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Les services enfance-jeunesse dans le périurbain toulousain

How services for infants and young children in greater Toulouse are changing
Los servicios a la infancia y a la juventud en el periurbano tolosan
Fabrice Escaffre
p. 113-125

Résumés

Considérant qu’un des traits majeurs de la périurbanisation se réside dans la place qu’y occupent les ménages comportant des enfants ou des jeunes, cet article analyse les évolutions récentes de l’organisation des services s’adressant à ces publics dans les territoires périurbains. L’analyse thématique d’entretiens réalisés auprès d’acteurs des services à l’enfance et à la jeunesse d’une douzaine de territoires de l’aire urbaine de Toulouse permet d’abord d’étudier la multiplicité des territoires de référence retenus pour organiser ces services. L’article met ensuite l’accent sur le caractère fondamentalement évolutif des territoires périurbains qui se traduit par des interactions complexes entre le développement résidentiel et celui des services aux habitants. Il s’arrête enfin sur les discours des acteurs locaux rencontrés accréditant l’existence d’un processus de banalisation des modes de vie des périurbains au sein duquel s’observe néanmoins de fortes contraintes temporelles et/ou financières.

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Texte intégral

1Les transformations des modes de vie (plus d’insécurité sociale, plus de mobilité…) ainsi que celles de la structure des ménages (augmentation des familles recomposées, vieillissement…), les évolutions du peuplement des territoires (étalement urbain, renforcement de la division sociale de l’espace…), la volonté de protection et d’assurance de l’avenir des enfants constituent autant de dynamiques sociétales qui influencent les conceptions et les mises en œuvre des actions d’éducation formelle ou non de la jeunesse. Si ces évolutions s’observent à des degrés divers dans tous les territoires, elles revêtent une dimension particulière dans les territoires périurbains. L’installation de nouveaux habitants s’y accompagne de l’augmentation de la demande de services, notamment de services enfance-jeunesse. Accueillir des habitants est ainsi un moyen de maintenir ou de développer, dans des zones où elles étaient parfois en déclin, des activités culturelles, sportives ou des services publics comme l’école, les crèches, les centres de loisirs. C’est aussi devoir faire face aux demandes et aux besoins d’une population qui en venant s’installer en périurbain s’éloigne des zones plus équipées ou mieux desservies. Bien sûr, à partir de leurs déplacements quotidiens, en jouant sur différentes échelles, les périurbains construisent des modes d’habiter au sein desquels les pratiques d’accès aux services en général et aux services enfance-jeunesse en particulier occupent une place centrale. La figure bien connue de la mère de famille faisant office de taxi le mercredi après-midi est là pour le rappeler. Ce dernier constat appelle toutefois une précision : tous les périurbains ne sont pas égaux face à la mobilité (Rougé, 2007) et donc face à l’accès aux services, certains parce qu’ils sont plus modestes, plus âgés ou plus jeunes, d’autres parce qu’ils habitent des territoires offrant très peu de services à proximité de leurs domiciles.

2Considérant l’importance contemporaine des questions relatives à l’enfance et à la jeunesse et le fait que le développement périurbain se caractérise largement par la place qu’y occupent les ménages jeunes ayant un ou plusieurs enfants, nous avons été attentifs ces dernières années dans ces territoires aux évolutions des services s’adressant à la petite enfance, à l’enfance et à la jeunesse.

3Derrière ces tranches d’âges, se cachent de multiples définitions. On connaît celles liées aux découpages propres à la scolarité. On sait qu’elles ne correspondent pas exactement à celles utilisées pour les activités sportives, culturelles ou celles relevant des temps « périscolaires ». Le partage entre la petite enfance, l’enfance et la jeunesse est cependant toujours très ancré. Il ne doit pour autant pas faire oublier qu’il cache des parcours personnels plus ou moins linéaires. Il convient aussi d’avoir à l’esprit que les étapes qui le composent évoluent au gré, par exemple, de l’allongement de la jeunesse (Galland, 2004). Ces découpages en âge persistent alors que par ailleurs les activités de la jeunesse se différencient fortement selon des dimensions temporelles, spatiales et selon les acteurs qu’elles mobilisent. Les temporalités organisant les vécus de la jeunesse sont d’abord influencées par la projection vers l’avenir que représentent les jeunes. Pour ce qui est de leur présent, elles sont morcelées par les rythmes scolaires (à l’échelle d’une journée comme d’une année). Spatialement, les jeunes, en particulier les enfants, inscrivent plutôt leurs activités quotidiennes dans des territoires à proximité de leur domicile. Ces espaces vécus s’étendent, avec l’âge dans un contexte où l’accès à la mobilité s’affirme comme un attribut majeur pour organiser ses réseaux relationnels autant qu’accéder à la formation, aux loisirs ou à l’emploi (Escaffre, Gambino, Rougé, 2007 ; Escaffre et Lefèvre, à paraître). Enfin, il faut souligner la diversité des acteurs qui interviennent auprès de la jeunesse : enseignants, animateurs, associatifs mais aussi évidemment parents et de plus en plus prestataires de services commerciaux.

4L’acuité et la complexité des questions liées aux services à l’enfance et à la jeunesse (Bacconnier et al., 2008) expliquent qu’ils en soient venus à occuper ces dernières années une place prépondérante dans les projets locaux, tant à l’échelle des communes que des intercommunalités. Le lien étroit existant entre eux et les possibilités d’accès à l’emploi pour les parents (en particulier pour les mères) explique pour beaucoup cette place (David, 2007). Dans les modes de vie des ménages, ces services sont stratégiques en particulier dans les territoires où pour vivre correctement les ménages ont besoin que les deux parents travaillent. Cette situation est vécue de manière encore plus tendue lorsqu’elle y concerne des familles monoparentales.

  • 1 Contrat Temps Libre ; Contrat Éducatif Local ; Contrat Enfance Jeunesse.

5Face à cela et dans un souci d’assurer aux enfants de bonnes conditions d’éducation et d’épanouissement, les collectivités locales ont largement construit au cours des 10 dernières années des réponses articulant localement une gamme de services et d’activités diversifiées. Différents contrats1 leur ont ainsi permis, en lien avec les services de l’État (Services Déconcentrés du Ministère de la Jeunesse et des Sports, Caisse d’Allocations Familiales), de réfléchir, de financer et de mettre en œuvre des actions dans le but de développer et/ou de structurer la diversité de l’offre d’activités présentes sur leur territoire. Cela a aussi parfois conduit les collectivités à modifier leur territoire d’analyse ou d’intervention pour tenir compte des évolutions de la répartition spatiale des populations et des transformations de leurs besoins.

