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2024
Épreuves, morale, émotions : une nouvelle cartographie pour l’analyse des relations professionnelles ?

Des les·bi·ennes respectables

Éthique du travail et morale sexuelle des femmes lesbiennes et bisexuelles au sein des syndicats ouvriers français et espagnols
Respectable Lesbians. Work ethics and sexual morality of lesbian and bisexual women in French and Spanish workers’ union
Lésbianas respetables. Ética laboral y moral sexual de las mujeres lesbianas y bisexuales en los sindicatos de trabajadores franceses y españoles
Estelle Fisson

Résumés

Adoptant une approche par la respectabilité, l’article s’interroge sur la façon dont les femmes lesbiennes et bisexuelles qui militent dans un syndicat ouvrier gèrent l’information stigmatisante de leur orientation sexuelle. Plus souvent que leurs collègues gais ou hétérosexuelles, ou que les lesbiennes des classes moyennes, elles mettent en avant l’importance du mariage, de la monogamie et de la durée de leur relation. Elles minimisent les discriminations vécues et, plus rarement, se désolidarisent de la cause LGBT. Morale sexuelle et éthique du travail vont de pair. Le surinvestissement dans le travail, fréquent chez les personnes LGBT, persiste dans les commissions LGBT des syndicats, en partie du fait du manque de légitimité de cette cause. Toutefois, ces femmes valorisent surtout le travail en dehors du syndicat, refusant souvent une longue carrière au sein de ce dernier. Cette quête de respectabilité est plus marquée en Espagne qu’en France, en raison de l’âge des enquêté·es et du poids de la morale catholique dans leur socialisation. L’apparition plus récente de commissions LGBT dans le syndicat, et les fédérations et localités d’origine des enquêté·es expliquent l’importance de se montrer respectable.

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Texte intégral

1La morale sexuelle des ouvrières fut souvent brandie par les syndicats pour exclure celles-ci du marché du travail (Zylberberg-Hocquard, 1978 ; Scott, 1990). « Pour les femmes des classes populaires, il est très difficile d’assumer une identité sexualisée (homo- ou hétérosexuelle) car c’est précisément cette sexualisation qu’elles cherchent à éviter dans leur quête de respectabilité » (Skeggs, 2015 [1997], p. 268). L’homosexualité est encore moins une option pour ces femmes anglaises dans les années 1980, et l’échantillon de Skeggs ne compte aucune lesbienne. À l’image de ces femmes, les leaders syndicalistes des luttes de femmes menées dans les années 1970 en France rejettent la politisation de la vie privée ou l’identification au féminisme (Meuret Campfort, 2021, p. 156-167). En Espagne, les prisonnières politiques communistes mettent aussi en avant une morale sexuelle irréprochable, dans le but de se distinguer des prisonnières de droit commun (Osborne, 2011). Si la transition démocratique espagnole amorce une période de liberté sexuelle, les militant·es syndicaux·ales ne doivent pas moins composer avec trois décennies passées de diabolisation de la gauche espagnole opérant un amalgame entre idéologies de gauche et immoralité sexuelle (Ferrandi Regueillet, 2022).

  • 1 Nous considérons ensemble les femmes lesbiennes et bisexuelles car les femmes ayant des relations (...)
  • 2 En effet, Natacha Chetcuti (2013) s’intéresse principalement aux femmes enseignantes, et l’échanti (...)

2Cet article applique une approche par la respectabilité aux femmes appartenant aux minorités sexuelles et de genre. Il interroge les stratégies de gestion du stigmate et de présentation de soi des femmes qui s’identifient ou sont identifiées comme homosexuelles, bisexuelles ou pansexuelles1 au sein de la Confédération générale du travail (CGT) française et des Commissions ouvrières espagnoles (CC.OO. – Comisiones obreras). Contrairement à la majorité des travaux sur les lesbiennes2, cette recherche porte sur des femmes faiblement diplômées, occupant des emplois ouvriers, employés, et parmi les professions intermédiaires. Elles militent parfois dans des associations LGBTQIA+ (lesbiennes, gais, bis, trans, queer, intersexes, asexuel), mais c’est le syndicalisme qui structure au premier chef leur carrière militante.

  • 3 Typiquement, les villes petites et moyennes, les secteurs professionnels masculins et industriels (...)

