Navigation – Plan du site

AccueilNuméros24VariaL’entrée d’un héros de bande dess...

Varia

L’entrée d’un héros de bande dessinée dans la culture sonore de l’enfance : le cas de Yakari en 1983

How a comics hero enters the sound culture of childhood: the case of Yakari in 1983
Benoît Glaude

Résumés

Cet article étudie comment un personnage de bande dessinée, présent depuis 1969 dans l’univers de papier des petits francophones, a pénétré leur culture sonore en 1983. Cette année-là, la dimension acoustique des albums réalisés par les auteurs suisses Derib (Claude de Ribaupierre) et Job (André Jobin) s’est développée via une série de dessins animés télévisés, qui a fait accéder Yakari non seulement au petit écran mais aussi, à travers ses produits dérivés, au tourne-disque. Ces premières expériences de sonorisation ont développé l’appropriation par l’oreille de l’œuvre dessinée, tout en permettant à l’auditeur de nouvelles utilisations multimodales et multisensorielles des objets de papier, particulièrement dans le cas des livres-disques. Cet article étudie successivement la production et la réception du son de l’univers multimédia de Yakari disponible en 1983.

Haut de page

Notes de l’auteur

Une version réduite de cet article a paru dans notre ouvrage Écouter la bande dessinée (Les Impressions Nouvelles, 2024, p. 197-213). Le présent article résulte du projet COMICS financé par le Conseil européen de la recherche (CER), dans le cadre du programme pour la recherche et l’innovation Horizon 2020, de l’Union européenne (convention de subvention n° 758502). Nos remerciements vont aux Archives de l’État à Tournai, en Belgique, pour nous avoir donné accès aux archives de la maison d’édition Casterman, ainsi qu’à Florian Moine, qui nous a généreusement partagé son expertise en la matière.

Texte intégral

  • 1 Salut Yakari. Bande originale de la série télévisée Yakari, musique d’Étienne Gilbert, chanté par A (...)

Au pays des élans,
Des bisons, des mustangs,
Nombreux sont tes amis,
Comm’ les brins d’herbe, Yakari1.

1Au milieu des années 1980, ces paroles chantées par Ariane étaient familières aux petits téléspectateurs de l’émission Récré A2, qu’elle animait aux côtés de la présentatrice vedette Dorothée. Aujourd’hui, une autre chanson de générique reste inscrite dans la mémoire auditive des jeunes qui ont découvert le papoose Yakari par la série animée des années 2000, à la télévision et en vidéo à la demande. Ainsi, plusieurs générations sont susceptibles de relier le héros des bandes dessinées de Derib (Claude de Ribaupierre) et Job (André Jobin) à une chanson, et de lui attribuer une voix.

  • 2 Cette recherche mobilise deux sources dans les archives de la maison d’édition conservées aux Archi (...)

2Cet article étudie comment un personnage présent depuis 1969 dans l’univers de papier des petits francophones a pénétré leur culture sonore en 1983. À vrai dire, Yakari n’avait pas attendu cette date pour investir le monde sonore domestique. On peut supposer que ses bandes dessinées ont toujours été lues oralement à des enfants, par des liseurs de tout âge. En 1983, la dimension acoustique de l’œuvre a pris de l’ampleur, via une série de dessins animés qui l’a fait accéder non seulement au petit écran, mais aussi, à travers ses produits dérivés, au tourne-disque. Ces premières expériences de sonorisation ont développé l’appropriation auditive de l’œuvre dessinée, tout en permettant de nouvelles utilisations multimodales et multisensorielles des objets de papier, particulièrement dans le cas des livres-disques. Le présent article analyse successivement la production et la réception du son de l’univers multimédia de Yakari disponible en 1983. D’une part, un dépouillement des archives de la maison d’édition Casterman2, qui gérait à l’époque les destins éditoriaux et audiovisuels de Yakari, nous renseignera sur la production de son univers sonore. D’autre part, nous reconstituerons l’expérience multisensorielle qu’offraient un album de bande dessinée, une vidéocassette de la série animée et un livre-disque.

Les premiers pas audiovisuels d’une maison d’édition

  • 3 Frédéric Sardet, « Le Crapaud à lunettes : émergence de la bande dessinée dans la littérature pour (...)

3Le petit Sioux n’est pas né entre les mains de Casterman. La série de bande dessinée est apparue en Suisse dans Le crapaud à lunettes, de 1969 à 1974, un magazine scolaire destiné aux 10-15 ans3, et s’est poursuivie dans le mensuel Yakari (1974-1996) qui paraissait en français et en allemand et qui, en s’adressant à des lecteurs de 6 à 9 ans, était plus proche du public-cible de Derib et Job. Le scénariste, André Jobin de son vrai nom, était le directeur des deux périodiques, ainsi que d’une déclinaison française du second, Yakari : Mon journal, mon ami, éditée par Bordas de 1982 à 1984. En outre, plusieurs épisodes de Yakari furent republiés dans la presse belge et française (Francs-Jeux de 1973 à 1979, Tintin de 1978 à 1982, et Pif en 1983). Cependant, son entrée sur le marché du livre franco-belge fut laborieuse. Dans les années 1970, les séries de bande dessinée étaient encore liées contractuellement à un magazine, qui avait la primeur de leur prépublication, et à la maison d’édition à laquelle celui-ci était adossé (comme Dupuis pour Spirou ou Le Lombard pour Tintin), qui avait la préséance pour en tirer d’éventuels albums. Difficile donc, pour une série déjà publiée dans la presse suisse, de pénétrer le marché éditorial franco-belge. Après avoir essuyé les refus de Dupuis et du Lombard, tenté la coédition pour le premier tome (Dargaud pour la France, Rossel pour la Belgique, 24 heures pour la Suisse) et l’autoédition pour le deuxième (paru chez André Jobin Éditeur), Derib et Job frappèrent à la porte d’un éditeur-imprimeur belge dépourvu de magazine pour la jeunesse.

4Le contrat éditorial signé en 1976 scelle la priorité du mensuel suisse Yakari pour la prépublication de la série, tandis que Casterman détient les droits des albums de bande dessinée, y compris celui de les adapter

  • 4 Contrat n° 2183, entre Derib, Job et Casterman, le 13 décembre 1976, archives Casterman, dossiers a (...)

sous quelque forme que ce soit : albums, disque, bandes magnétiques, cassettes, radio, télévision, théâtre, films fixes ou animés, photocopie, micro-film, et toutes exploitations dans le domaine du merchandising. Cependant, la société Union Druck Verlag à Soleure (Suisse) garde le droit d’exploiter, en Suisse et à l’étranger, le mensuel Yakari et d’employer les moyens nécessaires à son animation4.

5Ainsi, Union Druck Verlag, pour l’édition germanophone de Yakari, et les Imprimeries Réunies de Lausanne (IRL), son partenaire pour l’édition francophone, conservent les droits d’exploitation des autres contenus que la bande dessinée, paraissant dans le mensuel, qui sont liés à son héros vedette. Il s’agit de jeux, d’illustrations et de bricolages conçus par Job, Derib et son épouse, Dominique Renwa. Un premier livre d’activités, Viens jouer avec Yakari, nourri de contenus du mensuel suisse, est publié par les Imprimeries Réunies de Lausanne, en 1980, en partenariat avec Casterman. Trois ans plus tard, la maison belge en rachètera tous les droits aux IRL, ainsi que du matériel supplémentaire du mensuel Yakari pour créer un livre de découpages. À l’origine de ces premiers livres dérivés se trouve une initiative audiovisuelle venue de Suisse.

  • 5 Programme télévisé dans Radio TV-Je vois tout, n° 47, 1978, p. 32, et publicité pour le mensuel Yak (...)
  • 6 Lettre de Laurence Hutin-Siegrist à Job, Derib et Dominique Renwa, le 15 décembre 1978, archives Ca (...)
  • 7 Lettre d’Ivan Noerdinger à André Jobin, le 24 janvier 1979, archives Casterman, dossiers auteurs.
  • 8 Compte rendu par Ivan Noerdinger et Didier Platteau, pour le Comité jeunesse de Casterman, d’entret (...)