6Dans le présent article, les services enfance-jeunesse sont considérés comme un objet d’étude permettant d’analyser les territoires périurbains. Cet objet d’étude se caractérise par une grande diversité puisqu’il renvoie à la fois à des équipements (crèches, écoles, collèges, cyberbases…), à des activités organisées (associations sportives, culturelles, animation périscolaire…) voire à des démarches contractuelles. Ces services occupent une place importante dans la gestion locale en particulier à travers la prestation d’un service « public » en régie directe, avec le concours d’associations locales ou de fédérations d’éducation populaire.

7Cet objet a été étudié dans le contexte toulousain au cours des cinq dernières années c’est-à-dire durant une période de recomposition des territoires de projet et de gestion (Estèbe, 2008). Il s’agissait d’abord d’observer comment s’organise l’offre de ces services. Font-ils partie des charges dont on juge le transfert préférable vers un établissement public de coopération intercommunale ou vers un syndicat intercommunal ? Les considère-t-on au contraire comme des services « de proximité » relevant forcément de l’échelle communale ? À partir de cette observation de l’offre, la place de ces services dans les projets locaux est ensuite analysée. Comment les articule-t-on avec le développement de l’urbanisation ? Avec l’accueil de nouvelles populations ? Cela a permis de recueillir les points de vue des acteurs sur les populations récemment installées. Enfin, en filigrane de tout cela, on retrouve une interrogation sur les modes d’habiter et les modes de vie périurbains, en particulier ceux des enfants et des jeunes : comment leur vie quotidienne s’organise-t-elle ? De quelle manière influence-t-elle la mobilité journalière de leurs parents voire les choix résidentiels de ceux-ci ? Après avoir présenté la méthodologie d’enquête mise en œuvre et les matériaux collectés, nous reviendrons sur chacun de ces champs d’interrogation.

I – Méthodologie d’enquête

  • 2 Le diagnostic enfance-jeunesse de la Communauté de communes Garonne et Canal réalisé en 2006 aux ma (...)
  • 3 Le diagnostic enfance-jeunesse de la commune de Labège réalisé en 2010.
  • 4 DEDPAD : Diplôme d’État de Directeur de Projet d’Animation et de Développement. Ce diplôme a été ab (...)

8La méthodologie mise en œuvre pour enquêter sur les services enfance-jeunesse n’est pas conventionnelle. Elle s’est construite à partir de différents engagements et programmes de recherche entre 2006 et 2010. Certains de ces blocs renvoient à ma participation directe à la préparation de diagnostics locaux préalables pour l’un à la réorganisation de l’offre de services enfance-jeunesse sur un territoire intercommunal aux marges de l’aire urbaine de Toulouse2, pour l’autre à la signature d’un contrat enfance-jeunesse entre la CAF de Haute-Garonne et une commune située en première couronne au sein du pôle urbain de Toulouse3. D’autres parties de l’enquête ont été conduites indirectement à travers l’encadrement de la réalisation de mémoires de DEDPAD4 ou de Licence Professionnelle « animation » portant sur des sujets et des territoires analysés ici. Enfin, une grande partie des matériaux collectés l’a été dans le cadre d’un projet de recherche exploratoire mené dans le cadre du groupe ESIU du CERTU (Escaffre F., Bacconnier S., 2010). C’est à cette occasion que plusieurs territoires de l’aire urbaine de Toulouse – communaux et intercommunaux – ont plus particulièrement été enquêtés (tabl. 1 et fig. 1).

Tableau 1 – Caractéristiques des territoires étudiés dans l’étude ESIU

Nom

Type

Communes membres

Population en 1999

Population en 2006

Communauté d’agglomération du Muretain

Intercommunalité

Portet, Pinsaguel, Roquettes, Saubens, Muret, Labastidette, Saint Clar de Rivière, Saint Lys, Saint Hilaire, Le Fauga, Eaunes, Labarthe sur Lèze, Vilatte, Pins Justaret.

58 553

68 101

Muret-sur-Garonne

Commune

20 742

23 622

Labarthe-sur-Lèze

Commune

4 637

4 758

Communauté de communes des Coteaux du Girou

Intercommunalité

Verfeil, Saint Pierre, Montpitol, Roquesérière, Montastruc, Gragnague, Garidech, Lapeyrouse Fossat, Bazus, Montjoire, Paulhac, Bonrepos-Riquet.

13 307

15 761

Gragnague

Commune

1 437

1 554

Montastruc-La-Conseillère

Commune

2 487

3 028

Bouloc

Commune

2 930

3 716

Pibrac

Commune

7 440

7 712

La Salvetat-Saint-Gilles

Commune

5 786

6 311

Escalquens

Commune

5 476

5 678

Castanet-Tolosan

Commune

10 394

10 329

Sources : INSEE et enquêtes FE/SB

Fig. 1 – Localisation des territoires étudiés dans l’étude ESIU

Fig. 1 – Localisation des territoires étudiés dans l’étude ESIU

9Le point commun de ces différents travaux est d’avoir accordé une place centrale à la réalisation d’entretiens auprès d’acteurs intervenant dans les services enfance-jeunesse. Ont ainsi été rencontrés : des élus communaux, des responsables associatifs, des directeurs de structures d’animation, des animateurs, des représentants de parents d’élèves, des agents de la CAF, de la DDJS 31, du conseil général de la Haute-Garonne, des responsables de fédérations d’éducation populaire, etc.

10Les matériaux sur lesquels nous nous appuyons sont donc principalement des discours recueillis dans le cadre d’entretiens semi-directifs avec des acteurs. Les usagers des services enfance-jeunesse (enfants, jeunes ou parents) n’ont pas été directement rencontrés sauf dans le cadre des diagnostics pré-opérationnels auxquels j’ai participé. Là des enquêtes par questionnaires ont été conduites. Pour être précis, le présent article s’appuie donc principalement sur une cinquantaine d’entretiens, secondairement sur deux enquêtes par questionnaires et enfin, de manière complémentaire, sur le suivi d’une vingtaine de travaux de mémoires réalisés par des professionnels de l’animation socioculturelle dans le cadre de formation continue diplômante.

  • 5 Les trois principales étant la Communauté Urbaine du Grand Toulouse, la Communauté d’Agglomération (...)
  • 6 C’était en particulier le cas de la Fédération Départemantale Léo Lagrange de Haute-Garonne jusqu’à (...)