3L’invisibilité des travailleur·ses LGBT dans le monde du travail et les stigmates qui leur sont accolés ne sont plus à démontrer (Gates & Viggiani, 2013 ; Carcillo & Valfort, 2018). En Espagne, pays considéré comme plus « avancé » (Imop insights, 2017), l’homophobie au travail, plus importante que dans d’autres secteurs, est considérée comme un « relent » (Imop insights, 2017, p. 24) et le fait de zones géographiques, de secteurs professionnels et de tranches d’âges de la population moins « ouvertes3 ». Les syndicats de travailleur·ses en particulier souffrent d’une mauvaise réputation en matière d’homophobie – à commencer par la CGT française dans les années 1970, à la différence des CC.OO. (Fisson, 2023) –, homophobie dénoncée encore de nos jours lors de plusieurs affaires. Par exemple, lors d’un conseil des prud’hommes, en décembre 2015, un élu CGT valide l’idée selon laquelle l’insulte « pédé » dans le monde de la coiffure ne revêt aucun caractère homophobe. Face aux faits qui leur sont reprochés, les syndicats ne sont pas restés inactifs. La CGT française abrite depuis 1996 un collectif confédéral de lutte contre les discriminations faites aux LGBT au travail. En Espagne, les commissions ou groupes de travail sur le sujet se constituent aux niveaux fédéraux et territoriaux dans les années 2010.

  • 4 Il s’agit des lois sur les « couples de fait » dans les communautés autonomes espagnoles, dont cel (...)

4Ces évolutions organisationnelles, en plus des changements législatifs4, ont impacté la visibilité des gais et lesbiennes dans le syndicat. L’enquête réalisée par la CGT et le cabinet de conseil Émergence sur les syndiqué·es de la CGT et leur rapport à l’homophobie et à la transphobie indique que « deux répondant.es homosexuel.les ou bisexuel.les sur trois (61,3 %) ont dévoilé leur homosexualité ou leur bisexualité au travail » (2013, p. 23). Ce pourcentage se situe au-dessus de la « proportion totale de LGBT dont l’orientation est connue d’au moins un membre de son entourage professionnel », qui est de 48 % (Ifop, 2018). Le rapport de conclure que cette « situation n’est pas étonnante, s’agissant de syndiqué.es. Car se syndiquer, c’est par définition une démarche de revendication, de refus des injustices, des inégalités et des discriminations » (CGT & Émergence, 2013, p. 78). Toutefois, « les lesbiennes ou bi de notre population répondante sont davantage dans une posture de dissimulation de leur orientation sexuelle » (CGT & Émergence, 2013, p. 24). S’il n’existe pas de données sur la visibilité des lesbiennes au sein des CC.OO. espagnoles, celles-ci, et a fortiori les femmes bisexuelles, publicisent moins leur orientation sexuelle au travail que les hommes gais en Espagne (Muñoz, 2009, p. 25). La majorité de nos enquêté·es a plus 40 ans, et souvent plus de 50 ans, le facteur de l’âge étant régulièrement évoqué comme étant inversement corrélé à la visibilité et à l’acceptation sociale de l’homosexualité (Émergence, 2012, p. 22, Imop Insights, 2017, p. 24).

5Si les lesbiennes au travail n’ont pas d’autre choix que de se positionner face aux stéréotypes qui pèsent sur elles (Chamberlain, 2009), nous montrerons que dans le contexte sexiste et hétéronormé du syndicat, les syndicalistes lesbiennes, bis ou pansexuelles mettent en avant une respectabilité qui s’exprime autant par une éthique du travail (I.), que par la mise en avant d’une morale sexuelle exemplaire (II.), dans le but d’atténuer le stigmate associé à leur orientation sexuelle.

