Martine aux archives : appréhender l'auctorialité sérielle dans les archives Casterman
Résumés
La série Martine de Gilbert Delahaye et Marcel Marlier fait l’objet d’un désintérêt critique frappant par rapport à l’immensité de son succès commercial. Produits industriellement dans le contexte d’une massification de l’album pour jeunes enfants, ces albums sériels témoignent de la modernité technique de Casterman, à qui ils offrent une manne considérable. Les archives Casterman, déposées aux Archives de l’État à Tournai, offrent une entrée fascinante dans la fabrique de l’album sériel. Les statistiques de vente de la maison Casterman et le dossier auteur de Marcel Marlier permettent ainsi de suivre l’affirmation progressive et paradoxale d’une auteurisation dans le cadre d’une collection de masse. En tant qu’illustrateur d’albums produits en masse, Marlier se voit doublement minorisé – et largement méprisé au sein même de l’entreprise Casterman, dont il fait pourtant la fortune. Rémunéré au forfait, Marlier passe progressivement au droit d’auteur ; le succès considérable de l’univers visuel qu’il crée avec Martine finit, par effet de contamination, par faire école dans le reste de la collection « Farandole ». L’énonciation éditoriale se voit peu à peu concurrencée par l’affirmation inattendue d’une auctorialité visuelle.
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Mots-clés :
album, édition pour la jeunesse, offset, industrie culturelle, auteur, culture de masse, Casterman, Marlier (Marcel), Delahaye (Gilbert), album sérielKeywords:
picturebook, children’s book publishers, offset, cultural industry, author, pop culture, Casterman, Marlier (Marcel), Delahaye (Gilbert), serial picturebookTexte intégral
- 1 Le fonds Casterman est conservé au dépôt de Tournai des archives de l’État de Belgique. Remarquable (...)
- 2 Florian Moine, Casterman (1919-1999). Une entreprise du livre, entre Belgique et France [en ligne], (...)
1Les archives Casterman, d’une très grande richesse, constituent un fonds exceptionnel1 pour comprendre l’histoire du livre et de l’édition pour la jeunesse dans la deuxième moitié du xxe siècle2. Parmi la myriade d’éclairages qu’offrent les archives de l’éditeur tournaisien, les centaines de dossiers d’auteurs permettent d’appréhender la fabrique éditoriale des œuvres, le dialogue entre auteurs et éditeurs. Selon les auteurs, le volume de correspondance peut être extrêmement variable, d’une simple chemise à plusieurs mètres linéaires ; le dossier de Jacques Martin, auteur particulièrement procédurier des séries Alix et Lefranc, demeure exceptionnel dans son volume et sa richesse. Pourtant, tous ces dossiers permettent de retracer un certain nombre d’éléments clés de la vie d’un ouvrage ou d’une série d’ouvrage : contrats et avenants, paiement des droits d’auteurs, discussions sur les conditions matérielles de telle réimpression, ou sur des projets d’adaptation…
- 3 Pour un autre exemple de l’apport des archives Casterman à l’histoire littéraire, voir par exemple (...)
- 4 Ne sont ici comptabilisées que les réalisations du duo Marcel Marlier-Gilbert Delahaye ; ce dernier (...)
2Ces archives offrent un éclairage précieux sur la genèse des œuvres et mettent à distance récits mythologiques et reconstructions rétrospectives3. Dans ce cadre, la série Martine de Gilbert Delahaye et Marcel Marlier apparaît comme un observatoire de choix des dynamiques qui animent l’album sériel. Lancée en 1954 par le titre Martine à la ferme, la série de Delahaye et Marlier constitue un succès de librairie important, suscitant la réalisation d’une cinquantaine de titres en un demi-siècle4. Immense succès populaire avec une centaine de millions d’albums vendus, Martine constitue à bien des égards un concentré d’indignité culturelle. Production sérialisée mise en œuvre par un éditeur industriel, Martine se situe aux antipodes du mouvement de rénovation en profondeur qui affecte le secteur de l’album pour la jeunesse. En dépit, mais aussi précisément en raison de ce statut singulier, Martine constitue un objet de choix pour des historiens du culturel.
- 5 Pascal Ory, L’histoire culturelle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » (...)
- 6 Cécile Boulaire, Les Petits Livres d’or : des albums pour enfants dans la France de la guerre froid (...)
