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Dossier thématique

La série Barbapapa: artisanat soixante-huitard ou stratégie marketing bien rodée ?

The Barbapapa series: 68e-style handicraft or well-honed branding strategy?
Cécile Boulaire

Résumés

La série Barbapapa, née en 1970, est souvent présentée comme le résultat d’une impulsion créatrice inopinée, née dans un couple franco-américain et stimulée par le contexte de la vie parisienne. On peut aussi l’envisager sous un autre angle : celui d’une éblouissante réussite commerciale, due à des stratégies de déclinaisons plurimédiatiques et internationales qui ne laissent rien au hasard. Cet article explorera les deux faces de cette aventure éditoriale.

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Texte intégral

1Il y a au moins deux manières de raconter l’aventure de Barbapapa. L’une pourrait ressembler à un conte pour enfants. L’autre expose une logique économique imparable, typique des productions sérielles plurimédiatiques. Toutes deux sont « vraies », l’une irénique et l’autre matérialiste et presque cynique. Je me propose de commencer par l’histoire douce, car c’est aussi celle que véhiculent à l’envi les médias. Il sera temps, ensuite, de passer derrière le rideau pour jeter un œil aux coulisses.

2Cet article se veut une introduction à l’étude plus poussée des albums de Barbapapa. En effet, si j’y esquisse quelques propositions d’analyse littéraire de certains albums, il est cependant centré sur la contextualisation de cette production, considérable sur le plan numérique autant que dans sa longévité. Toute tentative de close reading ne pourrait qu’achopper sur une telle ampleur. Poser préalablement les conditions d’apparition puis d’expansion de l’univers Barbapapa devrait permettre par la suite à des chercheurs de se pencher plus spécifiquement sur les dimensions esthétiques, formelles, idéologiques, narratives ou littéraires de ces albums.

Une jolie légende

  • 1 La plupart des sites internet anglophones, y compris Wikipedia, indiquent qu’il est né en 1933 à Sa (...)

3À la toute fin des années 1960, un Américain d’une quarantaine d’années1, Talus Taylor, dont toutes les notices biographiques s’accordent à dire qu’il est professeur de maths et de biologie, fait la rencontre d’une jeune Française, à Paris. Annette Tison a un peu plus de 25 ans. Si l’on ne sait à peu près rien de la rencontre entre Annette Tison et Talus Taylor, le « storytelling » officiel retrace en quelques lignes la création du personnage de Barbapapa :

  • 2 Selon d’autres sources, ce serait la brasserie Le Zeyer, rue d’Alésia, dans le 14e arrondissement.
  • 3 Site du CNC, 4 octobre 2019, « L’image de la semaine : les 45 ans de Barbapapa », https://www.cnc.f (...)

Héros imaginés par le couple franco-américain Annette Tison et Talus Taylor, les Barbapapa sont nés sur un coin de table, dans un restaurant parisien après une promenade au jardin du Luxembourg. Lors de cette balade, Talus Taylor a entendu un enfant demander à ses parents une « Baa baa baa baa », qui n’était autre qu’une barbe à papa comme lui a expliqué son épouse Annette. Gardant cette friandise en tête, ils dessinent peu après, sur leur nappe de restaurant2, un personnage rond et rose qu’ils baptisent tout simplement Barbapapa3.

4Tout est en place dans ce rapide synopsis : la complicité d’un jeune couple créatif ; le stéréotype de Paris ville « inspirante », avec tous ses clichés qui pourraient sortir d’un épisode d’Emily in Paris (« promenade au jardin du Luxembourg », « dans un restaurant parisien ») ; le mythe de la spontanéité de la création (« sur un coin de table », « sur leur nappe de restaurant »). Les journaux, en général, récapitulent 50 années à travers peu d’étapes : un premier album paru dès 1970 à L’École des Loisirs (alors que l’épisode du restaurant est supposé dater de mai 1970), et un succès immédiat ; rapidement, une déclinaison en dessin animé ; la reprise par les Livres du Dragon d’or.

5Il s’agit donc d’une success story à l’anglo-saxonne : une anecdote positivement connotée (affectivité, lieux symboliques) donne naissance à une production culturelle qui rencontre une telle faveur qu’elle entraîne des déclinaisons au-delà même du médium initial ; plusieurs décennies après, la reconnaissance se traduit par le fait que le personnage est devenu un « classique » connu et aimé de tous. On pourrait malicieusement rapprocher cette « générations spontanée » de la naissance de Barbapapa lui-même, découvert un beau jour, par hasard, par le petit François alors qu’il arrose les fleurs du jardin familial. Les trois étapes du développement souterrain de Barbapapa sont accessibles visuellement au jeune lecteur. Elles sont d’une belle simplicité elle aussi : une première « cellule » sous la forme d’un cercle rose nanti de deux points pour les yeux ; une forme embryonnaire, où apparaissent visage et ébauche de mains ; enfin l’apparence définitive de la créature, perçant la terre du haut de sa tête. Barbapapa restera éternellement néoténique, et de même l’histoire de la création des albums ressemble à un récit pour enfants.

6Le contenu des albums mettant en scène les personnages de la famille Barbapapa peut bien sûr être abordé sans tenir le moindre compte des modalités de production de ces albums. On peut ainsi en faire une lecture esthétique, ou thématique – on peut même aborder Barbapapa sous le prisme du genre ou, avant l’heure, de l’éco-critique. Mais ces entreprises de lectures thématiques, idéologiques ou formelles risquent fort de buter sur la dimension tentaculaire du corpus, sur sa dilution multi-médiatique, sur le caractère insaisissable d’une production qui se compte en dizaines de collections, pour ne rien dire des adaptations télévisées (matrices évidentes de certaines des productions livresques), ou des autres déclinaisons dans l’univers de l’enfance (magazines et coloriages, jeux, jouets, objets du quotidien, vêtements, jusqu’à une récente association avec le Louvre). Les principes canoniques du close reading ne résistent pas à une telle avalanche d’artefacts ; la « clôture de l’œuvre » nécessaire au déploiement des méthodologies littéraires classiques se dérobe en permanence. Car l’aventure Barbapapa, d’emblée, est pensée comme une machine de production, remarquablement efficace.

Une machine de production

  • 4 Compte Instagram de Joan Sfar, 1er mars 2015, avec la légende « Sur un air de Ricet Barrier ». URL (...)

7La vie privée de Talus Taylor fait l’objet d’une étonnante protection. Sa date de naissance, par exemple, est quasi systématiquement fautive sur les sites internet, qui indiquent souvent qu’il serait né en 1933 à San Francisco – alors qu’il semble plus exact d’affirmer qu’il est né le 18 septembre 1929, comme le mentionne son acte de décès. Les registres de mariage de Manhattan indiquent qu’il y épouse une certaine Amy Hirschfield en 1950. On ne sait pas vraiment de quoi il vit quand il arrive à Paris à la fin des années 1960, et ce qu’il vient y faire. Lorsqu’il meurt le 15 février 2015 dans le 14e arrondissement de Paris, la communication est rondement menée, et tous les médias pleurent « le père des Barbapapa » – Joan Sfar y va même de son petit croquis4.

8Sur sa femme Annette Tison, les informations sont plus faciles à trouver : née le 27 décembre 1942 à Hossegor, elle vient d’une famille de bâtisseurs très connus localement. Son père, Henri Tison, Maître compagnon charpentier, y a fondé en 1928 une entreprise de construction, La Bordelaise de construction, qui s’illustre dans les villas de ce style « basco-landais » qui vient d’être inventé par l’architecte bordelais Henri Godbarge. Les frères d’Annette, Jacques (1932-2017) et Philippe (1935-2021), rejoignent à leur tour l’entreprise. Philippe a été formé aux Beaux-Arts. La benjamine Annette ira, elle, jusqu’à l’architecture, intégrant l’École spéciale d’architecture (boulevard Raspail à Paris) d’où elle sort diplômée en 1965. Elle n’exercera pourtant pas vraiment l’architecture, puisque l’aventure Barbapapa démarre peu après – un grand nombre des albums, dès les années 1970, portent son seul copyright.