11Les analyses qui suivent souffrent évidemment des limites propres à cette méthodologie. Nous avons néanmoins toujours veillé à recueillir des points de vue différents dans chacun des territoires étudiés. Le choix de ces territoires a aussi varié selon différentes caractéristiques. Ils ne sont pas à la même distance de Toulouse, l’urbanisation y est plus ou moins récente et maîtrisée et ils accordent une place variable aux services enfance-jeunesse dans leur projet et dans sa mise en œuvre. Enfin, ils sont situés dans des parties de l’aire urbaine différenciées par leur peuplement. Malgré cette diversité de critères, les analyses qui suivent ne sont pas généralisables au-delà d’une certaine limite. La périurbanisation toulousaine a ses traits propres. Ceux-ci découlent notamment du fait de la forme qu’y ont pris les recompositions intercommunales au sein du pôle urbain. Plusieurs entités intercommunales5 s’y partagent un territoire dont les caractéristiques pourraient justifier l’existence d’une Communauté Urbaine au périmètre plus large que celui de l’actuel Grand Toulouse. Par ailleurs, les services enfance-jeunesse y sont influencés par des éléments d’histoire locale comme la présence particulière de certaines fédérations d’éducation populaire6, pas forcément aussi influentes ou organisées de la même manière ailleurs en France.

II – L’organisation des équipements « enfance-jeunesse » dans le périurbain toulousain

12En n’en reprenant ici que la synthèse d’un travail de recensement des équipements et services enfance-jeunesse présents dans les territoires périurbains de Toulouse, on s’aperçoit d’abord du niveau élevé d’équipement de la plupart des communes de l’auréole limitrophe de la commune centre. Ayant connu une croissance résidentielle ancienne, ces communes ont adapté leurs équipements pour les porter parfois aujourd’hui à un niveau de service supérieur à celui de Toulouse. Les communes de Labège et Castanet-Tolosan par exemple, sur lesquelles nous avons plus particulièrement travaillé, situées au sud-est du pôle urbain font partie de ces communes bien équipées dans lesquelles la quantité des services est élevée pour une population certes nombreuse mais dont la croissance a été jusqu’ici maîtrisée. On s’aperçoit ensuite que le niveau d’équipement décroît progressivement avec l’éloignement du centre de l’aire urbaine et la baisse de densité de population. Ce constat connaît cependant des nuances. D’abord certains pôles urbains importants comme Muret au sud-ouest ou plus petits comme Auterive et Cintegabelle au sud, Baziège au sud-est ou Saint-Sulpice au nord, rattrapés par l’urbanisation ont conservé ou développé des niveaux élevés d’équipement. Ensuite, les communes situées à proximité des principaux axes de communication sont généralement mieux équipées.

13Du point de vue de l’équipement en services enfance-jeunesse, il y a donc plusieurs territoires périurbains toulousains même s’il faut avoir à l’esprit que ceux-ci sont quotidiennement reliés par les déplacements des ménages périurbains. Pour certains territoires, en particulier ceux composés des communes de première couronne, la gamme complète des équipements enfance-jeunesse, laisse penser que les services y sont nombreux, aujourd’hui principalement à entretenir et à dimensionner au gré de l’accueil de nouveaux habitants. C’est clairement la situation dans laquelle se trouve la commune de Labège. Dans d’autres territoires, plus éloignés de Toulouse, l’enjeu est encore de constituer tout ou partie d’une offre satisfaisante pour les besoins en service enfance-jeunesse qui restent nombreux. Enfin, la carte montre bien le rôle de centralité joué par certaines communes dans lesquelles les équipements et les services polarisent les populations habitant les communes alentour. Les niveaux d’équipement très faible n’apparaissent que dans un nombre limité de communes de l’aire urbaine, surtout sur ses marges intérieures ou extérieures. Là, dans des territoires constitués de communes souvent peu peuplées et où l’urbanisation est parfois rapide, les besoins sont nombreux mais très éparpillés.

Fig. 2 – Niveau d’équipement « enfance-jeunesse » des communes périurbaines de Toulouse

Fig. 2 – Niveau d’équipement « enfance-jeunesse » des communes périurbaines de Toulouse

14Pour réaliser la figure 2, nous avons choisi de retenir plusieurs des variables présentes dans le fichier SIRENE. Les structures d’accueil des publics « enfance » sont nombreuses : école maternelle, équipements collectifs (crèche, haltes-garderies, garderies périscolaires, structures multi-accueil…), assistantes maternelles. Concernant les structures d’accueil des publics relevant de la jeunesse, les politiques en matière d’équipements relèvent davantage d’initiatives locales ou se fondent dans le tissu associatif existant, ce qui rend difficile leur identification statistique. C’est pourquoi nous avons retenu les variables suivantes du fichier SIRENE :

  • établissement d’enseignement primaire,

  • établissement d’enseignement secondaire,

  • crèche et halte garderie,

  • organisations associatives,

  • autres activités récréatives.

15Ces variables, identifiées grâce aux codes de la nomenclature des activités française (NAF) de la base de données SIRENE, permettent un repérage des équipements liés aux services « enfance et jeunesse » mais elles ne rendent pas strictement compte de l’ensemble des activités « enfance-jeunesse » compte tenu des limites précisées ci-dessus. Leur exploitation reste en effet assez malaisée : ainsi la catégorie « organisations associatives » comprend-t-elle les activités des associations du type mouvements de jeunesse, parents d’élèves, activités à caractère culturel et récréatif mais aussi les activités des associations d’anciens combattants et de la société protectrice des animaux… La remarque est la même pour la catégorie « autres activités récréatives » : elle comprend les activités liées à l’utilisation des pédalos, barques ; les activités liées aux infrastructures des plages et des ports de plaisance ; l’exploitation des centres équestres, les activités des cercles de jeux, etc. Mais c’est également dans cette catégorie que sont recensés les centres de loisirs et du temps libre des enfants (centres aérés, CLSH…). Peut-on faire l’hypothèse qu’en périurbain toulousain il y ait moins d’interférences au sein de ces catégories compte tenu du contexte local (absence de plages et ports de plaisance) ? À l’inverse, les associations d’anciens combattants sont encore très présentes dans toutes les communes périphériques de l’agglomération toulousaine. On peut cependant supposer que l’évolution 2001-2007 concerne davantage la création d’activités à caractère culturel et récréatif et les associations de parents d’élèves que la création d’associations d’anciens combattants.

