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AccueilNumérosN°2, vol. 2EnquêtesLa jeunesse au local : sociologie de(…)

La jeunesse au local : sociologie des systèmes locaux d’action publique

Youth at the local level: sociology of local systems of public action
Patricia Loncle

Résumés

Le présent article propose une analyse de ce qui fonde les inégalités dans les politiques locales de jeunesse à partir de la notion de système local d’action publique. Basé sur une analyse de sociologie politique, il rassemble des matériaux empiriques issus de documents d’archives et de quatre programmes de recherche réalisés au cours des dix dernières années. Ces matériaux permettent de s’abstraire de la description de simples particularités locales et d’identifier les composantes des systèmes locaux d’action publique. En s’appuyant sur l’analyse de cette notion, l’article présente une mise en perspective et une lecture des spécificités territoriales dans la mise en œuvre des actions publiques de jeunesse, allant au-delà de la simple mise en évidence de la contingence des initiatives publiques. Ce faisant, il propose une typologie des systèmes locaux d’action publique s’appuyant sur l’articulation des éléments qui les composent (l’influence de l’histoire, la gravité des situations locales, les rôles des différents acteurs et l’impact de leur fonctionnement en réseau) et montre comment ces systèmes locaux peuvent être évolutifs dans le temps, dans les espaces et en fonction des thématiques abordées.

Youth at the local level: sociology of local systems of public action

The present article proposes an analysis of the elements that structure the inequalities in local youth policies by referring to the notion of local system of public action. Based on an analysis in political sociology, it brings together empirical data from historical material and from four research programmes conducted over the last ten years. These data focus on various fieldwork studies and different periods of time, allowing to go beyond the simple description of local particularities and to identify the elements of local systems of public action. By referring to the analysis of this notion, the present article aims to put into perspective and to explain the territorial specificities in the implementation of youth policies, going further than the simple assertion of the contingency of public initiatives. In doing so, it proposes a typology of local systems of public action that focus on the articulation of their elements (the historical legacy, the seriousness of local situations, the roles of the various actors and the impact of their networks) and demonstrates how these local systems may be changing according to periods, places and issues.

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Texte intégral

Introduction

  • 1  Nous définissons ici les politiques de jeunesse comme l’ensemble des actions publiques des différe (...)

1Les politiques locales de jeunesse françaises sont traversées de nombreuses et profondes inégalités qui les rendent à la fois difficiles à identifier, pas toujours cohérentes et plus ou moins substantielles (Avenel, 2007, Labadie, 2007, Loncle, 2007)1. En fonction des territoires, ces politiques apparaissent, en effet, contrastées du fait de leurs contenus, de leurs valeurs d’intervention, des acteurs qui les portent, des jeunes qui sont ciblés, etc. Ceci est vrai pour la situation française mais également pour les autres pays européens où une certaine difficulté existe pour saisir ce qui se passe au niveau infranational, alors même que ce sont dans les territoires que ces actions publiques sont le plus couramment implantées (Williamson, 2002). Les politiques de jeunesse ne sont d’ailleurs pas franchement originales du point de vue de ces inégalités. Cependant, leurs traits sont renforcés à plusieurs titres : elles sont relativement peu organisées par le droit, contrairement à des domaines connexes comme les politiques sociales ou de santé ; elles sont, par conséquent, souvent dominées par leur caractère optionnel et dépendent largement du bon vouloir des élus locaux  (Loncle et al., 2008); elles sont caractérisées par une constante faiblesse de l’intervention étatique et donc peu régulées centralement (Loncle, 2003) ; les opérateurs de terrain, principalement des acteurs associatifs, sont depuis longtemps affectés par les précarités professionnelles (Lebon, 2007) et l’actuelle crise des financements publics.

2De ce fait, on peut affirmer qu’en matière de jeunesse, presque tout se passe dans les territoires mais qu’une apparente dispersion domine. Cette impression est renforcée par des phénomènes nationaux ou supranationaux qui viennent perturber cette organisation locale : on peut citer, par exemple, le vieillissement de la population européenne, le fort taux de chômage des jeunes et la précarisation de cette population (Loncle, 2010) ou bien encore les réformes de l’État comme la Révision générale des politiques publiques, etc. ; autant d’éléments qui, bien sûr, contraignent les réponses politiques locales.

3Le présent article se propose de traiter la question suivante : au-delà de la grande hétérogénéité de l’action publique constatée dans les territoires, et en mobilisant une approche par la sociologie des acteurs, comment analyser et comprendre les variétés de mises en œuvre des politiques locales de jeunesse ?

4Pour répondre à cette question, trois types d’analyse peuvent être proposés :

  • il n’y a pas de cohérence d’ensemble, tout dépend des individus, des variations locales, de la rationalité limitée des décideurs locaux : l’aléatoire domine (Balme et al. 1999, p. 19) ;

  • les différenciations territoriales sont le résultat des mouvements de territorialisation de l’action publique et, dans la mesure où les territoires ont des compositions différentes (socio-économiques, politiques, géographiques, de mobilisations d’acteurs, etc), ils produisent des formes d’action publique différenciées mais sans effets de récurrence clairement affirmés (Faure, 2007) ;

5Dans ces deux premiers types, majoritaires dans l’analyse des politiques publiques, l’importance accordée à la marge de manœuvre des acteurs locaux et à leur capacité d’initiative reste limitée.

  • les différenciations sont le résultat des rencontres entre des facteurs nationaux ou supranationaux et des éléments liés à la sociologie politique des territoires qui contribuent à fonder des régulations territoriales spécifiques et à façonner des systèmes locaux d’action publique. Il est donc possible de fournir des facteurs explicatifs à ces différences de mise en œuvre.

6C’est ce troisième type d’analyse que nous mobilisons ici. En effet, selon nous, les politiques locales de jeunesse ne sont pas de simples lieux de résonance des phénomènes exogènes ni des lieux de dispersion aléatoire mais elles présentent des particularités territoriales qui permettent d’affirmer qu’il existe des systèmes locaux d’action publique. Les éléments d’analyse apportés permettent d’étudier ce qui se joue au-delà du simple constat de disparité des mesures et de proposer une analyse plus systématique des processus à l’œuvre et des phénomènes de contingence territoriale (Négrier, 2007). Pour appuyer la démonstration et l’ancrer dans une perspective de sociologie politique, nous nous intéresserons assez peu aux processus de politiques publiques en tant que tels mais plutôt aux articulations des normes sociales et politiques, aux croyances, aux valeurs, aux régulations entre acteurs, aux conflits et aux ressources mobilisées dans les territoires. Le présent article s’ancre dans un courant d’analyse qui propose des interprétations des différenciations locales par le recours à des notions comme les sociétés locales (Bagnasco et Le Galès, 2000), les matrices institutionnelles (Borraz et Loncle, 2000), les configurations locales (Oberti, 2005) territoriales d’acteurs (Négrier, 2005) ou les systèmes locaux (Mingione et al., 2002). C’est sur cette dernière définition que nous nous appuierons ici.

7Les systèmes locaux de lutte contre la pauvreté ont été bien décrits par Mingione et al. (2002, p. 37):

“In order to grasp the structure of local systems, we need to view them within the framework of national models, focusing in particular how the latter have adapted to the actual social, economic and cultural configuration of specific cities. For this reason, it is important to take into account the various urban traditions. These can be seen in terms of their economic history, the patterns of development and organisation of civil society, the changing sets of relevant actors, as well as their demographic history and the spatial distribution of different social groups (…). In this context, local welfare systems can be conceived as dynamic entities in which the specific social and cultural context gives rise to a specific mix of actors involved in strategies for implementing social policies”.

Nous considérerons, par conséquent, les systèmes locaux d’action publique comme le résultat des interactions entre les éléments qui les composent (l’influence de l’histoire des territoires, la gravité des situations locales, les rôles des différents types d’acteurs et leurs fonctionnements en réseau). Ils conduisent à des manières spécifiques de formuler les problèmes publics et de mettre en œuvre des politiques territoriales.

8Nous travaillerons dans deux directions : en spécifiant les rôles de chacun des éléments constitutifs des systèmes locaux mais également en montrant les variabilités dans l’influence de tel ou tel élément sur le fonctionnement du système. L’ambition est donc, appliquée à la jeunesse, d’aller plus loin dans l’explication des inégalités de mises en œuvre locales et de donner à voir un modèle contextualisé et en mouvement.