3« De Goya à Chantal Goya », avançait Pascal Ory pour définir la démarche de l’histoire culturelle5 : laisser de côté les hiérarchies de goût et envisager les créations les plus routinisées est essentiel pour appréhender la diversité des consommations culturelles. Martine répond pleinement à cette injonction : la dimension sérielle y est centrale. La série est produite par un imprimeur-éditeur, et non pas par un éducateur cherchant à éveiller les enfants à la beauté du monde. À rebours des études sur les littératures d’enfance et de jeunesse privilégiant bien souvent les productions originales, l’émerveillement esthétique ou la complexité narrative, nous faisons ici le choix de nous pencher sur un objet d’une banalité affirmée, où s’expriment à plein les exigences d’une production industrialisée : notre ambition est ici de prolonger l’invitation lancée par Cécile Boulaire à étudier la manière dont la massification de la production à destination des enfants transforme les livres qui leur sont offerts : « si on ne vend plus les albums pour enfants de la même manière en 1950, c’est aussi parce qu’on les produit avec d’autres modalités techniques6 ».
- 7 Emmanuël Souchier, « Formes et pouvoirs de l’énonciation éditoriale », Communication & Langages [en (...)
4Notre pari ici est de proposer un regard inédit sur la série Martine depuis les archives, en laissant de côté les albums, que nous n’ouvrirons pas, pour plutôt privilégier ce que les archives éditoriales peuvent offrir comme éclairage sur la condition d’auteur. À travers Martine, il s’agit donc d’appréhender, par le travail d’archives, les formes d’énonciation éditoriale7 qui, dans le contexte d’une création sérielle, sont particulièrement marquées. Ainsi, après avoir présenté le phénomène éditorial que constitue Martine, nous nous pencherons sur l’auctorialité sous contrainte qui caractérise la série.
Martine : un phénomène éditorial
- 8 Facture du 21 novembre 1952 (16 750 FB, soit environ 3 400 €) pour les droits d’auteurs forfaitaire (...)
5À sa manière, Martine est la petite sœur de Tintin. Le lancement de la série est en effet directement lié à la rénovation de l’appareil productif de Casterman et de sa stratégie commerciale relative au héros d’Hergé. L’imprimerie Casterman investit à partir des années quarante dans l’offset, technique lithographique qui permet une meilleure impression des couleurs et à moindre coût que la reproduction typographique. Le premier objectif de ces acquisitions est la mise en couleurs des Aventures de Tintin afin de conquérir le marché français. C’est dans cette conjoncture favorable que Marcel Marlier intègre Casterman en 1951 : l’éditeur tournaisien est en quête d’illustrateurs pour alimenter le catalogue enfantin en plein développement au lendemain de la guerre. L’appareil productif de l’imprimerie Casterman offre la possibilité à l’éditeur de lancer en 1945 une collection de contes classiques richement illustrés, les « albums de l’Âge d’or », placés sous la supervision de l’autrice Jeanne Cappe, ainsi que des collections de romans dotés de jaquettes en couleurs. Marlier est d’abord sollicité par l’éditeur Jean Debraine pour concevoir les illustrations des romans du « Rameau vert » et pour des ouvrages à caractère religieux. À l’automne 1952, Debraine lui confie l’illustration du conte Deux lapins tout pareils écrit par Jeanne Cappe, qui inaugure en 1953 la nouvelle collection « Farandole »8.
- 9 Jean-Claude Daumas, « Consommation de masse et grande distribution. Une révolution permanente (1957 (...)
- 10 Cécile Boulaire, Les petits livres d’or, op. cit., p. 19.
6« Farandole » propose des petits albums (20 x 26 cm) fortement standardisés de 24 pages à la couverture cartonnée et colorée, qui sont destinés à des enfants qui sont encore dans l’apprentissage de la lecture. La collection est spécialement conçue pour mettre à profit les possibilités offertes par les nouvelles machines acquises par l’entreprise et faciliter leur transposition en langues étrangères, avec une séparation entre texte et images. Vendus à bas coût (195 FF en 1953, soit 4,5 €), ces albums sont à la fois destinés aux librairies et aux espaces qui ne sont pas consacrés au livre : épiceries et supermarchés (Prisunic, Monoprix) puis hypermarchés. « Farandole » accompagne ainsi la « révolution commerciale9 » des Trente Glorieuses en investissant les nouveaux circuits de la grande distribution. Casterman s’inspire du modèle éditorial des « Petits Livres d’or », collection importée en 1949 par l’éditeur franco-américain Georges Duplaix pour Flammarion, qui constitue, selon Cécile Boulaire, « une étape décisive dans la transformation des modalités de la production d’albums pour enfants en France10 ». Mais contrairement aux « Petits Livres d’or » ou aux « Albums roses » d’Hachette, Casterman n’importe pas ses albums des États-Unis. La maison d’édition privilégie une politique de création éditoriale et engage pour ce faire des écrivains et illustrateurs belges et français. C’est dans le cadre très normé de « Farandole » que naît la série Martine, dont la création pourrait difficilement être plus locale : Gilbert Delahaye est correcteur de l’imprimerie Casterman et poète ; quant à Marcel Marlier, il est originaire d’Herseaux, à une vingtaine de kilomètres de Tournai, et il entre chez Casterman immédiatement après son cursus aux arts décoratifs à l’Institut Saint-Luc de Tournai.