9Curieusement, en revanche, un silence prudent plane sur la date de sa mort. À l’occasion du décès très médiatisé de son mari, quelques médias suggèrent qu’elle est peut-être décédée en 2009 ; le journal Sud-Ouest prétend qu’elle serait morte avant son mari, en 2013. En réalité, son acte de décès indique la date du 28 juin 2010, dans le 15e arrondissement de Paris, à l’âge de 67 ans. Pour quelle raison n’avoir jamais communiqué sur ce décès, et pourquoi, à l’occasion de la mort de Talus Taylor, n’est-il jamais fait mention de sa femme, co-autrice (au minimum) de la célèbre série ?

10On peut imaginer que cette stratégie très distincte (discrétion absolue pour Annette, célébration pour Talus) est étroitement liée à l’activité économique de « l’empire Barbapapa » lui-même. Car dès sa fondation, il fait l’objet d’une réflexion méticuleuse, loin de l’image romantique de deux amoureux inventant presque par hasard un personnage dont le succès devrait lui aussi tout au hasard.

11Barbapapa est le héros de deux premiers albums cartonnés et grand format (27 x 20 cm, à l’italienne) parus en 1970 et 1971 à L’École des Loisirs, une jeune succursale née dans le giron des Éditions de l’école et qui peine encore à trouver son identité éditoriale. Pourtant, il ne s’agit pas d’une création éditoriale française. Les albums mentionnent un copyright détenu par les deux créateurs, et précisent que les livres sont « arranged and produced by Frank Fehmers Productions, Amsterdam ». En 1970, en effet, le premier album de Barbapapa est paru simultanément en France, en Angleterre chez Ernest Benn Company, et aux États-Unis chez Henry Z. Walck. Fehmers, agent avant d’être éditeur puis producteur, détient les droits internationaux et de co-production. C’est probablement lui qui suggère très rapidement de décliner le personnage et ses aventures sous forme de dessins animés. En effet, le principe même du personnage, ectoplasme pouvant prendre n’importe quelle forme, se prête à merveille à l’image animée donnant à voir le processus de métamorphose. Une première série de dessins animés de cinq minutes est alors réalisée par le Néerlandais Joop Visch (Polygram), à partir de storyboards de Talus Taylor, et le tout est co-produit par la Nederlandse Televisie Stichting, la Sveriges Radio, la BBC et la RAI. Dans la version française, on se souvient de la voix du narrateur Ricet Barrier. En France, l’ORTF diffuse les épisodes dès octobre 1974, soit à peine quatre ans après la sortie du premier album. Or cette déclinaison de Barbapapa sur un autre médium montre que ce développement plurimédiatique a des répercussions immédiates sur le devenir éditorial des albums eux-mêmes.

Errance éditoriale ou stratégie de saturation ?

Illustration 1 : Annette Tison et Talus Taylor, Barbapapa, Télé 7 jours, 1972 (couverture).

  • 5 Suivront en 1976 un titre sur King Kong, en 1977 un titre de Marvel Comics group et un titre de Han (...)

12J’ai indiqué que les deux premiers albums, en 1970 puis 1971, paraissent à L’École des loisirs. Pourtant, dès 1972, l’essentiel des albums sort sous le label « Télé 7 jours ». Le magazine de programmes télévisés n’a alors jamais publié d’albums, et ne réitèrera pas vraiment l’opération5. Mais il se lance en republiant, de 1972 à 1974, les deux titres déjà parus à L’École des Loisirs (Barbapapa et Le voyage de Barbapapa), ainsi que les deux suivants dans l’ordre diégétique (La maison de Barbapapa et L’Arche de Barbapapa), tous au même format que l’édition de départ, mais en couverture souple. À partir de 1974, d’autres albums Télé 7 jours paraîtront dans un format carré légèrement plus petit (18 x 20), avec une pagination inférieure et un simple brochage – en tout 12 volumes constituant des variations marginales centrées chaque fois sur l’un des membres de la famille Barbapapa, comme les épisodes du dessin animé. Pourquoi cet intérêt d’un titre de presse consacré à la télévision ? Le magazine Télé 7 jours lui-même titre dans son numéro 755 du 12 octobre 1974 : « Après Nounours, Pollux et Titi, un nouveau personnage entre au royaume des enfants, Barbapapa est arrivé ». Le dessin animé est diffusé depuis une dizaine de jours. Autrement dit, le magazine de Jean Prouvost, qui est à l’époque le plus gros tirage de toute la presse française, en choisissant de publier sous son label une quinzaine d’albums pour enfants, parie sur l’association entre médias : en faisant la promotion, dans les pages de son magazine, du dessin animé, il espère bien doper les ventes des albums dont il est aussi l’éditeur. Il s’agit là d’une stratégie polymédiatique très cohérente et assumée.

  • 6 Il s’agit de la nébuleuse « Un petit livre d’or », voir Cécile Boulaire, Les petits livres d’or. De (...)
  • 7 Publication du groupe Jean Chapelle, spécialisé dans les bandes dessinées en petit format populaire (...)

13C’est le prélude à une rapide et massive diversification des canaux éditoriaux pour les albums de Barbapapa. Si le lancement s’est fait chez un éditeur qui va bientôt devenir une référence en matière de qualité littéraire, les albums paraissent bien vite chez un grand nombre d’éditeurs connus pour leurs ambitions essentiellement commerciales. À partir de 1976, on peut acheter quelques albums cartonnés publiés par l’éditeur populaire américain Whitman (diffusé par les Deux Coqs d’Or6) et, dès 1977, des recueils chez Hachette et des livres-jeux en co-édition Hachette-MCL7. En 1978, Nathan lance de petits livres éducatifs de très médiocre qualité, illustrés par les personnages de la série ; en 1979, c’est au tour de Fleurus. En 1980, Garnier diffuse des productions directement attribuées à Franck Fehmers, qui reprennent la matière de petits albums sous la forme d’un copieux volume. En parallèle à cette aventure éditoriale, Barbapapa se décline dès l’origine sous forme de disques (dès 1974), journaux (1976), bandes dessinées (1976), dessins animés (quatre saisons, en 1974, 1977, 1999, 2019).

  • 8 Chez Stalling, puis Pestalozzi Verlag et Reinbek bei Hamburg Carlsen.
  • 9 Chez Valprint.
  • 10 Chez Editorial Juventud, qui crée même une « Collección Tele-Barbapapá ».
  • 11 Chez Mondadori.
  • 12 Chez Deltos Elsevier puis Haarlem Dutchbook et Jamin.
  • 13 Chez Fremad puis Sesam.
  • 14 Chez Zuid-Nederlandse Uitgeverij puis A.W. Bruna en Zoon.
  • 15 Chez Bonnier.
  • 16 Chez Mortensen.
  • 17 Chez Kodansha.
  • 18 Chez Otava, puis Sanoma.
  • 19 Chez Argō.
  • 20 Chez Mladost.
  • 21 Chez Scholastic-TAB Publications – en français comme en anglais.
  • 22 Chez Sofija Izdatelstvo Otečestvo.

14Si la co-édition internationale de départ ne concernait que France, Royaume-Uni et États-Unis, on voit très vite les albums paraître en Allemagne8 et en Autriche9 à partir de 1972 ; en Espagne10 en 1973, en Italie11 en 1974 ; aux Pays-Bas12, au Danemark13, en Belgique14, en Suède15, en Norvège16, au Japon17 en 1975 ; en Finlande18, en Grèce19 en 1976 ; en Israël en 1977, en Slovénie20, au Canada21 en 1979, à Hong Kong en 1982, en Bulgarie22 en 1983. Dans chacun de ces pays, le choix de l’éditeur initial n’est jamais exclusif : si le premier album anglais sort chez Benn, les suivants paraissent chez Frederick Warne (1971), Pan MacMillan (1973), World Distributors (1975, collection « BBC TV ») ; aux États-Unis, les titres sont repris par Scholastic Books (1974), mais aussi par Xerox Education Publications (1974) ; en Espagne, les albums paraissent aussi chez Ediciones Quelcom puis Barcelona Argos Vergara (à Barcelone comme Juventud).

15Cette énumération fastidieuse a pour fonction de souligner à quel point l’expansion de l’univers Barbapapa n’a rien à voir avec une gentillette success story bricolée sur un coin de nappe par deux amateurs. Bien au contraire, elle relève d’une stratégie de développement concertée, méthodique, plurimédiatique et internationale.