Une enquête ethnographique comparative en France et en Espagne

Contrairement aux pays anglophones dont les cas sont amplement documentés, aucune enquête sur la cause LGBTQIA+ dans les syndicats n’a été réalisée dans les contextes français et espagnols. Or, l’acceptation de l’homosexualité est plus importante en Espagne qu’en France depuis les années 1980 (Valfort, 2017, p. 38). Notre enquête ethnographique porte sur la CGT française et les CC.OO. espagnoles et s’étend de janvier 2019 à décembre 2021. En dépit de la création beaucoup plus récente des CC.OO. et d’un rapport différencié au « dialogue social », ces deux syndicats présentent des similitudes intéressantes pour notre étude, dont leur représentativité et leur passé ouvriériste et communiste. L’observation participante a été réalisée dans plusieurs villes, à l’occasion de 15 manifestations et réunions publiques et d’une formation syndicale dans chaque pays. Ces observations sont couplées à 35 entretiens biographiques longs dans chaque pays, dont une dizaine par pays avec des femmes déclarant aimer les femmes, ou être bies ou pansexuelles (pour une petite moitié d’entre elles). Ces méthodes permettent d’observer des modes de présentation de soi et des schèmes de classement spontanés énoncés dans des situations concrètes. Parmi les enquêté·es, figurent deux populations témoins : l’une est composée d’hommes homosexuels et bisexuels, l’autre d’hommes et de femmes hétérosexuelles. Chacune de ces populations est de la même taille que l’échantillon féminin non hétérosexuel, ce qui permet de contrôler le genre et l’orientation sexuelle à l’heure d’analyser ces modes de présentation. Nos enquêté·es LGBT peuplent les différentes commissions dédiées à cette cause aux niveaux confédéral, fédéral ou local. Il·elles appartiennent à des milieux professionnels divers, même si le terrain s’est ouvert dans la fédération des postes et télécommunications en France, et dans celle de l’industrie en Espagne. Notre entrée sur le terrain a été facilitée par des relations familiales en France (Fisson & Hébert, 2024) et par le volontarisme de militant·es syndicaux·ales LGBT issus de la base en Espagne.

La dignité des travailleuses lesbiennes et bisexuelles

6Les femmes lesbiennes et bisexuelles interrogées et observées dans leurs activités militantes arborent tout d’abord un rapport au travail basé sur la respectabilité. L’approche par la respectabilité vise à faire de cette dernière un enjeu de reconnaissance, et une qualité reconnue de façon processuelle par des individus et des groupes, plutôt qu’une qualité intrinsèque de la personne. La valorisation du statut de travailleuse et de syndicaliste vise, pour ces individus discréditables dont le stigmate est souvent connu, à mettre en avant des « symboles de prestige » ou « de statut » visant à atténuer les « symboles de stigmate » (Goffman, 1975 [1963], p. 59). Cette éthique du travail se décline sous la forme d’un surinvestissement au travail (i), d’une vision morale du syndicalisme (ii), et enfin d’une mise en avant de la figure de la « bonne travailleuse » pour lutter contre les discriminations (iii).

Coming outburn out ?

7Le rapport zélé des personnes LGBT au travail a déjà été souligné en France (Durand, 2020 ; Gauthier, Schlagdenhauffen & Noûs, 2022) et en Espagne (Barambones, 2020, p. 129). Ce surinvestissement dans le travail vaut également dans le champ syndical, rejoignant les observations faites concernant les femmes rapidement propulsées dans le syndicat (Guillaume, 2018a, p. 29) et les personnes racisées (De Rudder & Vourc’h, 2008, p. 18). Le surinvestissement se mesure en nombre d’heures travaillées, en épisodes d’épuisement professionnel, à travers le stress, la peur de ne pas être à la hauteur et l’intransigeance en cas d’échec. Or, les personnes LGBT répondent plus souvent à ces critères que les cis-hétérosexuel·les. Elsa, contrôleuse des impôts de 44 ans, animatrice du collectif confédéral de lutte contre les LGBTphobies au moment de l’enquête, pansexuelle malgré sa difficulté à se définir, revient sur la discussion, en Commission exécutive confédérale, autour de la note sur la procréation médicalement assistée produite par le collectif confédéral en 2019.

[>Elsa] : Non non, il ny a pas eu de consensus […]. La partie sur la transcription des états civils des enfants nés de GPA à létranger a été rejetée par la direction. […] ça na pas été un moment agréable, pour moi, et je pense pas pour la CGT non plus. […] Je me dis de moi-même que jai une mauvaise analyse de départ sur la situation dans la CGT. Sur la prise en compte de ces questions-là.