- 11 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 17 juin 1953 ; archives Casterman, dossier auteur Marli (...)
7Au printemps 1953, Jean Debraine sollicite Marcel Marlier pour illustrer une histoire de Martine écrite par Gilbert Delahaye, en accompagnant sa lettre d’indications précises sur les dimensions et le positionnement du texte11. L’ambition sérielle apparaît dès les prémices du projet Martine. Le premier récit, d’abord intitulé « Les amis de Martine », est rebaptisé Martine à la ferme pour mettre en évidence l’héroïne, qui figure sur toutes les couvertures. Les deux premiers albums paraissent en 1954, un an après la parution chez Hachette du premier titre de la série Caroline. Ils figurent au moment de leur publication dans un ensemble de dix albums.
Illustration 1 : Extrait de la page dédiée à la collection « Farandole » dans le catalogue Étrennes Casterman 1955.
8Après leur mise en relation par l’éditeur, la proximité géographique facilite ensuite la collaboration entre Delahaye et Marlier, qui déménage près de Tournai au début des années soixante. Le duo adopte dès lors une technique routinière de création qui permet à Martine de se renforcer d’une nouveauté par an.
9La sérialité constitue le moteur du succès commercial de Martine, comme en témoignent les relevés de droits d’auteurs disponibles à partir du milieu des années soixante, époque où l’imprimerie Casterman fabrique environ 1 300 000 Martine par an.
Titre |
Octobre 1965 – Mars 1966 |
Octobre 1966 – Mars 1967 |
Octobre 1967 – Mars 1968 |
Octobre 1968 – Mars 1969 |
Juillet – décembre 1975 |
Martine et les 4 saisons (1962) |
27 299 |
21 974 |
20 695 |
26 654 |
26 836 |
Martine fait ses courses (1964) |
29 465 |
18 207 |
23 049 |
25 113 |
26 962 |
Martine en avion (1965) |
84 640 |
21 404 |
23 277 |
24 527 |
26 786 |
Martine monte à cheval (1966) |
/ |
83 877 |
18 359 |
28 760 |
26 187 |
Figure 1 : Chiffres de ventes des albums Martine d’après les relevés de droits d’auteur de Marcel Marlier
- 12 Cette longévité se prolonge jusqu’à aujourd’hui, au prix de menus aménagements pour tempérer certai (...)
- 13 Rapport de réunion du comité de gestion (COGE) du 18 mars 1980 ; archives Casterman, dossiers « COG (...)
- 14 Contrat de merchandising du personnage « Martine » signé entre la S.A. Worldwide merchandising et C (...)
10La sélection de quatre Martine publiés dans les années 1960 dans les relevés semestriels de droits d’auteurs reçus par Marlier témoigne de l’importance de la sérialité dans la dynamique commerciale des albums. Au-delà de l’effet provoqué par la parution d’une nouveauté, les ventes sont ainsi équivalentes d’un titre à l’autre : les albums apparaissent ainsi interchangeables, une caractéristique qui s’explique également par l’absence d’ordre de lecture. Ce succès se prolonge dans le temps : les ventes de la série restent systématiquement supérieures à un million d’exemplaires par an dans les années 1970 et 1980, tandis que le reste de la collection « Farandole » décline progressivement. Il faut dire que Martine vampirise petit à petit la collection qui l’a vue naître : tandis qu’un album « Farandole » reste en moyenne une dizaine d’années au catalogue avant d’être remplacé par une nouveauté, tous les Martine restent disponibles12. La série devient ainsi, après Les Aventures de Tintin, l’autre fer de lance du catalogue enfantin de Casterman : à la fin des années 1970, la vente des albums Martine représente à elle seule entre 12 et 14 % du chiffre d’affaires de la maison d’édition13, avec une marge bénéficiaire non-négligeable, compte-tenu de l’importance des réimpressions et de la modestie du droit d’auteur. La rentabilité de Martine se renforce également lorsque la série se décline sur de nouveaux supports, à partir de la signature, en 1969, d’un contrat de merchandising pour la déclinaison de l’univers de l’héroïne en jeux et en jouets14. Casterman lance aussi, à la fin des années 1980, une première série de livres-cassettes Martine, avant de nouer un partenariat avec les Éditions Atlas qui donne lieu à la diffusion, en 1994, des cassettes Martine racontée et chantée par Chantal Goya.
