Fanuel Hanán Díaz, Sombras, censuras y tabús en los libros infantiles
Fanuel Hanán Díaz, Sombras, censuras y tabús en los libros infantiles, Cuenca, ediciones de la Universidad de Castilla La Mancha, coll. «Arcadia », 2020.
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1Dans ce petit volume publié par les Presses Universitaires de Castilla La Mancha, le chercheur vénézuelien en littérature pour la jeunesse Fanuel Hanán Díaz nous parle, dans une langue soignée, de la censure en littérature pour la jeunesse et plus particulièrement en littérature enfantine – si l’on considère les nombreux albums illustrés cités. Il adopte une approche maïeutique pour inviter le lecteur à réfléchir avec lui sur le sujet, en posant des questions auxquelles il ne répond pas toujours, la question n’étant qu’une invitation à la réflexion et probablement une manière d’éviter des réponses prescriptives. Le propos divulgateur de l’ouvrage explique sans doute les répétitions, les digressions observées dans le texte, l’absence de notes ou de référence des citations, et la bibliographie théorique réduite.
2Pour commencer, Fanuel Hanán Díaz développe quelques considérations historiques générales, pour rappeler l’empreinte pédagogique et morale dans la littérature pour la jeunesse en fonction de la représentation que chaque société et chaque époque s’est faite de l’enfance et du discours pouvant lui être adressé. Il évoque ainsi la censure de nature religieuse et politique, justifiée par le souci de protection de la morale ou de la sensibilité des lecteurs.
3Il reconnaît une évolution favorable ces dernières années, mais constate que les catalogues d’éditeurs et les listes de recommandations montrent que nos sociétés continuent de veiller sur les valeurs que la littérature pour la jeunesse transmet aux enfants, et que la majeure partie de la production éditoriale navigue dans les eaux du politiquement correct. L’auteur observe notamment une forme de résistance envers certains thèmes, tels que la nudité ou la religion, ou envers certaines caractéristiques formelles, telles que l’usage de mots grossiers ou vulgaires.
4L’auteur fait ensuite le lien entre censure et tabous, définissant ces derniers comme l’ensemble des interdits qui frappent le contenu des livres pour la jeunesse à un moment donné. Il rappelle que ces interdits révèlent surtout un désir d’apprendre ou de découvrir ce qui est caché, et qu’ils invitent en fait à la transgression, le langage littéraire exploitant aisément le double sens pour occulter ou dévoiler ce que certains veulent prohiber. L’auteur ajoute que la censure est d’autant plus vaine que, dans sa vie quotidienne, le jeune lecteur est souvent confronté à tout ce que le censeur veut effacer.
5Fanuel Hanán Díaz admet cependant qu’il est parfois difficile de parler de la réalité car elle est en partie recouverte de zones d’ombres individuelles (émotions, peurs, préjugés, etc.) ou collectives (désirs enfouis, sentiments inavouables partagés par l’ensemble de la société), qui la dissimulent. Difficile mais pas impossible, comme le montrent les contes traditionnels et les albums qui débusquent ce que les ombres occultent à travers une approche symbolique.
6L’auteur évoque ensuite la censure qui frappe les classiques pour la jeunesse à partir de leur lecture rétrospective, chargée des valeurs actuelles. Il l’associe au mouvement du politiquement correct qui s’est développé aux États-Unis à partir des années 1990, mais n’insiste peut-être pas assez sur le fait que ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus ample, qui concerne également la littérature classique générale, l’art ou le cinéma, et qu’il s’étend maintenant au-delà des frontières états-uniennes.
7Après avoir évoqué rapidement la littérature pour les jeunes adultes, l’auteur tente de distinguer les livres retadores, que l’on pourrait traduire par provocateurs, des livres perturbateurs. Les premiers s’emparent des thèmes tabous pour lancer un défi au lecteur et l’inviter à y réfléchir, les seconds utilisent ces mêmes thèmes sans objectif clairement défini, avec un effet angoissant ou déstabilisant sur le lecteur. Fanuel Hanán Díaz signale toutefois qu’il est difficile d’établir un consensus autour de cette distinction, ce qui est provocateur pour les uns étant perturbateur pour les autres. Revenant aux livres pour enfants, il énonce ensuite des procédés stylistiques permettant d’aborder n’importe quel thème sans heurter les lecteurs, comme les allusions, les ellipses ou les métaphores. Il rappelle également l’importance de la médiation pour préparer et accompagner la lecture en contextualisant le texte/l’illustration et en encourageant la prise de parole. Après une dernière salve de questions, l’auteur conclut l’ouvrage à l’aide d’une liste des thèmes polémiques à la mode : le rôle des nouvelles technologies dans nos vies, nos relations avec l’intelligence artificielle, les manipulations génétiques, les défis écologiques que l’on doit affronter, les questions spirituelles et religieuses émergentes, etc.
8L’ouvrage sera particulièrement intéressant pour les lecteurs souhaitant découvrir la littérature de jeunesse latino-américaine, largement représentée dans les exemples sélectionnés par l’auteur. Le problème étant que l’ouvrage juxtapose des espaces géographiques très différents (États-Unis, Amérique latine, Espagne) sans véritable transition et sans analyser le contexte social, politique, culturel et historique qui explique l’apparition de types particuliers de censure ou de tabous.
Pour citer cet article
Référence électronique
Esther Laso y León, « Fanuel Hanán Díaz, Sombras, censuras y tabús en los libros infantiles », Strenæ [En ligne], 22 | 2023, mis en ligne le 05 mai 2023, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/strenae/10085 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/strenae.10085
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