16Ces profils territoriaux sont à mettre en rapport avec l’analyse de la répartition différentielle des âges et des CSP dans le périurbain de Toulouse (cf fig. 9 et fig. 11 de l’article de F. Desbordes p. 22 et 25). Une large partie de l’aire urbaine de Toulouse est composée en 2006 de communes dans lesquelles sont surreprésentés les ménages composés de jeunes actifs ayant de jeunes enfants ou ceux dans lesquels vivent des enfants ou des jeunes. La place de ces ménages y explique l’acuité de la question des services enfance-jeunesse. D’autres territoires, en première couronne de Toulouse surtout à l’est, ou situés aux marges de l’aire urbaine connaissent un processus de vieillissement ou sont peuplés d’une part importante de population âgée. Là, la question des services enfance-jeunesse ne se pose pas dans les mêmes termes. Il convient ici cependant de différencier des territoires du pôle urbain aujourd’hui vieillissant mais où l’urbanisation, largement réalisée, ne peut évoluer que lentement, de communes éloignées de Toulouse où les profils démographiques peuvent évoluer plus rapidement au gré de la construction de nouveaux logements.

17Enfin, on ne peut ignorer la diversité sociale des espaces périurbains toulousains. Elle influence directement les possibilités de recours des ménages à des services privés ou encore la maîtrise de son emploi du temps. Par ailleurs, elle tend à regrouper les ménages les plus favorisés dans les zones les plus équipées. Cela est très visible pour les parties ouest et sud-est du pôle urbain voire de l’aire urbaine. C’est par contre moins le cas pour le sud-ouest et dans une moindre mesure pour le nord qui présentent de bons niveaux d’équipement et qui accueillent des populations nombreuses de professions intermédiaires, d’employés, d’ouvriers et d’inactifs. Dans la mesure où l’étude a été réalisée alors qu’existait encore la taxe professionnelle, il convient aussi de souligner que ces inégalités de peuplement s’accompagnent de différences de richesse des territoires, communaux ou intercommunaux. Cela peut s’expliquer par l’inégale répartition des grandes zones d’activités drainant de la taxe professionnelle ou par les modalités de regroupement intercommunal retenues. En tout état de cause, cela impacte directement les capacités d’investissement et de gestion des services enfance-jeunesse. Le bon niveau d’équipement des communes du pôle urbain de Toulouse s’explique généralement à partir de ces deux facteurs.

18Alors que les territoires périurbains sont tous globalement équipés en matière de services enfance-jeunesse, du fait des « services » scolaires et donc souvent aussi périscolaires, des différences notables persistent cependant. Au-delà de leurs relations avec les dynamiques démographiques observables dans l’aire urbaine toulousaine, les variations de niveau de vie des habitants ou de richesses des territoires, ces différences peuvent-elles s’expliquer seulement par l’ancienneté de l’urbanisation ? Quelles dimensions locales les influencent ? En particulier, comment l’organisation communale ou intercommunale de ces services joue-t-elle pour expliquer ces différences ?

III – Les territoires de mise en œuvre des services enfance-jeunesse

19La diversité de l’organisation territoriale des services enfance-jeunesse dans le périurbain toulousain renvoie à la fois à des échelles et à des acteurs différents même si l’encadrement juridique et les modalités de financement de ces services restent unifiés. Privilégiant cette diversité, nous avons étudié des services enfance-jeunesse fonctionnant à l’échelle communale et d’autres organisés à l’échelle intercommunale. Mais ce niveau de différenciation ne suffit pas à rendre précisément compte de la variété des cas rencontrés. Parfois l’échelle communale n’est la référence que pour certains de ces services. C’est souvent le cas de services s’adressant aux adolescents. Parfois aussi, sur un même territoire, des services fonctionnent avec une échelle intercommunale de référence et d’autres en retiennent une seconde. On peut ici citer en exemple, la commune de Labège où l’essentiel des services enfance-jeunesse sont municipaux, avec néanmoins une crèche qui fonctionne à l’échelle intercommunale de la Communauté d’Agglomération du SICOVAL et un centre de loisirs qui dépend d’un syndicat regroupant seulement une partie des communes du SICOVAL et une commune de la Communauté Urbaine du Grand Toulouse.

20Les imbrications scalaires de ce type sont fréquentes parmi les cas étudiés. Elles témoignent de la persistance de choix faits localement qui ont longtemps privilégié l’échelle communale ou celle du regroupement de quelques communes sous la forme de syndicats pour organiser les services enfance-jeunesse. Elles renvoient aussi à une prise en compte progressive des évolutions des modes de vie périurbains. Plus mobiles, les ménages périurbains pratiquent au quotidien des territoires dépassant le cadre communal mais restent largement polarisés au niveau de bassins de mobilité de proximité. Considérés comme plus exigeants en matière de services enfance-jeunesse, leurs besoins appellent des réponses plus coûteuses et donc souvent une mutualisation des moyens de plusieurs collectivités. Il n’est cependant pas dit que la structuration d’intercommunalités en matière de service enfance-jeunesse soit un processus inéluctable et linéaire. Les évolutions rapides que connaissent les territoires périurbains, tant du point de vue de leur peuplement que de leur organisation politique, semblent plutôt appeler des transformations progressives et très territorialisées.

21En deçà des compétences clairement transférées à tel ou tel échelon territorial et compte tenu de la diversité des services regroupés derrière l’expression « enfance-jeunesse », on se retrouve face à des « bricolages » organisationnels adaptés aux réalités variées et mouvantes des territoires périurbains. Cela rend les démarches de diagnostic et de contractualisation qui s’y sont multipliées, particulièrement intéressantes à observer. Certains acteurs, en l’occurrence les directeurs de structure enfance-jeunesse, les représentants de fédérations d’éducation populaire ou les représentants des services de l’État y jouent des rôles majeurs dans la remise en question des fonctionnements hérités en particulier du point de vue des territoires de référence. Les constats de l’accroissement des mobilités, du dépassement de l’échelle communale et du poids que cela fait peser sur les ménages et sur les enfants sont ainsi fréquemment abordés dans ces diagnostics. Tout comme ceux de l’ajustement des services avec l’urbanisation des territoires.

22À cette diversité des territoires de référence organisant les services enfance-jeunesse dans les espaces périurbains, il convient d’ajouter la variété des acteurs intervenant dans ces services directement ou par le biais de financements. Ainsi pour les collectivités territoriales, le conseil général de la Haute-Garonne finance ou intervient dans le domaine de la prévention spécialisée, à travers ses propres clubs de prévention ou sa participation aux financements d’actions relevant de ce champ. Par ailleurs, il est souvent l’un des co-financeurs des équipements destinés à l’enfance ou à la jeunesse. Les actions de cette collectivité sont généralement liées à sa compétence en matière de construction et d’entretien des collèges et plus largement à ses compétences sociales qui orientent son attention en direction des publics, en particulier d’adolescents et de jeunes, en difficulté.