Une longue mise en sommeil

16On observe alors une longue interruption de la production de Barbapapa entre 1982 et la fin des années 1990 ; certains parlent d’une rupture avec Franck Fehmers23. On pourrait aussi noter que, dès 1974, une part importante de la production, bien que signée par Taylor et Tison, porte le seul copyright d’Annette Tison. Il n’est peut-être pas indifférent de repérer qu’en 1974 sort un album intitulé Bébé Alice et les Barbapapas, scénario sans inventivité listant les activités d’une jeune humaine qui serait élevée par les célèbres personnages. Alice, c’est le prénom du premier enfant du couple, Alice May Taylor, née en septembre 1973. Un second enfant, Thomas Henri Taylor, suivra en novembre 1975. L’activité éditoriale autour des Barbapapa se raréfie quand les enfants ont environ une dizaine d’années : manque d’inspiration ? Ou choix de se consacrer à autre chose ? Quoi qu’il en soit, l’univers Barbapapa entre en sommeil, jusqu’à la fin des années 1990.

Illustration 2 : Annette Tison et Talus Taylor, Bébé Alice et les Barbapapas, Télé 7 jours, 1974 (couverture).

  • 24 La Revue des livres pour enfants écrit alors dans sa sélection annuelle : « Nouvelle édition bienve (...)
  • 25 Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne : littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Éd (...)

17Les choses redémarrent autour d’une nouvelle série de dessins animés. En 1999, les studios japonais Kodansha sortent une nouvelle série de 50 épisodes, diffusés d’abord sur la NHK, puis à l’étranger (à partir de 2001 sur la toute nouvelle chaîne satellite Teletoon en France). TF1 Vidéo diffusera des DVD de ce dessin animé à partir de 2001. Par ailleurs, en France, c’est en 2003 que l’éditeur « Les livres du dragon d’or » relance les produits éditoriaux de l’univers Barbapapa : aussi bien des rééditions des grands albums « canoniques » à l’italienne et des petits formats (souvent remaquettés et retitrés), qu’une infinité de nouvelles collections. Pas moins de 13 séries différentes et plus de 120 titres différents sortent en 20 ans. Les premiers albums, en 2003, se font remarquer par leur piètre allure (mauvaise qualité d’impression, changements hasardeux de typographie24) mais très vite il apparaît que l’intérêt ne réside pas dans la réédition patrimoniale : il s’agit de saturer un marché en investissant toutes les tranches d’âge et toutes les déclinaisons de produit, du livre cartonné au grand album en passant par les livres-jouets. Les copyrights datent parfois du milieu des années 1990 (signe sans doute que ces titres sont d’abord parus à l’étranger), et les livres sont de temps en temps publiés avec l’autorisation de Kodansha : c’est bien une nébuleuse internationale et plurimédiatique qui est ici à l’œuvre. Matthieu Letourneux parlerait d’une « dynamique architextuelle », le livre prenant place dans un ensemble qui le déborde largement25.

  • 26 Certains autres titres sont traduits par Anne Sheldon-Duplaix, probablement la fille de l’éditeur.
  • 27 Voir mon enquête dans C. Boulaire, Les Petits Livres d’or, op. cit.

18Qui est cet éditeur français ? La société « Les livres du dragon d’or » a été immatriculée en 1989, et commence à publier en 1990. Elle est fondée par Michel Duplaix26, lui-même fils de Georges Duplaix, éditeur franco-américain importateur des « petits livres d’or » en France : on peut légitimement considérer Georges Duplaix comme le premier introducteur de la culture de masse dans l’édition française d’albums27. Son fils (beau-fils en réalité), franco-américain comme lui, est d’abord un photographe, mais après ses études il est embauché chez Flammarion et fait toute sa carrière dans l’édition. Le Dragon d’or publie d’abord des albums de Disney, d’anciens « petits livres d’or », mais aussi de nombreux titres traduits par l’épouse de l’éditeur, Anne-Marie Dalmais : des albums mais aussi des classiques hors droits (contes, textes américains). L’entreprise change de mains à plusieurs reprises à la fin des années 1990. Barbapapa arrive aux éditions du Dragon d’or en 2003 : cela n’a rien d’étonnant compte tenu de l’identité de la maison, familière des produits commerciaux. Dans ces années 2000, le catalogue du Dragon d’or se remplit de personnages passés sous licence : la Panthère rose, les Schtroumpfs, Caliméro, Pokémon, Totally Spies… Or, désormais, Barbapapa est une marque, et le dépositaire de la licence (aujourd’hui TF1 Licences) choisit quels clients il en fait profiter : il peut s’agir d’un éditeur comme le Dragon d’or, mais aussi de fabricants de puzzles ou de jouets, voire de marques de vêtements.

  • 28 Maud Vincent, « Comment TF1 Licences gère la marque Barbapapa », 30 oct. 2015, mis à jour le 5 nov. (...)

19Barbapapa est donc devenu un produit sous licence, plurimédiatique, dont les avatars livresques sont distribués par un éditeur dédié à ce type d’artefact. Autant l’on pouvait démarrer l’histoire de cette aventure en respectant les catégories canoniques de l’histoire littéraire (un personnage, issu d’un univers narratif né dans un livre, dont on peut donner le titre, avec des auteurs dont on peut décliner l’identité), autant, au début des années 2000, ces dimensions paraissent brouillées. Barbapapa est un personnage qui s’est largement émancipé de sa source livresque – c’est même rarement à travers les albums qu’il semble connu, et même très connu, puisque, nous apprend en octobre 2015 un magazine de marketing28 : « Avec 98 % des 1-5 ans et leur maman et 99 % des 6-10 ans qui connaissent la marque, Barbapapa possède une très forte notoriété. »

  • 29 Le branding est, dans le domaine du marketing, la discipline qui consiste à gérer les marques comme (...)

20De même que l’origine livresque du personnage de Barbapapa s’est fondue dans l’univers pluriel de la marque, de même l’auctorialité de la série s’est-elle diluée dans le branding29.

Qui sont les auteurs ?

21Le couple de créateurs originaux semble s’être bien gardé de distinguer la part de chacun dans l’invention des albums. Pourtant, le choix d’une vue purement latérale et en coupe qui préside à tous les premiers albums trahit de toute évidence la main d’Annette Tison : c’est bien la technique propre au dessin d’architecture en coupe (à la pointe tubulaire fine) qui révèle, dès la première double page, à la fois ce qui se passe à l’intérieur de la maison où vit François avec ses parents, et sous la terre du jardin, là où une graine de Barbapapa, profitant de l’eau que François accorde à ses parterres de fleurs, fait naître le premier personnage de la série. C’est manifestement la même main qui est à l’œuvre dans tous les albums des années 1970 – et de manière tout aussi évidente, c’est quelqu’un d’autre qui dessine dans les années 2000, où le trait est plus grossier, de même que les histoires sont loin d’être aussi inspirées. Pourtant, la présence du nom des deux auteurs sur la couverture, la mention du copyright, tantôt aux deux noms, tantôt à celui d’Annette Tison seule, ne sont-elles pas garantes de l’auctorialité des histoires ?

22En réalité, il semble qu’assez rapidement les deux enfants du couple mettent la main à la pâte, comme c’est souvent le cas dans l’histoire des séries d’albums à succès : les albums de la série Petit Ours Brun sont désormais dessinés par Martin Bour, Laura Bour et Céline Bour-Chollet, c’est-à-dire la famille de la créatrice Danièle Bour – de même que Richard Scarry Jr., le fils du très populaire auteur-illustrateur américain Richard Scarry, a dessiné les albums avec et pour son père dès les années 1970. Ici, cependant, le passage de relais se fait de manière à la fois discrète (il faudra du temps pour voir apparaître le nom d’Alice et Thomas Taylor sur les livres) et redoutablement efficace.

  • 30 Manon Guesdon, « Les Barbapapa font leur retour en version interactive », ViaBooks, 16 mai 2016, UR (...)