[>Estelle] : Bon mais tas fait ce que tas pu…

[>Elsa] : Ouais ce que jai pu (rires). Super. Ouais ouais ouais, nan nan, je pourrais mieux. Peut mieux faire en fait. Mais on fera mieux, on va faire mieux, on va trouver dautres moyens dy revenir. Donc il y a du chemin hein, ouais. (Entretien réalisé en février 2020, à Montreuil)

8Le « peut mieux faire » évoque une sanction scolaire, faisant écho à la trajectoire d’Elsa, qui n’a pu mener à terme ses études supérieures pour « raisons personnelles ». Si très peu d’hommes gais prennent la responsabilité du dossier LGBT dans les syndicats, le seul qui a accepté de le faire souffre de la même affliction à l’égard de sa propre action. Eduardo, responsable de la commission LGBT de la fédération Industrie des CC.OO. de 2018 à 2021, juge très durement les événements qu’il a organisés, comme la journée « Femmes LBT face au 8 mars » en 2020 à Bilbao. Les personnes chargées de ce dossier y travaillent jour et nuit, et se font davantage remarquer pour leur capacité de travail que les militant·es hétérosexuel.les en charge d’autres dossiers. L’enjeu de légitimer un objet longtemps placé sous le sceau de l’opprobre, comme c’est le cas dans la fédération Industrie, engendre un stress important. Les femmes pansexuelles de notre échantillon, rarement perçues comme LGBT, sont particulièrement enclines au surinvestissement (Ross, 2018), leur travail pour la cause leur permettant de gagner une reconnaissance par la communauté. Manuela, auxiliaire de vie vivant à Très Canto, pansexuelle mariée à un homme, voit ainsi son travail pour la cause LGBT dans le syndicat reconnu en 2011 par un prix de la Fédération étatique lesbienne, gaie, trans et bisexuelle espagnole (FELGTB).

Un syndicalisme moral

  • 5 Ce refus s’observe notamment chez les femmes de l’Union syndicale Solidaires, qui refusent de pren (...)

9Le rapport zélé au travail syndical n’empêche pas la majorité des militantes syndicales homosexuelles et bisexuelles rencontrées à la CGT et aux CC.OO. de revendiquer un « syndicalisme moral ». Ces dernières valorisent pour elles-mêmes comme pour les autres la poursuite d’une activité salariée parallèle à leur(s) mandat(s) syndical(aux). Elles se projettent moins dans des carrières militantes longues que les hommes hétérosexuels (Mischi, 2017, chapitre IV). Leur discours s’apparente à celui des syndicalistes de Sud qui fustigent leurs homologues (cégétistes) faisant carrière dans le syndicat5 (Denis, 2003, p. 319), en dépit de l’éthos des militants communistes longtemps marqué par le sceau du « refus de parvenir » (Prochasson, 2005, p. 14). Manuela, élue au bureau de sa fédération depuis une quinzaine d’années, annonce naturellement lors d’une formation syndicale à l’été 2021 qu’elle quitte sa fédération. Elle a pris sa décision « sur un coup de tête », et juge positivement le fait que, parfois, « les évènements te remettent à ta place ». En France, Nathalie, membre du collectif confédéral de la CGT, est particulièrement fière d’être retournée dans son entreprise de son propre chef, après avoir été permanente pendant 8 ans en tant que secrétaire générale d’une union départementale et membre de la Commission exécutive confédérale. Elle fustige les personnes qui, « addictes au pouvoir », cumulent les mandats, précisant que sa démarche n’a pas été du goût de son organisation. Se revendiquer d’un syndicalisme moral permet d’imputer des fautes morales aux « normaux » (Goffman, 1975 [1963]), tout en restaurant sa propre respectabilité entachée par « les symboles du stigmate ». Les hommes gais rencontrés partagent cette conception du syndicalisme, insistant lourdement sur la persistance de leur travail salarié, leur attachement au travail agissant comme un marqueur de virilité, a fortiori dans les secteurs de l’industrie et de la métallurgie. Il ne s’agit pas seulement de faire de nécessité vertu dans un contexte de baisse des heures de décharge payées par le syndicat. « Les femmes responsables se projettent dans des carrières syndicales moins longues que leurs homologues hommes » (Guillaume, 2018a, p. 28) en raison du plus grand turn-over dont elles sont victimes, et dans le but de conserver leur autonomie face à des conflits politiques ou d’ego dans l’organisation (Guillaume, 2018b, p. 14).

