1Les plus riches ne se mélangent pas avec les autres classes sociales… excepté dans l’intimité de leur foyer. De ce constat, Alizée Delpierre construit une question de recherche pour le moins stimulante : comment cohabitent le haut et le bas de l’échelle sociale au sein de l’espace privé ? Se « faire servir » à demeure constitue le privilège des puissant·es de ce monde. Pour cela, elles et ils engagent des domestiques, souvent des femmes, parfois issues de la migration, avec plus ou moins de capital scolaire, qui lavent leurs chaussettes, sortent leurs poubelles, préparent leurs repas, éduquent leurs enfants, etc. Selon Delpierre, la domesticité se caractérise par une forte distanciation sociale entre employeur·ses et employé·es et une forte promiscuité physique. Cette promiscuité fonde la particularité de cette relation de travail qui implique de « vivre ensemble », au sens propre comme au sens figuré, parfois durant de longues années. L’énigme posée par la chercheuse est la suivante : comment des personnes situées aux antipodes de l’espace social en termes de capital économique, culturel, social et symbolique, font-elles pour vivre ensemble ? Comment se déroule « la confrontation sociale entre des milieux que tout oppose » ? Pour y répondre, Alizée Delpierre donne la parole aux domestiques et aux patron·nes et mène une série d’observations, y compris participantes, en se faisant embaucher comme nanny et aide-cuisinière. Outre la richesse du matériau empirique récolté, il convient de souligner la qualité de l’écriture. La chercheuse nous emmène par-delà les grilles, jardins et portiers, à la découverte d’un univers construit pour être inaccessible au commun des mortels. Développant une analyse « incarnée de la domination », Delpierre met en lumière différentes facettes de la domesticité dont son caractère d’« exploitation dorée », tant les niveaux de rémunération des domestiques contrastent avec ceux d’autres salarié·es. Son propos tisse différents parallèles avec les mondes du travail contemporains qui sont autant de manières de penser des continuités entre les cadres hautement qualifié·es de la finance et les livreurs de chez Deliveroo, même si pour ces derniers l’exploitation est manifestement sans dorure. Autant dire d’emblée que j’ai été séduite par le projet épistémologique.
2Le travail de recherche d’Alizée Delpierre a suscité quantité de notes de lecture et comptes rendus. Son ouvrage, Servir les riches, paru en 2020, a en effet été largement commenté et plébiscité. Dans ce bref commentaire, je propose une forme de discussion peu orthodoxe, qui se nourrit à la fois de mon parcours de recherche en sociologie du travail et de mon parcours familial. Je suis arrière-petite-fille de « bonne ». La domesticité a laissé une trace pour le moins ambivalente sur ma famille : elle est à la fois la marque d’une infériorité sociale et d’un statut subalterne, et le point de bascule vers l’accès à d’autres positions sociales pour les générations de femmes qui ont suivi. Au début du xxe siècle, mon arrière-grand-mère a quitté la Suisse pour être embauchée par une famille bourgeoise à Paris. Elle y a appris à lire et à écrire. Son accès aux lettres a toujours été pensé et décrit comme la manifestation de la générosité de sa patronne qui avait consenti et œuvré à l’éducation d’une fille de paysans. Pourtant, il s’agissait sans doute également de maximiser l’usage de sa force de travail : savoir lire est pratique pour déchiffrer une liste de commission ou encadrer les devoirs des enfants. Si la générosité bourgeoise sert directement l’exploitation, elle n’en constitue pas moins une dette pour la domestique. Avant de lire le grand résumé d’Alizée Delpierre, je n’avais jamais mesuré ou pris conscience de la dimension structurante de la dette dans les rapports de domesticité. La sociologue écrit que « les domestiques contractent une dette (symbolique), qu’elles et ils ne peuvent jamais solder » tant les « ultra-riches paient, donnent, offrent, pour que la dette soit perpétuelle ». Davantage que l’argent et les espoirs de mobilité professionnelle, il me semble que c’est la dette (ou le sentiment de dette et son entretien) qui sert de ressort à l’exploitation, et qui attache les domestiques à leurs patron·nes. Dans le cas de la domesticité, la dette implique une forme de « redevabilité à perpétuité », car il est impossible de rendre à la hauteur de ce qui a été donné, compte tenu de l’inégalité des ressources en présence, mais surtout parce que la dette se contracte sur un registre personnalisé, loin de la logique du droit propre au travail salarié et de celle de l’esclavage qui nie l’humanité des personnes exploitées. C’est ce « fil » que je propose de tirer, ici, pour revisiter l’ambivalence de la générosité patronale qui marque mon histoire familiale.