9Le présent article repose sur des données recueillies au cours des dix dernières années : cela permet de proposer une analyse comparative portant sur plusieurs échelles territoriales, plusieurs domaines de politiques de jeunesse, à des moments de mises en œuvre divers. Ce faisant, l’idée est, d’une part, d’atténuer, sans pour autant les faire disparaître, des effets « sujets » ou des effets « d’actualité » et, d’autre part, en mobilisant la comparaison et le travail sur archives ou sur la littérature grise se rapportant aux territoires, d’éviter de ne travailler que les représentations des acteurs locaux, issues des entretiens semi-directifs. Il s’agit, en outre, de capitaliser des connaissances sur les territoires étudiés à travers les différents travaux. Les données sont ainsi issues de documents d’archives concernant les villes de Lille et de Rennes (réunies à l’occasion de mon travail de doctorat, achevé en 1997) et de quatre programmes d’études et de recherche :

Encadré 1 - Matériau empirique sur lequel s’appuie le présent article et programmes d’études et de recherche afférents

Matériau empirique :

Recherche sur la participation des jeunes menée de 2001 à 2003 à Rennes et à Metz. Recueil des données historiques et de littérature grise dans les deux villes et conduite d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs par ville auprès des élus et professionnels concernés par les Conseils locaux de la jeunesse et d’une quinzaine d’entretiens semi-directifs par ville auprès des jeunes des Conseils et des associations locales.   

Recherche sur la prise en charge des pratiques festives des jeunes rennais (2005-2006) : une vingtaine d’entretiens semi-directifs auprès des élus, des fonctionnaires locaux et de l’administration déconcentrée en charge du dossier.

Etude de la décentralisation du Fonds d’aide aux jeunes dans six départements français (2007-2008) : dans chaque département, une quinzaine entretiens semi-directifs auprès des responsables du dossier dans les Conseils généraux, les Missions locales pour l’emploi des jeunes et les principales associations concernées par le dispositif.

Recherche sur les politiques locales de prise en charge des jeunes vulnérables en Ille-et-Vilaine, Seine Saint-Denis et Hérault avec une trentaine d’entretiens semi-directifs par département auprès des élus et des principaux décideurs ayant affaire avec les jeunes en situation de vulnérabilité.

Au total, la démonstration s’appuie sur plus de deux cents entretiens menés auprès d’élus, d’experts, de responsables associatifs, de professionnels de la jeunesse et de jeunes engagés dans des associations.

Programmes de recherche concernés :

Recherche MIRE (2001-2003), placée sous la direction de Patricia Loncle (EHESP-CRAPE) sur la participation des usagers, ayant donné lieu à une comparaison des conseils locaux de la jeunesse à Rennes et à Metz.

Recherche PRIR (2005-2006), placée sous la direction d’Yves Bonny (Université de Rennes 2/RESO) et de Sylvie Ollitrault (CNRS/CRAPE), intitulée MAGIE (Mobilisations associatives et gestion des espaces intégrés).

Étude DREES (2007-2008) sur la décentralisation du Fonds d’aide aux jeunes dans six départements français (Ille-et-Vilaine, Manche, Moselle, Rhône, Seine-Saint-Denis et Var), placée sous la direction de Patricia Loncle.

Recherche ANR en cours intitulée « Juvenil : perceptions et prises en charge des jeunes vulnérables dans les politiques sociales et de santé au niveau local », sous la responsabilité de Patricia Loncle.

10Ces matériaux n’ont donc pas été recueillis pour les besoins du présent article mais s’ils ont déjà été analysés, ils ne l’ont pas été sous l’angle choisi ici. Les différentes recherches et études ne sont pas comparables entre elles stricto sensu mais trois d’entre elles ont en commun de travailler à une comparaison des effets des traditions d’intervention publique sur les changements de prise en charge de la jeunesse dans le cadre de la monographie rennaise de la recherche PRIR. La régularité des questionnements dans ces différentes études et recherches permet donc, en adoptant un angle d’analyse nouveau, de monter en généralité sur la présente problématique.

11Ainsi, en mettant en évidence le poids des traditions d’intervention (les recherches socio-historiques sur Rennes et Lille), les effets de la remise en cause du système local de prise en charge de la jeunesse rennaise à l’occasion du traitement des pratiques festives des jeunes Rennais, les possibilités d’innovation dans la mise en place de Conseils de jeunes à Rennes et à Metz, puis la différenciation des régulations territoriales face à la gravité des situations sociales et sanitaires en Seine-Saint-Denis et en Moselle, les matériaux permettent de travailler la question des traditions et des valeurs face aux éléments structurels que sont les gravités des situations sociales et sanitaires et de dégager des enseignements sur le fonctionnement des systèmes locaux sur ces éléments. En travaillant ensuite sur le poids des acteurs élus à Rennes, Metz-Borny, des experts dans l’Hérault et à Rennes puis des associations à Rennes et à Metz, enfin des réseaux d’acteurs en Ille et Vilaine et dans l’Hérault, les données recueillies nous éclairent sur le poids des acteurs et de leurs régulations sur le façonnement des systèmes locaux.  

12A notre sens, les matériaux ainsi récoltés démontrent que ce sont les différentes composantes qui constituent les systèmes locaux et non l’inverse : l’évolution des composantes permet des adaptations, notamment en cas de crise politique ou d’influence très forte des facteurs exogènes ; les systèmes locaux ne sont pas des entités qui préexisteraient et seraient immobiles ; néanmoins, on peut observer des récurrences, des stabilités, des capacités d’innovations qui permettent de travailler à leur mise en évidence et à leurs évolutions. Pour ce faire, sont étudiés, dans un premier temps, les facteurs structurels qui pèsent sur la formulation des politiques locales de jeunesse pour comprendre leur part dans la décision politique ; puis, dans un deuxième temps, l’analyse est fondée sur les acteurs qui composent les systèmes, leur fonctionnement et leur poids respectif sur les mises à l’agenda et l’implantation de ces politiques afin de souligner la variété des systèmes. Pour faciliter le raisonnement, nous pouvons d’ores et déjà mettre en évidence cinq types de systèmes locaux d’action publique qui se dégagent de nos différents travaux de terrain et que nous allons traiter ici :

Tableau 1 - Types de systèmes locaux d’action publique

Ille-et-Vilaine

Nord

Moselle

Hérault

Seine-Saint-Denis

Type de systèmes locaux d’action publique

Système intégré, fonctionnant largement sur lui-même, avec des capacités d’innovation variables

Système intégré, soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Système éclaté, fonctionnant sur lui-même, avec des capacités d’innovation dans certains points du territoire

Système partiellement éclaté, assez soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Système partiellement intégré, soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

13Nous allons, pour mettre en lumière ces variations, nous appuyer sur les composantes des systèmes locaux (influence de l’histoire locale, gravité des situations, rôles des acteurs, fonctionnement en réseau) et montrer comment celles-ci influencent le fonctionnement de l’action publique locale.

Des systèmes locaux façonnés par les phénomènes structurels ?

14Pour comprendre comment fonctionnent entre eux les éléments qui composent les systèmes locaux d’action publique, référons nous en premier lieu aux éléments structurels qui composent les territoires. Nous formulons, en effet, l’hypothèse selon laquelle les éléments structurels contribuent à façonner des relations spécifiques entre acteurs d’un même territoire et à produire un système local singulier. Ainsi, quand les acteurs locaux (décideurs, et professionnels essentiellement) sont interrogés sur leurs propres interprétations des spécificités des politiques de leur territoire, ils mettent généralement en avant deux types d’éléments : l’influence des héritages historiques, d’une part, la plus ou moins grande gravité des situations locales, d’autre part. Ces facteurs, présentés comme structurels, intangibles, endossent un double rôle : ils servent à la fois de déclencheurs de l’action publique et de récits de politique publique (Radaelli, 2000), ils influencent les valeurs des acteurs et donnent lieu à des processus de rationalisation (Boudon, 2006). Ils ont bien été identifiés par Mingione et al. comme éléments pesant sur la constitution des systèmes locaux.

15Cependant, ces facteurs présentent aussi des portées relatives. Qu’il s’agisse des héritages ou bien des données concernant la gravité des situations, on constate que si, dans certains cas, on peut parler de corrélation, dans d’autres cas, les effets de ces éléments structurels sur les politiques publiques sont ténus, voire inexistants. Comment dès lors expliquer ces différences ?

Héritages historiques et effets sur les systèmes locaux d’action publique

16L’analyse des contenus mais surtout des acteurs et des relations entre acteurs dans les politiques de jeunesse ou les politiques sociales au sens large est indéniablement marquée par la continuité de certains modèles locaux d’intervention : par exemple, l’influence du socialisme municipal dans les villes aquitaines ou nordistes (Lefebvre, 2001), les héritages protestants à Bordeaux ou à Lyon (Krumenacker, 2002), les effets du catholicisme social en Bretagne (Fournis, 2005)… Du point de vue de l’influence de ces permanences, deux tendances semblent se mêler dans le rapport des acteurs locaux au passé : d’une part, l’existence d’éléments qui plaident en faveur d’une certaine continuité et donnent l’occasion d’évoquer des traditions locales ; d’autre part, un auto‑référencement des acteurs locaux à ces traditions locales qui contribue à légitimer certaines valeurs d’intervention et à alimenter en retour les permanences.

