Nathalie Prince, Sylvie Servoise (dir.), Les personnages mythiques dans la littérature de jeunesse
Nathalie Prince, Sylvie Servoise (dir.), Les personnages mythiques dans la littérature de jeunesse, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2015, 231 p.
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1Les personnages mythiques dans la littérature de jeunesse est un ouvrage collectif, dirigé par Nathalie Prince et Sylvie Servoise, qui regroupe des contributions issues d’un colloque organisé à l’Université du Maine en juin 2013. Il ne s’agit pas néanmoins des actes de ce colloque. Le préambule, l’introduction et la conclusion dessinent avec précision l’architecture d’un ouvrage construit sur deux « modalités mythographiques » (p. 11) principales : d’une part la résurgence ou la réactualisation de personnages mythiques ou mythologiques dans la littérature de jeunesse, d’autre part la transformation ou le devenir d’un personnage de la littérature de jeunesse en figure mythique. De fait, les quatre chapitres de l’ouvrage (« Les personnages de la mythologie sont-ils les héros des enfants ? », « Les mythes bibliques relus par la littérature de jeunesse », « Figures mythiques nationales pour la jeunesse : patrimoine et mythification », « Constellations mythiques ») relèvent de cette double approche. Toutefois, plusieurs contributions témoignent d’une souplesse fructueuse croisant les deux modalités, qu’il s’agisse d’un personnage ou d’un créateur : l’analyse du personnage de Mary Poppins propose ainsi de mettre au jour un ensemble de références intertextuelles bibliques et mythologiques et, dans le même temps, d’interroger le mythe du personnage. De fait, Mary Poppins ne semble pas résister à l’examen critique du mythe et elle serait plutôt une icône culturelle. Dans un autre registre, l’étude des albums d’Yvan Pommaux montre que son propos culturel, esthétique et didactique ne se limite pas à ses seuls albums traitant de la mythologie mais aussi à d’autres albums où l’Antiquité et la mythologie deviennent – le jeu de mots est inévitable – de vrais fils d’Ariane.
2La diversité des contributions réside principalement dans les méthodes adoptées : certaines choisissent l’examen détaillé d’une figure (Mary Poppins, Antigone, Pinocchio, Sherlock Holmes, le Roi des Singes Sun Wukong, Noé, les super-héros de Marvel), d’autres envisagent des corpus plus ou moins larges pour analyser un paradigme (l’orphelin, les « méchants » – loup, ogre, sorcière –, la déclinaison « jeune », la messianité). Les personnages mythiques ne sont en effet pas des figures figées : ainsi Noé est-il l’exemple même d’une mutation progressive du mythe et de la question du mal en doux personnage à barbe blanche, aimant travailler le bois et s’occuper des animaux. Les super-héros eux-mêmes subissent une « élision de la question de l’idéologie » (p. 115), tout comme le Roi Singe, figure mythique incontournable de la culture chinoise. En revanche, c’est bien une volonté idéologique qui explique la réactualisation, sous la forme d’albums, de plusieurs mythiques issus du folklore hispanique, mis au service d’une « poétique identitaire » (p. 126). Le personnage mythique semble ainsi porter ses propres transformations potentielles : romans, séries, bandes dessinées exploitent les « options narratives » (p. 199) des personnages mythiques en inventant leurs « versions jeunes », qui constituent un « contre-patrimoine de la culture populaire » (p. 197).
3Entre les personnages mythiques, les rencontres sont aussi possibles : si l’intertextualité entre Pinocchio et Jonas est stimulante, le rapprochement entre le Roi Singe et Peter Pan semble plus périlleux. Plusieurs contributions suscitent des interrogations : Ulysse est-il un personnage mythique ou un héros épique ? Que dire de la traduction française de la légende du Roi Singe ? Comment définir un « conte mythologique » ? Le loup ou la sorcière sont-ils des mythes ? Pourquoi le réinvestissement de la figure messianique dans le roman pour adolescents crée-t-il essentiellement des figures féminines ? Autant de questions qui montrent la fertilité du sujet choisi par Nathalie Prince et Sylvie Servoise et l’ampleur d’un champ de recherche qui est loin d’être épuisé.
Pour citer cet article
Référence électronique
Mathilde Lévêque, « Nathalie Prince, Sylvie Servoise (dir.), Les personnages mythiques dans la littérature de jeunesse », Strenæ [En ligne], 13 | 2018, mis en ligne le 15 mai 2018, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/1780 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.1780
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