6Se sentant autorisés par les termes vagues du contrat, les auteurs et l’épouse de Derib contribuent à une émission enfantine de la Radio-télévision Suisse Romande, sans en avertir Casterman. Ils réalisent à Genève dix séquences de 90 secondes intitulées « Sur la piste avec Yakari », diffusées de septembre 1978 à juin 1979 dans l’émission La récré du mardi de la RTS. Le générique animé montre le héros sur son cheval Petit Tonnerre, mais le reste est tourné en images fixes. La presse romande présentait le programme, fondé sur des jeux imprimés du mensuel Yakari, comme un « jeu d’observation de Derib, Job et Dominique Renwa », en encourageant les parents à y participer avec leurs enfants5. Le son y occupait une place significative, comme l’explique la cheffe du Service jeunesse de la RTS, à propos de « l’épisode des cris d’animaux [diffusé le 28 novembre 1978] où l’on devait à la fois deviner le cri propre à chaque animal et le lieu où ils vivent6 ». Dans la même lettre adressée aux auteurs, Laurence Hutin-Siegrist annonce qu’elle a montré un pilote à ses homologues belges, canadiens et français de la Communauté des télévisions francophones, qui ont marqué leur intérêt pour le programme si un minimum de 20 épisodes était atteint. Découvrant ces premières adaptations télévisées par la promotion qu’en fait le mensuel Yakari, Ivan Noerdinger, employé au service international de Casterman, et Didier Platteau, éditeur qui s’affairait à moderniser le catalogue Jeunesse et Bande dessinée de la maison belge, prennent conscience qu’ils « pourrai[en]t produire ou co-produire ce type de matériel7 », et se montrent désireux de reprendre la main sur l’exploitation audiovisuelle de Yakari. Dans l’immédiat, ils émettent le souhait de coproduire le programme avec la RTS et envisagent d’éditer des produits dérivés pour une chaîne de supermarchés suisse : « coloriages, pochettes bricolage, petit album-jeu8 ». Rapidement, l’option d’une collaboration avec la RTS est écartée, laissant sans suite la première série animée au profit d’un nouveau projet d’animation produit par Casterman seul.

  • 9 Lettre de Didier Platteau à Derib et Job, le 22 décembre 1980, archives Casterman, dossiers auteurs

7La maison d’édition en confie la réalisation à un jeune studio bruxellois, Graphoui, constitué de six animateurs formés à La Cambre. Deux pilotes de cinq minutes sont présentés par Didier Platteau, en octobre 1980, à la Foire du livre de Francfort et au Marché international du film de télévision et de documentation, à Milan. À la fin du mois, Paul Herman, directeur des relations publiques de Casterman, vient les montrer dans les locaux de la Radio-télévision belge de la Communauté française. En décembre, Casterman engage « Marie-Claudine Benichou, nouvelle collaboratrice qui prendra en charge le suivi de la création [des dessins animés de Yakari] et les relations avec les studios9 ». Elle accompagne Didier Platteau pour présenter les épisodes pilotes au Festival international de télévision de Monte-Carlo, en février 1981, et se rend seule au Marché international des programmes de télévision de Cannes, en avril. Le même mois, les deux éditeurs belges sont reçus par Jacqueline Joubert au siège d’Antenne 2. Toutes ces tractations, dont Derib et Job sont informés par correspondance, ne servent pas seulement à démarcher des programmateurs de télévisions de divers pays, mais aussi à recueillir leurs conseils pour améliorer l’animation et, en particulier, à s’assurer l’accompagnement des équipes de la RTBF et d’Antenne 2.

  • 10 Rapport non signé, décembre 1982, classeurs Yakari TV.
  • 11 Mireille Chalvon, Pierre Corset et Michel Souchon, L’enfant devant la télévision (2e éd.), Tournai, (...)
  • 12 Bounthavy Suvilay, Dragon Ball, une histoire française, Liège, Presses universitaires de Liège, 202 (...)
  • 13 La série Yakari est, elle aussi, réalisée en semi-animation (Michel Jaumain et Guy Vandenbulcke, «  (...)
  • 14 B. Suvilay, Dragon Ball, op. cit., p. 171-172.
  • 15 Cette dernière maison de disques débauchera finalement l’animatrice de Récré A2 en 1987 pour produi (...)
  • 16 Florian Moine, Casterman de Tintin à Tardi (1919-1999), Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2022, (...)

8Le projet belge est bien accueilli par les programmateurs, « qui laissaient apparaître des signes de lassitude devant les animations de fabrication japonaise », même si plusieurs regrettent la brièveté des épisodes : « la programmation de 5’, même 52 fois, reste un laps de temps très court pour assurer une implantation massive, de type “Goldorak” ou “Sans famille”10 ». Durant l’été 1978, la productrice de télévision Jacqueline Joubert avait lancé sur la chaîne publique Antenne 2 une émission pour la jeunesse présentée par Dorothée. En dépit de sa popularité, Récré A2 suscita un scandale médiatique, dès sa première saison, en diffusant la série animée japonaise Goldorak. Un essai édité par Casterman l’année suivante, L’enfant devant la télévision, s’en fait l’écho. Ses auteurs (travaillant pour des institutions publiques : la chaîne de télévision FR3 et l’Institut national de l’audiovisuel) s’inquiètent notamment de « l’immense succès commercial des droits dérivés », en mentionnant des panoplies et des poupées à l’effigie du robot japonais11. Bounthavy Suvilay, autrice d’une thèse sur la réception française de Dragon Ball, explique que « la panique morale liée à Goldorak est liée à l’enfant-consommateur », alors qu’Antenne 2 participe activement à l’exploitation commerciale des dessins animés12. La production de Récré A2 fait doubler à bas coûts les dessins animés japonais, ce qui alimente les critiques sur leur supposée médiocrité (visant surtout la semi-animation13), mais elle investit davantage dans leurs génériques musicaux. Des compositions originales, chantées par des animateurs de télévision ou d’autres jeunes interprètes, permettent à Antenne 2 « de commercialiser de nombreux disques en tant que principal produit dérivé14 », en partenariat avec CBS France, les Disques Adès ou AB Productions15. La chaîne publique accueille la série Yakari comme ses autres dessins animés : en prêtant la voix d’Ariane au générique (comme, un peu plus tard, à celui de Dragon Ball), en apposant son logo sur les disques coproduits par CBS et Casterman, et en touchant une partie des royalties sur la cession des droits pour le merchandising16.

  • 17 Sylvain Lesage, Publier la bande dessinée. Les éditeurs franco-belges et l’album (1950-1990), Ville (...)
  • 18 F. Moine, Casterman de Tintin à Tardi, op. cit., p. 348-350 et 353.
  • 19 M. Jaumain et G. Vandenbulcke, « Le cinéma d’animation », op. cit., p. 24.

9De son côté, Casterman prépare une opération en librairie pour la rentrée 1983, à l’occasion du lancement du dessin animé sur Antenne 2, laquelle comporte une nouveauté dans la série de bandes dessinées, des livres d’activités (jeux, coloriages, découpages) et deux livres-disques, à côté de deux autres vinyles qui sortent chez les disquaires. La stratégie multimédia de Casterman, qui ambitionne avant tout les retombées éditoriales, vise ultimement un accroissement des ventes d’albums de bande dessinée. Toutefois, les ventes cumulées de la série Yakari, qui continue à s’enrichir d’une nouveauté par an, baissent progressivement après 1983 (ill. 1), tandis que « les ventes moyennes par album reviennent [en 1985] à leur niveau préadaptation (environ 13 000 exemplaires) et, en 1988, […] atteignent un pénible 9 000 exemplaires17 ». Quant aux livres dérivés, ils font un feu de paille en 1983. C’est particulièrement le cas des deux livres-disques : des 54 300 exemplaires de leurs tirages cumulés, 37 300 s’écoulent en 1983, ensuite les ventes stagnent. Commercialisés à 32 FF pièce, ce sont les livres les plus chers de l’opération de 1983, alors que le nouvel album de bande dessinée est à 29 FF. Dès 1985, Job suggère à Casterman une promotion pour liquider les 12 000 exemplaires restants, dont les derniers sont bradés à 2,50 FF en 1988, alors que le marché du vinyle s’écroule. Selon l’analyse de l’historien du livre Florian Moine, bien que « [l]a création audiovisuelle [de Yakari] s’avère en elle-même déficitaire » et que les ventes en librairie soient décevantes, l’expérience « conduit Casterman à changer les statuts de l’entreprise [en 1982] pour intégrer l’audiovisuel » et elle lui sert de banc d’essai pour la production d’autres séries animées adaptées de son catalogue18. Les amortissements entre 1982 et 1987 de la production des séries télévisées Yakari, Petzi, et Quick & Flupke ont été réalisés par Casterman, autant par l’édition de livres et disques (50 %) que par les cessions de droits de diffusion télévisée (30 %) et d’autres droits dérivés (20 %)19.