Des esquisses des systèmes locaux dès la fin du 19ème siècle ?

17L’histoire des politiques de jeunesse est marquée par un ancrage de temps long des acteurs dans les territoires : dès leur origine, elles disposent de composantes qui forment des systèmes locaux d’action publique. C’est, en effet, au cours du XIXe siècle que se structurent les premières initiatives spécifiques à la jeunesse : d’abord issues des Œuvres de jeunesse et de ce qui deviendra le secteur associatif, elles sont très structurées par les oppositions confessionnels-laïcs (Renard, 1995), avec un État qui reste quasi absent jusqu’en 1936. La comparaison de l’organisation historique des acteurs de jeunesse à Rennes et Lille (Loncle, 1998) permet de retenir quelques éléments éclairants.  

18Les formes d’encadrement de la jeunesse au niveau local s’inscrivent au XIXe siècle dans un mouvement plus vaste animé par les philanthropes sociaux, préoccupés des mauvaises conditions de vie des populations ouvrières (Bec, 1994), des questions d’hygiène, d’éducation du peuple. Ces organisations apparaissent largement alimentées par un ensemble d’enquêtes et de classifications des populations pauvres urbanisées (Topalov, 1994). Cependant, elles répondent également pour une grande part aux besoins spécifiques de leurs territoires d’intervention. Si, à Lille, les différentes Œuvres entendent lutter contre les  conditions de vie très dures des populations ouvrières et, par conséquent, proposent des contenus d’intervention relevant avant tout des questions sociales (logement, nourriture, etc.), à Rennes, où la situation est moins aigue, les patronages interviennent davantage sur la formation et le loisir des jeunes. Si ces organisations apparaissent nombreuses et d’obédience variées à Lille, elles se résument au nombre de trois à Rennes (deux catholiques et une laïque). Dans les deux cas, les organisations sont composées de notables qui disposent de leviers sur l’intervention des municipalités.

19Les relations entre acteurs associatifs et acteurs publics s’organisent autour de trois niveaux d’intervention : un contrôle de l'action privée qui s’exerce avant tout dans les domaines sanitaire et politique et qui représente à la fois le degré le plus fréquent et le niveau minimal d'intervention ; un soutien financier ou symbolique visant à soutenir les initiatives privées (les élus entretiennent parfois des rapports étroits et pérennes avec les structures de jeunesse, parfois, au contraire, ils les soutiennent seulement de manière ponctuelle ; à Rennes, un soutien systématique est ainsi accordé à l’Amicale laïque sous forme symbolique - discours du maire en sa faveur- ou matérielle - prêt de salles, de la piscine -, qui préfigure peut-être la pratique de délégation très grande aux associations dans cette ville) ; une organisation parfois directe des structures en faveur de la jeunesse (à Lille, dès le début du XXe siècle, une crèche et une colonie de vacances sont organisées par la Municipalité, celle-ci gère également, à partir des années 1920, deux établissements spécialisés dans l’accueil des enfants déficients. Des initiatives parallèles sont menées à Roubaix, par exemple).

20Dès le courant du XIXe siècle, des contrastes importants apparaissent donc dans les territoires : dans la manière de formuler les questions de jeunesse (alors que les questions sanitaires et sociales sont très prégnantes à Lille, elles le sont nettement moins à Rennes) ; dans la présence des réseaux notabiliaires, futurs réseaux associatifs (Lille donnant lieu à des mobilisations de plus grande ampleur) ; dans l’implication des Municipalités (avec une intervention directe beaucoup plus systématique à Lille). Ces contrastes ne vont bien sûr pas rester figés dans le temps. Bien qu’à Lille, on note la permanence d’une acception large de l’intervention en matière de jeunesse ainsi qu’une pluralité des acteurs et des tentatives d’intervention directes de la Municipalité, à Rennes, au contraire, l’intervention est plus étroite d’un point de vue thématique, les acteurs associatifs y sont peu nombreux mais essentiellement délégataires des missions de service public.

21De ce fait, la perspective de temps long éclaire les inégalités qui marquent les politiques de jeunesse d’un point de vue structurel et cognitif et contribuent à façonner les systèmes locaux contemporains d’action publique.

Effets des traditions sur les systèmes locaux d’action publique

22On pourrait déduire de la continuité dans la différenciation des approches une certaine permanence des systèmes locaux d’action publique. Pour autant, il faut nuancer l’influence de ces continuités. En effet, il n’existe pas de systématisme qui réduirait les actions publiques locales à une sorte de path dependence indépassable (Bensa et Fabre, 2001, p. 9-11). En outre, ces permanences, éléments indéniablement importants des systèmes locaux, jouent de manière différenciée en fonction des problèmes publics et des localités : tour à tour, elles permettent des innovations ou de la résistance à des changements exogènes ou bien jouent contre l’innovation et le renouvellement des pratiques.

23Dans notre matériau, le cas du traitement des pratiques festives des jeunes Rennais (Loncle, 2008a) apparaît tout à fait éclairant sur le premier versant. La ville de Rennes est caractérisée par un système local que l’on peut qualifier de la manière suivante : une intervention de longue date en direction des jeunes ; des valeurs ancrées plutôt dans le domaine du socioculturel ; un petit nombre d’acteurs associatifs auxquels la ville confie la mise en œuvre de sa politique locale ; une permanence très grande des institutions et des acteurs. Des phénomènes assez similaires ont été soulignés par Le Galès et Vion dans le domaine des politiques culturelles (1997). À partir de 2004, ce système local est remis en cause du fait des difficultés croissantes éprouvées par la municipalité mais surtout par la Préfecture de région à canaliser les débordements dus aux fêtes des étudiants le jeudi soir dans le centre-ville.

24Sans entrer ici dans le détail des rivalités qui se nouent alors, insistons sur la coexistence pendant deux années de deux modèles d’intervention : un modèle porté par la Préfecture, qui, sous couvert de santé publique, assoit son action sur la stigmatisation et la répression des comportements des jeunes (campagne de presse officielle « la Bretagne face à ses démons » ; arrêté anti-alcool ; cars de CRS présents en centre-ville les jeudis soirs ; fermetures de squats culturels, etc.) ; un modèle proposé par la municipalité et consistant à entrer en dialogue avec les jeunes et à développer des actions de réduction des risques (organisation de soirées sans alcool, installation de bus de prévention à la sortie des lieux festifs, etc.).

25Le premier modèle semble un temps le plus fort. La Préfète de Région est une personnalité charismatique dont l’esprit d’initiative est souvent salué :

« Je pense que la Préfète a été la première à dire de façon très officielle et très ouverte : il y a un véritable problème avec une certaine jeunesse et l’alcool, et qu’elle a décidé de s’attaquer à ce problème à bras le corps ». (Un représentant de l’État)

26En outre, elle bénéficie du soutien du Ministre de l’Intérieur et s’appuie fortement sur son Programme stratégique d’action de l’État en Région (PASER) pour convoquer l’ensemble des services déconcentrés de l’État et tenter de les faire adhérer à sa vision de ce problème public. Pourtant, du fait de l’émergence de réponses alternatives et plus préventives par la Mairie, son influence diminue progressivement.

27En vis-à-vis, le modèle de prise en charge promu par la mairie et placé dans la continuité du système local se positionne en contrepoint de la lecture étatique du problème public :

« Le problème estudiantin a marginalisé la question des jeunes des quartiers et au contraire, on n’est pas ici sur la stigmatisation mais sur des formes d’idéalisation du jeune de quartier. Finalement, il n’est pas si mal par rapport aux loulous bobo qui ont du fric et qui font chier et qui picolent ». (Un élu local)

28Ce modèle se renforce à mesure que les relations se tendent avec les jeunes, il correspond aussi plus largement aux valeurs des acteurs publics et associatifs locaux qui étaient opposés au modèle répressif. On peut y lire une forme de résistance se référant à ce qui est perçu comme le système rennais d’action publique en matière de jeunesse.

29Cependant, dans un certain nombre de cas, cet auto-référencement des acteurs au système local ne joue pas en faveur d’une innovation ou d’un renouvellement de l’action publique ; c’est le cas des mises en œuvre des Conseils de jeunes à Rennes et à Metz-Borny (Loncle, 2008b). Pour travailler sur ces mises en œuvre, nous avions formulé l’hypothèse selon laquelle les processus historiques agiraient fortement sur ces expériences. Il semblait, par conséquent, que nous étions face, d’une part, à un cas « vertueux », celui de Rennes, caractérisé par une longue préparation, une négociation active avec les acteurs associatifs, et une volonté de valoriser la figure de la jeunesse « ressource » et, d’autre part, face à un cas plus ou moins spontané, celui de Metz, marqué par le surgissement impréparé de cette initiative, portée par un petit nombre d’acteurs associatifs et assise sur l’idée d’une jeunesse « menace » pour la cité.