23En 2016, le fils du couple fondateur, Thomas Taylor, revient pour un journaliste sur son rôle dans l’aventure des Barbapapa : « J’ai fait des études d’architecture, comme ma mère. Tout comme ma sœur j’ai ensuite travaillé avec mes parents sur les nouvelles créations30. »

24En calculant d’après la durée d’un cursus en école d’architecture, on peut imaginer que Thomas Taylor se met à coopérer à l’aventure Barbapapa dans les années 1990, c’est-à-dire juste avant le redémarrage d’exploitation de l’univers narratif et visuel. C’est bien en effet à une redéfinition en profondeur de l’esprit Barbapapa qu’on assiste avec cette seconde génération.

25Au moment où Kodansha, associé au studio japonais Studio Pierrot, lance la série de dessins animés Barbapapa autour du monde, Alice et Thomas Taylor créent, eux, la société A T Vidéo, destinée à l’édition et la distribution vidéo. C’est aussi en 2001 qu’Alice Taylor devient seule propriétaire de la « trademark Barbapapa » (auparavant possédée par Alice et Thomas Taylor et l’éditeur Kodansha, à la suite d’Annette Taylor). Donc à cette date, non seulement Alice et Thomas Taylor « coopèrent » à l’écriture et au dessin des histoires, mais il semble qu’ils aient pris en main les destinées économiques du personnage et de ses produits. Il faudra attendre 2014, cependant, pour que leurs noms apparaissent pleinement en position d’auteur, dans la collection « Les petites histoires de Barbapapa » au Dragon d’or.

  • 31 Fabien Paillot, « Les Barbapapa font leur retour à la télé », Le Parisien, 01/01/2020, URL : https: (...)

26Ils sont en revanche au premier plan pour la création de la société AppsGo, enregistrée en 2012 à Singapour : c’est elle qui est à l’origine de la déclinaison des albums sous forme de livres interactifs pour tablettes. Ce lancement fera l’objet d’une intense campagne de communication dans les médias. Dans l’ensemble de ces interviews, les deux enfants du couple ne cessent de redire leur attachement à l’esprit initial de la série, ainsi que leur volonté de garder la main sur le type d’animation ou de création musicale auxquelles elle donne lieu, pour ne pas dénaturer la création de leurs parents. L’auctorialité, réelle ou reconstruite, des produits dérivés, est constamment mise en avant dans la communication autour des nouveaux lancements, comme la nouvelle série de dessins animés présentée par Alice Taylor : « Ma mère a travaillé sur les premiers scénarios de cette nouvelle saison. Mon père avait toujours un œil dessus. Alors nous sommes partis de l’empreinte qu’ils nous ont laissée. La piste était balisée31. »

27Plus prosaïquement, il s’agit de capitaliser sur l’image d’une marque qui se décline désormais sur un nombre considérable de produits, ainsi que nous l’apprend ce communiqué de presse de TF1 Licences en 2015 :

  • 32 « TF1 International becomes distributor for Barbapapa », site internet de TF1, 12 octobre 2015. Étr (...)

TF1 Licences, the agent for this transgenerational brand for more than a decade, helps promote Barbapapa in the major sectors in France and abroad through prestigious partnerships with names like Zara, Panini, H&M, Les Livres du Dragon d’Or, Ravensburger, Vilac, Plastoy, TF1 Games, TF1 Vidéo, MLP, and many others. More than 100 licensees develop “barbastic” products around the world32!

28Cette reprise en main de la marque prépare le lancement d’une quatrième série de dessins animés, produits cette fois en France en 2019, sous la houlette du studio Normaal de Paris, au Pôle Image Magelis à Angoulême (avec le soutien de la Charente !). La diffusion mondiale en est confiée à Nickelodeon. Thomas et Alice Taylor sont souvent mentionnés comme co-auteurs, mais ce que la communication met à l’honneur, c’est la double paternité du couple parental, parce que la gentille fiction du couple franco-américain semble plus bankable, alors même que les deux créateurs sont morts. Si le silence est soigneusement gardé, à l’occasion de la mort de Talus, sur le fait qu’Annette aussi est morte, c’est peut-être parce que la question des droits est sans doute encore délicate. Annette Tison est décédée en 2010 – or on se souvient qu’une partie des albums initiaux porte son seul copyright. Le 26 novembre 2012, s’enregistre à Singapour une société qui porte le nom de « Annette Tison pte. Ltd. ». La société est domiciliée 269b New Bridge Road – un mois plus tard s’enregistre, sous la même adresse, la société AppsGo et, en 2015, quelques semaines après la mort de Talus Taylor, une société « Thomas Henri Taylor ».

29On le voit à ces détails techniques : la question majeure ici est bien celle de la propriété, plus que celle de l’auctorialité – autrement dit, il est davantage question de royalties que d’art. S’appuyer sur la notoriété des personnages afin de multiplier les occasions de profit semble plus que jamais le mot d’ordre, mais il ne faut pas que ceux-ci paraissent désincarnés : d’où l’insistance sur la fiction des origines, qui rattache le personnage à ses créateurs. Ainsi, en 2021, les enfants Taylor s’associent avec le musée du Louvre pour une opération de marketing « gagnant-gagnant » : la marque Barbapapa y conquiert un peu de respectabilité culturelle, tandis que le vieux musée rajeunit sa communication. Les produits dérivés vendus à cette occasion portent le triple label « Produits RMN-Grand Palais / Musée du Louvre / TF1 Licence ».

30Le déroulé de cet historique est un peu glaçant : il ne semble laisser aucune place à l’humour, à la fantaisie, à la légèreté qu’on associe pourtant en général aux histoires de Barbapapa et sa famille. C’est pourtant sur ces caractéristiques que, depuis le début des années 1970, la famille a pu capitaliser : tout le charme qui a rendu Barbapapa attrayant pour les enfants est aussi ce qui a permis la formidable réussite économique de ses créateurs et de leurs enfants.

31Barbapapa est un personnage attachant, d’abord par sa forme ectoplasmique assez proche des premiers dessins d’enfants, et par sa couleur rose tendre qui rappelle l’univers des friandises – il porte d’ailleurs le nom de l’une d’elles. Le premier épisode de ses aventures nous le montre par ailleurs tendre, naïf et généreux, désireux de se faire adopter. Le second opus offre au lecteur un très fantaisiste voyage autour du monde, plein de clins d’œil à la culture des adultes contemporains à travers les hippies à Londres et en Inde, et les businessmen de New York : c’est une manière d’obtenir l’adhésion conjointe des enfants et de leurs parents. La naissance, à la fin du deuxième volume, d’une nuée de petits Barbapapas, associés chacun à une couleur et à une prédisposition, est un efficace générateur de possibles narratifs propice à la sérialisation, et un tout aussi puissant facteur d’identification de la part des enfants. De même, le souci que manifestent les Barbapapas de se trouver un environnement favorable – aussi bien une maison pour leur famille, qu’un monde vivable pour leurs amis les animaux – ne peut que trouver des échos dans ce début des années 1970 qui voit fleurir les grands ensembles et s’ébaucher la question écologique. De fait, les premiers albums sont loin d’être dépourvus d’intérêt, aussi bien sur le plan narratif, symbolique, que sur le plan des idées.

Un « animal » au service des humains

32On pourrait ainsi mettre en avant les valeurs défendues, dès les premiers albums, par la série – c’est d’ailleurs ce dont les producteurs ne se privent pas. Barbapapa, c’est avant tout un personnage sociable. Né par hasard dans le jardin d’une famille française, il en est chassé parce qu’il prend trop de place, et finit au zoo. C’est là qu’il découvre ses pouvoirs métamorphiques, qui lui permettent de se glisser entre les barreaux de sa cage. Rejeté par les animaux dont il cherche à se rapprocher, il finit par errer en ville. Alors qu’un incendie survient dans un immeuble, menaçant les habitants réfugiés à l’étage, Barbapapa met en œuvre ses pouvoirs de transformiste pour devenir lui-même un escalier de secours ; plus tard, alors qu’on lui offre un apéritif en terrasse pour le remercier (Paris oblige !), il capture un léopard échappé du zoo en se faisant cage lui-même. « On le fête comme un héros », dit le texte, tandis que l’image le montre trônant dans la limousine d’un dignitaire à épaulettes, un bouquet à la main et une médaille épinglée sur le torse – mais c’est la simplicité que choisit Barbapapa, en retournant chez le petit François qui lui a symboliquement permis de naître. Cette fois, son utilité sociale étant pleinement avérée, la famille ne le trouve plus trop encombrant : on lui construit dans le jardin un pavillon sur mesure, et le voilà adopté.

