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N°19, 2021 : Objets culturels de l'enfance à l'école primaire : quels liens possibles entre la recherche en littérature de jeunesse, la définition des corpus et les pratiques enseignantes?

Remise définitive des articles : 20 février 2021
Hélène Weis e Florence Gaiotti
  • 1 On notera que plusieurs articles récents (Chartier, 2008, repris dans plusieurs articles de Bonnery (...)

L'histoire de l'école primaire en France montre que le texte pour enfants y occupe une place singulière, saisie à la fois dans la culture matérielle de l'enfance, dans l'histoire de l'éducation et de sa progression, dans celle des didactiques spécifiques, avec l'évolution du français comme discipline, dans celle enfin d'une histoire littéraire où la littérature de jeunesse se voit légitimée et institutionnalisée à la fin du XXe siècle. L'objet même, qui peut apparaître à partir d'injonctions d'oralité (le conte à l'école maternelle dès les premiers programmes, mais aussi la longue tradition des jeux dramatiques), prend des formes multiples, imagiers largement présents dès le début du siècle, corpus poétiques inscrits dans les progressions saisonnières, morceaux choisis de manuels, roman scolaire et albums présents dans certaines classes avec le Père Castor avant la Seconde Guerre Mondiale et fréquents dans les maternelles après les années 19701. Remarquons que l'album est aujourd'hui un support très majoritaire dans la formation des maîtres et au long de la scolarité, inscrit également dans de nombreuses méthodes d'apprentissage de la lecture.

Est-il aujourd'hui possible et utile de poser à la communauté de chercheurs qui s'intéressent à la littérature de jeunesse, la question du lien entre une poétique mieux connue du texte de jeunesse et les apprentissages comme les pratiques des maîtres à l'école primaire ?

  • 2 S.Bonnery (2015) fait état de quelques enquêtes, dont celle de Grossmann en 1996, de Louichon publi (...)

Ce lien a donné selon les nécessités éducatives et curriculaires, naissance à des genres spécifiquement scolaires ou scolarisables, comme autrefois l'exemplum, l'historiette morale, l'abécédaire ou l'imagier encore utilisé... Il a permis également la didactisation, très vivante depuis un demi-siècle, des fables et d'un certain corpus de contes. Cependant, les enseignements littéraires qui s'imposent en toute fin du XXe siècle, avec une didactique unifiée qui descend du lycée vers l'école élémentaire, offrent une vision et un tri renouvelés du texte de jeunesse scolarisable, comme texte complexe, dit « résistant », appelant un lecteur capable progressivement d'une lecture distanciée. Les critères élaborés pour construire les corpus, en particulier les listes officielles, semblent, d'après les enquêtes de terrain partielles, mais répétées, laisser échapper, comme un filet aux mailles trop grosses, les objets dont s'emparent réellement les enseignants, ceux que lisent les élèves, période après période2. Ainsi Bernard Friot a-t-il sans doute créé un mini-genre très scolarisable avec ses Histoires pressées, dont le succès ne se dément pas.

Ce premier état des lieux permettrait de mieux percevoir ces formes spécifiques qui surgissent dans le contexte scolaire et émanent des pratiques et des besoins, d'en commenter la prescription ou à l'inverse l'oubli dans les listes officielles, de comprendre des préoccupations parfois contradictoires entre les objectifs des différents domaines d'enseignement, enfin et de façon ambitieuse, de reposer la question de cette "culture commune" qui aujourd'hui semble largement échapper à une institution qui méconnait, dans ce domaine, culture médiatique et numérique.

Nous donnerons quelques pistes de réflexion, qui peuvent également se croiser :

1. On se souvient du travail de Serge Martin, reprenant la notion de « racontage » de Walter Benjamin et parlant de corps-langage (Martin, 2014). Quels liens précis entre les gestes professionnels de l’enseignant conteur, acteur, mais surtout maître, et la poétique spécifique des textes utilisés, du cycle 1 au cycle 3 ?

2. L’utilisation des images à l’école a fait l’objet de réflexions importantes au début du XXe siècle (Renonciat, 2007). On sait que les productions plastiques et graphiques contemporaines qui s’expriment dans l’album sont très éloignées de cette élémentarisation, ce qui suscite des polémiques connexes à la lisibilité et à la compréhension (Canut-Vertalier, 2012). Quelle alliance ici entre l'hybridité des albums contemporains, l'apprentissage de la lecture et une didactique de la compréhension et de l'interprétation ?