23Les compétences du conseil régional de Midi-Pyrénées en matière d’enseignement secondaire (les lycées) et de formation professionnelle lui font jouer un rôle important dans le domaine des investissements et des actions en faveur de la jeunesse. Il a ainsi lancé par exemple une politique d’équipement du territoire régional en cyberbases destinées à faciliter l’accès aux nouvelles technologies en particulier aux jeunes. Comme le conseil général, le conseil régional à travers sa politique culturelle ou son soutien au sport ou aux associations intervient aussi, mais de manière moins directement ciblée, sur des actions dont bénéficient les enfants ou les jeunes. Bien souvent indispensable dans sa dimension de co-financement, cet accompagnement des actions locales en matière de services enfance-jeunesse induit une nécessaire appropriation locale de dispositifs conçus et gérés avec une échelle de référence qui n’est pas forcément identique à celle qui prédomine localement. Comment le club de prévention installé dans telle ou telle commune y trouve-t-il sa place parmi les services destinés à la jeunesse ? De quelle manière les cyberbases s’intègrent-elles aux projets éducatifs locaux ?

24Parmi les acteurs des services enfance-jeunesse, on trouve aussi de nombreuses associations. Elles peuvent avoir été constituées pour répondre à des besoins de garde d’enfants (crèches associatives) ou à des besoins d’accueil périscolaire (Centre de Loisir Associé à l’École associatif) ou encore pour promouvoir et mettre en œuvre un projet éducatif en dehors des temps scolaires (associations locales de jeunesse, Maison des Jeunes de la Culture). Plus largement, il s’agit aussi d’associations culturelles, sportives, caritatives, etc. qui interviennent auprès des enfants et des jeunes. Bon nombre des associations concernées ont une origine et un rayonnement communaux ou intercommunaux mais limités à un bassin de vie. C’est particulièrement le cas de crèches et CLAE associatifs liés à des initiatives individuelles souvent soutenues par les communes. Cependant, on trouve aussi parmi les acteurs associatifs de l’enfance-jeunesse, des associations dont le rayonnement dépasse ces cadres. Les fédérations d’éducation populaire font partie de cette catégorie. Issues du regroupement d’associations locales comme les MJC ou émanations locales d’une association nationale ayant des déclinaisons régionales et départementales comme les Léo Lagrange, ces acteurs jouent un rôle majeur dans les services enfance-jeunesse en territoire périurbain. Forts de leur réseau et de leur expérience, ils se voient assez souvent délégués tout ou partie de ces services par des collectivités qui ne souhaitent ou ne peuvent pas les assumer en propre ou par l’intermédiaire d’une association locale. Ces fédérations ont ainsi largement contribué au phénomène de développement et de structuration de l’offre de services enfance-jeunesse dans le périurbain. Outre les aspects liés à la professionnalisation du travail réalisé directement avec les enfants ou les jeunes (Augustin et Gillet, 2000), leur influence a aussi été ressentie à travers leur participation à la territorialisation des services enfance-jeunesse que leur contribution à, voire leur réalisation de diagnostics locaux ont induit.

25Alors que les services rendus sont apparemment les mêmes, l’organisation et les territoires de référence des services enfance-jeunesse et des principaux acteurs y participant se caractérisent par des articulations locales différenciant fortement les territoires. Reflétant parfois une certaine inorganisation, ces spécificités locales s’expliquent aussi par la forte territorialisation qu’ont connu ces dernières années les politiques enfance-jeunesse dans les espaces périurbains. Compte tenu de l’impossible définition d’un échelon unique compétent en matière de service enfance-jeunesse, les acteurs locaux s’adaptent aux réalités mouvantes de l’urbanisation et du peuplement des territoires périurbains.

IV – Les interactions entre services enfance-jeunesse et urbanisation

26Les relations entre les services enfance-jeunesse et l’urbanisation ont très souvent été abordées spontanément à l’occasion des entretiens réalisés. Que le projet local y soit décrit comme visant à accueillir de nouveaux habitants en ouvrant des terrains à l’urbanisation ou au contraire que l’orientation retenue soit de limiter les nouvelles constructions, la question des services enfance-jeunesse apparaît dans les discours recueillis. Elle renvoie parfois à des postures d’anticipation des besoins qui vont croître avec l’arrivée de populations nouvelles, comme c’est aujourd’hui le cas dans la commune de Labège. Elle peut aussi être traitée dans l’urgence d’une nécessaire mise à niveau de ces services lorsqu’ils ne correspondent plus à la situation locale, à l’image de situation ayant prévalu durant la première moitié des années 2000 et encore parfois aujourd’hui observables dans des communes du Nord toulousain comme Bouloc et celles qui l’entourent ou plus loin dans la Communauté de Communes Garonne et Canal situées entre les zones d’influence de Toulouse et Montauban. Entre ces deux types de posture, en tenant compte de la diversité territoriale et organisationnelle qui vient d’être présentée, on retrouve de nombreuses situations intermédiaires caractérisées par exemple par une bonne prévision des besoins liés à une tranche d’âge ou à un type de service et par un retard dans d’autres domaines de l’action enfance-jeunesse. On constate là une des difficultés propres au gouvernement de la « ville mobile » (Estèbe, 2008).

27L’urbanisation des territoires étudiés a en effet parfois été rapide. Il a donc fallu que les services s’adaptent dans des contextes où les modes de vie n’avaient pendant longtemps évolué que lentement. Dans des territoires situés aujourd’hui aux marges de l’aire urbaine de Toulouse, les acteurs locaux (en particulier élus) ont ainsi parfois du mal à comprendre les besoins en services enfance-jeunesse. Ils sous-estiment le poids de l’emploi féminin, la présence parmi les nouveaux habitants de ménages n’ayant pas d’attaches familiales locales ou les contraintes temporelles pesant sur des ménages ayant à se déplacer tous les jours sur des distances importantes. Si cette tension entre les élus périurbains autochtones et les nouveaux habitants est bien connue dans d’autres domaines que les services enfance-jeunesse, elle prend la forme, dans une des communes étudiées (Montech par exemple dans les années 2005-2006), de deux associations parents d’élèves regroupant l’une les anciens et l’autre les nouveaux habitants ayant des points de vue différents sur la question des services périscolaires.

28Dans certains territoires périurbains de première couronne, la rupture des équilibres établis est perceptible dès lors que le choix de la densification des formes d’habitat est fait. Des communes, comme Labège, qui avaient jusqu’ici fortement contrôlé la croissance de leur population en adaptant progressivement les services enfance-jeunesse se retrouvent ainsi en situation d’accueillir à la fois de nombreux nouveaux habitants du fait de formes urbaines plus denses et des profils de ménages plus diversifiés du fait de la réalisation de logements locatifs notamment sociaux. Ces changements réinterrogent l’organisation des services enfance-jeunesse qui s’était structurée dans ce type de territoire : se pose alors la question du passage de tout ou partie de ces services à l’échelle intercommunale.

