récent double numéro de Strenae consacré à l’étude longitudinale de la revue Pif Gadget par un collectif de chercheurs multidisciplinaire constitue à tous ces égards un apport de référence (Pif Gadget et compagnie : approches pluridisciplinaires, Strenae, n° 20-21, 2022, sous la direction de Sébastien Laffage-Cosnier et Christian Vivier).
14 Les récents échanges permis par la soutenance de la thèse consacrée par Olga Fedotova à l’œuvre de Louis Ratisbonne (alias Trim) semblent ainsi attester que le contrat éditorial de l’auteur des « albums Trim » avec Hachette pourrait faire figure d’acte de naissance de l’album dans le contexte français (Olga Fedotova, Le best-seller oublié : Louis Ratisbonne, un pionnier de la poésie pour enfants au xixe siècle, thèse de doctorat en Lettres, Langues, Linguistique et Art sous la direction d’Anne-Marie Mercier-Faivre, Université Lyon 2, 2022) ; cet aspect est destiné à être présenté par l’autrice de la thèse dans une publication ultérieure.
15 Voir Anne Besson, « Du Club des Cinq à Harry Potter », op. cit., § 7-11 ; Matthieu Letourneux, « Séries, collections et sérialité en littérature pour la jeunesse », Revue des livres pour enfants, n° 256, p. 92-93, URL : https://cnlj.bnf.fr/fr/block-revue-numerique/dossier-n-256-livres-en-s-ries-s-ries-collections-et-s-rialit-en-litt-rature ; ainsi que Mavis Reimer, Nyala Ali, Deanna England and Melanie Dennis Unrau (dir.), Seriality and Texts for Young People. The Compulsion to Repeat, Londres, Palgrave MacMillan, 2014.
16 Anne Besson, ibid., § 12-16.
17 Voir par exemple l’évocation par Maurice Sendak du projet inducteur de Cuisine de nuit (1970) dans « Questions to an Artist Who is Also an Author. A Conversation between Maurice Sendak and Virginia Haviland », The Quarterly Journal of the Library of Congress, vol. 28, n° 4, octobre 1971, p. 273, et l’avant-avant-dernière double page de Claude Ponti, Blaise et le château d’Anne Hiversère, L’École des loisirs, 2004.
18 Isabelle Nières-Chevrel, « Proust et la petite serre de Mlle Lili », Bulletin d’informations proustiennes, n° 41, 2011, p. 139-142.
19 On renvoie à nouveau ici pour parallèle au numéro de Strenae consacré à Pif Gadget.
20 Voir notamment Jean-Louis Fabiani, « Le plaisir et le devoir : remarques sur la production et la réception de livres destinés à la petite enfance », Revue des livres pour enfants, n° 163-164, 1995, p. 66-72, et la récente et synthétique somme de Christian Bruel : L’aventure politique du livre jeunesse, Paris, La Fabrique, 2022.
21 Hors éditions bilingues à destination du public francophone. Ces données à caractère indicatif sur la faible circulation des deux séries appellent à être explorées.
22 Voir les données présentées par Olivier Piffault dans « Hommage à Pierre Probst », Revue des livres pour enfants, n° 235 (section Actualité), 2007, p. 144-46.
23 Ibid., p. 145.
24 Christophe Meunier, « Les classiques ont-ils la vie dure ? La collection des Caroline à l’épreuve du temps », à paraître dans les actes du colloque Penser/classer l’album classique, sous la direction de Florence Gaiotti et Eléonore Hamaide-Jager.
25 De ces quatre titres qui jalonnent la série publiée par Casterman entre 1954 2022, les deux premiers sont dus à Gilbert Delahaye et Marcel Marlier respectivement en 1962 et 1989, le troisième à Jean-Louis Marlier et Marcel Marlier en 2010, et le dernier à l’éditeur à partir de dessins de Marcel Marlier en 2021.
26 Marie Aubinais, Danièle Bour, Bayard, 1999.
27 Série initiée en 1986 par Paulette Bourgeois (texte) et Brenda Clark (illustration), poursuivie jusqu’au milieu des années 2010 par Sharon Jennings et Brenda Clark.
28 Thierry Courtin, Nathan, respectivement 2004 et 1998. Pour une proposition d’étude spécifique de T’Choupi se déguise ainsi que de trois autres titres issus des séries Tchà, Franklin et Petit ours brun, voir Dominique Perrin, « L’album sériel de grande diffusion, un enjeu et un levier des formations à la littérature d’enfance », à paraître dans Littérature de jeunesse en formation, sous la direction de Sophie Pélissier, Anne Delbrayelle et Marthe Fradet-Hannoyer.
29 Voir Michel Manson et Annie Renonciat, « La culture matérielle de l’enfance : nouveaux territoires et problématiques », Strenæ [en ligne], n° 4, 2012, §2, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.750.
30 Penser/classer l’album classique, sous la direction de Florence Gaiotti et Eléonore Hamaide-Jager, actes à paraître ; « Objets culturels de l’enfance à l’école primaire », sous la direction d’Hélène Weis et Florence Gaiotti, Strenae, n° 19, 2021.
31 Le loup, série d’Orianne Lallemand et Eléonore Thuillier (premier titre en 2009), Auzou ; Drôles de petites bêtes, série d’Antoon Krings (premier titre en 1995), Gallimard jeunesse ; Peppa Pig, série d’origine télévisuelle à auteurs et éditeurs multiples (premier épisode en 2004), Hachette jeunesse pour la traduction française) ; Monsieur et Madame (Mr. Men, Little Miss, premier titre en 1971), série de Roger Hargreaves (et al.), Chorion (jusqu’en 2011) puis Sanrio, Hachette jeunesse pour la traduction française.
32 Matthieu Letourneux, « Supports, réseaux, définitions – logiques sérielles et cohérences discursives dans les collections populaires pour la jeunesse de l’entre-deux guerres », Strenae [en ligne], n° 6, 2013, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.1065.
33 Voir notamment, pour une distanciation critique par rapport aux finalités et aux fondements philosophiques des politiques culturelles publiques et privées, Florence Eloy, Stéphane Bonnéry, Samuel Coavoux et al. (dir.), Comment la culture vient aux enfants. Repenser les médiations, Paris, Ministère de la Culture / Presses de Sciences Po, 2021.
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Référence électronique
Dominique Perrin, « Étudier l’album sériel : une contribution collective à une théorie critique de l’album pour enfants », Strenæ [En ligne], 22 | 2023, mis en ligne le 20 avril 2023, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/9949 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.9949
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