3. Les recherches d’André Petitat (Petitat, 2003) concernant les contes sériels et de randonnée envisagent un classement de ces récits qui correspond à un échelonnement des compétences de l’enfant jeune : parallèlement, des manuels récents utilisent la randonnée comme récit type pour l'apprentissage de la compréhension (Goigoux, 2016). Le concept de progressivité (Brigaudiot, 2000) peut-il s'allier avec des apprentissages littéraires attentifs aux complexités de l'album dans ce cas ?

4. La stéréotypie, la répétition et le caractère sériel de nombreux récits aident le très jeune lecteur à assurer ses prises sur le texte (Poslaniec, 1995). L'opprobre pèse encore sur les récits sériels qui ne figurent que très peu dans les listes officielles (Letourneux, 2017). Or la nécessité s'impose de prendre en compte pour leur efficacité, l'importance de la tension narrative et de l'immersion fictionnelle, présentes également dans les univers ludiques numériques (Baroni, 2007, Chelebourg, 2013). Comment constituer des corpus qui pourraient assurer le difficile passage vers une lecture fluente et autonome, tout en préservant les notions de valeur et d'exemplarité ?

5. Les maîtres comme les projets d'école, de cycle, de classe s'appuient sur la polyvalence et la transversalité de la langue. Cette dimension prépondérante de la pratique professionnelle, appuyée sur les programmes et préconisations officielles, met-elle en échec systématiquement la didactique de la littérature et des arts ?

6. Le caractère éducatif toujours prégnant du texte de jeunesse offre constamment de nouvelles productions, inspirées de l'antique morale en action (Marcoin, Chelebourg, 2013), d'autre part mêlant fiction et documentation. Comment tenir compte des objectifs largement éducatifs de l'école, tout en conservant un recul suffisant sur les idéologies contemporaines à l'œuvre dans une littérature désormais mondialisée ?

7. L'école primaire française s'appuie sur une philosophie positive qui entraîne une méfiance forte envers l'image et l'imaginaire, conduisant à façonner de façon précise les objets culturels dont les élèves disposaient en son sein. Qu'en est-il aujourd'hui des prescriptions et censures, avouées ou non ?

Les propositions (de 500 mots maximum), en français, doivent être envoyées avant le 30 septembre 2020 Mise à jour : appel prolongé jusqu’au 30 octobre 2020 à la revue Strenæ : strenae@revues.org, accompagnées d’une courte biographie et bibliographie.

Ces propositions seront examinées par les directrices scientifiques du numéro, Hélène Weis et Florence Gaïotti, et le comité éditorial de la revue. Les auteurs seront rapidement informés de l’acceptation ou du refus de leur proposition. Les articles complets (30000 signes espaces et notes inclus) seront remis avant le 20 février 2021. Le numéro sera publié à l’automne 2021.

Bibliografia

Baroni Raphaël, La tension narrative, Seuil, 2007.

Bautier Elisabeth, Apprendre à l'école. Apprendre l'école : des risques de construction d'inégalités dès la maternelle, Paris, Chronique sociale, 2006.

Brigaudiot Mireille, Apprentissage progressif de l'écrit à l'école maternelle, Prog/INRP, 2000.

Besson Anne, Constellations : des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain,CNRS, 2015.

Bishop Marie-France, « Quelle didactique de la littérature de l'enseignement primaire en France, de 1880 à nos jours ? », Nathalie Denizot, Jean-Louis Dufays, Brigitte Louichon (dir), Approches didactiques de la littérature, PU Namur, 2019.

Bischop Marie-France, « Lire la littérature à l'école élémentaire en France : enjeux et débats au cours du XXe siècle », Transpositio, dossier n° 1, « Justifier l'enseignement de la littérature », consulté le 10.01.2020, transpositio.org/articles/view/lire-la-litterature-a-l-ecole-elementaire-en-france.

Bonnery Stéphane, Crinon Jacques, Marin Brigitte, Des inégalités d'usage de la littérature de jeunesse dès les premiers cycles de l'école primaire, Spirale, 2015, n°55, pp. 43-56.

Bonnery Stéphane, « Des livres pour enfants : de la table de chevet au coin lecture », Patrick Rayou, Aux frontières de l'école, PU de Vincennes, pp. 193-214.

Boulaire Cécile, Lire et choisir ses albums : petit manuel à l'usage des grandes personnes, Didier Jeunesse, 2018.

Butlen Max, Joole Patrick, Présence et usages de la littérature de jeunesse à l'école : une enquête dans les Hauts-de-Seine et le Val-d'Oise, Recherches et formations en littérature de jeunesse : état des lieux et perspectives, Actes du colloque organisé le 22 juin 2011, BNF, 2012.

Canut Emmanuelle, Vertalier Martine, « Lire des albums : quelle compréhension et quelle appréhension par les élèves de maternelle ? », Le Français Aujourd'hui, n°179, 2012 pp. 51-67.