3À cette question, Alizée Delpierre répond sur un double registre matériel et symbolique. Au niveau matériel, les domestiques servent directement la constitution et le maintien d’un capital économique, culturel et symbolique. Elles et ils sont payé·es pour assumer la charge de travail domestique et ainsi libérer du temps à leurs patron·nes pour le travail salarié, les relations d’affaires, les loisirs. La domesticité répond à un « besoin réel » de se décharger de tâches socialement dévalorisées, jugées improductives ou sans plus-value. Au niveau symbolique, employer des domestiques constitue une forme d’obligation sociale pour qui appartient à la classe dominante, et sert une forme de « distinction sociale » : elles et ils sont les attributs de la richesse de leurs patron·nes. Dans un monde où tout se compte, la richesse se mesure par l’ampleur du compte en banque, du parc immobilier ou du parc voiturier, mais aussi par « le parc de domestiques » : leur nombre, leur ancienneté, leur couleur de peau, leur bagage scolaire constituent autant de manières de se distinguer. Si l’aristocratie a des pratiques très ancrées en matière de domesticité, les nouveaux riches doivent au contraire s’y (con)former. La charge est particulièrement lourde pour les femmes qui accèdent à la richesse : pour ces nouvelles patronnes, la domesticité n’est pas une pratique « héritée », elles décrivent en conséquence un certain malaise et déplorent une certaine « fatigue de se faire servir ». Les femmes sont particulièrement concernées, car cette charge n’échappe pas à la division sexuée du travail : les hommes paient les domestiques et les femmes ont la responsabilité de leur déléguer les tâches et d’organiser leur travail.
4Comme le rappelle l’auteure, déléguer le travail domestique n’est pas la prérogative des ultra-riches, mais constitue un « continuum qui s’adosse aux hiérarchies sociales (de classe, de genre, de race) » allant d’une délégation totale à une externalisation ponctuelle. Ces pratiques de délégation entérinent une dévalorisation de la production domestique et, par extension, de celles qui la fournissent, aujourd’hui très bien documentée par les travaux féministes. Si Alizée Delpierre considère la domination comme le point de départ de son travail et non comme un résultat de recherche (autrement dit, la domination est consubstantielle ou structurante de la domesticité), elle nous livre une analyse particulièrement bien documentée sur la manière dont se jouent les rapports de pouvoir et se (re)produisent les inégalités sociales dans cette relation de travail.
5Delpierre définit la domesticité comme une relation salariale qui n’est pas sans droits, puisqu’elle repose sur une liberté contractuelle et implique une rétribution (contrairement à l’esclavage). Les domestiques interviewé·es sont le plus souvent logé·es, nourri·es et blanchi·es ; elles et ils gagnent entre 2 000 et 10 000 € par mois hors prime et cadeaux (sac et vêtement de luxe, montre, voiture, etc.). Si les ultra-riches paient bien, sont-iels pour autant généreux·ses ? Pour répondre à cette question, parler d’argent ou de rémunération n’est pas suffisant : encore faut-il articuler le prix du travail à l’usage de la force de travail des domestiques.