30Or, c’est le cas « vertueux » qui a rapidement trouvé des limites et le cas dominé par l’impréparation qui a été doté d’une envergure et d’une légitimité plus importantes.

31Comment expliquer ces développements plus ou moins inattendus ?

32À Rennes, le système local semble avoir joué au détriment du Conseil des jeunes : du fait de l’importante et ancienne délégation de service public au secteur associatif, l’élue jeunesse avait peu de poids dans un domaine où les associations avaient coutume de fixer plus ou moins les orientations de la politique jeunesse ; les services administratifs de la commune, habitués à cette délégation, ne comprenaient pas l’intérêt qu’il pouvait y avoir à recevoir directement les jeunes ; les responsables des associations subventionnées étaient plutôt défavorables à cette initiative, vécue comme un déni de leur capacité à représenter les jeunes de leur territoire ; le processus de décision étant depuis toujours basé sur une concertation importante mais exclusive entre acteurs municipaux et acteurs associatifs, il a semblé très difficile de faire une place aux recommandations des jeunes. L’ensemble de ces éléments conduit à une désaffection rapide du Conseil par les jeunes qui se sont sentis otages d’une initiative perçue comme essentiellement symbolique.

« (…) Les élus nous ont énormément déçus, tous les trucs qui ont été proposés, à chaque fois, il y avait quelque chose qui était nul. En gros, nous, on était de la merde, on ne savait pas réfléchir ». (Un jeune du Conseil local de la jeunesse de Rennes)

33À Metz, au contraire, alors que l’intervention publique en matière de jeunesse était jusque-là plutôt limitée et basée sur des valeurs répressives ou de prévention de la délinquance, le Conseil des jeunes a développé une envergure plus importante : l’élu avait un certain poids politique ; le Conseil prenait corps dans un quartier  - Metz-Borny - et non à l’échelle de la ville, ce qui facilitait l’évolution du processus de décision ; ce quartier, très représentatif des quartiers de relégation sociale, apparaissait plutôt sous- doté et, de ce fait, les services administratifs ont réservé un accueil favorable à cette initiative ; les responsables associatifs, composés de professionnels « traditionnels » de la prise en charge de la jeunesse n’étaient pas hostiles à cette création, les responsables des associations de jeunes y étaient même nettement favorables ; enfin, le Conseil de jeunes était intégré au fonctionnement du Comité de quartier, les méthodes de prises en compte des recommandations étaient claires et les jeunes ont eu la possibilité de s’exprimer sur l’ensemble des sujets abordés par le Comité de quartier, y compris les questions d’aménagement urbain, par exemple. Lorsque la recherche a eu lieu, après deux années de fonctionnement, les jeunes élus se déclaraient satisfaits de cette initiative :

« Le plus important, c’est d’aller proposer des choses. Et des fois, il y a des choses hyper intéressantes et sensées qu’on entend avec des jeunes ou des moins jeunes. Et quand on sent que ces choses-là sont entendues et que ça a avancé un peu, ça donne de l’espoir, bien sûr. Et seulement à partir de là, on pourra… ».  (Un jeune du Conseil local de Metz-Borny)

34L’enseignement de cette comparaison du point de vue des systèmes locaux est double : dans certains cas, les permanences historiques et les valeurs des acteurs, jouent comme un frein vis-à-vis de l’introduction de nouvelles modalités, on l’a vu à Rennes ; dans d’autres cas, alors qu’il n’y a pas vraiment de système local stabilisé, l’introduction de nouvelles approches de la jeunesse peut se trouver facilitée et permettre l’émergence de dimensions tout à fait intéressantes, c’est le cas de Metz‑Borny. Par ailleurs, il n’y a pas de lien évident entre la continuité des modèles d’intervention et l’envergure des actions ; certaines initiatives permettent d’introduire du changement d’ampleur sur le modèle des « fenêtres politiques » (Kingdon, 1984) alors que d’autres vont se trouver prises au piège de formes de path dependence (Pierson, 1993). Si les systèmes locaux sont assez aisés à identifier, leurs modalités de fonctionnement ne sont pas toujours très intuitives.

L’ampleur des difficultés sociales et sanitaires : un élément constitutif des systèmes locaux d’action publique ?

35Les gravités des situations (ou tout du moins, la perception de ces gravités), les données sociales ou sanitaires sont également fréquemment évoquées par les acteurs, isolément ou dans leurs actions partenariales, pour justifier l’ampleur des mobilisations et des actions publiques. Les discours alors tenus relèvent d’une perspective « mécaniciste » ; l’évidence de l’action est soulignée sur le thème de l’obligation à agir. Il semblerait donc que l’ampleur des difficultés sociales et sanitaires fasse partie des éléments constitutifs des systèmes locaux d’acteurs. C’est d’ailleurs ce que laissent supposer Mingione et al. lorsqu’ils intègrent la situation économique dans les éléments de façonnement des villes comme systèmes locaux(p. 36).

36Il faut sans doute à la fois considérer que le caractère aigu des problèmes constitue un important ressort d’action mais qu’il représente également un moyen d’auto-légitimation des acteurs sur le thème d’un « intérêt général local » (Rangeon, 2005). Cependant, il y a aussi des cas où, malgré les difficultés, les réponses publiques demeurent extrêmement timides tant le problème public ne fait pas partie des priorités de la collectivité territoriale. Examinons ces deux situations tour à tour.

37Un bon exemple du lien entre gravité des situations et conséquence de la réponse publique est celui de la prise en charge des jeunes vulnérables dans les politiques locales en Seine-Saint-Denis. La Seine-Saint-Denis n’est plus vraiment un département que l’on présente : le plus pauvre de France, il concentre de très nombreuses difficultés sociales et sanitaires. Les jeunes y sont exposés à des risques de chômage très élevés, à de multiples formes de discrimination et souffrent d’une image médiatique particulièrement négative. Si ce département, symbolique de la « banlieue rouge », est marqué par des modes de gestion des questions sociales et de santé très municipales (cf. notamment Van Zanten, 2001), les acteurs rencontrés se réfèrent assez peu à cette histoire pour expliquer leurs modalités d’intervention actuelle. Ici, la gravité avérée de la situation est saisie assez largement pour expliquer l’émergence de politiques locales de jeunesse d’envergure ou innovantes.

38Ainsi, à Aubervilliers, l’élue de la municipalité explique qu’elle développe des réflexions ambitieuses, et qu’elle implante systématiquement de nombreux dispositifs innovants ; elle résume ses modalités d’action de la manière suivante :

« C’est vrai que sur Auber, on met tout en place. Généralement, dès qu’il y a un dispositif, on s’engouffre dedans. (…) On est une ville où tout ce qui se présente, on prend, parce qu’on en a besoin, on ne voit pas comment on va s’en sortir sinon. Mais ça ne suffit pas. Mais bon, on va y arriver, je suis optimiste quand même. J’ai dit : " au moins encore 10 ans et c’est bon". Mais 10 ans, c’est long pour les gens… ». (Élue chargée de la santé à Aubervilliers)

  • 2  Seules 6% des Missions locales sont dotées d’un poste de médecin à temps partiel.

39Dans le même ordre d’idée, à la Mission locale de la Dhuys, située dans la commune de Montfermeil, un entretien avec le médecin chargé de la prévention santé2, permet de mettre en relation la gravité de la situation des jeunes et les grandes capacités d’innovation de la structure. Sur la gravité de la situation, il dresse un tableau clinique assez désespérant :

« Ils sont tous demandeurs de soins, tous ceux que j’ai vus, huit sur dix a au moins un soin à réaliser et deux jeunes sur trois ont trois orientations vers le soin nécessaires, surtout soins dentaires, des plaintes fonctionnelles élaborées, anxiogènes, qui sont souvent responsables de visites d’urgence à l’hôpital pour rien (…) Avec, voilà, des particularités, quand même ça c’est grave, un jeune sur cinq sortira d’ici avec un statut de handicap ». (Médecin de la Mission locale de la Dhuys)

40La gravité de la situation conduit également les acteurs locaux à faire émerger des questionnements nouveaux par rapport à d’autres territoires. C’est ainsi que le directeur de la Maison des ados de Bobigny explique son investissement particulier sur certaines thématiques :

« Notre service, je vous le disais au début, a cette identité très très marquée d’expertise dans la prise en charge des migrants. Moi, quand je suis arrivé ici il y a quelques mois, la première chose que j’ai faite, c’était d’ouvrir une consultation spécialisée avec cette dimension transculturelle… il m’est apparu indispensable de mettre en place ce dispositif-là qui tient compte de cette dimension. (…) Ça, ce sont des choses assez spécifiques à notre Maison des ados ». (Directeur de la Maison des ados de Bobigny)

41Ces exemples sont  illustratifs du lien entre gravité des situations et ampleur des mises en œuvre et donc de leur influence sur le fonctionnement du système local d’action publique. Cependant, des phénomènes inverses ont également été observés : des situations sociales ou sanitaires particulièrement graves pour les jeunes et des politiques publiques très ténues, voire stigmatisantes.