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33On reconnaît dans ce déroulement la trame des albums centrés sur un animal mal-aimé qu’une dizaine d’années auparavant le franco-américain Tomi Ungerer a publiés chez Harper à New York33, mais qui ne sont pas connus en France à l’époque34. À chaque fois, l’animal, incarnant la peur ou la répulsion, doit en passer par un exploit au service des humains pour se faire accepter, et même célébrer. L’incendie au cours duquel Barbapapa manifeste l’utilité de son pouvoir de transformation rappelle d’ailleurs fortement l’incendie d’un immeuble parisien qui permet à la kangouroute ailée Adelaïde de révéler sa valeur, de même que l’image de Barbapapa dans la voiture officielle, la poitrine ornée d’une médaille évoque la décoration du serpent Crictor, remise par un militaire en bicorne. Talus Taylor connaissait-il ces albums encore ignorés en France ? Barbapapa, quoi qu’il en soit, n’a rien du caractère initialement répulsif des héros de Tomi Ungerer. Bien au contraire, c’est une créature aux grands yeux candides et aux petites mains d’enfant ; son inoffensive couleur rose tendre et son attendrissante forme d’ampoule attirent d’emblée la sympathie.

Illustration 3 : couvertures des éditions originales d’Adélaïde (1959) et Crictor (1958) aux éditions Harper (New York).

34De même qu’Adélaïde se terminait sur le mariage entre la kangouroute ailée et un kangourou mâle libéré d’un zoo, de même le deuxième album de la série, Le voyage de Barbapapa, s’articule-t-il autour de la recherche d’une partenaire par Barbapapa. Barbapapa est devenu morose ; un grand professeur, consulté par François, révèle qu’il a besoin d’une partenaire, mais que la trouver ne sera pas facile. Commence alors un tour du monde, au cours duquel Barbapapa multiplie les exploits. Et comme dans les contes, c’est finalement au cœur de son propre jardin que Barbapapa trouve sa Barbamama : un bébé la découvre alors que le haut de son chignon perce à peine la surface du sol. L’album se clôt sur la naissance de sept petits Barbabébés, issus d’œufs que le couple a soigneusement déposés dans des trous sous terre.

35Troisième volume de la série, La maison de Barbapapa met l’accent sur la singularité de chacun des enfants, et la quête d’une nouvelle maison, alors que les bulldozers ont détruit le charmant pavillon xixe dans lequel ils avaient élu domicile. Commence alors la construction fantasque d’une maison « sur mesure », les Barbapapa se servant de leur corps pour mouler par projection des structures de béton en forme de bulles, sur le modèle des maisons organiques que les architectes Antti Lovag ou Pascal Häusermann imaginent et produisent depuis les débuts des années 196035, réalisations utopiques qu’Annette Tison connaît forcément très bien.

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36De fait, les albums de Barbapapa ont rapidement épuisé la ressource narrative liée à la création d’une cellule familiale (naissance, rencontre, union, engendrement d’une descendance, installation d’un « locus amoenus36 »…), ainsi qu’il arrive souvent dans les albums centrés initialement sur un personnage masculin37. Les épisodes suivants sont consacrés, de manière plus descriptive que narrative, à un élément de l’univers des Barbapapa : l’Arche, l’école, le théâtre, le cirque… Au risque de l’épuisement.

Inventivité et fantaisie de la sérialisation

37La petite collection brochée au format carré que lance Télé 7 jours en 1974 redynamise alors la fiction en centrant chaque album sur un des membres de la famille, un thème, une péripétie. Le phénomène de déclinaison par couleur, la spécialisation de chaque Barbapapa sur une compétence ou un domaine éthique ou esthétique, l’onomastique évocatrice, la diversité chromatique et générique des personnages (autant de filles que de fils chez les Barbapapa… plus un poilu, qui incarne diversité et altérité), enfin la capacité familiale à prendre toutes les formes au gré des événements sont les moteurs évidents de cette sérialisation – chacun d’entre eux mériterait d’être examiné avec attention. Dans un premier temps, cette petite série carrée exploite avec inventivité ces phénomènes de déclinaison. C’est aussi au sein de cette collection qu’est utilisée pour la première fois, pour le nom des auteurs, la police Cooper Black. Elle devient emblématique de la série dans ces années 1970 qui aiment les formes rondes.

Illustration 4 : couvertures de quatre volumes de la collection carrée (18 x 20) des albums Barbapapa édités par Télé 7 jours en 1974.

38Le Barbabateau joue à merveille des effets de vue en coupe, ici déployés à l’échelle d’un bateau pirate et d’un château fort truffé de souterrains. Barbouille et les puces offre au lecteur, à travers une loupe dont le verre occupe la totalité de la page, de voir en détail les bestioles hébergées par le seul Barbapapa poilu. L’étable de Barbamama, très facétieux, exprime la jalousie des Barbabébés alors que Barbamama, moderne Marie-Antoinette, s’est entichée d’une étable : voilà donc ses propres enfants qui se métamorphosent en veaux, et viennent téter au biberon que tient leur mère, tandis que celle-ci, toute à l’adoration que lui procure sa nouvelle passion, ne se rend pas compte de la supercherie… L’album est assez troublant. Dans La cuisine de Barbamama, tout aussi troublant, la même mettra au four l’un de ses enfants, rappelant un célèbre épisode de Max und Moritz. D’autres sont plus franchement transgressifs et jubilatoires, comme Les vendanges de Barbapapa, où les enfants se transforment en énormes pieds et pataugent allègrement dans la cuve quand ils apprennent que c’était l’ancienne manière de presser le raisin…

39Le plus inspiré est dans doute Le pique-nique des Barbapapas. La famille est en excursion au bord d’un ruisseau quand un aigle s’empare du panier de pique-nique… or le chien de Barbidou était justement en train d’y fouiner, de sorte que le voilà kidnappé ! Commence pour les Barbapapas l’ascension d’un pic vertigineux, que le dessin en coupe rend particulièrement expressive. Les métamorphoses qui émaillent l’aventure sont astucieuses, l’ascension est scandée par des péripéties sympathiques (comme la rencontre d’une famille d’ours, d’abord suspicieuse, puis reconnaissant un des siens en Barbouille), le dénouement est généreux puisque les Barbapapas partagent leurs sandwiches avec les aiglons affamés… quant à la redescente, alors que le brouillard s’est levé, elle s’effectue en montgolfière, les Barbapapas se muant en nacelle et ballons. L’album est réussi, autant sur le plan scénaristique que sur le plan graphique, les dessins au trait fin et les couleurs délicates rendant merveilleusement la simplicité de l’histoire, tandis que le format carré est utilisé avec un art consommé de la composition. La déclinaison sérielle et le dédoublement éditorial sous la forme d’une collection de « spin-off » centrée sur les enfants renouvelle ainsi l’intérêt narratif au moment où la saga familiale elle-même tend à s’essouffler.

Valeurs soixante-huitardes

40Mais l’adhésion rencontrée par les albums de Barbapapa tient aussi aux valeurs qu’ils véhiculent. On a vu que le premier opus célébrait la capacité de Barbapapa, à peine né, à s’insérer utilement dans la société humaine. Rejeté par les animaux du zoo, il choisit littéralement son camp en se transformant en cage pour capturer le léopard en fuite : Barbapapa est du côté de la police et de l’ordre, ce qu’il confirme en réalisant un sauvetage spectaculaire. Pourtant, dès les volumes suivants, on voit s’inverser cette tendance. Très vite en effet, les personnages incarnant l’autorité (le businessman dans Le voyage de Barbapapa, les élus et policiers dans L’école de Barbapapa…) sont représentés avec ironie, tandis que la famille Barbapapa incarne les valeurs de la « génération 68 » : éducation libertaire, écologie, joie de vivre.