11Casterman tente de reproduire la recette sérielle de Martine en lançant d’autres séries au sein de « Farandole » avec les mêmes auteurs, sans toutefois rencontrer la même réussite commerciale : Gilbert Delahaye écrit la série Le petit... qui met en scène Alex, un garçon qui s’essaye dans chaque album à un métier différent, sur un dessin de Liliane et Fred Funcken, quand Marcel Marlier compose et dessine Jean-Lou et Sophie, série construite autour de deux enfants aux prises avec leur environnement quotidien. Le « style réaliste » de Marcel Marlier imprègne l’ensemble de la collection « Farandole », comme le constate avec fatalisme Jean Debraine au début des années 1980 lorsqu’il reconnaît a posteriori que les tentatives de diversification n’ont pas rencontré le succès espéré :
- 15 Lettre de Jean Debraine à Colette Fovel du 13 avril 1981 ; archives Casterman, dossier auteur Fovel
[…] la collection « Farandole », [est] profondément marquée par un style graphique résolument réaliste auquel nous devons – il faut bien en convenir – la place importante conquise par cette collection sur le marché. Nous n’avons pas manqué, comme vous le pensez bien, de tenter plusieurs expériences avec l’intention de développer notre catalogue dans un esprit et un style textuels et graphiques d’inspiration moins appliquée, moins « traditionnelle », avec une préoccupation de libérer – du moins partiellement – la collection des paramètres qui, avec le temps, avaient fini par prendre à nos yeux l’image d’une sorte de carcan. Il nous faut bien vous avouer que ces tentatives ont toujours débouché sur une déception15.
12En dépit du succès commercial considérable de la série, l’éditeur n’associe guère son image de marque à Martine. L’héroïne de Marlier ne fait jamais la couverture du catalogue, contrairement à Tintin qui figure sur de nombreux outils promotionnels de Casterman. La maison d’édition a bien conscience du décalage entre les caractéristiques de Martine et les renouvellements de l’album portés par de nouveaux acteurs de l’édition et soutenus par la critique.
Une auctorialité sous contrainte
13La série à succès de Delahaye et Marlier s’inscrit donc, à bien des niveaux, dans les contraintes de l’édition industrialisée : une production routinisée, largement déterminée par des choix commerciaux et des impératifs techniques. Dans ce cadre, il n’est guère surprenant de saisir dans les dossiers d’auteurs des archives Casterman une auctorialité sous contrainte, qui n’apparaît pas seulement comme le propre des créations sérielles, mais également comme le fruit d’une dynamique singulière.
- 16 Lettre de Clotilde Guislain à Marcel Marlier, 3 juin 1987 ; archives Casterman, dossier Marlier.
14Au premier abord, il est surprenant de constater l’invisibilité auctoriale paradoxale de Gilbert Delahaye. Invisibilité relative, bien sûr : son nom s’étale sur toutes les couvertures, il est mentionné dans toutes les pages de titres, et il est bien présent dans les catalogues présentant la série. Mais son dossier auteur, étrangement, est peu disert sur son activité d’auteur de Martine. C’est que Gilbert Delahaye est cadre de l’imprimerie et poète à ses heures perdues : son activité d’auteur de livres pour enfant est tout à fait anecdotique dans ses relations avec l’entreprise qui le salarie. Les nombreuses coupures de presse consacrées à la fin de sa vie, ou les articles parus à sa mort, ne signalent finalement qu’en passant son rôle d’auteur de la série Martine, mettant bien plutôt en avant ses poésies dédiées à la nature hennuyère – dont on peut imaginer pourtant qu’elles sont infiniment moins rémunératrices. Ce relatif effacement de Gilbert Delahaye tient sans doute à une implication de moins en moins affirmée dans la série. Dans une note de 1987, la nouvelle éditrice de la collection, Clotilde Guislain, répond ainsi à Marcel Marlier, qui pointe l’absence d’un texte de départ : « Dans la mesure où le récit devra de toute façon se construire autour de vos images, nous rédigerons [le texte] dès que vous nous les aurez transmises16 ». Plus loin dans cette note, elle développe :
- 17 Ibid.
Comme vous le savez, une bonne partie de la critique de la collection « Martine » tourne autour de la qualité du texte ; nous devrions pouvoir mettre nos efforts sur ce point […] à condition toutefois que vous acceptiez que vos méthodes de travail (images précédant actuellement le texte) en soient légèrement modifiées17.
- 18 Entretien mené par Florian Moine avec Clotilde Guislain et Monique Dejaifve le 19 mai 2019.