42C’est précisément le cas de la décentralisation du Fonds d’aide aux jeunes (FAJ) en Moselle. Rappelons tout d’abord le contexte de l’étude : il s’agissait de comparer en 2007 la manière dont six départements français s’étaient appropriés les transferts de compétence issus de la loi de 2004 dans le domaine du FAJ (mesure ponctuelle créée en 1988 dans le sillage du revenu minimum d’insertion (RMI) et visant à soutenir les jeunes les plus exclus dans leurs parcours d’insertion sociale et professionnelle). Or, il se trouve que, dans le panel, le département de la Moselle était le deuxième département le plus touché par le chômage des jeunes mais aussi le dernier département du point de vue  des budgets accordés, de la réappropriation du règlement intérieur, de l’intégration du dispositif FAJ dans une politique départementale de la jeunesse, des critères de sélection des bénéficiaires. Sur tous ces éléments, le département de la Moselle était le moins investi et le plus strict à l’égard des opérateurs et des jeunes soutenus.

43Ce qui est intéressant ici, c’est d’essayer de comprendre la distorsion entre la situation économique des jeunes du département et le faible intérêt accordé à ce dispositif. Trois raisons peuvent être évoquées :

44- Tout d’abord, une histoire imprégnée par les patronages industriels et les associations caritatives où les pouvoirs publics locaux sont faiblement mobilisés sur les questions de pauvreté (Guerrand, 1966). Le département est également marqué par l’implantation de congrégations religieuses qui pendant longtemps ont façonné la prise en charge des pauvres (Lazare, 2002).

45À propos des personnes âgées, Alvestegui et Petitjean montraient en 2003 (p. 79-80) que l’identité mosellane était revendiquée par les acteurs sous la forme de la rigueur, de la compétence, du volontarisme et de l’humanisme :

« …Le Lorrain sait travailler et a une sensibilité qui est issue de la souffrance pendant la guerre et pendant les années de travail dans les mines et dans la sidérurgie. Les gens sont plus durs, plus tenaces, plus décidés en général… c'est des gens qui savent bosser, on sent le poids de l'histoire ».  (Directeur d’association)

46Il semble possible de transférer ces observations, globales et davantage liées à l’histoire départementale qu’à un secteur spécifique, à la prise en charge de la jeunesse et d’en déduire l’existence d’un système d’idées qui influe sur les valeurs de la prise en charge.

  • 3  Ce constat ne remet bien sûr pas en cause le travail effectué par cette personne mais on peut cons (...)

47- Ensuite, une faible mobilisation politique sur la question des jeunes vivant dans des situations de pauvreté, qui se ressent fortement sur le processus de décision : la décentralisation du FAJ n’a fait l’objet d’aucun débat à l’Assemblée départementale ; aucun élu du Conseil général n’est vraiment investi sur cette question ; la gestion du FAJ est confiée à un agent de catégorie B qui travaille de manière isolée sur ce dossier, sans bénéficier d’un pouvoir décisionnel stratégique3 ; une volonté de réduire fortement les dépenses liées à ce dispositif. Les entretiens laissent également apparaître une crainte que les jeunes n’abusent du dispositif et une volonté de faire le tri entre les « bons » et les « mauvais » jeunes. Les valeurs du système local sont très clairement stigmatisantes.

48De façon très particulière ici, la volonté de maîtriser au mieux les dépenses, ainsi que les perceptions négatives, sont partagées par certains opérateurs. C’est ainsi qu’un directeur de Mission locale explique dans un entretien sa volonté de faire des économies et de contrôler très fortement les distributions d’aides aux jeunes. À la question, « comment expliquez-vous que vous ne dépensiez pas complètement votre enveloppe FAJ ? », cet acteur répond que la situation des jeunes du département n’est pas particulièrement problématique… (alors même que cette Mission locale est située dans le territoire d’un ancien bassin houiller profondément sinistré).

49- De plus, les opérateurs de terrain, ayant intégré cette sévérité du système d’attribution du FAJ, s’autocensurent et orientent directement les jeunes vers le secteur caritatif. Une professionnelle affirme :

« Il y a des fois où j’aimerais bien demander plus, plus souvent, mais du coup je me fais de l’autocensure puisque je ne participe pas à la commission, mais je sais que ça ne sera pas fait ». (Professionnelle dans un centre d’accueil bas seuil à Metz)

50De fait, pour répondre aux besoins des plus pauvres, dans la continuité du modèle historique, les réponses proviennent pour partie du privé :

« Il y a une boutique solidarité qui vient d’ouvrir près de la gare où ils peuvent laver leurs vêtements, ça c’est bien. (…) C’est la fondation Becker qui a mis ça en place, ce n’est même pas le public, c’est le privé. C’est indispensable ». (Professionnelle dans un centre d’accueil bas seuil à Metz)

Dans le département de la Moselle, il n’y a donc pas de corrélation entre la gravité de la situation des jeunes et l’ampleur des mobilisations développées à leur égard. Ici, ce sont plutôt d’autres éléments qui influent et expliquent la faiblesse de l’action publique : l’héritage historique, la timide mobilisation politique alliée à des valeurs stigmatisantes et à l’autocensure des professionnels. Le système d’action publique locale apparaît peu réactif à ces questions et replié sur des valeurs anciennes (ce qui n’empêche pas des innovations dans le territoire particulier de Metz-Borny).

Pour conclure sur le poids des héritages historiques et de la gravité des situations (ou de leurs perceptions), ces éléments pèsent sur la constitution des systèmes locaux d’action publique tout en jouant de manière à la fois systémique et non systématique : il faut dans chaque cas les confronter aux valeurs et régulations en cours dans le territoire et examiner la nature et l’ampleur de leur influence ; ils peuvent constituer des leviers d’innovation ou au contraire des freins. À ce point de notre raisonnement, nous pouvons reprendre notre tableau introductif en l’augmentant des éléments de cette première partie.

Tableau 2 - Fonctionnement des systèmes, éléments historiques et gravité des situations

Ille-et-Vilaine

Nord

Moselle

Hérault

Seine-Saint-Denis

Type de fonctionnement du système

Système intégré, fonctionnant largement sur lui-même, avec des capacités d’innovation variables

Système intégré, soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Système éclaté, fonctionnant sur lui-même, avec des capacités d’innovation certaines dans certains points du territoire

Système partiellement éclaté, assez soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Système partiellement intégré, soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Poids des éléments historiques sur les perceptions des acteurs

Très fort

Très fort

Très fort

Fort

Pas très important

Gravité des situations et mobilisation des systèmes locaux

Relativement faible gravité et forte mobilisation

Importante gravité et importante mobilisation

Importante gravité et faible mobilisation

Importante gravité et importante mobilisation

Très importante gravité et importante mobilisation

Néanmoins, pour permettre une vision complète du fonctionnement des systèmes locaux d’action publique, ces éléments doivent également être étudiés en tenant compte des régulations entre acteurs.

Les rôles clefs des acteurs dans les systèmes locaux d’action publique

  • 4  Contrairement à Mingione et al., pour analyser les systèmes locaux, nous considérons ici deux des (...)

51Les systèmes locaux sont composés d’acteurs - ici, les élus, les experts et les associations4- dont les influences apparaissent déterminantes pour comprendre la constitution des systèmes et les différences de contenu dans les politiques locales de jeunesse qui en découlent : en fonction du poids respectif des différents acteurs mais également de leur manière de collaborer, on peut déceler dans les territoires des types de réponses très différenciées. Pour comprendre la nature des régulations territoriales, analysons tour à tour les influences des acteurs puis leurs différentes manières de collaborer entre eux.

Les principaux protagonistes des systèmes locaux

52En matière de jeunesse, les principaux protagonistes des systèmes locaux d’action publique sont indéniablement les élus, les experts et les associations.

Le poids des élus : un facteur déterminant mais non exclusif du fonctionnement des systèmes locaux

  • 5  Voir sur ce point, la bibliographie présentée par Alain Faure en 2009.