6La domesticité est une relation de travail qui repose le plus souvent sur un contrat moral : les domestiques sont payé·es au noir ou au gris, avec un accès inexistant ou partiel à la protection sociale. Même dans les cas où les relations de travail sont formalisées via un contrat, celui-ci ne spécifie ni les tâches à accomplir, ni le temps qui doit être mis à disposition pour les réaliser. Ce flou ne relève pas d’un manque de compétences en la matière, mais d’une stratégie. En effet, la formalisation contractuelle est décrite comme doublement problématique, tant par les employeur·ses que par les employé·es. Elle est non seulement considérée comme une encouble à la bonne marche de l’activité qui doit pouvoir s’ajuster en temps et en heure aux besoins des patron·nes, mais elle est aussi vécue comme une entrave aux relations personnalisées. Bien que les relations entre les domestiques et leurs patron·nes ne soient pas faites de liens de sang, elles et ils font « partie de la famille ». Cette appartenance au groupe familial brouille considérablement les frontières du rapport salarial. À tel point que Delpierre mentionne une mise à disposition du corps illimitée, en particulier lorsque les domestiques vivent à demeure, tant les sollicitations sont multiples, les réveils nocturnes fréquents, les jours de congé et les vacances non respectés. Rosmarie Buri (1991, p. 219), domestique en Suisse dans les années 1950, écrit que sa patronne aimait l’avoir « sous la main pour ses désirs ». Lors de leur recrutement, les domestiques signent en quelque sorte une forme de « chèque en blanc » sur leur mise à disposition, ce qui les rend corvéables à merci. Les domestiques renoncent en conséquence à satisfaire toute une série de leurs besoins vitaux pour servir leur patron·ne (par exemple, dormir ou se nourrir), mais elles et ils manquent aussi parfois cruellement de temps pour construire leur vie en dehors du travail. Delpierre souligne d’ailleurs qu’elles et ils ne peuvent pas jouir (immédiatement) des salaires qui leur sont versés, et se sentent parfois « privé·es de vie personnelle » (2020, p. 182).
7Cet usage extensible de la force de travail permet tout d’abord de relativiser la générosité patronale d’un point de vue arithmétique : un·e domestique qui effectue 15 heures de travail par jour, 6 jours sur 7 (moyenne documentée dans l’enquête), gagne 25 euros de l’heure (si son salaire mensuel est de 10’000,00 euros) et 5 euros de l’heure (si son salaire mensuel est de 2 000 euros). Notons à cet égard que le prix du travail n’est pas le résultat d’une forme de régulation instituée. La recherche de Delpierre révèle que le montant du salaire est défini par « ce qui se fait dans le voisinage » ainsi que les caractéristiques visibles des domestiques (couleur de peau, genre, âge, manière de bouger, de parler, etc.). Le coût de la main-d’œuvre obéit donc à une logique ethno- et égocentrée : plus les domestiques ressemblent à leurs patron·nes, mieux elles et ils sont payé·es. Suivant des mécanismes similaires d’essentialisation et de naturalisation des compétences à l’œuvre sur le marché du travail, les femmes racisées sont généralement moins bien rémunérées.
8Les réflexions sur le prix du travail permettent ensuite de relativiser la générosité patronale d’un point de vue politique. La dorure – entendue comme le cumul du salaire, des primes et des cadeaux – sert à masquer « l’asservissement des corps » selon les termes de l’auteure. Toute mise au travail dans un rapport de subordination est faite de contraintes et de pénibilités ; en cela, la domesticité n’est pas un cas particulier. Si la pénibilité physique et psychique des métiers féminisés a toujours été sous-estimée (Messing, 2016), cela est sans doute particulièrement vrai dans le cas de la domesticité. Exercée dans l’espace privé, échappant aux regards extérieurs (inspection du travail, par exemple), la relation de travail est conclue entre des particuliers qui entretiennent des relations quotidiennes. C’est d’ailleurs au nom de cette proximité physique et affective que les domestiques acceptent de sacrifier leur vie pour (mieux) servir celle de leurs patron·nes.