10Certaines lesbiennes font toutefois carrière dans le syndicat, l’absence d’enfants et le partage des tâches au sein des couples lesbiens (Badgett, 2006) permettant d’expliquer la présence inhabituelle de femmes peu dotées en capitaux au sommet de la hiérarchie syndicale (Pochic, Guillaume & Silveira, 2015, p. 195). Si les femmes responsables syndicales adoptent des stratégies de neutralisation de leur genre, voire de « virilitude » (Guillaume & Pochic, 2013), ce n’est pas le cas des lesbiennes de notre échantillon, dont l’approche est résolument féministe et critique de l’organisation. Laetitia, lesbienne agent forestier de 55 ans, permanente à la CGT depuis 30 ans et membre du bureau confédéral, est assimilée dans les médias à l’aile « radicale » du syndicat, et se positionne sur les enjeux d’égalité de sexe, de race, ou d’orientation sexuelle. Provenant d’un milieu modeste, elle est titulaire d’un concours de catégorie C de la fonction publique, après avoir connu plusieurs emplois précaires. Dana, secretaría confederal de la mujer [secrétaire confédérale de la femme] des CC.OO. dans les années 2000, porte aussi une vision du syndicalisme pétrie de valeurs féministes. Le stigmate associé au féminisme est moins lourd à porter pour ces femmes que celui de lesbienne.

« Une travailleuse si bonne que moi ! »

11Ce surinvestissement au travail, et cette conception morale du syndicalisme témoignent de la manière dont travail et morale sont entrelacés dans les représentations des femmes étudiées. La rhétorique du/de la « bon·ne travailleur·se » est souvent mobilisée dans le syndicat espagnol pour dénoncer les actes LGBTphobes visant une personne qualifiée pour son poste de travail. Une discussion informelle entre quatre femmes bies, lesbiennes et trans, est mise en scène lors de la journée sur les femmes LBT à Bilbao en mars 2020. Elles témoignent de manière improvisée de leurs expériences de femmes minorisées, au travail et dans le syndicat. Conchi, militante syndicale lesbienne vivant à Oviedo, répète à l’envi qu’il suffit d’être un·e bon·ne travailleur·se, se définissant comme « une personne si bonne et si travailleuse ». Estela, militante syndicale bisexuelle, considère que sa camarade trans ne devrait subir aucune discrimination, étant une excellente data manager. Ce discours est à la fois individuel et organisationnel, la responsable de la politique syndicale de la fédération de l’industrie, elle-même lesbienne, partageant ce cadrage. À la fin de la représentation, la salle chante une chanson dont les paroles, distribuées à l’entrée, indiquent « Donne le meilleur à ton travail », autant de signaux d’une culture syndicale fondée sur la valorisation collective du travail et du « travail bien fait », propre aux mobilisations des fractions stabilisées des classes populaires (Calderon & Calle, 2010, p. 9 et 13). On est loin du « refus du travail » (Frayne & Mylondo, 2018) mis en avant par des personnes queer dotées en capitaux économiques ou culturels (Caudron, 2023).

  • 6 L’injonction à la productivité, caractéristique de la Seconde République espagnole, est également (...)

12En dépit des « barrières morales à la résistance au travail » qui persistent en France (Frayne & Mylondo, 2018, p. 230), et bien que la notion de compétence ait été sacralisée par les pouvoirs publics pour lutter contre la discrimination (Doytcheva, 2018, p. 14), cette rhétorique est moins fréquente dans la bouche des militant·es de la CGT. Les LGBTphobies y sont davantage cadrées par les militant·es comme étant une stratégie délibérée des patrons pour diviser la classe ouvrière. Ce rapport différencié au travail observé entre militant·es français·es et espagnol·es s’inscrit dans l’histoire du mouvement ouvrier dans les deux pays dès les années 19306 (Seidman, 2014, p. 16), le syndicalisme espagnol, et en particulier CC.OO., étant marqué par la prédominance de la concertation avec le patronat sur le temps long (Vincent, 2013), contrairement à la CGT qui jouit d’une image, en partie caricaturale (Béroud et al., 2019), de frein à la négociation.

Morale sexuelle et présentation sexuelle de soi en contexte syndical

13La mise en avant d’un rapport moral au travail vise à maximiser les chances de se sentir accepté dans une organisation pas toujours acquise à la cause LGBT, tout en se distinguant des « normaux ». De la même façon, en matière d’autodéfinition, les personnes visibles déploient différentes stratégies agissant comme autant de « bons points » (Goffman, op. cit. p. 61) visant à restaurer leur respectabilité. Ces stratégies revêtent trois facettes : se présenter comme n’étant pas une alliée de la cause (i), mettre en avant une morale sexuelle irréprochable (ii) et minimiser les discriminations subies au travail en raison de son orientation sexuelle (iii).