15Dans ce cadre, Marcel Marlier apparaît dans un premier temps comme un artisan aux ordres, à l’autonomie extrêmement limitée ; d’ailleurs, dans un entretien rétrospectif, Clotilde Guislain déclare qu’à son arrivée, « Marlier était méprisé chez Casterman18 ».
- 19 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 29 août 1957 ; archives Casterman, dossier auteur Marli (...)
- 20 Pascal Ory, « Mickey go home ! La désaméricanisation de la bande dessinée (1945-1950) », Vingtième (...)
- 21 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 25 mai 1956 ; archives Casterman, dossier auteur Marlie (...)
- 22 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 27 janvier 1959 ; archives Casterman, dossier auteur Ma (...)
16Ainsi, les premiers temps de la collaboration sont marqués par de nombreux échanges entre le directeur éditorial, Jean Debraine, et Marcel Marlier, qui se voit demander de nombreuses retouches ou reprises. Ces demandes peuvent être liées, à un premier niveau, à un simple souci de s’adresser à la clientèle la plus large. Ainsi, pour Martine à la foire, Marlier situe dans un premier temps celle-ci dans un cadre qu’il connaît bien : celui de Tournai et de sa cathédrale, à la silhouette extrêmement reconnaissable. La réaction de Debraine est immédiate : « il n’est pas souhaitable de localiser avec autant de précision le cadre où se déroule [sic] les aventures de Martine sur le champ de foire. Je dois, par conséquent, vous demander de bien vouloir sinon recommencer l’aquarelle, du moins la modifier de façon à rendre plus impersonnel le lieu de l’action19 ». On retrouve là une problématique bien connue à la même époque dans le domaine de la bande dessinée « franco-belge » : pour s’adresser au public français, il est demandé aux dessinateurs belges de dé-localiser leur création20. L’éditeur prend également prétexte d’attentes présumées du lectorat français pour exiger du dessinateur l’euphémisation de certains traits particulièrement problématiques, et notamment le personnage de Cacao, incarnation des clichés racistes les plus flagrants21. Il peut également transmettre au dessinateur de la documentation pour Martine à la montagne concernant « l’équipement des stations de ski et les attitudes correctes à reproduire » ; Marlier est d’ailleurs sommé de restituer la documentation à Casterman « dès qu[’il] n’en aur[a] plus besoin22 ». Plus largement, les échanges entre Marlier et son éditeur révèlent une création sous contrainte, scrutée de près, comme dans cette lettre du 25 mai 1956 :
Nous avons procédé récemment à une enquête dans notre clientèle française, en vue de recueillir certaines réactions au sujet de la collection Farandole, réactions dont nous sommes en mesure de tirer actuellement les conclusions.
Il résulte de ces conclusions que les albums de la série Martine sont généralement très appréciés par la clientèle, mais la plupart des personnes que nous avons interrogées ont formulé, à l’égard de la couverture de Martine en voyage, des observations qui nous engagent à vous demander de refaire une nouvelle aquarelle. On regrette, à peu près unanimement, le fond vert identique à celui de Martine à la ferme. Par ailleurs, vous n’ignorez pas que, par suite de réactions qui se sont manifestées dans notre clientèle française, nous avons été amenés à supprimer dans les albums ultérieurs le personnage de « Cacao » qui n’est vraiment pas apprécié du tout. Enfin, on estime que la pose des personnages est trop empruntée et fait trop « portrait » ; de même on regrette que les moyens de locomotion ne soient suggérés que d’une manière peu visible.
Compte tenu de ces divers éléments, nous vous suggérons de procéder de la façon suivante pour la nouvelle couverture :
Tout d’abord, afin d’encadrer l’album dans la série, il y a lieu de maintenir un fond que l’on pourrait choisir jaune-sable. Le personnage principal de Martine doit être dessiné en gros plan avec sa valise et, à l’arrière-plan, un train conçu d’une façon légèrement caricaturale, un peu à la manière de Jean Effel et autres caricaturistes français.
Vous voudrez bien nous faire le plaisir de nous soumettre quelques esquisses au crayon avant d’exécuter le document définitif, de façon à nous mettre bien d’accord au préalable sur la manière de concevoir celui-ci.
Une dernière remarque que nous avons omis de vous signaler ci-dessus : il convient également de supprimer le parasol de Martine qui, lui aussi, a été critiqué […].