9Delpierre écrit que le travail est vécu par les domestiques comme un engagement moral et un signe de loyauté envers leurs employeurs et employeuses. Les personnes interviewées parlent de « dévouement » et mettent en avant la « fierté liée aux sacrifices » qui caractérise le travail bien fait. Les domestiques n’étant pas masochistes par nature, il s’agit de prendre au sérieux le récit d’une mise à disposition de soi volontaire quasi totale : en temps et en heure, mais aussi en termes d’engagement du corps et d’engagement affectif pour nourrir, transporter, cuisiner, nettoyer, réparer, soigner, consoler, cajoler, aimer, etc. Il y a bien sûr la rétribution économique, les espoirs de promotion sociale et le « rayonnement symbolique » tiré de la fréquentation des dominant·es, mais il y a aussi de l’attachement. Comme le souligne Alizée Delpierre, les patron·nes sont attaché·es à leurs domestiques et réciproquement. Les affects et les relations personnalisées qui se tissent au cœur même de la relation de travail sont, à n’en point douter, ambivalentes. Comme dans toute famille, la haine côtoie l’amour. L’attachement est alors le moteur d’une forme de servitude volontaire, mais il est aussi une ressource pour supporter des conditions de travail difficiles et certaines maltraitances. Pour les domestiques interviewé·es, le sentiment de faire partie de la famille, d’être indispensables à la vie de leurs patron·nes contrebalance « les mauvais traitements subis, y compris les violences morales et physiques, ou encore les abus sexuels, qui marquent certaines expériences de travail ». Cet attachement ne peut toutefois pas se comprendre sans revenir sur le contexte contemporain de la mise au travail des domestiques.
10Contrairement aux esclaves qui sont propriétés de leur maître et chosifié·es, les domestiques sont libres et reconnu·es dans leur personnalité. Cette reconnaissance se nourrit d’une commune humanité, qui est la condition sine qua non d’un attachement réciproque. Cette reconnaissance est aussi socialement située, c’est d’ailleurs ce qui (re)produit les inégalités et enferme les domestiques dans une position d’infériorité et de redevabilité. Les patron·nes font en effet le récit d’une domesticité qui revêt les atours d’une forme de « sauvetage social » (Monchatre, 2023), permettant d’œuvrer à la cohésion sociale grâce à une forme de ruissellement économique des plus riches vers les plus pauvres. La dette initiale est donc contractée par les domestiques au moment de l’embauche, moment durant lequel prévalent des critères plus ou moins explicites de « discrimination positive » pour publics en difficulté d’accès au marché du travail. Les domestiques ont été choisi·es ou élu·es parmi tant d’autres, elles et ils échappent ainsi à un destin marqué a priori par la pauvreté et/ou la précarité. La dette initiale est savamment entretenue par les patron·nes, qui offrent des primes, des cadeaux, des avantages en nature. Pas besoin d’artifices ou de longs discours pour convaincre les domestiques qu’il s’agit d’une chance ou d’une faveur, il leur suffit de se comparer à d’autres salarié·es, de regarder le niveau de salaire médian ou le taux de chômage. Cette comparaison semble efficace même pour les domestiques qualifié·es (certain·es ont bac +5). La personnalisation des relations de travail en vigueur dans la domesticité implique une forte dépendance aux patron·nes qui peuvent caresser d’une main et frapper de l’autre. Elle articule la crainte de perdre son emploi à la gratitude envers celle ou celui qui le fournit. Cette dépendance est d’autant plus marquée que les domestiques sont moins doté·es socialement, qu’il s’agisse de permis de séjour, de diplômes, d’âge, etc.