Mettre à distance la cause LGBT

  • 7 La revendication de la casquette féministe chez nos enquêté·es contraste avec le profil des femmes (...)

14Certaines syndicalistes bies, pans et lesbiennes mettent en avant une identité qu’elles jugent valorisée, celle de syndicaliste et de féministe7, reléguant au second plan celle de lesbienne, jugée moins propice, à l’image des enquêtées de Salima Amari (2018, p. 140). De manière générale, plus les personnes occupent une position favorisée dans le champ syndical, moins elles font de leur orientation sexuelle une caractéristique saillante dans la présentation d’elles-mêmes, une telle présentation pouvant générer une forme de déclassement, à l’instar des militant·es politiques (Bouvard, 2020, p. 374).

15Certaines enquêtées haut placées dans le syndicat s’opposent même à la constitution de la cause LGBT en cause syndicale, à l’instar de Dana, secretaría confederal de la mujer [secrétaire confédérale de la femme] des CC.OO. dans les années 2000, et lesbienne. Son opposition à l’évolution de la confédération sur cette question à partir de 2007 lui a, selon elle, valu d’être « exclue » de la direction. En entretien, elle soutient que les questions LGBT ne sont pas des enjeux syndicaux, et qu’une structure dédiée à l’intérieur du syndicat n’est pas nécessaire, contrairement au groupe des femmes, qui ne sont pas une minorité. Bien qu’elle soit ouvertement lesbienne, l’identité de femme et de féministe est plus fièrement brandie par Dana que celle de lesbienne. En France, le refus de considérer la lutte LGBT comme un enjeu syndical provient moins des femmes lesbiennes rencontrées que de militantes féministes hétérosexuelles voyant dans la cause LGBT une cause rivale.

Une morale sexuelle de classe

16De nombreuses femmes bis et lesbiennes rencontrées mettent en avant une morale sexuelle « irréprochable », surtout en Espagne. Lors de la journée sur les femmes LBT à Bilbao, les intervenantes insistent sur leur mode de relation monogame, fidèle et durable dans le temps. Estela, militante syndicale et associative bisexuelle, se félicite : « peut-être que je n’aime pas toutes les femmes. La femme canon c’est ma femme ; elle [l’autre] est mignonne ». Elle ne manque pas de rétorquer à sa cheffe, lorsqu’elle lui fait des reproches, que cette dernière « couche avec tous les mecs sur son passage ». Pointer les écarts à la morale sexuelle de sa supérieure hétérosexuelle est une manière de se prévaloir d’une supériorité morale de classe.

17La morale sexuelle de ces femmes inclut l’importance accordée au mariage dans leur vie. Les couples d’homosexuel·les rencontrés pendant l’enquête font savoir qu’il·elles se connaissent depuis plusieurs dizaines d’années, et se sont marié·es dès que la loi l’a rendu possible. Conchi est intarissable au sujet de son mariage, ne lésinant sur aucun détail, y compris face à des gens qu’elle ne connaît pas. Elle retire une supériorité morale de n’avoir vécu qu’une relation conjugale fût-elle avec une femme, contrairement à ses frères et sœurs hétérosexuel·les divorcé·es. On retrouve ici l’importance de la conjugalité soulevée par Chetcuti (2013) comme condition pour se dire lesbienne. Toutefois, contrairement à la « monogamie sérielle » ou au « multipartenariat affectif » qu’elle observe (Chetcuti, 2013, p. 172), à cette conjugalité s’ajoute, chez les syndicalistes des classes populaires, l’importance du mariage et la durée de la relation. Contrairement aux groupes transpédégouines, dont les membres sont plus jeunes et souvent issus des classes moyennes (Niçaise, 2023, p. 67), les femmes enquêtées ne transgressent pas la norme conjugale, qu’elles soient lesbiennes, bies ou hétérosexuelles. Conchi vient d’une ville moyenne et de la fédération très masculine de l’industrie des CC.OO., ce qui peut influer sur sa présentation sexuelle d’elle-même. En France, le mariage occupe une place moindre dans les échanges, bien que toute aussi importante dans la définition de soi comme lesbienne. Au travail comme dans la vie, Nathalie se définit comme « communiste, à la CGT et mariée avec une femme ». Avant le vote de la loi, elle se déclarait « pacsée car l’État ne me laisse pas me marier » et vivant avec une femme. Plutôt que de se définir comme lesbienne, elle préfère mettre en avant son mariage, y compris en soulignant son absence. On peut expliquer cette prévalence du mariage à la fois par « un désir de se rendre respectable » et de « se normaliser lorsqu’[elles] se marient », et par le fait qu’elles se sentent « obligés de se rendre “respectables” » aux yeux de leurs collègues et de la société (Couduriès & Tarnovski, 2020, p. 142). Cette morale sexuelle, corrélée à l’importance du mariage dans la définition de soi, est davantage teintée de « pragmatisme moral » (Schwartz, 1990 ; Rault, 2016, p. 53 ; Lamont, 2002, p. 68) chez les syndicalistes gais, la prévalence de la non-exclusivité sexuelle dans les couples d’hommes étant plus assumée dans le contexte français qu’espagnol (Calvo, 2014).