41Dans cette première décennie en effet, un certain nombre d’albums, de grand format (L’Arche de Barbapapa) ou au format carré (La valise de Barbapapa, Le Noël des Barbapapas) mettent à l’honneur un discours écologiste, manifestant une inquiétude très forte, dans ce début des années 1970, quant aux effets de l’activité humaine, de la destruction du monde naturel et de la pollution sur le monde animal. Les Barbapapas incarnent une vie sensible à l’environnement naturel, et de nombreux albums célèbrent harmonie avec le monde végétal et complicité profonde avec les animaux (Le jardin de Barbapapa, Barbapapa et les bébés animaux et bien plus tard en 1991, L’arbre de Barbapapa). C’est Barbidou qui incarne le mieux cette éthique, lui qui va jusqu’à se transformer en divers animaux pour couver une nichée d’œufs qu’il a trouvée sans savoir à quelle espèce elle appartient (Les œufs de Barbidou).

  • 38 Alexander Sutherland Neill, La liberté, pas l’anarchie : réflexions sur l’éducation et l’expérience (...)

42Un album semble résumer tout l’esprit des Barbapapa, ces soixante-huitards aux formes paisibles : L’école de Barbapapa (1976). L’album paraît à l’École des loisirs : il est sans doute beaucoup trop à gauche pour Télé 7 jours ! On y voit en effet les Barbapapas découvrir le chaos qui règne à l’école du village : le maître d’école, en costume beige, est chassé par des élèves chahuteurs qui ont mis à feu et à sang une classe typique des années 1950, brisant les carreaux, dessinant une moustache sur la carte murale de la France, et surtout se livrant à de terribles bagarres. Derrière la grille, depuis la rue, la scène est observée avec sévérité par une grosse ménagère à chignon et un gendarme. Barbalala réussit à obtenir le calme en jouant de la musique, avant qu’une double page expose deux conceptions radicalement éloignées de l’éducation : « Pour ramener le calme, il y a la manière forte », dit le texte, multipliant les images de parents brutalisant leurs enfants et les vouant qui à la prison, qui aux travaux forcés, tandis qu’au milieu, Barbapapa paraît interloqué : « Barbapapa, lui, s’y prendrait autrement ». Les pages qui suivent vont déployer, de manière assez descriptive et statique, un programme d’éducation que ne renierait pas l’école de Summerhill – depuis 1970 paraissent chez Payot et chez François Maspéro plusieurs opus consacrés à Neill et ses expérimentations pédagogiques libertaires38. L’enseignement s’y fait dans la joie et la liberté, les enfants apprenant au contact de la nature, en pratiquant directement les arts et les techniques au lieu de les découvrir dans les livres ; une grande place est faite à l’éducation du corps (danse, agrès, sports d’équipe) et aux arts (musique, peinture, poterie, libre expression), condition pour que « tout le monde fini[sse] par s’intéresser à la lecture et à l’écriture ». Une grande fête réunissant les parents sceptiques, les officiels et même l’ancien maître soude la communauté autour de ce projet éducatif progressiste.

  • 39 Voir à cet égard ce qu’en disent les éditeurs interrogés par Jean-Claude Chamboredon et Jean-Louis (...)

43La première décennie de l’aventure Barbapapa combine donc, de manière assez amusante, deux dimensions a priori antagonistes. D’une part il s’agit du lancement extrêmement calculé d’un produit plurimédiatique destiné à conquérir efficacement les nouveaux médias de masse, en s’appuyant sur la télévision et les éditeurs commerciaux. D’autre part la série véhicule un esprit de fantaisie, déroule un programme écologiste, manifeste un souci d’émancipation de son lecteur, qui ne cadrent pas réellement avec les options idéologiques des médias qui la diffusent. Les dessins en coupe, permettant aux auteurs de rendre compréhensible le fonctionnement des objets du quotidien mais aussi de dispositifs techniques plus élaborés, remplissent à merveille une fonction d’explicitation qui sera prise en charge, pour les générations suivantes, par l’émission de vulgarisation scientifique C’est pas sorcier. Cet attelage bancal explique sans doute une partie du succès de ces albums, qui à la fois remplissent le cahier des charges de la production sérielle commerciale (retour du même et déclinaison), paraissent véhiculer des valeurs « éducatives » familières aux lecteurs de milieu populaire39 (importance de la famille, sociabilité, goût de l’ordre), et portent en réalité les aspirations d’une frange plus jeune et plus contestataire de la société.

Que reste-t-il de Barbapapa ?

Illustration 5 : Annette Tison et Talus Taylor, La traversée du désert, Éditions du Dragon d’or, coll. « Les petites histoires de Barbapapa », 2012.

44L’interruption de parution, le changement de génération, la reprise par des éditeurs cette fois exclusivement préoccupés de profit, enfin la modification du champ de la production télévisuelle pour l’enfance, qui est passée du stade de l’expérimentation empirique à la domination de logiques marketing : voilà un faisceau d’explications pour le changement brutal de l’esprit des Barbapapa après 2003. Le phénomène est si connu qu’il ne nécessite pas qu’on s’y attarde : perte de la sensibilité esthétique (avec le changement de « main ») qui faisait le charme des premiers épisodes, déclinaisons ad nauseam pour capter un public ultra-segmenté, alignement sur des valeurs « politiquement correctes » (y compris l’attention à la cause des animaux sauvages, ultime valeur rescapée d’un programme autrement plus subversif), absence d’imagination scénaristique, standardisation outrancière… Quel lien pourrait-on faire entre le message de modération énergétique (Le Noël de Barbapapa) et de respect de la planète (L’Arche de Barbapapa), et la production massive de livres-jouets en carton plastifié prenant la forme des célèbres personnages, comme dans Entrez chez Barbapapa et Barbamama (Dragon d’or, 2008) ? L’idéal de respect de la vie sauvage manifesté d’emblée via le personnage de Barbidou est-il réellement compatible avec le fait que, dans les épisodes des « Petites histoires de Barbapapa » (2012), les personnages roulent en 4x4 ? L’inventivité fantasque des premiers albums a-t-elle encore quelque chose à voir avec la platitude de la devise répétée de manière obsédante dans chacun des volumes de cette petite collection, « À chaque barbaproblème il y a une barbasolution ! » ? Respect de valeurs écologistes et libertaires, poésie douce, imagination débridée : rien de tout cela n’anime plus la série. Reste la silhouette éminemment sympathique d’une famille de héros qui continueront à faire rêver l’enfance, pour une bonne et simple raison : qui n’a pas rêvé un jour de posséder le pouvoir de se transformer à volonté ?

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Annexe

Liste des albums de la série Barbapapa parus en France

À L’École des Loisirs

Format 20 x 27

Barbapapa, 1970 (rééd. 1973 ; 1987)

Le voyage de Barbapapa : Barbapapa, l’animal qui peut changer de forme, part, avec l’aide de ses amis François et Claudine, à la recherche d’une Barbamama, 1971 (rééd. 1981)

L’Arche de Barbapapa, 1974 (rééd. 1979)

L’école de Barbapapa, 1976

Le théâtre de Barbapapa, 1978

La maison de Barbapapa, 1979

Le Noël de Barbapapa, 1981

Aux éditions Télé 7 jours, collection « Barbapapa »

Format 20 x 27

Barbapapa, cop. 1973 (1)

Le voyage de Barbapapa, cop. 1973 (2)

La maison de Barbapapa, cop. 1972 (3)

L’Arche de Barbapapa, cop. 1974 (4)

Format 18 x 20

Le Barbabateau, cop. 1974 (1)

Barbouille et les puces, cop. 1974 (2)

Le pique-nique des Barbapapas, cop. 1974 (3)

L’étable de Barbamama, cop. 1974 (4)

Le Noël des Barbapapas, cop. 1974 (5)

La valise de Barbapapa, cop. 1974 (6)

Les vendanges de Barbapapa, cop. 1974 (7)

Bébé Alice et les Barbapapas, cop. 1974 (8)

Les œufs de Barbidou, cop. 1974 (9)

L’orchestre de Barbapapa, cop. 1974 (10)

La cuisine de Barbamama, cop. 1974 (11)

Une nouvelle coiffure pour Barbouille, cop. 1974 (12)

Aux éditions Whitman, diffusion Deux Coqs d’or

Tout-carton, 16 x 20, 4 pages

Le jardin de Barbapapa, 1976 (4,80 fr)

Le jardin de Barbapapa, 1976 (5,50 fr)

Barbapapa et les bébés animaux, 1977

Le grand cirque de Barbapapa, 1978

Bande dessinée

La disparition de Barbapapa, 1984

Chez Hachette

Recueil de plusieurs albums, 30 cm, 52 pages, 28 fr.