Illustration 1 : Ventes de livres en français et droits dérivés de Derib et Job, selon les comptes d’auteurs tenus par Casterman (1977-1987, archives Casterman, dossiers auteurs).

Le livre-disque comme bricolage éditorial

  • 20 Après sa diffusion télévisée, la série animée a été reprise en trois cassettes VHS en français, com (...)

10À la rentrée de 1983, les enfants découvrent Yakari à travers de multiples médias. À côté de la télévision et de la radio, offrant une diffusion sonore en direct, seuls les disques proposent une expérience acoustique qui soit réitérable à loisir, en attendant la reprise des dessins animés en vidéocassettes (la première, Yakari et Grand Aigle, sort l’année suivante20). Pour Casterman comme pour Antenne 2, la production sonore de l’univers fictionnel de Yakari tend vers cette destination, qui est le disque vinyle.

  • 21 Lettres de Didier Platteau à Louis Gérard le 30 mai 1980, et à Derib et Job le 26 août 1980, archiv (...)
  • 22 Ces novellisations (des adaptations littéraires de fictions provenant d’autres médias que la littér (...)

11Dès le lancement du projet d’animation, la maison de disques CBS France s’était montrée « intéressé[e] par la production de la bande musicale de Yakari » et par « la réalisation d’un disque et/ou d’un album-disque21 ». Casterman et CBS n’en étaient pas à leur première collaboration. Jusqu’ici, la maison d’édition belge n’avait eu de stratégie multimédia que limitée, s’étant bornée à dériver des sous-collections d’adaptations de son catalogue pour la jeunesse : entre 1962 et 1973, trois novellisations en albums22 des « Aventures de Tintin au cinéma », et de 1971 à 1973, douze « Livres-disques de l’Âge d’Or » et cinq « Livres-disques de Cadet-Rama ». Avec ces 17 livres-disques, cartonnés comme les albums pour la jeunesse qu’ils adaptent, mais dans un format (18,5 × 26,5 cm) ajusté à celui du disque 45 tours qu’ils contiennent, la maison d’édition s’était essayée à la production sonore. Elle avait confié leur conception à Francis Scaglia, spécialiste français du genre, qui travailla avec le compositeur François Rauber et avec l’ingénieur du son François Dentan, du Studio Europa Sonor à Paris. Comme l’indique le logo « CBS disque livre » sur les couvertures, la filiale française de Columbia Records s’est chargée du pressage des 45 tours. Les livrets sont composés d’une retranscription exhaustive des voix enregistrées, entièrement réécrites par Scaglia à partir des albums adaptés, et d’une sélection des illustrations originales. La voix narrative des albums originaux, désormais interprétée par un récitant, a été abrégée au profit de nouveaux dialogues, prononcés par une dizaine d’acteurs français (Paul Bisciglia, Christiane Lasquin, Sophie Sam, Alex Kinoo, Rolande Cabanis, Lucien Barjon, Olivier Hussenot, etc.).

  • 23 Mary Burkey fait la distinction entre, d’un côté, les lectures littérales enregistrées par un seul (...)
  • 24 Ibid., p. 7, 15, 35 et 58.

12Dix ans plus tard, les livres-disques de Yakari suivront le même processus de création, assuré par une équipe belge, et ils reprendront le format de leurs prédécesseurs, ainsi que le logo « CBS disque livre ». Ils perpétueront non seulement leur forme livresque, mais aussi leur réalisation sonore. Tous ces livres-disques ne sont pas des audiolivres, si l’on entend par là une lecture enregistrée, littérale et intégrale, souvent effectuée par un seul comédien23. Généralement, l’enregistrement de bandes dessinées prend la forme de dramatisations sonores, c’est-à-dire d’adaptations interprétées à plusieurs voix (celles des comédiens qui jouent les personnages et la voix d’un narrateur récitant), souvent accompagnées par de la musique et des bruitages. Leur origine remonte aux pièces radiophoniques, mais les disques, cassettes et CD du xxe siècle (comme le streaming et les boîtes à histoires d’aujourd’hui) ont rendu ces enregistrements ré-écoutables à volonté. Les livres-disques en sont un format particulier24, dont l’invention en France revient à Lucien Adès, fondateur de la collection discographique « Le Petit Ménestrel » en 1953. Ils offrent une expérience de réception simultanée : la lecture d’un livret illustré pendant l’écoute d’un disque. En 1983, cette collection accueille une série de livres-disques, adaptant Isabelle, le Docteur Poche, le Marsupilami, Spirou et Fantasio, pour les 45 ans du journal Spirou. Tous ces enregistrements adaptent des bandes dessinées à plusieurs voix, avec un récitant, des musiques et des bruitages, à l’exception du livre-disque Les bébés marsupilamis, entièrement raconté par Roger Carel. Ils sont tous accompagnés de livrets reprenant une transcription de l’enregistrement (en principe, « l’intégralité du texte dit, interprété et joué dans le disque », selon la notice reproduite sur la pochette de chacun), illustrée de reproductions de cases et de dessins originaux des auteurs des bandes dessinées adaptées.

  • 25 Lettre d’Étienne Gilbert à Marie-Claudine Benichou le 20 août 1982, archives Casterman, classeurs Y (...)

13En tout, quatre disques de Yakari pressés par CBS sont commercialisés à l’automne 1983 : un 45 tours de chansons, deux livres-disques en 45 tours et un 33 tours mêlant chansons et fictions sonores. Les enregistrements débutent en juin 1982, lorsque sont écrites les paroles, et enregistrée la musique, de « Salut Yakari », future chanson du générique des dessins animés. La chanteuse Ariane Carletti, animatrice d’Antenne 2, ne l’enregistre qu’un an plus tard. Hormis cette interprète française, la musique des quatre disques est le fait d’une équipe belge constituée d’Étienne Gilbert, qui assure « la composition des thèmes, l’orchestration, sa participation instrumentale, la direction d’orchestre, la supervision du mixage25 », des musiciens Sam McKinney, Alain Rochette, Philippe Allaert, Pierre Van Dormael, et des parolières Nora Desoutter, Claude Norman et Claudine Dailly. Cette dernière joue un rôle central dans la production de l’univers sonore de Yakari, en scénarisant également les adaptations sonores des deux livres-disques et en coordonnant la réalisation du 33 tours. Celui-ci est une compilation des trois autres disques (omettant seulement la « Chanson d’Arc-en-Ciel », face B du premier 45 tours), augmentée de deux fictions sonores adaptées par Dailly : « Nanabozo » et « La disparition de Tilleul ». Sa mise en œuvre est confiée à la compositrice-interprète belge dans un contrat, ébauché fin mai et signé fin juin 1983, avec « la société Casterman SA, Édition musicale » :

  • 26 Annexe au contrat n° 2474 entre Casterman et Claudine Dailly le 24 juin 1983, archives Casterman, c (...)

Mademoiselle Claudine Dailly se chargera de la conception du texte, qui sera soumis à l’accord des auteurs représentant l’œuvre originale, ainsi qu’à l’accord de l’éditeur […]. En collaboration avec le réalisateur technique, [elle] devra prévoir également l’insertion des illustrations sonores, et si besoin est, apportera sa participation artistique à la réalisation et au mixage26.

  • 27 Lettres de Didier Platteau à Derib et Job le 27 octobre 1980, et de Marie-Claudine Benichou à Derib (...)
  • 28 Carte de Job à Marie-Claudine Benichou le 28 avril 1983, archives Casterman, classeurs Yakari TV.