« Je n’ai jamais eu de problème »

18Une troisième stratégie de contournement du stigmate consiste à minimiser les discriminations dont on est l’objet au travail. Les femmes, bien que sensibles aux discriminations en général, minimisent les discriminations qui les touchent (Frénot-Durand, Collet & Richardot, 2016), notamment dans l’univers syndical, marqué par une faible conscience des réalités sexuées (Guillaume & Pochic, 2013). Même si « identifier la discrimination à l’encontre des personnes LGBT est encore plus complexe que pour les autres groupes » (Carcillo & Valfort, 2018, p. 153), les enquêtes européennes montrent que la perception des discriminations par les LGBT est inversement proportionnelle au niveau d’acceptation de l’homosexualité dans le pays (Valfort, 2017, p. 61-66) : les LGBT se disent donc moins discriminés en Espagne qu’en France. À l’instar des policier·es LGBT (Gauthier, Schlagdenhauffen & Noûs, 2022, p. 41), la plupart des femmes lesbiennes de notre échantillon répètent à l’envi qu’elles ont eu beaucoup de chance, ne faisant l’objet d’aucune discrimination en raison de leur orientation sexuelle. Cette « chance » peut s’expliquer par l’invisibilité des lesbiennes et par le fait que les Françaises interrogées sont issues le plus souvent du secteur public, où elles se sont senties protégées. Ce mécanisme n’est toutefois pas transférable aux inégalités de genre, l’ensemble des femmes enquêtées reconnaissant être victimes de sexisme. Ce hiatus s’explique par le fait que l’orientation sexuelle est plus facile à cacher que le genre. En Espagne, les discriminations sont moins systématiquement niées par les syndicalistes. Outre le fait que certaines femmes qui témoignent soient issues de fédérations plus masculines et de villes plus petites (où se concentrent des « résidus » d’homophobie), le multipositionnement militant de ces femmes dans le milieu syndical et associatif, plus fréquent qu’en France, les rend davantage sensibles aux manifestations de lesbo et biphobie au travail et dans le syndicat, et mieux armées pour les verbaliser.

Conclusion

19Cet article s’est interrogé sur l’existence d’une morale spécifique aux syndicalistes lesbiennes, bies et pansexuelles françaises et espagnoles. L’appartenance à un syndicat ouvrier d’une part, et à une minorité sexuelle ou de genre de l’autre, joue de manière ambigüe sur la présentation de soi de ces femmes. D’un côté, le franc-parler des syndicalistes permet de libérer la parole sur des sujets ordinairement tabous : on explique ainsi la visibilité plus forte au travail des LGBT syndiqué·es. Pourtant, le besoin de restaurer une façade respectable se fait plus pressant chez les syndicalistes lesbiennes et bisexuelles que ce que l’on observe chez leurs collègues hétérosexuelles ou homosexuels (ou chez les lesbiennes des classes moyennes). Elles mettent plus souvent en avant une morale sexuelle marquée par l’importance du mariage et de la monogamie, et se prévalent de relations plus longues. La minimisation des discriminations vécues, et plus rarement le fait de ne pas se montrer une alliée de la cause LGBT sont autant de modes de subjectivation et de présentation de soi visant à ne pas se présenter comme étant membre d’une minorité. Morale sexuelle et éthique du travail vont de pair. Le surinvestissement au travail, fréquent chez les personnes LGBT, persiste dans l’organisation syndicale, où il faut hisser la cause LGBT au rang de cause syndicale légitime. Pourtant, la poursuite d’un travail salarié en dehors du syndicat est valorisée par nos enquêté·es, dans le but de ne pas s’accaparer le pouvoir. L’argument du/de la bon·ne travailleur·es est brandi pour lutter contre la stigmatisation au sein des CC.OO., le tout permettant de dépeindre une morale sexuelle et une éthique du travail spécifiques à ce groupe.