17Ce type de courriers est récurrent dans la deuxième moitié des années 1950, où chaque album, chaque couverture, fait l’objet d’une attention étroite. Loin d’une collaboration artistique, le travail de Marlier apparaît bien comme celui d’un exécutant sous surveillance étroite. Cette subordination se voit formalisée en 1955 par la convention d’exclusivité que Marlier signe avec Casterman :
Monsieur Marcel Marlier accorde aux Établissements Casterman [...] l’exclusivité complète du droit de reproduction graphique à usage commercial (articles d’édition, de papeterie, collection de chromos, etc.) de ses dessins et aquarelles [...].
- 23 Convention de collaboration artistique du 10 octobre 1955 ; archives Casterman, dossier auteur Marl (...)
Les établissements Casterman s’engagent pendant la durée d’application du présent accord, à fournir à Monsieur Marcel Marlier des travaux d’illustration correspondant à des possibilités normales de réalisation, dans une qualité correspondante à celle des travaux actuellement fournis, et fixées à un maximum correspondant à quatre-vingt aquarelles annuelles23.
- 24 On peut également présupposer que, devenu plus familier des éditions Casterman avec lesquelles il c (...)
18La convention fait de Marlier l’auteur-maison par excellence de Casterman – ce type de convention d’exclusivité étant, à notre connaissance, inédit chez l’éditeur. Si, à partir des années 1960, les courriers de demandes de corrections disparaissent du dossier Marlier, il ne faudrait pour autant pas en conclure à l’émancipation artistique du dessinateur. On peut en effet supposer que, plus simplement, celui-ci a intégré les codes visuels exigés par Casterman, qu’il va décliner dans les décennies qui suivent24.
- 25 Courrier de Jean Debraine à Marcel Marlier du 7 février 1956 ; archives Casterman, dossier Marlier.
- 26 Courrier de Jean Debraine à Marcel Marlier du 16 octobre 1956 ; archives Casterman, dossier Marlier
- 27 Courrier de Jean Debraine à Marcel Marlier du 16 décembre 1960 ; archives Casterman, dossier Marlie (...)
- 28 F. Moine, Casterman (1919-1999). Une entreprise du livre, op. cit., p. 370.
- 29 Lettre-accord du 30 janvier 1989 ; archives Casterman, dossier Marlier.
19Le succès notable de la série permet cependant au dessinateur de desserrer quelque peu cette surveillance éditoriale. Outre la confiance plus grande dont il semble bénéficier, le signe le plus manifeste de ce statut nouveau d’auteur est assurément le pourcentage qu’il commence à percevoir sur les ventes. Au lancement de la série, Marlier est un simple prestataire de services, rémunéré au forfait (20 000 FB pour Martine au cirque25 ou pour Martine à l’école26). À partir de 1960, Marlier se voit offrir de nouvelles conditions de rémunération : pour la collection plus littéraire d’albums « Plaisir des contes », Marlier se voit ainsi proposer en décembre 1960 un forfait de 37 500 FB assorti d’un droit de 1 % sur le prix fort de vente27 ; pour les Martine, les droits sont perçus à partir du 10 000e exemplaire vendu, une situation que Casterman justifie en arguant d’un prix de vente plus serré. Cette pratique de l’intéressement « se généralise au fil de la décennie pour devenir la norme dans les années 197028 ». Le pourcentage perçu par Marlier, lui, augmente – mais fort lentement : il faut attendre 1979 pour qu’il s’élève à 1,75 % (et encore, seulement au-delà de 175 000 exemplaires vendus), et 1989 pour qu’il atteigne 3 % (au-delà de 130 000 exemplaires)29.
- 30 Michèle Piquard, « L’édition pour la jeunesse dans les années 1980 », La Revue des livres pour enfa (...)
- 31 Archives Casterman, dossier « réunions 1984 », note de Joëlle Faure au comité éditorial, 17 avril 1 (...)
- 32 Lettre de Clotilde Guislain à Marcel Marlier, 3 juin 1987 ; archives Casterman, dossier Marlier.
20Cette revalorisation de Marlier, très relative, se voit cependant balayée par l’usure progressive de la série dans le paysage éditorial. Ainsi, à la fin des années 1980, dans un contexte de concurrence accrue du fait de l’arrivée de nouveaux acteurs éditoriaux30, Casterman voit ses positions battues en brèche ; son catalogue, bâti sur des valeurs sûres vieilles de plusieurs décennies, fait l’objet de remises en cause vigoureuses. L’attachée de presse Joëlle Faure juge dans une note cinglante : « nous n’avons plus d’image sauf de déconfiture31 ». Clotilde Guislain, qui reprend le portefeuille éditorial de Jean Debraine, reprend en main Martine, et revient à une gestion plus serrée de la série et de son univers. Ainsi, en 1987, elle adresse une note détaillée à Marlier pour « redonner à la collection une cohérence et une qualité qu’elle mérite largement32 » – laissant entendre, donc, que ces caractéristiques ont déserté la série.