14Les auteurs Derib et Job jouent, pour les adaptations sonores comme animées, un rôle rémunéré de consultants. Dès l’automne 1980, ils connaissent l’intention de Casterman de développer tout un « matériel Yakari (coloriages, découpages, jeux, albums disques, etc.) […] pour une commercialisation lors de la sortie en télévision », mais ils ne discutent de la réalisation des disques qu’à l’hiver 1982, avec Marie-Claudine Benichou, à Vevey27. En février 1983, ils reçoivent les textes des livres-disques Yakari, Petit Tonnerre et Grand Aigle et Yakari, les castors et le pélican, sans connaître le nom de l’adaptatrice. Début mars, à la foire du livre de Bologne, ils fixent avec leurs éditeurs les termes d’un avenant au contrat de leur série de bandes dessinées, concernant les livres dérivés, qu’ils signeront en juin. Les dessins originaux de Derib pour les pochettes ou couvertures des quatre disques sont terminés à la mi-avril. À la fin du mois, les auteurs retournent à Benichou les textes corrigés des livres-disques qu’ils trouvent « très chouettes », en demandant de transmettre leurs remerciements à l’adaptateur anonyme28. Ils jugent seulement les titres trop longs, mais ceux-ci resteront inchangés.

  • 29 Robert Wangermée, Dictionnaire de la chanson en Wallonie et à Bruxelles, Liège, Mardaga, 1995, p. 1 (...)

15Le nom de Claudine Dailly apparaît sur un rabat de couverture et sur les macarons des 45 tours, dans des livres-disques relativement avares en données auctoriales : « (Bande originale de la série télévisée) / Narrateur : Philippe Geluk [sic] / Musique : Étienne Gilbert / Adapt. Claudine Dailly d’après les albums Yakari de Derib & Job / Réal. : Pierre Pivin ». Les deux livres-disques sont enregistrés le 3 mai (journée complète) et le 4 mai (matinée), sous la direction de Pierre Pivin, avec des acteurs belges tels que Patrick Beckers, Robert Lemaire, Alain Perpette et Marie-Odile Serve, mais aussi l’actrice française et chanteuse pour enfants Dominique Becker, qui interprète Yakari dans les dessins animés. Plusieurs employés de la télévision belge y contribuent à titre privé : l’ingénieur du son Stéphane Lizin, les animateurs Maïté Lanthin et Philippe Geluck. Ce dernier anime Lollipop, équivalent belge de Récré A2. En outre, Claudine Dailly a collaboré à des émissions pour enfants de la RTBF dans les années 1970, et le compositeur Étienne Gilbert deviendra « décorateur sonore à la RTBF » après son travail sur Yakari29. Les masters des trois 45 tours sont envoyés à CBS à la fin du mois de juin pour les pressages des disques. Au même moment (du 24 au 28 juin), les contenus additionnels du disque 33 tours, Salut Yakari : bande originale de la série télévisée, sont enregistrés par la même équipe que les livres-disques.

16La réalisation sonore s’effectue dans l’urgence, par rapport au temps consacré au travail éditorial sur les albums de bande dessinée. Tous les contrats d’auteurs liés aux disques, dans les archives Casterman, sont postérieurs aux enregistrements, à part celui de Claudine Dailly. Sous-traitée à cette dernière, la réalisation échappe à Derib, à Job et même, dans une moindre mesure, à l’éditrice Marie-Claudine Benichou. Elle affirme suivre « tous les enregistrements, y compris le mixage », mais elle n’a pas le temps de contrôler la bande mère du 33 tours envoyée à CBS, faisant confiance à Stéphane Lizin qui réalise le mixage instrumental définitif en juillet 1983. Or l’ingénieur du son inverse des pistes par inadvertance. Cette erreur n’est remarquée par les auteurs qu’à la fin du mois d’octobre, lorsqu’ils reçoivent leurs exemplaires du disque.

Illustration 2 : Pierre Pivin et al., Yakari, les castors et le pélican, illustré par Derib et Job, Tournai/Paris, Casterman/CBS, 1983, p. 4-5 © Derib + Job / Éditions du Lombard (Dargaud-Lombard S.A.), 2024.

  • 30 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 11 mai 1983, archives Casterman, dossiers auteu (...)
  • 31 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 27 juin 1983, archives Casterman, dossiers aute (...)
  • 32 Lettre de Derib et Job à Didier Platteau et Ivan Noerdinger le 3 août 1983, archives Casterman, dos (...)

17Ils n’ont pas plus de prise sur le contenu imprimé des livres-disques (ill. 2). Avant l’été 1983, Marie-Claudine Benichou négocie avec eux la forme des deux livrets de dix pages, bricolés par le studio graphique de Casterman avec des extraits du scénario de Claudine Dailly et des images des bandes dessinées. Une première maquette reprenait des cases à l’échelle, une seconde, à la demande de Derib, comporte des agrandissements débarrassés des cadres et bulles, mais les auteurs jugent le résultat catastrophique. Déplorant la violence du reproche, Benichou rappelle, en mai 1983, qu’il s’agissait d’une prémaquette : « [l]e texte mis en place n’est pas définitif ; la mise en page non plus, d’autant que les enregistrements ne sont pas terminés30 ». Elle leur propose une troisième maquette revenant à l’option initiale, dont elle leur envoie successivement les épreuves et les ozalids, dans le courant du mois de juin, en même temps que « les enregistrements des deux albums disques et la cassette du générique chantée par Ariane Carletti31 ». Les choses vont si vite qu’ils se plaignent d’avoir été « mis devant le fait accompli », autant pour les livres-disques que pour les livres de coloriages et de découpages32. L’éditrice justifie ainsi ses choix :

  • 33 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 9 juin 1983, archives Casterman, dossiers auteu (...)

Concernant les albums disques, un certain nombre de problèmes majeurs sont apparus au niveau de leur élaboration. L’un d’entre eux, et non des moindres, est le coût de photogravure extrêmement élevé qu’entraîne un traitement de la bande dessinée, avec agrandissement et détourage conjugués. […] De plus, le résultat n’est pas garanti et la mise en place du texte s’est avérée beaucoup trop lourde et sans attrait pour les petits. Nous avons donc, en accord avec Didier [Platteau] et Ivan [Noerdinger], opté pour une solution reprenant au format 1/1, certaines cases de l’album qui illustrent parfaitement les situations décrites par l’enregistrement. […] Cette solution, tout en respectant le graphisme des albums, sans toutefois leur ressembler, ne peut qu’inciter à les faire connaître et en motiver l’achat33.

  • 34 Casterman Collections 1984, Tournai, Casterman, 1983, p. 23.

18Dans le catalogue Casterman Collections 1984 diffusé à la fin de l’année précédente (ill. 3), les livres de Yakari sont tous désignés par le même terme : « albums Yakari » de bandes dessinées, « album-jeux », « albums à colorier », « album à découper » et « albums disques »34. L’insistance sur le format de l’album indique le public de ces livres, celui des albums pour la jeunesse, et valorise leur dimension iconique. Les productions secondes concurrencent graphiquement les bandes dessinées, non seulement en termes de place dans le catalogue (les produits dérivés en occupent le plus), mais aussi en termes de style graphique (les livres de coloriages n’étant manifestement pas de la main de Derib). Les éditeurs ont dû travailler au corps les auteurs pour qu’ils acceptent l’utilisation du matériel du studio d’animation Graphoui dans certains livres dérivés.

Illustration 3 : Catalogue Casterman Collections 1984, Tournai, Casterman, 1983, p. 23 © Derib + Job / Éditions du Lombard (Dargaud-Lombard S.A.), 2024.