11Le fait que la domesticité échappe aux formes de régulation instituées des rapports de travail (pas de cotisation aux assurances sociales, pas de régulations collectives ni des horaires de travail, ni des salaires, pas de mesures de protection de la santé au travail) a d’importants effets sur les travailleuses et travailleurs, notamment sur ce que, à défaut d’autre terme, j’appellerai la « propriété de soi » à la suite des travaux de Robert Castel. Le sociologue a montré combien la « propriété sociale » inhérente au salariat a constitué le socle ou le support nécessaire pour accéder à l’indépendance et exister comme « individu susceptible de développer des stratégies personnelles parce qu’il est affranchi de la misère et de la dépendance » (Castel & Haroche, 2001, p. 105). Parce qu’il a désenclavé le travail des relations singulières entre employeur·ses et employé·es, le salariat a conféré au travail un statut de dignité sociale. En quelque sorte, devenir propriétaires de droits sociaux a rendu les travailleuses et travailleurs un peu moins propriété de leur employeur·se. Dans le cas de la domesticité, les droits sociaux sont partiels ou inexistants et, si les travailleuses et travailleurs semblent affranchi·es de la misère le temps que dure l’embauche, elles et ils restent pris·es en revanche dans des rapports de sujétion personnelle.
12J’ai débuté ce commentaire avec l’histoire de mon arrière-grand-mère. Contrairement aux domestiques interviewé·es par Alizée Delpierre, mon aïeule n’a ni gagné des milliers d’euros, ni reçu de voiture de luxe. En revanche, sa patronne lui avait offert la lecture. Mon arrière-grand-mère était sans doute d’autant plus en « dette » vis-à-vis de cette famille que le « cadeau de l’éducation » avait contribué à la sortir de sa condition. L’apprentissage de la lecture a toujours été pensé et décrit dans ma famille comme un acte de générosité de la part de sa patronne, précisément parce qu’il relevait de son bon vouloir et n’était fait d’aucune obligation. Pour ma part, j’ai appris à lire à l’École publique, je n’ai jamais envisagé cet apprentissage comme un cadeau. L’acte est le même (apprendre à lire), mais dans un cas il relève d’une action privée dite charitable (à ce titre, il constitue une dette) ; dans l’autre, il est socialisé ou institué et relève d’un droit à l’éducation.
13À la fin des années 1920, mon arrière-grand-mère a quitté son poste de domestique pour devenir ouvrière. À l’usine, elle a connu l’exploitation, mais aussi les luttes pour les congés payés et les bals ouvriers. À un siècle d’intervalle, la condition ouvrière serait-elle passée du statut d’espoir en matière d’émancipation au statut de repoussoir ? Dans le contexte actuel, Delpierre relève que le turn-over est fréquent chez les domestiques qui restent rarement plus de 4 ou 5 ans au service d’une même maison. Contrairement à ce qui fut le cas pour mon arrière-grand-mère, la mobilité professionnelle des domestiques documentée par la chercheuse entraîne rarement un changement de condition. L’auteure écrit que leur « espoir de trouver un meilleur emploi, c’est-à-dire moins épuisant et tout aussi rémunérateur, les maintient dans ce secteur professionnel » parfois toute une vie. Les domestiques changent de patron·nes, en trouvent qui paient mieux, respectent davantage leurs congés et leur vie privée, exploitent et/ou maltraitent moins, mais la dépendance reste structurante de cette relation de travail. Ce résultat d’enquête éclaire en creux le fait qu’en dehors du salaire, les conditions d’exploitation dans de nombre de métiers sont de nos jours relativement similaires à la domesticité : un sentiment de gratitude envers celui ou celle qui embauche, une flexibilité accrue, un travail sans limite et des frontières entre vies professionnelle et privée qui se brouillent ou se délitent (Cingolani, 2012).
14La recherche d’Alizée Delpierre nous invite à « prendre au sérieux le récit d’une confrontation sociale sans encombre » entre les riches et « leurs » domestiques, car les riches considèrent bel et bien les domestiques comme leur propriété. L’absence de conflictualité au sein des demeures bourgeoises est un constat alarmant à plusieurs titres, en particulier pour le projet d’égalité sociale, raciale, sexuée. Toutefois, le conflit existe au sein d’autres espaces. Les luttes féministes intersectionnelles et anticapitalistes, par exemple, portent aujourd’hui plus que jamais sur ces enjeux, qu’elles articulent précisément à la question de la dévalorisation du travail domestique et de care (Arruzza, Bhattacharya & Fraser, 2019 ; Federici et al., 2020).