Barbapapa et ses amis, 1977 (réunit Barbapapa et Le voyage de Barbapapa)

Les aventures de Barbapapa, 1977 (réunit La maison de Barbapapa et L’Arche de Barbapapa)

« Mon livre d’histoires. Barbapapa », 16 p., 32,50 fr.

Le Barbabateau, 1987

L’orchestre des Barbapapas, 1987

Le pique-nique des Barbapapas, 1987

Chez Hachette/M.C.L.

Festival Barbapapa, 1977

Chez Nathan

Barbapapa et les chiffres, 1978 (paru précédemment sous le titre Comptez avec Barbapapa)

Barbapapa et les couleurs, 1978 (paru précédemment sous le titre Barbapapa en couleurs)

Barbapapa et les formes : ronds, carrés, triangles, etc. : pour les tout-petits, 1978

Chez Fleurus

Le potager des Barbapapas, 1979

Chez Fehmers, diffusion Garnier

Barbapapa artisan, 1980

Aux Livres du Dragon d’or

Collection « Les albums Barbapapa », 20 x 27, 9 €

L’arbre de Barbapapa, 2003 ; 2012

L’Arche de Barbapapa, 2003 ; 2012

Barbapapa, 2003 ; 2012

L’école de Barbapapa, 2003 ; 2012

Le voyage de Barbapapa, 2003 ; 2012

L’hiver de Barbapapa, 2004 ; 2012

Le théâtre de Barbapapa, 2004 ; 2012

Les vacances de Barbapapa, 2004 ; 2012

Barbapapa sur mars, 2005 ; 2012

La maison de Barbapapa, 2012

C’est Noël ! 2013

Hors collection

Le grand atelier, 2008, 32 cm, 14,95 €

Les trésors de Barbapapa, 2009, 1 coffret, 4 vol. 18 x 20 + 1 peluche, 16 €

Barbapapa : les belles histoires, 2010, 20 x 27, 107 p., 12,95 € (livre animé, réunit Barbapapa, Le voyage de Barbapapa, La maison de Barbapapa)

Une journée chez Barbapapa, 2010, 20 x 23, 18 p., 7,90 €

Mon premier Barbapapa, 2010. 1 vol, 6 p., 34 cm, livre en tissu rose en forme de Barbamama

Barbapapa a 40 ans ! portfolio de huit illustrations, 40 x 30, br. sous pochette, 14,95 €

J’apprends à dessiner, 2011, 1 vol. (23 p.-[2] pl. d’autocollants, 5,90 €)

C’est Noël !, 2011, 21 p., 18 x 20 + 4 pl. à découper, 5 €

La cuisine de Barbapapa, 2011, 46 p., 26 cm + 2 emporte-pièces + 1 moule en silicone

Collection « Découvre avec Barbapapa », 22 x 27, 27 pages, 9 €

Barbapapa et les couleurs, 2003 ; réed. 2008

Barbapapa et les nombres, 2003 ; réed. 2008

Barbapapa et les formes, 2004 ; réed. 2008

Barbapapa et les labyrinthes, 2004 ; réed. 2008

Barbapapa et les premiers mots d’anglais, 2004 ; réed. 2008

Cherchons Lulue avec Barbapapa, 2004 ; réed. 2008

Collection « La petite bibliothèque de Barbapapa », 17 x 19, 20 pages, 4 €

Baby-sitter, 2005

La cuisine, 2005

La ferme, 2005

Les œufs, 2005

Le pique-nique, 2005

Les puces, 2005

Les animaux, 2006

La coiffure, 2006

La mer, 2006

Le bateau, 2007

Le cheval, 2007

La moisson, 2008

La musique, 2008

L’atelier, 2008

C’est Noël !, 2009

Les horloges, 2008

Le berger, 2010

La lessive, 2010

L’orchestre, 2011

La robe, 2011

Le terrain de jeu, 2011

Le livre, 2012

La poterie, 2012

Les fruits, 2013

Albums de coloriage

Barbapapa coloriage : quelle fête, 2010

Barbapapa coloriage : quelles découvertes !, 2010

Collection « Livres à jouer Barbapapa »

2007, La Famille Barbapapa, 1 dépl. 36 x 34, accompagné de 9 petits livres de tailles diverses découpés selon la silhouette de l’un des personnages. Ouvrage en forme de maison de Barbapapa, 19,95 €

2008, Entrez chez Barbapapa et Barbamama, 1 vol., 30 cm + 2 livres en forme de Barbapapa et Barbamama, impr. en Chine

2008, Visitez l’atelier de Barbouille, 5,95 €

2008, Visitez l’atelier de Barbotine, 5,95 €

2008, Visitez le gymnase de Barbidur

2008, Visitez le laboratoire de Barbibul

2008, Visitez le petit zoo de Barbidou

2008, Visitez le salon de Barbabelle

2008, Visitez le salon de musique de Barbalala

2011, Les quatre saisons : livre magnets

2012, Le tour du monde : un livre carrousel

Collection « Les petites histoires de Barbapapa », 14 pages, 11 cm, 2,50 €

Barbouille au zoo, 2012

Le château de sable, 2012

Le cornet de glace, 2012

Tendresse au volant, 2012

La traversée du désert, 2012

En canoë, 2014 (première apparition de la mention « D’après les personnages de Annette Tison et Talus Taylor », présente systématiquement par la suite)

Le feu d’artifice, 2014

La gondole, 2014

Le parachute, 2014

Le saut à ski, 2014

Le ski nautique, 2014

Collection « Barbapapa BD », 30 cm, 16 pages, 5,50 € puis 7,50 €

Le mystère des taches bleues, 2008 (1)

Perdu dans le désert, 2008 (2)

Joyeux Noël et bonne année !, 2008 (3)

Aventures sous-marines, 2009 (4)

Barbidur détective, 2009 (5)

Barbamama à la rescousse, 2009 (6)

Le château-fort, 200940

Les contes de Barbapapa, 2010 (7)

Les amis de la nature, 2010 (8)

La parade des animaux, 2010 (9)

Alerte au dinosaure, 2010 (10)

La fête des jouets, 2011 (11)

Tous en scène !, 2012 (12)

Les drôles d’inventions de Barbibul, 2012 (13)

Barbapapa à la ferme, 2013 (14)

Collection « Livre-puzzle », 23 cm, 5 puzzles de 12 pièces chacun, 8,95 €

La famille, 2009

La fête, 2009

Collection « La famille Barbapapa », livre mousse en forme de personnage, 13 cm, 3,50 €

Amuse-toi avec Barbapapa !, 2011

Amuse-toi avec Barbamama !, 2011

Amuse-toi avec Barbidou !, 2011

Amuse-toi avec Barbidur !, 2011

Amuse-toi avec Barbibul !, 2011

Amuse-toi avec Barbalala !, 2011

Amuse-toi avec Barbotine !, 2011

Amuse-toi avec Barbabelle !, 2011

Amuse-toi avec Barbouille !, 2011

Collection « Autour du monde : des jeux et deux histoires », 23 cm, 5 €

Les koalas, 2015 (première mention d’auteur : Alice Taylor et Thomas Taylor)

Les lions, 2015 (id.)

L’ours polaire, 2015 (id.)

Le panda, 2015

Le tigre, 2015

Les baleines, 2016

Les chevaux, 2016

Les éléphants, 2016

Le jaguar, 2016

Les lamas, 2016

Les manchots, 2016

Collection « Barbapapa », 23 cm, 20 pages, 12,95 € : Alice et Thomas Taylor

À l’école des Barbapapa, 2016 (livre cartonné avec des volets, à partir de 2 ans)

C’est Noël !, 2016

Mon imagier Barbapapa, 2015

Où est maman ours ?, 2016

Où sont les bananes ?, 2016

Collection « Barbapapa » de cartonnés carrés 10 cm, 3,95 €

Barbapapa, 2017

Barbabelle, 2017

Barbouille, 2017

Barbidou, 2017

Collection « Barbapapa en famille ! », 17 pages, 18 x 20, 5 €

Les Barbapapas des cavernes, 2020

Des chatons si mignons !, 2020

Une histoire de partage, 2020

Le plus tendre des liens, 2020

L’anniversaire des Barbabébés, 2021

Quand je serai grand, 2021

Zéro déchet, 2021

Aux éditions M6 éd.