Écouter Yakari en contexte multimédiatique

19Dès cette époque, on peut se demander dans quel média les enfants découvrirent Yakari et combien d’entre eux établirent un lien avec la bande dessinée. Les quatre disques portent sur leurs macarons la mention « Bande originale de la série télévisée », et tous sauf le 45 tours de chansons y ajoutent « d’après les albums de Derib + Job ». Les pochettes des 45 et 33 tours Salut Yakari sont sous-titrées Bande originale de la série télévisée, alors que seule la chanson du générique en provient. En Belgique, ces deux disques

  • 35 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 29 octobre 1983, archives Casterman, dossiers a (...)

sont diffusés le matin sur la RTBF au cours de l’émission « Musique au petit déjeuner » [en radio] présentée par Jacques Mercier dans la rubrique « le disque avant l’école » et cela durant toute une semaine. Ce passage fera l’objet d’un concours pour les enfants, concours récompensé d’un disque Yakari. La chanson, déjà programmée [en télévision] à plusieurs reprises par Antenne 2 sera également présentée par Philippe Geluck à l’émission « Lollipop »35.

  • 36 Anne Bustarret, L'enfant et les moyens d'expression sonore : disques, radio, magnétophone (3e éd.), (...)

20Pour beaucoup, écrit à l’époque la critique de disques Anne Bustarret, « la radio est ce fond de présence verbale ou musicale que l’on met dans la voiture et […] en entrant dans la cuisine », ce qui en fait un grand prescripteur de livres et de disques36. Découverte en famille au petit déjeuner, la chanson ouvre une porte sur un univers fictionnel, centré sur une série télévisée, dont on peut avoir le disque à la maison. De la production à la réception, l’adaptation télévisée renforce la multimodalité de Yakari et en encourage une appropriation collective. Les auteurs de l’essai déjà mentionné sur la télévision, réédité par Casterman en 1981, décrivent une activité familiale où chacun s’approprie les programmes qui le ciblent :

  • 37 M. Chalvon, P. Corset et M. Souchon, L’enfant devant la télévision, op. cit., p. 52.

Le plus souvent, la télévision est vue en famille. Rares sont les enfants qui la regardent seuls. Même dans la journée, ils se groupent autour de l’écran avec des frères, des sœurs ou des voisins37.

  • 38 Robert Rouyet, « Des chouettes bédés pour les bédéphiles juniors... et les autres », Le Soir, 10 ma (...)
  • 39 « Yakari famille », Yakari (éd. française), n° 11, 1983, p. 16d.
  • 40 Publicité dans Yakari (éd. française), n° 13, 1983, p. 20.

21Devant le tout multimédia constitué par l’opération éditoriale et les dessins animés, à la rentrée 1983, il paraît difficile de décrire la réception des albums de bande dessinée comme une activité de lecture autonome et solitaire. Depuis toujours, les bandes dessinées Yakari pouvaient déjà être lues à voix haute, par exemple par des parents à leurs enfants. En mai 1983, un critique du Soir recommandait chaudement Yakari au pays des loups, pour une expérience de lecture intergénérationnelle : « Toute la famille réunie autour d’un même album, c’est chouette, non ? Et ça change un peu de la télé38. » À l’en croire, la TV détrônait la BD parmi les divertissements des enfants. Similairement, on peut lire en juillet, dans le supplément destiné aux parents du mensuel Yakari, la recommandation d’un roman pour la jeunesse « qui va éloigner bien des enfants de leurs téléviseurs », d’autant que « [l]’époque des vacances est une bonne occasion pour prendre le temps de lire et musarder au fil des pages avec vos enfants39 ». La même page propose un choix de livres pour les 6-10 ans, comprenant les derniers albums du héros vedette du mensuel. Cependant, deux mois plus tard, une page rédactionnelle intitulée « Yakari sur ton petit écran » annonce le lancement international de la série animée, en se concluant ainsi : « Avec des milliers d’enfants, tu fredonneras bientôt la jolie chanson composée par Étienne Gilbert et interprétée par Ariane Carletti : “Salut, Yakari !”40 ». Sans le dire, la rédaction (dirigée par Job) d’un magazine n’offrant aucun espace aux annonceurs participait à une campagne publicitaire lancée à l’automne 1983.

  • 41 Publicité dans Pif, n° 764, 1983, p. 1 et 67.
  • 42 Publicité dans Livres Hebdo, vol. 5, n° 37, 1983, p. 11.
  • 43 Danièle Neumann, « Opération Yakari chez Casterman », Livres Hebdo, vol. 5, n° 36, 1983, p. 70-71.

22Yakari est un héros de télévision, tel est le message transmis par la campagne menée par Casterman. Dans ce cadre, le magazine Pif republie en feuilleton l’album qui sort en librairie (Les prisonniers de l’île), en annonçant sur une couverture « une grande aventure BD du héros de Récré A2 » et en accueillant une publicité où le héros affirme « tu peux me voir à la télé et dans mon nouvel album41 ». Dans Livres Hebdo, le magazine français des professionnels du livre, une publicité destinée aux libraires liste le matériel promotionnel (présentoir, chevalet, silhouette, affiche, sacs en plastique, prospectus, autocollants) mettant en valeur les nouveaux livres du « héros de la télé » et grâce auquel « les enfants reconnaissent “leur” coin dans la librairie42 ». À côté de l’opération éditoriale, des cessionnaires lancent des produits dérivés : jeux-puzzles chez Nathan, literie de La Redoute et vêtements chez Trois Suisses43. La campagne de lancement en librairie fait entrer le héros dans l’univers matériel de l’enfance.

  • 44 A. Bustarret, L'enfant et les moyens d'expression sonore, op. cit., p. 15.
  • 45 Ibid., p. 128.

23Le livre-disque en fait partie, en tant qu’objet manipulable à loisir, au même titre que les jouets et les vêtements dérivés de Yakari par diverses firmes, qui pénètrent les chambres d’enfant et les cours de récréation. Le disque 45 tours est, depuis les années 1960, un objet de socialisation des enfants et des jeunes. Comme les magazines, « le disque, objet fragile et mis à part par les adultes, circule de cartable en cartable44 ». À travers ces échanges, les élèves investissent leurs disques d’« un sentiment de “propriété” assez poussé », découlant « d’une présence affective différente du livre45 ». Les enfants apprennent très tôt à jouer des 45 tours, grâce au « mange-disque » :

  • 46 Ibid., p. 130.

sa commodité de maniement en fait l’outil des tout-petits (quatre à sept ans). Puis vient le plaisir de manier le bras, de tourner le disque soi-même et de régler la force, joint au plaisir du livre-disque souvent édité en 17 cm ; cela à partir de sept ans et jusque vers onze ou douze ans46.

  • 47 S. Fevry, « D’une image à l’autre », op. cit., p. 165.

24Le disque appelle le toucher, non seulement pour les étapes de sa mise en marche – sortir le disque de la pochette sans toucher les sillons, poser le saphir sur la première plage, retourner le disque au milieu de la lecture –, mais également au moment de son écoute, si l’on feuillette le livret prévu à cet effet, ou l’album de bande dessinée correspondant. Ce dernier acquiert la même fonction que le livre-disque, relativement à la télévision, qui est de « compenser la dématérialisation des images » animées par la permanence de ces supports de lecture, qui garantissent en outre « une certaine maîtrise sur le déroulement de leur contenu47 ».

  • 48 Casterman Collections 1984, op. cit., p. 23.
  • 49 M. Chalvon, P. Corset et M. Souchon, L’enfant devant la télévision, op. cit., p. 110 et 114-115.
  • 50 Ibid., p. 116.
  • 51 Claude Ecken, « De la lecture pour Buddy », Les cahiers de la bande dessinée, n° 50, 1981, p. 23.
  • 52 Pierre Fresnault-Deruelle, « Le jeu du texte et de l’image dans la bande dessinée », La Revue des l (...)