29Une fois résolus les problèmes posés par la rupture des équilibres du peuplement consécutive à une urbanisation nouvelle ou relancée, les territoires n’ont pas pour autant définitivement répondu aux besoins et aux demandes de services enfance-jeunesse. Ceux-ci évoluent en effet aussi au fur et à mesure que grandissent les enfants arrivés très jeunes avec leurs parents. S’il a fallu d’abord augmenter le nombre de places en crèche ou en halte-garderie et structurer un Relais d’Assitantes Maternelles, il faut ensuite assez vite assurer la qualité de l’accueil scolaire et périscolaire. Ce deuxième temps est d’autant plus délicat qu’avec l’adolescence, les jeunes sont à la fois plus rétifs à l’encadrement et aussi parfois plus mobiles. Il est difficile de répondre simultanément aux attentes de ces différents publics tout comme il est délicat de voir les investissements consentis à un moment pour une tranche d’âge connaître une diminution de leur fréquentation du fait du faible renouvellement local de celle-ci. L’urbanisation par à-coup des territoires périurbains complexifie donc la gestion des services enfance-jeunesse.

30Ceci s’observe d’autant plus que cette urbanisation se compose principalement de logements en accession à la propriété. Ils figent le peuplement pour des temps longs mais segmentés par la construction souvent discontinue de lotissements au sein desquels le profil démographique des habitants est homogène. Quelques-uns des acteurs rencontrés ont ainsi pointé cet aspect pour expliquer qu’il avait été un de ceux qui avaient le plus comptés dans les choix faits récemment de développer une offre locative (sociale ou privée) dans leur commune.

31Les carences locales en matière de services enfance-jeunesse s’expliquent enfin parfois par les faiblesses de l’articulation des politiques communales ou intercommunales d’urbanisation. Certaines des parties de l’aire urbaine de Toulouse étudiées montrent des articulations faibles voire des contradictions dans les choix d’urbanisation. Dans un territoire comme le nord toulousain où l’intercommunalité est peu organisée, la commune de Bouloc a développé de nombreux services enfance-jeunesse alors que les communes qui l’entourent n’ont pas accompagné dans ce domaine la croissance démographique qu’elles ont accueillie.

32Quelles que soient les interactions entre urbanisation et services enfance-jeunesse, le poids de ces derniers dans la vie quotidienne de nombreux ménages périurbains les rend incontournables. Ils ont ainsi été souvent présentés comme l’une des dimensions clés ayant conduit les acteurs locaux à prendre conscience des évolutions sociologiques à l’œuvre dans leur territoire.

V – Des discours sur les modes de vie périurbains

33Outre les aspects organisationnels et territoriaux de la question des services enfance-jeunesse, les discours des acteurs rencontrés comportent des descriptions des modes de vie périurbains. Ils apportent ainsi des informations sur les visions qu’ont les acteurs locaux des raisons pour lesquelles des habitants s’installent dans leur territoire, y vivent au quotidien, s’y ancrent ou s’y investissent. Les analyses suivantes sont donc tirées de ces regards mêlant des connaissances pour partie tirées du vécu des acteurs rencontrés eux-mêmes et résultant aussi de leurs expériences professionnelles (pour les acteurs professionnels de l’enfance-jeunesse), associatives ou politiques.

34Les contraintes pesant au quotidien sur les ménages périurbains représentent un thème souvent abordé. On y retrouve des références aux temps et aux coûts des déplacements quotidiens, d’autres portant plus largement sur les difficultés de l’accession à la propriété, celles s’attachant à la situation des familles monoparentales ou à la question de l’accès à l’emploi en particulier pour les femmes, etc. Ces sujets sont souvent abordés pour justifier les actions en matière de services enfance-jeunesse. Les acteurs locaux les perçoivent donc comme un moyen d’accompagnement des ménages périurbains autant qu’à partir d’enjeux spécifiques liés à l’éducation ou aux loisirs des enfants et des jeunes. Ces thèmes donnent lieu à des points de vue d’acteurs différents. Une majorité s’en saisissent pour expliquer qu’ils renvoient à des services que les territoires se doivent aujourd’hui de proposer. Une partie se positionne cependant sur l’idée que les territoires ne peuvent pas tout résoudre dans ce domaine et que les choix d’installation s’accompagnent d’un certain « prix à payer ».

35L’une des questions autour de laquelle ce type de débat se développe localement est celle des périodes et des horaires d’ouverture des structures d’accueil périscolaires. L’ouverture des CLAE tôt le matin et leur fermeture tardive en fin d’après-midi constituent des demandes fréquentes des ménages, tout comme le maintien des centres de loisirs ouverts pendant toutes les vacances scolaires. Autour de ces demandes les positions sont difficilement conciliables, certains raisonnent à partir des coûts à la charge de la collectivité, d’autres privilégient les rythmes de vie des enfants et d’autres encore argumentent à partir des temps qu’ils passent quotidiennement dans les transports pour se rendre sur leur lieu de travail (parfois avec des horaires décalés). Ces discussions peuvent se retrouver à propos de ce type de service ailleurs que dans les espaces périurbains. Elles y revêtent cependant une tonalité particulière du fait des contraintes temporelles qui pèsent sur les ménages en particulier dans le périurbain lointain. Lorsque nous avons pu l’observer par le biais d’enquête auprès des habitants, nous avons notamment constaté des différences d’effet de ces choix locaux suivant les services rendus et les types de ménages concernés. Ainsi, dans les territoires aux services nombreux et a fortiori pour les ménages les plus favorisés, la question des services enfance-jeunesse n’impacte pas ou peu négativement les taux d’emploi féminin. Dans ceux aux services moins nombreux ou moins adaptés, les taux d’emploi féminin, en particulier pour les ménages modestes, sont directement affectés.

36Lorsqu’il est question de contraintes, un sujet revient aussi souvent dans les entretiens : l’immobilité subie des enfants ou des jeunes. Les acteurs développent des discours sur ces publics que les services enfance-jeunesse tels qu’ils fonctionnent ne concernent pas. Que cela soit expliqué par le coût de ces services, par l’urbanisation diffuse, par la faiblesse des capacités de déplacement des ménages, etc., les acteurs locaux décrivent des figures de la captivité périurbaine (Rougé, 2005) que résume le portrait souvent dressé de l’adolescent isolé, replié chez lui et faisant un usage très important des jeux vidéos et d’Internet. Ce portrait présenté pour indiquer les limites des services enfance-jeunesse, sert aussi parfois à pointer la jeunesse dans son ensemble comme une catégorie que ces services peinent à appréhender dans le périurbain.