20« [L]orsqu’il s’agit des questions liées à la morale sexuelle », on observe une « très grande diversité des situations nationales, dans leurs multiples déclinaisons locales, culturelles et religieuses. » (Mahéo et al., 2021). L’éthique des travailleur·ses discipliné·es et la mise en avant d’une morale sexuelle irréprochable est plus marquée en Espagne qu’en France. Ce résultat est paradoxal étant donné la plus grande tolérance observée dans le contexte espagnol, ainsi que le cadrage plus classiste de l’action syndicale pratiqué à la CGT comparativement au cadrage des CC.OO. Nous expliquons ce paradoxe par l’âge général de notre échantillon (plusieurs de nos enquêté·es ayant vécu durant la dictature) et l’importance de la morale catholique dans leur socialisation. Le fait que la constitution de l’activité LGBT soit plus récente, comme c’est le cas dans la fédération de l’Industrie des CC.OO., explique également la force de cette quête de respectabilité. Le secteur d’activité, son degré de féminisation, l’âge des personnes ainsi que leur génération d’appartenance, mais aussi le lieu de vie sont des facteurs qui impactent considérablement la gestion du stigmate.

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Notes

1 Nous considérons ensemble les femmes lesbiennes et bisexuelles car les femmes ayant des relations avec des femmes n’excluent pas toujours les relations sexuelles ou romantiques avec des hommes ; elles s’inscrivent dans un continuum, mis au jour par le rapport Kinsey (1953) et, à sa suite, par diverses autrices telles que Natacha Chetcuti (2013) ou encore Sarah Nicaise (2023). Nous souhaitons ainsi ne pas invisibiliser la bisexualité, en essayant, lorsque cela est possible, de ne pas la confondre avec l’homosexualité (Dominguez Ruiz, 2017). Certaines de nos enquêtées préfèrent toutefois le terme pansexuel à celui de bisexuel, en ce qu’il remet en cause la binarité de genre. Notre échantillon comprend des femmes trans, lesbiennes ou bisexuelles, même si une analyse approfondie mériterait d’être consacrée à la spécificité de ces dernières.

2 En effet, Natacha Chetcuti (2013) s’intéresse principalement aux femmes enseignantes, et l’échantillon de Salima Amari (2018), est principalement composé de femmes ayant connu une ascension sociale importante.

3 Typiquement, les villes petites et moyennes, les secteurs professionnels masculins et industriels et les populations âgées. C’est également le constat que nous dressons dans cet article.

4 Il s’agit des lois sur les « couples de fait » dans les communautés autonomes espagnoles, dont celle de 1998 en Catalogne, la loi sur le Pacs (Pacte civil de solidarité) en 1999 en France, ainsi que la reconnaissance du mariage des couples de même sexe en 2005 en Espagne et en 2013 en France.

5 Ce refus s’observe notamment chez les femmes de l’Union syndicale Solidaires, qui refusent de prendre davantage de responsabilités, invoquant principalement l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle, alors même qu’elles ont peu de responsabilités familiales (Guillaume, 2018b, p. 14).

6 L’injonction à la productivité, caractéristique de la Seconde République espagnole, est également présente dans certains discours émanant de la CGT en France dans la période de l’immédiat après-guerre (Narritsens, 2015).

7 La revendication de la casquette féministe chez nos enquêté·es contraste avec le profil des femmes qui grimpent les échelons des organisations syndicales sans se réclamer du féminisme (Meuret Campfort, 2021). Si le féminisme n’est pas toujours une identité valorisante dans le syndicat, elle l’est toujours plus que l’identité de lesbienne.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Estelle Fisson, « Des les·bi·ennes respectables »SociologieS [En ligne], Dossiers, mis en ligne le 28 octobre 2024, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologies/24140 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12q6y

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Auteur

Estelle Fisson

Doctorante en science politique, Université Lumière Lyon 2, France. Email : estelle.fisson@gmail.com

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CC-BY-NC-ND-4.0

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