25Un catalogue de Casterman décrit les livres-disques comme « [d]es histoires pleines de vie, que l’on écoute avec ravissement et que l’on retrouve en images à l’intérieur de la pochette48 ». Cette complémentarité établie par les éditeurs reflète le débat contemporain sur la relation entre lecture et télévision. L’essai L’enfant devant la télévision affirme sans détour que « [l]’enfant passe devant la télévision le temps qu’il aurait pu passer à lire », n’envisageant de complémentarité qu’à condition de « se servir des émissions de télévision pour faire recourir l’enfant aux textes qui les ont inspirées », et seulement s’il s’agit de classiques littéraires49. Inversement, ses auteurs fustigent les livres pour la jeunesse « qui se réduisent à une trame où les événements se succèdent à toute vitesse selon des flashes rapides… “comme à la télé” », constituant « une illustration sous-titrée ou un feuilleton sur papier50 ». Sans la nommer, cette description fait songer à la bande dessinée, habituée à ce genre de critiques. Selon un bédéphile, qui s’exprime en 1981, « [l]e principal reproche adressé à Derib consiste en la lecture trop rapide de ses albums. L’opinion générale est unanime : il n’y a pas assez de texte51 ». Le chercheur littéraire Pierre Fresnault-Deruelle, tenant une conférence en 1980 devant des bibliothécaires, déconstruit « ce procès stupide qu’on entend partout : “Il n’y a pas de texte, ça désapprend à lire à nos enfants”52 ». En analysant, dans diverses bandes dessinées, la façon dont le texte peut ancrer ou relayer le sens de l’image, il met en évidence « un rapport texte-image [bâti] sur des bases autres que celle de la tyrannie du texte », en prenant en exemple la série Yakari.

  • 53 Joe Sutliff Sanders, « Chaperoning Words : Meaning-Making in Comics and Picture Books », Children’s (...)

26Pour un autre chercheur littéraire, Joe Sutliff Sanders, suivant le même raisonnement trente ans plus tard, la question est moins de savoir comment les mots limitent la polysémie des images (ce qui lui paraît évident), que de déterminer à qui les récits prévoient de confier leur propre lecture : « Qui active ces mots ? Qui les performe ?53 » L’expérience collective et multimodale de Yakari, en 1983, reste à étudier, en considérant la réception de la bande dessinée et de ses adaptations comme une performance. C’est ce que nous allons faire à présent.

  • 54 Derib et Job, Yakari et l’étranger, Tournai, Casterman, 1982 (rééd. Le Lombard, 2022), p. 3-19.
  • 55 Yakari et Grand Aigle, Las Vegas Video, 1984 (rééd. Videofilms, 1988), 11:55-16:07. Cassette VHS.
  • 56 Pierre Pivin et al., Yakari, les castors et le pélican, illustré par Derib et Job, Casterman-CBS, 1 (...)
  • 57 Benoît Glaude, « Child-Animal Interactions in Yakari’s Early Adventures: a Zoonarratological Readin (...)

27Prenons les 17 premières planches de l’album de bande dessinée Yakari et l’étranger54, correspondant à l’épisode de la série animée intitulé « Le pélican »55, diffusé le 7 octobre 1983 dans Récré A2, et adaptées dans la moitié du disque Yakari, les castors et le pélican56. Contrairement aux autres Sioux de sa tribu, l’enfant détient le pouvoir de parler avec tous les animaux, lesquels ont, pour la plupart, la même faculté que lui de communiquer entre espèces, par la parole57. Dans cet épisode, le petit héros soigne, avec l’aide d’amis castors, un pélican enrhumé qui s’est égaré pendant sa migration. Un adulte lisant les planches à un enfant peut se contenter d’en oraliser les textes, en montrant du doigt les locuteurs successifs. Toutes les cases contiennent des textes à lire, qui sont majoritairement des répliques de dialogue prononcées par Yakari et des onomatopées (nombreuses mais peu diversifiées) (ill. 4). Cependant, d’autres personnages émettent des bulles de paroles, et un narrateur extradiégétique signale, dans cinq brefs récitatifs, des ellipses temporelles : « Plus tard… », « Au petit matin… », etc. Impossible, lors d’une performance orale, de rendre intelligible le récit en lisant seulement ces textes narratifs, puisque toutes les bulles de personnages livrent des informations essentielles. Le tableau suivant, quantifiant la place dévolue à chaque voix, aux bruitages et à la musique, dans les trois versions de la même histoire, montre que la bande dessinée performée oralement aurait davantage en commun, d’un point de vue narratologique, avec la fiction sonore qu’avec le dessin animé. Cependant, lire tout haut une bande dessinée et l’enregistrer sont des activités moins semblables qu’elles n’en ont l’air.

Illustration 4 : Place des contenus textuels ou sonores dans trois versions d’un récit de Yakari.

  • 58 Lettre de Didier Platteau à Derib et Job le 27 octobre 1980, archives Casterman, dossiers auteurs.
  • 59 Yakari et Grand Aigle, op. cit., 12:30-12:35.
  • 60 Ibid., 14:39-14:46, nous soulignons.
  • 61 Ibid., 13:43-13:48.
  • 62 Ibid., 15:48-15:58.

28Dans le dessin animé « Le pélican », dénué de voix narrative (ill. 4), seul Yakari parle réellement (avec la voix de Dominique Becker), tandis que les castors et le pélican s’expriment en charabias, et que le cheval Petit Tonnerre reste muet. Dès le départ, Casterman, Graphoui et CBS n’avaient prévu qu’une voix, choisissant d’exprimer le contenu vocal restant en « un son international qui figurera d’ailleurs dans la bande bruitage58 ». Au départ, cette voix unique ne devait pas être celle du héros, mais celle d’un narrateur en voix-over, qui a finalement disparu, au profit de Yakari. Seul locuteur, il assume des fonctions narratives telles que la description d’événements (« Eh, regarde, Petit Tonnerre, Mille-Gueules apprend aux petits castors à construire une hutte59 » ; « Oh, la nuit n’a pas été bonne, ils [les castors] ont l’air fatigués60 ») et la reformulation des discours des animaux (« Mille-Gueules a raison, pélican, une bonne nuit de repos dans la hutte des castors et tu seras guéri61 »). En outre, l’épisode animé compte quatre fois plus de bruitages différents que le passage correspondant en bande dessinée. Contrairement à la musique, qui se borne à un rôle d’accompagnement, ils remplissent des fonctions similaires à la voix de Yakari, telles que la traduction du charabia des animaux. Lorsque le héros demande au pélican malade s’il va mieux62, l’oiseau baragouine une réponse tout en déployant ses ailes, les castors poussent des exclamations en applaudissant, mais aussitôt après, le pélican éternue. Le petit Sioux déduit de ces bruitages que « tout est à refaire ! » Même si le dessin animé semble se raconter tout seul, il l’est en grande partie par son personnage principal.

  • 63 Yakari, les castors et le pélican, op. cit., 00:01-00:03 et 00:08-00:19.
  • 64 Ibid., 2:19-2:27.

29Dans l’adaptation sonore, les bruitages occupent deux fois plus de place que dans le dessin animé (ill. 4), ils sont suivis quantitativement par la voix d’un narrateur (Philippe Geluck) et par l’accompagnement musical (composé dans la veine de l’épisode animé, toujours sous la direction d’Étienne Gilbert), qui devancent de peu les répliques de Yakari (interprétées par Dominique Becker). Un conteur extradiégétique se présente en ces mots : « Par le grand Waconda, écoutez… Je vais vous raconter comment Yakari fit la connaissance de toute la tribu des castors, et comment il sauva le pélican d’un rhume épouvantable qui mettait ses jours en péril63. » Sans être omniprésent, il plante les décors successifs et explicite certains bruitages (« Quel atterrissage ! L’oiseau vient de heurter brutalement la hutte de jeux. Le choc a été si brutal qu’elle est en mille morceaux64 »). Il ne se contente pas d’expliciter la dimension iconique manquant dans l’œuvre sonore (une fonction remplie également par les dialogues des personnages et par les illustrations du livret accompagnant le disque), il intervient également pour recadrer le récit composé de scènes dialoguées, régulant ainsi la vitesse narrative. Il distribue la parole aux animaux, qui s’expriment distinctement (à l’inverse des dessins animés), mais il n’a pas besoin de le faire pour Yakari, dont la voix est probablement bien identifiée par les auditeurs.

  • 65 Derib et Job, Yakari et l’étranger, op. cit., p. 12-14.
  • 66 Yakari, les castors et le pélican, op. cit., p. 4-9.
  • 67 Ibid., 1:48-6:33.
  • 68 J. Sutliff Sanders, « Chaperoning Words », op. cit., p. 61.
  • 69 Brigitte Ouvry-Vial, « Bedtime Storytelling Revisited. Le Père Castor and Children’s Audiobooks », (...)