37Les services s’adressant à la petite enfance et ceux liés à l’école ou correspondant aux enfants en âge de fréquenter l’enseignement élémentaire renvoient en effet souvent à des questions du type de celles qui viennent d’être formulées sur les horaires d’ouverture ou portant sur le nombre de places disponibles. Il apparaît aussi dans les discours sur ces services, plus rarement cependant, des préoccupations d’ordre éducatif ou pédagogique renvoyant aux missions et aux projets de ces structures. Dès que les acteurs rencontrés en viennent à parler de la jeunesse, leurs propos changent. Ils font moins souvent allusion à des problèmes de capacité d’accueil ou d’horaires. Ils abordent par contre plus fréquemment les enjeux éducatifs des interventions auprès des jeunes. On retrouve alors des discours sur le nécessaire encadrement des jeunes dont on peine à comprendre les attentes et qui ne fréquentent pas toujours les structures ou les actions qui leur sont dédiées. Apparaissent aussi des propos sur la jeunesse « en difficulté ». Ils peuvent, dans la lignée de ce qui vient d’être présenté sur les contraintes des modes de vie périurbains, être des propos de compréhension. C’est alors soit aux plus isolés ou aux plus âgés des jeunes qu’ils renvoient. Pour cette dernière catégorie, les acteurs rencontrés parlent ainsi souvent des difficultés actuelles d’entrée dans l’âge adulte et peinent à identifier des actions qu’ils pourraient développer pour les atténuer. Ils présentent alors souvent les efforts consentis dans leur commune en matière de logement social comme une réponse à ces difficultés.

38Les propos sur la jeunesse « en difficulté » renvoient plus fréquemment à ceux entendus sur les jeunes délinquants, les trafics, sur la casse, etc. S’appuyant sur de rares incidents locaux et parfois sur des situations plus tendues, les acteurs locaux présentent ces aspects des questions liées à la jeunesse comme l’un des revers de la médaille de l’urbanisation. Certaines zones pavillonnaires dans lesquelles se sont regroupés des accédants modestes et où ont parfois aussi été construits des logements sociaux assez nombreux voient effectivement parfois apparaître ce genre de problématique. À ces exceptions près pour l’instant, les questions posées par la jeunesse « en difficulté » dans les territoires périurbains sont principalement d’un autre ordre. Elles renvoient à l’appui à la scolarité, à la prévention des conduites addictives, etc. En ce sens, elles ne sont pas différentes de questions qui se posent pour la jeunesse ailleurs qu’en territoire périurbain. Elles y revêtent cependant une dimension particulière du fait du peuplement et de la dimension cruciale de l’accès à la mobilité. Rarement présentée comme une ressource pour les territoires périurbains, la jeunesse est la tranche d’âge pour laquelle les territoires étudiés font le plus fréquemment appel à une fédération d’éducation populaire comme partenaire ou prestataire. C’est aussi la tranche d’âge pour laquelle l’organisation intercommunale est la plus rare. Ce dernier point vient ici en contradiction avec les modes d’habiter des jeunes périurbains. En effet, sur la base des enquêtes de mobilité dont nous disposons, les jeunes sont le groupe d’âge pour lequel l’accès à l’éducation ou aux services se fait le plus souvent en dehors de la commune de résidence.

39Un autre thème commun des discours analysés pointe les comportements des parents vis-à-vis des services enfance-jeunesse. Ces comportements sont présentés comme des pratiques de consommation bien plus souvent que comme la base d’une implication locale des habitants. Sans que l’on sache s’il doit être imputé aux acteurs locaux ou aux habitants, un décalage apparaît entre les besoins auxquels pensent répondre les acteurs et les demandes des habitants. Il n’est en effet pas surprenant qu’à la suite des discours sur les contraintes des modes de vie périurbains et sur les jeunes, les acteurs locaux identifient des besoins prioritaires. Ils sont cependant parfois surpris voire agacés de constater que les réponses qu’ils proposent ne suffisent pas ou ne correspondent pas aux attentes des habitants. Cela leur fournit alors l’occasion de signaler des changements à l’œuvre dans leur territoire qu’ils ne jugent pas toujours positivement. Ainsi, certains élus regrettent que les pratiques de loisirs traditionnelles, en particulier les sports collectifs localement bien ancrés comme le rugby ou le football, n’attirent plus autant les jeunes. Ils comprennent mal des demandes d’accès à des activités nouvelles (sports de combat, pratiques ludo-sportives urbaines, etc.) y voyant le risque d’une perte d’aspects importants de l’identité locale.

40D’autres acteurs, élus, associatifs ou professionnels de l’animation mettent plutôt en avant le caractère toujours plus consommatoire de ces demandes diversifiées. Le risque principal mis en évidence ici concerne plutôt la fragilisation de l’implication associative comme source d’ancrage local. On se trouve aussi dans ce cas face à des craintes liées à l’évolution de l’éducation populaire et de l’animation socio-culturelle (Augustin et Gillet, 2000). Accordant ces dernières années une grande place à la professionnalisation de ses intervenants auparavant largement bénévoles, elle aurait facilité les comportements consuméristes. Derrière la critique de ce type d’usage des services enfance-jeunesse pointent donc des questions clés comme l’identité locale ou l’implication dans la vie locale On y trouve aussi des points de vue sur des évolutions ré-interrogeant la place des enfants et des jeunes dans la société. Dans de nombreux territoires, les acteurs locaux parlent en effet des exigences éducatives des parents. Ils les mettent en relation avec leur implication jugée limitée dans les services enfance-jeunesse. Les acteurs signalent ici notamment les changements intervenus entre différentes générations de périurbains. Les premières générations avaient intégré, selon eux, les sacrifices à consentir pour venir s’installer « à la campagne ». Parmi ceux-ci figurait l’accès à une offre scolaire, périscolaire et ludique plus limitée. La banalisation du mode de vie périurbain a conduit à substituer à ce comportement des « pionniers », celui de ménages nouvellement installés plus exigeants et parfois aussi plus contraints. Il convient ici de bien mesurer la place qu’occupe la question des cadres et des conditions de vie des enfants dans les choix résidentiels de nombreux ménages périurbains. Si elle se traduit par la volonté de disposer d’un logement plus grand avec espace extérieur pour les enfants, elle s’élargit bien au-delà du pavillon et de la sphère domestique et familiale, aux services disponibles pour les enfants et les jeunes.

Conclusion

41Si l’on cherche pour conclure à regrouper ce que nous apprennent les services enfance-jeunesse des territoires périurbains toulousains, on se doit d’abord de souligner que face à la diversité des territoires et des réponses qu’ils apportent dans ce domaine et compte-tenu des limites propres aux recherches sur lesquelles cette contribution s’appuie, il n’est pas possible d’élaborer une typologie précise identifiant des situations très contrastées. On doit plutôt se contenter de mettre en évidence les tendances à l’œuvre dans ce domaine.