50 p., 29 cm, 5 €

Noël 2005 (traduction de Barbapapa Christmas Album), 2005

Chez France Loisirs

« Les albums Barbapapa », 20 x 27, 31 pages, 9,45 €

L’arbre de Barbapapa, 2013

L’école de Barbapapa, 2013

Le voyage de Barbapapa, 2013

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Notes

1 La plupart des sites internet anglophones, y compris Wikipedia, indiquent qu’il est né en 1933 à San Francisco ; son acte de décès indique qu’en réalité il est né le 18 septembre 1929 à New York City. Voir https://deces.matchid.io/search?advanced=true&ln=Taylor&fn=Talus, source INSEE.

2 Selon d’autres sources, ce serait la brasserie Le Zeyer, rue d’Alésia, dans le 14e arrondissement.

3 Site du CNC, 4 octobre 2019, « L’image de la semaine : les 45 ans de Barbapapa », https://www.cnc.fr/series-tv/actualites/limage-de-la-semaine--les-45-ans-de-barbapapa_1058614.

4 Compte Instagram de Joan Sfar, 1er mars 2015, avec la légende « Sur un air de Ricet Barrier ». URL https://www.instagram.com/p/zrzgxFHZSt/?hl=fr, consulté le 30 janvier 2023.

5 Suivront en 1976 un titre sur King Kong, en 1977 un titre de Marvel Comics group et un titre de Hanna Barbera, en 1979 Scoubidou, puis plus aucune publication destinée aux enfants.

6 Il s’agit de la nébuleuse « Un petit livre d’or », voir Cécile Boulaire, Les petits livres d’or. Des albums pour enfants dans la France de la guerre froide, Tours, PUFR, coll. « Iconotextes », 2016.

7 Publication du groupe Jean Chapelle, spécialisé dans les bandes dessinées en petit format populaire. C’est une autre branche du groupe Jean Chapelle, la Société Française de Presse Illustrée (SFPI), qui publie Le Journal de Barbapapa (1976-1982).

8 Chez Stalling, puis Pestalozzi Verlag et Reinbek bei Hamburg Carlsen.

9 Chez Valprint.

10 Chez Editorial Juventud, qui crée même une « Collección Tele-Barbapapá ».

11 Chez Mondadori.

12 Chez Deltos Elsevier puis Haarlem Dutchbook et Jamin.

13 Chez Fremad puis Sesam.

14 Chez Zuid-Nederlandse Uitgeverij puis A.W. Bruna en Zoon.

15 Chez Bonnier.

16 Chez Mortensen.

17 Chez Kodansha.

18 Chez Otava, puis Sanoma.

19 Chez Argō.

20 Chez Mladost.

21 Chez Scholastic-TAB Publications – en français comme en anglais.

22 Chez Sofija Izdatelstvo Otečestvo.

23 https://en.wikipedia.org/wiki/Barbapapa.

24 La Revue des livres pour enfants écrit alors dans sa sélection annuelle : « Nouvelle édition bienvenue de trois titres de cette série qui a connu ses belles heures au cours des années 70. Malgré des couleurs un peu pâlichonnes et un changement de typographie et de mise en pages parfois injustifié, on se réjouit de retrouver ces personnages au caractère bon enfant et à métamorphoses multiples. Leurs aventures, encore plus spectaculaires lorsqu'elles sont animées, sont également disponibles en DVD. » URL : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb38942149z consulté le 3 février 2023.

25 Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne : littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Éditions du Seuil, 2017.

26 Certains autres titres sont traduits par Anne Sheldon-Duplaix, probablement la fille de l’éditeur.

27 Voir mon enquête dans C. Boulaire, Les Petits Livres d’or, op. cit.

28 Maud Vincent, « Comment TF1 Licences gère la marque Barbapapa », 30 oct. 2015, mis à jour le 5 nov. 2015, https://www.e-marketing.fr/Thematique/media-1093/Breves/Comment-TF1-Licences-gere-la-marque-Barbapapa-260876.htm.

29 Le branding est, dans le domaine du marketing, la discipline qui consiste à gérer les marques commerciales.

30 Manon Guesdon, « Les Barbapapa font leur retour en version interactive », ViaBooks, 16 mai 2016, URL : https://www.viabooks.fr/interview/barbapapa-version-interactive-thomas-taylor-61220.

31 Fabien Paillot, « Les Barbapapa font leur retour à la télé », Le Parisien, 01/01/2020, URL : https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/les-barbapapa-font-leur-retour-a-la-tele-01-01-2020-8227080.php.

32 « TF1 International becomes distributor for Barbapapa », site internet de TF1, 12 octobre 2015. Étrangement, le communiqué porte la mention © 2015 Alice Taylor & Thomas Taylor. All Rights Reserved. URL : https://groupe-tf1.fr/en/press-release/corporate-documents/tf1-international-becomes-distributor-barbapapa.

33 Le serpent Crictor en 1958, le kangourou Adelaïde en 1959, la pieuvre Emile en 1960, la chauve-souris Rufus en 1961, Orlando le vautour en 1966, tous chez Harper & Row. Ils ne paraîtront en France qu’en 1978 à l’École des loisirs.

34 Un Emile et Crictor est paru en 1968 aux sulfureuses éditions de la revue Planète, mais le livre passe inaperçu.

35 Voir à leur sujet le site du FRAC Centre-Val de Loire : https://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/hausermann-pascal-58.html?authID=87 et https://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/rub/rubauteurs-58.html?authID=116.

36 Christophe Meunier, « Locus Amoenus, Arcadie virgilienne, Paradis… : territoires poétiques dans l’album pour enfants », Les territoires de l'album. Espaces et spatialités dans les albums pour enfants, 30 novembre 2012, URL : https://lta.hypotheses.org/336.

37 Voir aussi ce qui arrive à Jean de Brunhoff au fil de la création de la série des Babar : Isabelle Nières-Chevrel, Au pays de Babar : Les albums de Jean de Brunhoff, Rennes, PUR, 2017, 322 p.

38 Alexander Sutherland Neill, La liberté, pas l’anarchie : réflexions sur l’éducation et l’expérience de Summerhill, Paris, Payot, 1970 ; Alexander Sutherland Neill, Libres enfants de Summerhill, Paris, F. Maspero, 1970 ; Robert Skidelsky, Le mouvement des écoles nouvelles anglaises : Abbotsholme, Summerhill, Dartington Hall, Gordonstoun [English progressive schools], Paris, F. Maspero, 1972 ; Nathan Ward Ackerman, Pour ou contre Summerhill, Paris, Payot, 1972.

39 Voir à cet égard ce qu’en disent les éditeurs interrogés par Jean-Claude Chamboredon et Jean-Louis Fabiani dans « Les albums pour enfants. Le champ de l’édition et les définitions sociales de l’enfance », Actes de la recherche en Sciences sociales, n° 13-14, 1977 (republié en 2020 et accessible en ligne : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/revss/5958).

40 Les numéros ont été indiqués lorsque disponibles sur le catalogue de la BnF : ils ne sont pas exempts d'incohérences.

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Table des illustrations

Légende Illustration 1 : Annette Tison et Talus Taylor, Barbapapa, Télé 7 jours, 1972 (couverture).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/9895/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 174k
Légende Illustration 2 : Annette Tison et Talus Taylor, Bébé Alice et les Barbapapas, Télé 7 jours, 1974 (couverture).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/9895/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 41k
Légende Illustration 3 : couvertures des éditions originales d’Adélaïde (1959) et Crictor (1958) aux éditions Harper (New York).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/9895/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 149k
Légende Illustration 4 : couvertures de quatre volumes de la collection carrée (18 x 20) des albums Barbapapa édités par Télé 7 jours en 1974.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/9895/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 189k
Légende Illustration 5 : Annette Tison et Talus Taylor, La traversée du désert, Éditions du Dragon d’or, coll. « Les petites histoires de Barbapapa », 2012.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/9895/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 65k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Cécile Boulaire, « La série Barbapapa: artisanat soixante-huitard ou stratégie marketing bien rodée ? »Strenæ [En ligne], 22 | 2023, mis en ligne le 01 mai 2023, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/9895 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.9895

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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