53Les élus locaux font bien sûr partie des acteurs qui structurent fortement les systèmes locaux : ils contribuent de manière générale aux mises à l’agenda des problèmes publics, à leur formulation et ils façonnent largement les réponses publiques locales. Ils jouent parfois des rôles majeurs, notamment dans les grandes villes pour développer des stratégies collectives et faire de leur ville des acteurs politiques (Le Galès, 2002). Ce qui est vrai pour tous les domaines d’action publique et fait l’objet d’un certain nombre de travaux d’analyse5 l’est d’autant plus pour les politiques de jeunesse où le rôle de l’État a toujours été réduit, laissant une large part à l’initiative des élus locaux, que l’on soit ou non en période de décentralisation. De ce fait, le risque de voir apparaître des inégalités territoriales profondes dans la mise en œuvre des politiques de jeunesse est peut-être encore plus grand que pour d’autres domaines.

54Lorsque l’on observe le rôle des élus locaux sur un certain nombre d’initiatives en matière de jeunesse, l’importance jouée par ces derniers est indéniable quant à la plus ou moins grande ampleur des actions publiques locales et au façonnement du système local d’action publique. Cependant, cette importance apparaît variable en fonction des territoires mais également des périodes et des dossiers examinés. Les exemples des Conseils locaux de jeunesse de Metz-Borny et de Rennes permettent de bien saisir ces contrastes. L’élu qui suit le dossier de Metz-Borny est chargé du dossier de la politique de la ville et est par ailleurs député. Il a fait carrière en politique (son premier mandat local date de 1977) et a déjà un certain âge au moment de l’enquête. Il s’est particulièrement investi sur des dossiers nationaux d’envergure : la prise en charge des personnes âgées, puis l’éducation thérapeutique du patient et la réforme des retraites aujourd’hui. Au moment de l’entretien, il brigue le mandat de maire de Metz. Pour lui, le Conseil local de la jeunesse entre dans le dispositif du Comité de quartier et représente un enjeu politique important : celui de changer l’image de Metz-Borny. Il tire  de ce projet une certaine fierté (et en parle d’ailleurs à la première personne du singulier) :

« Donc j’ai créé un Comité de quartier… il faut savoir aussi, mes prédécesseurs, je ne veux pas me vanter, n’avaient pas réussi à vendre au Maire un Comité de quartier, mais j’ai dit « il faut créer des Comités de quartier » et on est parti à la base (…) Quand on en discute comme ça entre nous, pour eux, personne ne pensait jamais qu’un jour il y aurait un Comité de quartier avec un Conseil des jeunes ». (Élu chargé de la politique de la ville à Metz)

55Le Conseil des jeunes est dès lors envisagé comme une « courroie de transmission » entre les jeunes et le système de décision :

« Mais ce que l’on attend d’eux, c’est qu’ils viennent nous dire, selon eux, quels sont les remèdes pour que le quartier retrouve le charme, le caractère, qu’il avait il y a une trentaine d’années ».

56Ou encore :

« Vous vous tenez tranquilles, en échange de quoi, nous prenons en compte vos attentes et faisons notre possible pour que les procédures soient rapides ». (Élu chargé de la politique de la ville à Metz)

57L’élue à la jeunesse de Rennes est, quant à elle, beaucoup plus jeune, elle ne possède qu’un mandat local (qui apparaît comme un mandat somme toute mineur dans la hiérarchie implicite du Conseil municipal). Au moment de l’enquête, elle occupe son deuxième mandat à l’issue duquel elle quittera ses fonctions électives. Le Maire de l’époque, Edmond Hervé, après avoir soutenu ce projet, s’en est quelque peu désintéressé, ce qui a contribué à infléchir la légitimité du Conseil. Le Conseil local de la jeunesse fait partie d’un projet plus global en matière de participation des jeunes.

58Notons que l’élue utilise le « nous » quand elle parle de ce projet et qu’elle s’exprime au nom de l’équipe municipale en son entier :

« Sur les projets de participation des jeunes… (…) Il nous semblait plus important de permettre l’émergence de choses sur le terrain et de construire une dynamique de terrain. Tout le travail de transversalité sur les problématiques jeunes au niveau de la ville, au niveau politique et administratif, faisait que la ville maintenant était peut-être mature pour se poser la question de la création d’un Conseil local de la jeunesse, à partir d’un terrain et d’un vivier existants.» (Élue à la jeunesse de la Ville de Rennes)

59Cependant, paradoxalement, le Conseil apparaît comme un outil comme tant d’autres et ne cristallise pas d’enjeu politique particulièrement fort. Dans le cas de Metz-Borny, on voit donc un élu influent qui investit fortement le projet de Conseil des jeunes, en fait un enjeu politique et parvient à faire évoluer le système de décision politique en faveur des jeunes alors qu’à Rennes, même si le Conseil entre dans un projet politique de plus grande ampleur, l’élue ne parvient pas à asseoir suffisamment d’influence pour lui donner une légitimité au regard des autres élus et de l’administration municipale. Par ailleurs, alors que le premier Conseil possède une certaine envergure du point de vue des actions entreprises et des domaines considérés, le second s’est limité à quelques recommandations peu suivies d’effets dans le seul domaine de la jeunesse.

60Cet exercice de comparaison donne à voir les influences contrastées et considérables que peuvent avoir les élus à propos de dossiers précis alors même que, répétons-le, une première analyse aurait pu laisser penser que Rennes était mieux placée que Metz pour introduire cette initiative. Il permet de comprendre comment cet élément particulier des systèmes locaux d’action publique va jouer différemment et permettre des réponses territoriales inégales. Ceci peut être articulé ou non avec le rôle des experts.

Le rôle des experts dans le fonctionnement des systèmes locaux

  • 6  L’APRAS est ici présentée comme une structure d’expertise et non comme une association. En effet, (...)

61Soulignons à quel point un certain nombre d’experts jouent des rôles décisifs dans la formulation et la mise en œuvre de politiques de jeunesse, ceci avec le soutien ou non de leurs élus de référence. Ce qui est singulier dans le domaine des politiques de jeunesse, c’est que les experts en question ne relèvent pas de l’administration déconcentrée, n’appartiennent pas ou peu à des corps professionnels identifiés. Là encore, la présence des experts est loin d’être uniforme en France et, si beaucoup de territoires développent aujourd’hui des actions en direction de la jeunesse, il reste encore de nombreuses zones où aucun service ou même aucun poste spécifique n’est dédié à cette population. Pour autant, les experts considérés ont affaire à la complexité croissante de l’action publique locale et construisent leur légitimité professionnelle sur leurs capacités à faire face à ce phénomène (Duran et Le Bianic, 2008). De ce fait, ils jouent un rôle parfois fondamental dans le fonctionnement des systèmes locaux d’action publique. Le recours à deux exemples permet d’illustrer ce propos : la Mission jeunesse du Conseil général de l’Hérault et l’Association pour la promotion de l’action sociale (APRAS)6 à Rennes.

62La Mission jeunesse du Conseil général de l’Hérault a été créée en 1999, c’est un petit service qui compte deux cadres. Avec peu de moyens et peu d’objectifs préétablis par les élus, c’est le lieu de définition, de formalisation et de coordination de la politique jeunesse de ce département. Comme le décrit son responsable, les méthodes d’intervention ont été dessinées progressivement :

« Donc, au début, c’était un peu empirique mais on ne s’est jamais privé de… nos élus ne connaissaient pas le public jeunes (…) il fallait toujours argumenter, prouver, montrer que c’était important, montrer que, dans les chiffres, démographiquement, c’était une population relativement importante, un quart de la population, et puis sur les problématiques quand même, tout ce qui guettait un peu les jeunes, les élus en étaient un petit peu éloignés. Donc beaucoup de travail pour légitimer finalement notre mission et les budgets qu’il pouvait y avoir derrière ». (Responsable de la Mission jeunesse du département de l’Hérault).

63Malgré le caractère un peu empirique ainsi souligné, la politique de ce département se veut aujourd’hui vraiment ambitieuse en matière de jeunesse. C’est à partir de ce petit service que toute la politique départementale de jeunesse trouve son sens dans le département de l’Hérault. Les deux cadres qui en ont la responsabilité apparaissent comme les initiateurs de cette démarche qu’ils essaiment ensuite auprès des élus, des agents du Conseil et des opérateurs de terrain.

  • 7  Après près de 45 années de cofinancement, cette institution vient de mettre fin - en décembre 2010 (...)