42La première tendance observée est la construction intercommunale visant à améliorer les réponses en matière de services enfance-jeunesse. Elle se caractérise d’abord par la multiplicité des formes juridiques et des périmètres de référence pris en compte. Ce processus ne se limite nullement, pour l’instant, à un calage progressif sur les périmètres des intercommunalités structurées, communautés de communes ou d’agglomération en particulier. Il comprend des situations aussi diverses qu’une convention de partenariat entre quelques communes, un syndicat intercommunal ou la prise d’une compétence par un EPCI par exemple dans le domaine de l’enfance. Ainsi, à côté des grands champs d’intervention intercommunaux, les acteurs de ce type de service tentent d’ajuster au mieux leurs interventions dans un souci d’économies d’échelle autant pour répondre aux attentes des ménages périurbains qu’à celles de leurs enfants. Ces passages vers des gestions intercommunales sont souvent très progressifs, ils peuvent ne concerner que certaines parties des services enfance-jeunesse, ils n’en consolident pas moins la perspective intercommunale dans un champ où l’échelle communale (notamment par le biais du soutien aux associations) est néanmoins encore prégnante.

43Deuxième tendance observée, l’évolutivité des réponses locales pour les services enfance-jeunesse. Les acteurs interviewés ont beaucoup insisté sur les interactions, maîtrisées ou subies, entre les rythmes d’évolution des services enfance-jeunesse et ceux de l’urbanisation des territoires. Renvoyant aux enjeux de la prévision et de la maîtrise de l’urbanisation, leurs propos soulignaient aussi à quel point les services enfance-jeunesse ont joué un rôle de révélateur local des décalages éventuels entre ces rythmes.

44Ils indiquaient aussi, et c’est la troisième tendance, comment les territoires périurbains sont engagés dans une gestion complexe des services à la population. Les besoins évoluent au gré de l’urbanisation, ils ne sont pas forcément durables. Ils sont par ailleurs socialement très clivants, entraînant ou renforçant des formes de captivité ou de contraintes pour certaines populations modestes et n’impactant que peu les modes de vie d’autres catégories d’habitants. Les difficultés de repérage de ces populations ou les enjeux de la diversification sociale de certains territoires périurbains sont souvent les raisons qui ont conduit à ce que ces sujets soient abordés.

45Enfin, à travers la standardisation des services proposés et l’uniformisation des besoins exprimés et des activités souhaitées on ne peut qu’accréditer l’existence d’un processus de banalisation des modes de vie périurbains. Très marqués par des comportements consuméristes, ces modes de vie sont aussi présentés comme contraints temporellement et financièrement. Ces deux aspects variables selon les profils sociaux des territoires étudiés, conduisent néanmoins les acteurs rencontrés à souligner les liens moins automatiques existants aujourd’hui entre services enfance-jeunesse, implication des habitants et identité locale.

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Bibliographie

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Bacconnier S., Bonnin S., Desbordes F., Observation des débats de la campagne électorale des municipales 2008 dans les territoires périurbains toulousains, Rapport d’étude, Convention de recherche pour la DDEA 31, CIEU, 2008, 36 p.

David O., « Vie familiale, vie professionnelle : une articulation sous tension », Espace, Populations, Sociétés, n° 2007-2/3, 2007, p. 191-202.

Escaffre F., Bacconnier S., L’offre des territoires périurbains en matière d’équipements « enfance et jeunesse » : une stratégie d’accueil des ménages périurbains ?, programme de recherche DGUHC-CERTU, 2010, 50 p. + annexes.

Escaffre F., Lefèvre P., « Les mobilités des lycéens en formation professionnelle : Études de cas dans les villes intermédiaires de Midi-Pyrénées », Actes du Colloque Les Mobilités dans les villes moyennes, Clermont-Ferrand, à paraître.

Escaffre F., Gambino M., Rougé L., « Les jeunes dans les espaces de faibles densité : d’une experience de l’autonomie au risqué de la « captivité » », Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 4, 2007, http://sejed.revues.org/index1383.html

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Galland O., Sociologie de la jeunesse, Armand Colin, 2004, 248 p.

Rougé L., « Inégale mobilité et urbanite par défaut des périurbains modestes toulousains », EspacesTemps.net, 2007, http://espacestemps.net/document2237.html

Rougé L., L’accession à la propriété et modes de vie en maison individuelle des familles modestes installées dans le périurbain lointain toulousain. Les « captifs » du périurbain ?, Thèse Géographie et Aménagement, Université Toulouse-Le Mirail/CIRUS-Cieu, 2005, 381 p.

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Notes

1 Contrat Temps Libre ; Contrat Éducatif Local ; Contrat Enfance Jeunesse.

2 Le diagnostic enfance-jeunesse de la Communauté de communes Garonne et Canal réalisé en 2006 aux marges nord de l’aire urbaine de Toulouse.

3 Le diagnostic enfance-jeunesse de la commune de Labège réalisé en 2010.

4 DEDPAD : Diplôme d’État de Directeur de Projet d’Animation et de Développement. Ce diplôme a été abrogé en 2009.

5 Les trois principales étant la Communauté Urbaine du Grand Toulouse, la Communauté d’Agglomération du SICOVAL et celle du Muretain dont L. Loubet traite dans ce numéro.

6 C’était en particulier le cas de la Fédération Départemantale Léo Lagrange de Haute-Garonne jusqu’à ce qu’elle connaisse en 2006-2007 des problèmes internes débouchant sur d’importantes transformations.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Localisation des territoires étudiés dans l’étude ESIU
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/soe/docannexe/image/902/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 664k
Titre Fig. 2 – Niveau d’équipement « enfance-jeunesse » des communes périurbaines de Toulouse
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/soe/docannexe/image/902/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 359k
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Pour citer cet article

Référence papier

Fabrice Escaffre, « Les services enfance-jeunesse dans le périurbain toulousain »Sud-Ouest européen, 31 | 2011, 113-125.

Référence électronique

Fabrice Escaffre, « Les services enfance-jeunesse dans le périurbain toulousain »Sud-Ouest européen [En ligne], 31 | 2011, mis en ligne le 29 avril 2015, consulté le 13 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/soe/902 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/soe.902

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Auteur

Fabrice Escaffre

Géographe, maître de conférences en aménagement et urbanisme, Université Toulouse-Le Mirail/LISST-Cieu, 5 allées A. Machado, 31058 Toulouse Cedex 9.

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