21Les déclinaisons de la série sous forme de produits dérivés témoignent également de l’auctorialité éclatée de Martine, puisque la répartition des droits perçus se fait alors en trois tiers : un tiers pour Marlier, un autre pour Delahaye et… le troisième pour Casterman. En apparence anecdotique, cette clé de répartition dit bien à quel point une œuvre sérielle telle que Martine est le fruit d’une élaboration partagée.
Conclusion
- 33 En attendant l’inventaire provisoire des dossiers auteurs présents au sein des archives Casterman, (...)
- 34 C’est également le pari que font Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux, Aux origines de la pop cultur (...)
22Le cas de Marcel Marlier constitue un exemple de ce que peuvent apporter les archives éditoriales aux dynamiques de création. La correspondance, les contrats ou encore les catalogues, fournissent quantité de renseignements précieux sur l’initiative, les conditions et la diffusion de la création sérielle. Le dossier auteur de Marlier permet, en l’occurrence, de mesurer à quel point cet auteur emblématique de Casterman jouit d’une autonomie extrêmement limitée. Si le dossier Marlier se distingue par son amplitude, témoignage d’un demi-siècle de collaboration avec Casterman, celui-ci ne constitue pas une exception : les correspondances avec Isabelle Ivanovsky, Fred et Liliane Funcken ou François Craenhals – pour ne citer que quelques exemples de figures à succès du catalogue33 – sont tout aussi fournies, et n’ont jusqu’ici été que peu exploitées par les historiens et les littéraires. Or ces échanges nous renseignent à la fois sur les rapports économiques entre auteur et éditeur, la destinée commerciale des œuvres et, notamment durant les premières années de la collaboration, sur les attendus de l’éditeur et les contraintes qu’il impose. Par leur nature et leur ampleur, les archives Casterman offrent ainsi une clé pour comprendre de l’intérieur la place de l’éditeur dans la littérature enfantine du xxe siècle et offre une piste pour approfondir l’étude des sérialités littéraires34.
Notes
1 Le fonds Casterman est conservé au dépôt de Tournai des archives de l’État de Belgique. Remarquable par leur ampleur et leur diversité, ces archives renseignent sur la vie de la maison d’édition et de l’imprimerie et comprennent notamment plus de 1 500 dossiers de correspondance avec les auteurs du catalogue. L’inventaire de cette riche correspondance devrait être prochainement accessible au public.
2 Florian Moine, Casterman (1919-1999). Une entreprise du livre, entre Belgique et France [en ligne], thèse de doctorat en histoire sous la direction de Pascal Ory, Université Paris I, 2020, URL : https://theses.hal.science/tel-03258340v1. Une version allégée en a été publiée : Casterman de Tintin à Tardi, 1919-1999, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2022. Pour un premier aperçu, voir également Sylvain Lesage, « Les archives Casterman : un continent inconnu », Strenæ [en ligne], n° 11, 2016, URL : http://strenae.revues.org/1623.
3 Pour un autre exemple de l’apport des archives Casterman à l’histoire littéraire, voir par exemple Sylvain Lesage et Gert Meesters, (À Suivre) : archives d’une revue culte, Tours, Presses universitaires François Rabelais, coll. « Iconotextes », 2018.
4 Ne sont ici comptabilisées que les réalisations du duo Marcel Marlier-Gilbert Delahaye ; ce dernier meurt en 1997, après 47 titres principaux dans la série, mais aussi quantité de rééditions et produits dérivés.
5 Pascal Ory, L’histoire culturelle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2004.
6 Cécile Boulaire, Les Petits Livres d’or : des albums pour enfants dans la France de la guerre froide, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, coll. « Iconotextes », 2016, p. 130.
7 Emmanuël Souchier, « Formes et pouvoirs de l’énonciation éditoriale », Communication & Langages [en ligne], n° 154, 2007, p. 23‑38, URL : https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_2007_num_154_1_4688.
8 Facture du 21 novembre 1952 (16 750 FB, soit environ 3 400 €) pour les droits d’auteurs forfaitaires de Deux lapins tout pareils ; archives Casterman, dossier auteur Marlier.
9 Jean-Claude Daumas, « Consommation de masse et grande distribution. Une révolution permanente (1957-2005) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire [en ligne], vol. 3, n° 91, 2006, p. 57-76, URL : https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2006-3-page-57.htm.
10 Cécile Boulaire, Les petits livres d’or, op. cit., p. 19.
11 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 17 juin 1953 ; archives Casterman, dossier auteur Marlier.