64À Rennes, les lieux de formalisation technique de la politique de jeunesse sont de fait répartis entre deux institutions : l’APRAS et la mission jeunesse. Concentrons-nous sur le premier qui est très illustratif du système local d’action publique. L’APRAS constitue en quelque sorte la figure historique de ce domaine. Créée en 1977 à l’occasion de l’arrivée d’Edmond Hervé et héritière de l’Office social et culturel initié par Henri Fréville, cette institution est emblématique de la politique sociale rennaise. Si les élus font partie du Conseil d’administration de cette instance, ce sont bien les experts, les techniciens qui la font vivre. Financée conjointement et depuis son origine par la Ville, la Caisse d’allocations familiales7 et les bailleurs HLM (rejoints plus récemment par Rennes Métropole), chargée d’initier les expérimentations sociales, elle a contribué au lancement de la plupart des initiatives sociales locales, parmi lesquelles les politiques de jeunesse figurent en bonne place (par le biais, par exemple, de l’attribution des mètres carrés sociaux, du suivi des nouveaux dispositifs comme la politique de la ville ou bien encore du conseil et de l’observation de phénomènes comme l’errance des jeunes). Comme le résume son directeur :

« Dans la préoccupation de la réflexion sur les évolutions sociales de l’APRAS, les jeunes sont présents soit au premier rang, soit en filigrane, en permanence. En général, quand il y a quelque chose d’un peu hors clous qui s’est mis en place, l’APRAS n’est pas très très loin et est dans le coup d’une manière ou d’une autre ». (Directeur de l’APRAS)

65Dans les cas décrits, le fonctionnement des systèmes locaux dépend finalement plus des techniciens que des élus. Ces derniers sont bien sûr présents en ce qu’ils relaient les propositions faites par les instances et les portent devant les structures électives. Néanmoins, le rôle des experts apparaît crucial, de même que leur profil. Pour les Rennais, on peut souligner à quel point, par exemple, les directeurs successifs de l’APRAS incarnent des figures d’experts militants. Il est en outre intéressant de pointer que les deux derniers directeurs ont d’abord été directeurs de la Mission jeunesse et que l’avant-dernier directeur est aujourd’hui président du Centre d’information jeunesse Bretagne… il y a donc ainsi une grande permanence des acteurs, nous y reviendrons.

La place des acteurs associatifs et des représentants de jeunes dans les systèmes locaux d’action publique

66La place du secteur associatif est évidemment également essentielle et ancienne en matière de façonnement des systèmes locaux et reste aujourd’hui encore très inégale selon les territoires (Loncle, 2003). Les liens entre associations et territoires ont d’ailleurs largement été étudiés par les sociologues (Vermeersch, 2006 ;  Ion, 2001 ; Hamidi, 2010, par exemple).

67Dans une recherche en cours sur la prise en charge locale des jeunes vulnérables (qui porte sur les politiques locales santé-social en Ille-et-Vilaine, Hérault et Seine-Saint-Denis et qui s’adresse notamment aux élus, aux décideurs et aux responsables d’associations), on peut distinguer clairement des influences anciennes et variables du secteur associatif : une place prédominante des laïcs issus des mouvements d’éducation de l’après-guerre en Hérault (au premier rang desquels les Francas et Peuple et Culture) ; un rôle central des institutions issues des patronages et promues depuis la fin du XIXe siècle comme prestataires des collectivités locales en Ille-et-Vilaine ; un secteur associatif beaucoup plus jeune et représentatif des spécificités du territoire en Seine-Saint-Denis (association des femmes relais, nombreuses associations de jeunes issus de l’immigration).

68Cependant, cette place apparaît assez complexe à qualifier dans la mesure où sous la dénomination générique de « secteur associatif », on peut distinguer l’influence de plusieurs types d’associations qui bénéficient d’une influence variée sur la formulation des politiques locales. On peut ainsi bâtir des lignes de partage :

69- S’agissant des liens avec les collectivités locales, à chaque extrémité d’un continuum de relations plus ou moins étroites et institutionnalisées, on trouve des associations plutôt prestataires de service, intégralement financées par les fonds publics, qui agissent dans le prolongement des collectivités territoriales et ne bénéficient que d’une certaine autonomie (par exemple : les associations d’éducation populaire pour les municipalités et les associations de l’éducation spécialisée pour les départements) ; à l’opposé, un certain nombre d’associations vont être plutôt représentatives des jeunes eux-mêmes, ne dépendant pas nécessairement de financements publics et promouvant des actions plus ou moins alternatives. Les multiples associations de jeunes du secteur culturel sont à cet égard illustratives : elles peuvent, aux deux extrêmes des positionnements, soit agir comme nouveaux prestataires des collectivités locales (Faure et Garcia, 2005), soit se tenir très à l’écart de ces dernières au nom de la préservation de leur autonomie (Loncle, 2007).

70- S’agissant des domaines d’activités, la prise en charge de la jeunesse par le secteur associatif au niveau local est loin de se cantonner aujourd’hui au domaine des loisirs ou de l’éducation populaire. Si ce dernier est le plus ancien, il s’est progressivement déployé dans les domaines de l’insertion sociale et professionnelle, du logement, de la culture, de la lutte contre les discriminations, de la santé (prévention et accès aux soins), etc. Le secteur associatif intervenant en matière de jeunesse ressemble donc un peu à un « maquis » d’interventions plus ou moins autonomes, plus ou moins conservatrices ou au contraire novatrices. Si l’on reprend l’exemple des Conseils des jeunes de Rennes et de Metz-Borny, les différences d’attitude des associations vis-à-vis de ces initiatives sont très illustratives.

71À Rennes, ce sont essentiellement les associations d’éducation populaire qui sont consultées à propos du Conseil local : le Cercle Paul Bert, les Patros rennais et le Centre régional d’information jeunesse. Les foyers de jeunes travailleurs participent également à la réflexion. Ces associations sont assez opposées à l’émergence du Conseil : elles estiment qu’elles sont les médiateurs naturels de la parole de la jeunesse et vivent cette initiative comme une remise en cause de leur légitimité. Ceci est surtout vrai pour les responsables associatifs, beaucoup moins pour les animateurs de terrain. Les associations de jeunesse sont, quant à elles, peu présentes et n’ont pas vraiment été sollicitées, si l’on excepte les associations étudiantes. De ce fait, on ne peut pas vraiment dire que les associations - prestataires ou de jeunes - soutiennent ce projet. Les jeunes du Conseil se plaignent d’ailleurs de cette réalité et ont le sentiment de ne pas être représentatifs des jeunes Rennais ou des jeunes des associations.

72À Metz-Borny, les associations prestataires les plus présentes ne relèvent pas du secteur de l’éducation populaire mais de la prévention de la délinquance et de la Mission locale. Largement implantées dans le quartier, leurs responsables accueillent le projet avec bienveillance et certains professionnels sont très investis dans son montage puis son suivi. Les associations de jeunes sont fortement représentées : les jeunes élus du Conseil en sont généralement issus et envisagent le Conseil comme une manière de faire entendre la voix des associations auprès des décideurs. Ces associations présentent la caractéristique de regrouper des jeunes du quartier en fonction de leurs pratiques culturelles (musique et danse essentiellement) ou de leur origine (association des jeunes Turcs par exemple). Les jeunes élus ont d’ailleurs le sentiment d’être les porte-parole officiels de l’ensemble des jeunes du quartier. De ce fait, on peut affirmer que le Conseil des jeunes de Borny bénéficie du fort soutien des associations locales.

73On trouve dans cette comparaison, d’une part, une explication supplémentaire à la différence de sorts que connaissent ces deux Conseils et, d’autre part, une illustration des rôles différenciés mais toujours centraux que jouent les associations dans le fonctionnement des systèmes locaux d’action publique : dans certains cas, elles disposent du pouvoir de bloquer des initiatives dont elles ne reconnaissent pas la validité ou qui leur apparaissent concurrentes ; dans d’autres cas, elles vont soutenir le même type d’initiative et leur permettre d’exister.

74Après avoir envisagé l’importance respective et circonstanciée des trois acteurs centraux qui constituent les systèmes locaux en matière de jeunesse, il apparaît essentiel de considérer les régulations d’acteurs pour mesurer toute leur importance sur les systèmes.

Le rôle déterminant des réseaux d’acteurs sur le fonctionnement des systèmes locaux

75Le poids respectif des différents protagonistes des systèmes locaux ne suffit en effet pas pour comprendre le fonctionnement de ces derniers : l’attention portée à une seule catégorie ne nous renseigne pas complètement sur les capacités d’action des acteurs locaux dans un contexte de complexité et d’interdépendance croissante ; pour saisir l’ensemble des dimensions, il faut également s’intéresser aux relations qu’entretiennent les acteurs entre eux. En effet, c’est bien souvent l’examen des réseaux d’acteurs (de leur qualité, de leur plus ou moins grande ouverture, des types de relations entretenues, des enjeux de leadership ou de conflit) qui va permettre de saisir les inégalités dans les politiques locales de jeunesse. À ce titre, un exemple paraît particulièrement révélateur : la comparaison des actions locales en faveur des jeunes vulnérables en Ille-et-Vilaine et en Hérault.