30Les mêmes trois planches (mettant en scène Yakari et deux autres papooses dans leur village65) sont omises dans le disque et dans la vidéocassette, mais il ne faut pas en conclure que la fiction sonore adapte exclusivement le dessin animé. Si un audiolecteur saute les planches omises, il peut suivre la narration audio tout en parcourant l’album de bande dessinée. C’est un peu ce que fait le livret accompagnant le disque. Dans l’extrait que nous étudions66, 12 cases de l’album sont reprises par le livret, avec leurs bulles et onomatopées. Elles doivent être lues à la suite du texte typographié qui les accompagne. L’un dans l’autre, le livret reprend littéralement un peu plus de la moitié des propos enregistrés, pour le passage qui nous occupe67, constituant un digest combinant le disque et la bande dessinée. Comme dans un album pour la jeunesse, la voix du conteur (partiellement) retranscrite de l’enregistrement audio « prévoit un lecteur qui accompagne les mots pendant qu’ils sont communiqués à un lecteur qui écoute68 ». Comme le constate la chercheuse littéraire Brigitte Ouvry-Vial, sans les images, un album pour la jeunesse « apparaîtrait comme un disque nécessitant un appareil de lecture humain pour être entendu69 ». Cependant, le livret de Yakari, les castors et le pélican est un album particulier, à la fois retranscription (partielle) d’une fiction sonore et novellisation d’une bande dessinée. Comme les livres de coloriages et de découpages, il n’a pas le statut d’une œuvre autonome, tandis que la fiction sonore, l’épisode animé et la bande dessinée fonctionnent seuls, même s’ils supportent des combinaisons entre eux. L’on peut écouter le disque en feuilletant l’album de bande dessinée ; l’on peut remplir un livre de coloriages ou manipuler un découpage (ill. 5), tout en regardant une cassette VHS des épisodes.

Illustration 5 : Derib et Job, Découpe, plie, colle et anime le monde de Yakari, Tournai, Casterman, 1983, p. 11 © Derib + Job / Éditions du Lombard (Dargaud-Lombard S.A.), 2024.

  • 70 G. Berthet, C. Puskas et L. Morand, « Derib. Interview », op. cit., p. 12.

31C’est ainsi, au début des années 1980, que Yakari est entré dans la culture sonore de l’enfance. Cette sonorisation, qui a lieu simultanément dans plusieurs médias (disques, télévision, radio), déclenche une réception multimédia et multimodale du héros de bande dessinée. Ce déploiement à travers les médias justifie l’élargissement de notre approche auditive de l’œuvre pour englober la culture matérielle de l’enfance. La dimension acoustique amplifiant l’univers fictionnel de Yakari en 1983 s’inscrit dans un développement multimédia qui la dépasse, même si le disque vinyle est le destin fixé par Casterman, CBS et Antenne 2 pour cette production sonore. L’expérience audiovisuelle est toute nouvelle pour la maison d’édition belge, qui a le réflexe professionnel de rechercher des retombées en librairie, voire chez les disquaires, mais qui cède à d’autres firmes des droits d’exploitation dérivés. Quant aux auteurs Derib et Job, ils placent leur série d’albums au cœur de l’univers médiatique en expansion. Dans une interview d’avril 1982, le dessinateur fait cette déclaration : « Que l’avenir soit la vidéo, je n’y crois pas du tout, c’est un truc dérivé, ça aura peut-être un grand impact mais, à mon sens, la vie de la BD c’est l’album70. » Pourtant, l’expérience de lecture d’un album, plongée dans ce nouveau bain multimédia, s’en trouve modifiée. Feuilleté pendant l’écoute de son adaptation sonore, il permet désormais de voir un disque, lequel permet d’écouter un dessin animé, puisqu’il se présente comme la « bande originale de la série télévisée ». En outre, dans le travail des adaptateurs comme dans l’esprit du public, la bande dessinée n’occupe pas nécessairement la position d’une œuvre source. Plus que jamais, la matérialité, la temporalité, la sensorialité et la sociabilité de la réception de Yakari sont déterminées par la conjonction de plusieurs sens, en contexte multimédiatique.

Haut de page

Notes

1 Salut Yakari. Bande originale de la série télévisée Yakari, musique d’Étienne Gilbert, chanté par Ariane Carletti, Paris, CBS, 1983. Disque 45 tours.

2 Cette recherche mobilise deux sources dans les archives de la maison d’édition conservées aux Archives de l’État à Tournai : les cinq premières chemises du dossier auteur de Derib et Job, couvrant la période du 7 mai 1976 au 31 décembre 1988, et six classeurs intitulés « Yakari TV ».

3 Frédéric Sardet, « Le Crapaud à lunettes : émergence de la bande dessinée dans la littérature pour la jeunesse (1964-1974) », Bédéphile, n° 2, 2016, p. 40-43.

4 Contrat n° 2183, entre Derib, Job et Casterman, le 13 décembre 1976, archives Casterman, dossiers auteurs.

5 Programme télévisé dans Radio TV-Je vois tout, n° 47, 1978, p. 32, et publicité pour le mensuel Yakari dans 24 heures, n° 286, 1978, p. 52.

6 Lettre de Laurence Hutin-Siegrist à Job, Derib et Dominique Renwa, le 15 décembre 1978, archives Casterman, dossiers auteurs.

7 Lettre d’Ivan Noerdinger à André Jobin, le 24 janvier 1979, archives Casterman, dossiers auteurs.

8 Compte rendu par Ivan Noerdinger et Didier Platteau, pour le Comité jeunesse de Casterman, d’entretiens qu’ils ont menés à Genève avec Derib, Job et la RTS, les 16 et 17 mai 1979, archives Casterman, dossiers auteurs. En avril 1982, le dessinateur déclare que la chaîne Migros n’a utilisé que quelques dessins « comme jeu de piste dans des petits fromages », affirmant que jusque-là « Yakari n’a pour ainsi dire jamais servi de personnage publicitaire » (Guillaume Berthet, Claudius Puskas et Léonard Morand, « Derib. Interview », Hop !, n° 31, 1983, p. 14).

9 Lettre de Didier Platteau à Derib et Job, le 22 décembre 1980, archives Casterman, dossiers auteurs.

10 Rapport non signé, décembre 1982, classeurs Yakari TV.

11 Mireille Chalvon, Pierre Corset et Michel Souchon, L’enfant devant la télévision (2e éd.), Tournai, Casterman, 1981, p. 42.

12 Bounthavy Suvilay, Dragon Ball, une histoire française, Liège, Presses universitaires de Liège, 2021, p. 149.

13 La série Yakari est, elle aussi, réalisée en semi-animation (Michel Jaumain et Guy Vandenbulcke, « Le cinéma d’animation », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1217-1218, 1988, p. 10 et 20-21). Les techniques d’animation limitée, destinées à la télévision, incluent la réalisation de 6 à 12 images par seconde, l’emploi de plans fixes, la limitation du nombre de personnages intervenant dans chaque plan, ainsi que la réutilisation de décors et de mouvements d’un épisode à l’autre.

14 B. Suvilay, Dragon Ball, op. cit., p. 171-172.

15 Cette dernière maison de disques débauchera finalement l’animatrice de Récré A2 en 1987 pour produire le Club Dorothée sur une autre chaîne.

16 Florian Moine, Casterman de Tintin à Tardi (1919-1999), Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2022, p. 350.

17 Sylvain Lesage, Publier la bande dessinée. Les éditeurs franco-belges et l’album (1950-1990), Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, 2018, p. 350.

18 F. Moine, Casterman de Tintin à Tardi, op. cit., p. 348-350 et 353.

19 M. Jaumain et G. Vandenbulcke, « Le cinéma d’animation », op. cit., p. 24.

20 Après sa diffusion télévisée, la série animée a été reprise en trois cassettes VHS en français, commercialisées entre 1984 et 1988 par Las Vegas Video puis par Videofilms. De piètre qualité, elles compilent des épisodes remontés bout à bout, maladroitement débarrassés de leurs génériques, et portent des titres indépendants de leurs contenus.