12 Cette longévité se prolonge jusqu’à aujourd’hui, au prix de menus aménagements pour tempérer certains des aspects les plus problématiques de la série : Martine petite maman (1968) a été réédité en 2016 sous le titre Martine garde son petit frère, dans une version réécrite pour accompagner le rajeunissement du lectorat : Adrien Sénécat, « Le raccourcissement des textes de Martine contribue-t-il au “nivellement par le bas” du langage des enfants ? », Le Monde.fr, 12/12/2020, URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/12/12/le-raccourcissement-des-textes-de-martine-contribue-t-il-au-nivellement-par-le-bas-du-langage-des-enfants_6063152_4355770.html.
13 Rapport de réunion du comité de gestion (COGE) du 18 mars 1980 ; archives Casterman, dossiers « COGE ».
14 Contrat de merchandising du personnage « Martine » signé entre la S.A. Worldwide merchandising et Casterman, 1969 ; archives Casterman, dossier auteur Marlier.
15 Lettre de Jean Debraine à Colette Fovel du 13 avril 1981 ; archives Casterman, dossier auteur Fovel.
16 Lettre de Clotilde Guislain à Marcel Marlier, 3 juin 1987 ; archives Casterman, dossier Marlier.
17 Ibid.
18 Entretien mené par Florian Moine avec Clotilde Guislain et Monique Dejaifve le 19 mai 2019.
19 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 29 août 1957 ; archives Casterman, dossier auteur Marlier.
20 Pascal Ory, « Mickey go home ! La désaméricanisation de la bande dessinée (1945-1950) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire [en ligne], n° 4, 1984, p. 77‑88, URL : https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1984_num_4_1_1718.
21 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 25 mai 1956 ; archives Casterman, dossier auteur Marlier.
22 Lettre de Jean Debraine à Marcel Marlier du 27 janvier 1959 ; archives Casterman, dossier auteur Marlier.
23 Convention de collaboration artistique du 10 octobre 1955 ; archives Casterman, dossier auteur Marlier. Casterman autorise cependant Marlier à poursuivre sa collaboration avec la Procure des Frères des écoles chrétiennes de Bruxelles et Namur pour la réalisation de manuels scolaires, ainsi que la réalisation d’illustrations publicitaires.
24 On peut également présupposer que, devenu plus familier des éditions Casterman avec lesquelles il collabore de façon répétée, la transmission des consignes s’opère davantage à l’oral et laisse moins de traces archivistiques.
25 Courrier de Jean Debraine à Marcel Marlier du 7 février 1956 ; archives Casterman, dossier Marlier.
26 Courrier de Jean Debraine à Marcel Marlier du 16 octobre 1956 ; archives Casterman, dossier Marlier.
27 Courrier de Jean Debraine à Marcel Marlier du 16 décembre 1960 ; archives Casterman, dossier Marlier. Tous les dessinateurs de cette collection perçoivent les mêmes droits d’auteur.
28 F. Moine, Casterman (1919-1999). Une entreprise du livre, op. cit., p. 370.
29 Lettre-accord du 30 janvier 1989 ; archives Casterman, dossier Marlier.
30 Michèle Piquard, « L’édition pour la jeunesse dans les années 1980 », La Revue des livres pour enfants, n° 262, 2011, p. 89-95.
31 Archives Casterman, dossier « réunions 1984 », note de Joëlle Faure au comité éditorial, 17 avril 1984, cité dans F. Moine, Casterman (1919-1999), op. cit., p. 572.
32 Lettre de Clotilde Guislain à Marcel Marlier, 3 juin 1987 ; archives Casterman, dossier Marlier.
33 En attendant l’inventaire provisoire des dossiers auteurs présents au sein des archives Casterman, la liste des écrivains et dessinateurs pour la jeunesse et de bande dessinée retrouvés dans le fonds est disponible en annexe de la thèse de F. Moine, Casterman (1919-1999), op. cit., p. 797-807.
34 C’est également le pari que font Loïc Artiaga et Matthieu Letourneux, Aux origines de la pop culture : Le Fleuve Noir et les Presses de la Cité au cœur du transmédia à la française, 1945-1990, Paris, La Découverte, 2022.
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Légende | Illustration 1 : Extrait de la page dédiée à la collection « Farandole » dans le catalogue Étrennes Casterman 1955. |
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Pour citer cet article
Référence électronique
Florian Moine et Sylvain Lesage, « Martine aux archives : appréhender l'auctorialité sérielle dans les archives Casterman », Strenæ [En ligne], 22 | 2023, mis en ligne le 02 mai 2023, consulté le 15 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/9696 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.9696
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