Chartier Anne-Marie, L’école et la lecture obligatoire, Retz, 2007.

Chartier Anne-Marie, « L'éclatement des références », Cahiers pédagogiques n°462, La littérature de jeunesse, une nouvelle discipline scolaire.

Chelebourg Christian, Les fictions de jeunesse, PUF, 2013.

Chelebourg Christian, Marcoin Francis (dir), « Civiliser la jeunesse », Cahiers Robinson, n°38.

Dufays Jean-Louis, Gemmene Louis, Ledur Dominique, Pour une lecture littéraire, Histoire, théories, pistes pour la classe, De Boeck, 2005.

Faucher Paul, « Comment adapter la littérature enfantine aux besoins des enfants à partir des premières lectures ». Bulletin des bibliothèques de France (BBF), n° 5, 1958, p. 345-352, disponible en ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1958-05-0345-002

Gaïotti, Florence, Expériences de la parole dans la littérature de jeunesse, PUR, 2009.

Goigoux Roland, Cèbe Sylvie, Narramus, Apprendre à comprendre et à raconter une histoire, Retz, 2016, 7 tomes.

Grossmann Francis, Enfances de la lecture, manières de faire, manières de lire à l’école maternelle, Peter Lang, 1996.

Letourneux Matthieu, Fiction à la chaîne : littératures sérielles et culture médiatique, Seuil, 2017.

Louichon Brigitte, « Pratiques effectives de la littérature à l'école et au collège », Repères n°37, 2008.

Marcoin Francis, Tison Guillemette (dir.), Le roman scolaire, entre littérature et pédagogie, Cahiers Robinson, n°29, Presses Universitaires d'Artois, 2011. 

Martin Serge, Poétique de la voix en littérature de jeunesse : le racontage de la maternelle à l’université, L’Harmattan, 2014.

Nières-Chevrel Isabelle, Introduction à la littérature jeunesse, Didier jeunesse, 2009.

Petitat André, Pahud Stéphanie, « Les contes sériels ou la catégorisation des virtualités primaires de l'action », Poétique 2003, 1/133.

Poslaniec Christian (dir.), Comportement de lecteur d'enfants du CM2 : profils, influence des animations, de la contrainte, compte rendu de recherche, INRP, 1995.

Perrot Jean, Du jeu, des enfants et des livres à l'heure de la mondialisation, Cercle de la librairie, 2011.

Prince Nathalie, La littérature de jeunesse, Armand Colin, 2015.

Renonciat Annie (dir.), L’Image pour enfants : pratiques, normes, discours France et pays francophones, XVIe-XXe siècles, Presses Universitaires de Rennes, La Licorne, 2007.

Tauveron Catherine, « Comprendre et interpréter le littéraire à l'école: du texte réticent au texte proliférant », Repères n°19, 1999.

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Note

1 On notera que plusieurs articles récents (Chartier, 2008, repris dans plusieurs articles de Bonnery) soulignent l'absence de la littérature de jeunesse à l'école. C'est un abus que les programmes de 2002 ont sans doute accrédité, ou bien il s'agit simplement d'une confusion dans les termes. Si les ouvrages autonomes sont rarement présents à l'école élémentaire avant les années 1980, le texte de jeunesse y occupe une place importante depuis les programmes de 1880, dans l'édition scolaire et dans les pratiques : on semble oublier par exemple l'importance de la maternelle des années 1970-1980 dans la diffusion des albums de l'Ecole des Loisirs.

2 S.Bonnery (2015) fait état de quelques enquêtes, dont celle de Grossmann en 1996, de Louichon publiée en 2008, mais oublie ensuite celle publiée dans Repères n° 37, 2008, Pratiques effectives de la littérature à l'école et au collège, puis de 2012 par Max Butlen et Patrick Joole "Présence et usage de la littérature à l'école", in Recherches et formations en littérature de jeunesse : état des lieux. Ces articles soulignent les difficultés et les résistances des enseignants, sachant qu'il y eut temporairement une épreuve de littérature de jeunesse à l'oral du CRPE de 2006 à 2008 qui a permis une acculturation un peu plus grande des jeunes enseignants. Ces enquêtes montrent un resserrement des titres sur quelques "classiques" assurés, où l'on voit d'ailleurs certains contes résister vaillamment à l'usure scolaire et construire une sorte de progressivité culturelle à eux seuls. Cependant, comme pour S. Bonnery qui renvoie à "l'idéologie du handicap socio-culturel" pour expliquer l'utilisation des albums réalistes type "récit de vie" dans des classes de maternelle de ZEP (mais pas seulement) , il serait sans doute utile d'envisager de réelles prises en compte des motivations et obligations des professeurs des écoles dans ce domaine.

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