21 Lettres de Didier Platteau à Louis Gérard le 30 mai 1980, et à Derib et Job le 26 août 1980, archives Casterman, dossiers auteurs. Finalement, « [c]ontrairement à ce qui était prévu à l’origine du projet, Casterman produit et prend à sa charge la réalisation de la musique des films et des maquettes des disques », confiant leurs pressages à CBS (annexe au contrat n° 2183 entre Casterman et Derib et Job, le 10 février 1982, archives Casterman, dossiers auteurs).

22 Ces novellisations (des adaptations littéraires de fictions provenant d’autres médias que la littérature) parues sous la forme d’albums destinés à la jeunesse accordent une grande place à l’illustration. Nous reprenons le concept à Sébastien Fevry, dans son article « D’une image à l’autre : la novellisation en album », Recherches en communication, vol. 31, 2009, p. 155-172, PDF de l'aricle disponible à l'adresse suivante : https://ojs.uclouvain.be/index.php/rec/issue/view/3613.

23 Mary Burkey fait la distinction entre, d’un côté, les lectures littérales enregistrées par un seul comédien ou réparties entre plusieurs et, d’un autre côté, les adaptations jouées à plusieurs voix (audio dramatizations), avec musiques et bruitages, dans la tradition du théâtre radiophonique. Voir son ouvrage Audiobooks For Youth: a Practical Guide to Sound Literature, Chicago, American Library Association, 2013, p. 13-14.

24 Ibid., p. 7, 15, 35 et 58.

25 Lettre d’Étienne Gilbert à Marie-Claudine Benichou le 20 août 1982, archives Casterman, classeurs Yakari TV.

26 Annexe au contrat n° 2474 entre Casterman et Claudine Dailly le 24 juin 1983, archives Casterman, classeurs Yakari TV.

27 Lettres de Didier Platteau à Derib et Job le 27 octobre 1980, et de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 16 février 1983, archives Casterman, dossiers auteurs.

28 Carte de Job à Marie-Claudine Benichou le 28 avril 1983, archives Casterman, classeurs Yakari TV.

29 Robert Wangermée, Dictionnaire de la chanson en Wallonie et à Bruxelles, Liège, Mardaga, 1995, p. 116-117 et 175.

30 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 11 mai 1983, archives Casterman, dossiers auteurs.

31 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 27 juin 1983, archives Casterman, dossiers auteurs

32 Lettre de Derib et Job à Didier Platteau et Ivan Noerdinger le 3 août 1983, archives Casterman, dossiers auteurs

33 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 9 juin 1983, archives Casterman, dossiers auteurs.

34 Casterman Collections 1984, Tournai, Casterman, 1983, p. 23.

35 Lettre de Marie-Claudine Benichou à Derib et Job le 29 octobre 1983, archives Casterman, dossiers auteurs.

36 Anne Bustarret, L'enfant et les moyens d'expression sonore : disques, radio, magnétophone (3e éd.), Paris, Les éditions ouvrières, 1985, p. 138 et 140.

37 M. Chalvon, P. Corset et M. Souchon, L’enfant devant la télévision, op. cit., p. 52.

38 Robert Rouyet, « Des chouettes bédés pour les bédéphiles juniors... et les autres », Le Soir, 10 mai 1983, p. 12.

39 « Yakari famille », Yakari (éd. française), n° 11, 1983, p. 16d.

40 Publicité dans Yakari (éd. française), n° 13, 1983, p. 20.

41 Publicité dans Pif, n° 764, 1983, p. 1 et 67.

42 Publicité dans Livres Hebdo, vol. 5, n° 37, 1983, p. 11.

43 Danièle Neumann, « Opération Yakari chez Casterman », Livres Hebdo, vol. 5, n° 36, 1983, p. 70-71.

44 A. Bustarret, L'enfant et les moyens d'expression sonore, op. cit., p. 15.

45 Ibid., p. 128.

46 Ibid., p. 130.

47 S. Fevry, « D’une image à l’autre », op. cit., p. 165.

48 Casterman Collections 1984, op. cit., p. 23.

49 M. Chalvon, P. Corset et M. Souchon, L’enfant devant la télévision, op. cit., p. 110 et 114-115.

50 Ibid., p. 116.

51 Claude Ecken, « De la lecture pour Buddy », Les cahiers de la bande dessinée, n° 50, 1981, p. 23.

52 Pierre Fresnault-Deruelle, « Le jeu du texte et de l’image dans la bande dessinée », La Revue des livres pour enfants, n° 74, 1980, p. 24.

53 Joe Sutliff Sanders, « Chaperoning Words : Meaning-Making in Comics and Picture Books », Children’s Literature, n° 41, 2013, p. 61 et 76 : « Who activates those words? Who performs them? »

54 Derib et Job, Yakari et l’étranger, Tournai, Casterman, 1982 (rééd. Le Lombard, 2022), p. 3-19.

55 Yakari et Grand Aigle, Las Vegas Video, 1984 (rééd. Videofilms, 1988), 11:55-16:07. Cassette VHS.

56 Pierre Pivin et al., Yakari, les castors et le pélican, illustré par Derib et Job, Casterman-CBS, 1983, Tournai/Paris, Casterman/CBS, 1983, 1:48-6:33. Livre-disque.

57 Benoît Glaude, « Child-Animal Interactions in Yakari’s Early Adventures: a Zoonarratological Reading », dans : Maaheen Ahmed (dir.), Strong Bonds: Child-animal Relationships in Comics, Liège, Presses universitaires de Liège, 2020, p. 239-255.

58 Lettre de Didier Platteau à Derib et Job le 27 octobre 1980, archives Casterman, dossiers auteurs.

59 Yakari et Grand Aigle, op. cit., 12:30-12:35.

60 Ibid., 14:39-14:46, nous soulignons.

61 Ibid., 13:43-13:48.

62 Ibid., 15:48-15:58.

63 Yakari, les castors et le pélican, op. cit., 00:01-00:03 et 00:08-00:19.

64 Ibid., 2:19-2:27.

65 Derib et Job, Yakari et l’étranger, op. cit., p. 12-14.

66 Yakari, les castors et le pélican, op. cit., p. 4-9.

67 Ibid., 1:48-6:33.

68 J. Sutliff Sanders, « Chaperoning Words », op. cit., p. 61.

69 Brigitte Ouvry-Vial, « Bedtime Storytelling Revisited. Le Père Castor and Children’s Audiobooks », dans : Matthew Rubery (dir.), Audiobooks, Literature, and Sound Studies, New York/Abingdon, Routledge, 2011, p. 191: « […] would appear as a record requiring a human player to be heard. »

70 G. Berthet, C. Puskas et L. Morand, « Derib. Interview », op. cit., p. 12.

Haut de page

Table des illustrations

Légende Illustration 1 : Ventes de livres en français et droits dérivés de Derib et Job, selon les comptes d’auteurs tenus par Casterman (1977-1987, archives Casterman, dossiers auteurs).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/11153/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 47k
Légende Illustration 2 : Pierre Pivin et al., Yakari, les castors et le pélican, illustré par Derib et Job, Tournai/Paris, Casterman/CBS, 1983, p. 4-5 © Derib + Job / Éditions du Lombard (Dargaud-Lombard S.A.), 2024.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/11153/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 178k
Légende Illustration 3 : Catalogue Casterman Collections 1984, Tournai, Casterman, 1983, p. 23 © Derib + Job / Éditions du Lombard (Dargaud-Lombard S.A.), 2024.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/11153/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 439k
Légende Illustration 4 : Place des contenus textuels ou sonores dans trois versions d’un récit de Yakari.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/11153/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 50k
Légende Illustration 5 : Derib et Job, Découpe, plie, colle et anime le monde de Yakari, Tournai, Casterman, 1983, p. 11 © Derib + Job / Éditions du Lombard (Dargaud-Lombard S.A.), 2024.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/docannexe/image/11153/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 332k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Benoît Glaude, « L’entrée d’un héros de bande dessinée dans la culture sonore de l’enfance : le cas de Yakari en 1983 »Strenæ [En ligne], 24 | 2024, mis en ligne le 22 septembre 2024, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/11153 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12evj

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search