76À propos des jeunes vulnérables en Ille-et-Vilaine et dans l’Hérault, dans les deux cas, il est à noter que les départements et leurs communes-centre sont largement mobilisés, de même que les échelons régionaux et les administrations déconcentrées (dans les limites de leurs capacités, aujourd’hui singulièrement réduites). Au-delà de ces similitudes importantes, on peut insister sur les différences de fonctionnement des relations des acteurs entre eux.

77Pour l’Ille-et-Vilaine, les acteurs de jeunesse fonctionnent sur le modèle de la communauté territoriale décrite par Marsh et Rhodes (1995, p. 44) : ils sont assez peu nombreux et stables dans leur poste, ils font partie de cercles d’interconnaissance et dépendent fortement les uns des autres, tant le partenariat est fort et ancien. Ce territoire fonctionne ainsi de longue date : dès les années 1960, à Rennes, des formes de cogestion existent entre la Ville, la CAF et les bailleurs HLM et les associations sociales et culturelles au sens large. Aujourd’hui, en matière de prise en charge de la jeunesse vulnérable, on peut constater une cohérence des interventions des différents niveaux territoriaux entre eux (de la Ville à la Région) et une volonté de mutualiser, d’échanger sur les compétences. Même si des frictions peuvent survenir, les initiatives se prennent invariablement à plusieurs, dans un souci d’améliorer la prise en charge du public. Bien sûr, certaines sous-parties du territoire départemental se distinguent et ont davantage de difficultés à fonctionner sur le modèle du réseau. Cependant, globalement, l’existence de ce type de relations apparaît comme bénéfique du point de vue de la mise en œuvre des actions.

78À titre d’illustration, on peut citer le dispositif Sortir de la rue : initié en 2009 avec l’appui financier et expérimental de la Préfecture de Région, ce dispositif vise les jeunes de 18 à 25 ans se trouvant en situation d’errance. L’objectif est d’amener des jeunes à s’engager dans une démarche d’insertion en leur proposant une prise en charge globale : logement, insertion sociale et professionnelle, suivi individualisé. Les acteurs publics concernés par ce dispositif sont la Préfecture, l’ex-DDASS d’Ille-et-Vilaine (aujourd’hui Direction régionale de la jeunesse et des sports et de la cohésion sociale), la Ville de Rennes et le Conseil général ; les acteurs associatifs sont la Mission locale pour l’emploi des jeunes, la Sauvegarde de l’enfance à l’adulte et l’APRAS. La logique qui a présidé à ce montage partenarial résulte d’habitudes de travail en commun entre la Ville et le Conseil général, tous deux fortement investis auprès de ce public et entre la Mission locale, la Sauvegarde de l’enfance à l’âge adulte et l’APRAS, les professionnels concernés étant mobilisés plus ou moins par les mêmes questions et se retrouvant à l’occasion de nombreux lieux de concertation. Aujourd’hui, cette expérimentation apparaît tout à fait judicieuse pour répondre aux besoins des jeunes en errance dont on connaît le cumul de difficultés et dont l’approche nécessite une intervention globale. En outre, le travail partenarial a permis de faire évoluer les perceptions du problème : alors qu’au départ les représentants de la Préfecture souhaitaient essentiellement voir disparaître les jeunes de la rue, au contact des autres intervenants, leurs visions ont évolué vers une acception plus complexe de la situation. Il y a dans l’observation des relations entre acteurs en Ille-et-Vilaine une fluidité qui donne à penser que, même si les initiatives conduites dans ce territoire ne sont pas toujours les plus innovantes, comparées à ce que l’on peut observer dans d’autres territoires, elles sont assez solides pour pouvoir toucher les publics d’une manière significative.

79Dans l’Hérault, alors même que certaines actions apparaissent particulièrement innovantes à des endroits circonscrits ou dans des institutions précises, les relations des acteurs entre eux relèvent davantage du réseau thématique (Marsh et Rhodes, 1995, p.44) : le nombre d’acteurs est élevé, certains types de postes sont stables mais pas tous, l’interdépendance des uns et des autres n’est pas toujours très forte, les cercles de travail sont traversés d’un certain nombre de tensions, la circulation des informations ne se fait pas toujours aisément. Plusieurs raisons peuvent expliquer un certain éclatement du travail : des antagonismes politiques importants entre la Région, le Département et la Ville de Montpellier qui empêchent de construire une vision commune de l’action en direction des jeunes vulnérables même si chaque échelon conduit des initiatives fort intéressantes ; des clivages dans les cercles associatifs avec des frictions idéologiques qui sont fortes entre certains protagonistes ; des situations infra-départementales très contrastées et soulevant des problèmes de natures très différentes (la côte touristique attirant des populations pour l’été dont on ne sait pas très bien ce qu’elles deviennent la saison passée, l’arrière-pays dominé par l’industrie viticole avec des valeurs très traditionnelles et des jeunes devant faire face à un isolement très grand ; des « poches » de difficultés sociales urbaines comme à Béziers où toutes les caractéristiques des banlieues périphériques se trouvent réunies, avec en sus une pauvreté et une insalubrité très grandes en centre-ville) ; le poids de nombreux facteurs exogènes (le solde migratoire le plus positif de France, par exemple). De ce fait, si les actions publiques en faveur des jeunes vulnérables apparaissent isolément intéressantes, il est difficile de dégager une cohérence d’ensemble et de qualifier l’ampleur des interventions publiques. Le système local apparaît essentiellement éclaté.

80Pour autant, si les relations des acteurs du système local apparaissent assez éparses au niveau départemental, certains territoires parviennent à mettre en place des logiques plus intégrées. Il en est ainsi, par exemple, de Béziers où la logique de travail en réseau est érigée en principe d’action publique. À Béziers, les choses ont été ainsi amorcées avec la création d’un réseau santé en 1993, regroupant l’ensemble des acteurs santé‑social de la communauté de communes de Béziers. Ce réseau a mis de nombreuses initiatives en place (dans les domaines de la prévention et de l’accès aux soins des personnes en difficulté, notamment) et connaît encore aujourd’hui un vrai succès. Cet ancrage semble avoir servi de modèle aux acteurs locaux et il est à noter que, dans les entretiens, tous soulignent l’importance de ce réseau comme révélateur du caractère incontournable des actions partenariales dans différents domaines aujourd’hui (les acteurs de la lutte contre la délinquance et de l’éducation spécialisée s’en inspirent par exemple dans leurs actions aujourd’hui).

81Ainsi, du point de vue des relations entre acteurs dans l’Hérault, on peut dire qu’au niveau départemental, le réseau d’action publique demeure assez lâche mais que dans certains territoires infra-départementaux, les liens entre les acteurs sont plus resserrés et permettent l’élaboration d’actions partagées.

82On a donc en Ille-et-Vilaine un réseau d’acteurs qui fonctionne de manière fluide et resserré et permet des partenariats forts alors que dans l’Hérault (à part certains points du territoire) on a des relations plutôt antagonistes et qui conduisent à des actions innovantes mais concurrentes. Les systèmes locaux d’action publique s’en ressentent : si, dans le premier cas, on a un système intégré fonctionnant sur lui-même avec des capacités d’innovation certaines mais variables en fonction des sujets, dans l’autre cas, le système local est éclaté, soumis à de nombreux facteurs exogènes mais permettant des innovations sur le modèle de la concurrence entre acteurs.

83De ce fait, nous pouvons à présent compléter la présentation de notre tableau sur les fonctionnements des systèmes locaux d’action publique. Si nous reprenons les principaux systèmes exposés dans l’article, nous pouvons ainsi les qualifier de la manière suivante :

Tableau 3 - Types de fonctionnement des systèmes locaux de  prise en charge de la jeunesse

Ille-et-Vilaine

Nord

Moselle

Hérault

Seine-Saint-Denis

Type de fonctionnement du système

Système intégré, fonctionnant largement sur lui-même, avec des capacités d’innovation variables

Système intégré, soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Système éclaté, fonctionnant sur lui-même, avec des capacités d’innovation certaines

Système partiellement éclaté, assez soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Système partiellement intégré, soumis à de nombreux éléments exogènes, grande capacité d’innovation

Poids des éléments historiques sur les perceptions des acteurs

Très fort

Très fort

Très fort

Fort

Pas très important

Gravité des situations et mobilisation des systèmes locaux

Relativement faible gravité et forte mobilisation

Importante gravité et importante mobilisation

Importante gravité et faible mobilisation

Importante gravité et importante mobilisation

Très importante gravité et importante mobilisation

Poids des élus

Relatif

Important

Important

Important (dans le blocage)

Relatif

Poids des experts

Très important

Relatif

Relatif

Très important

Relatif

Poids des associations

Associations subventionnées très importantes

Associations subventionnées et de jeunes

Associations de jeunes très importantes

Associations subventionnées très importantes

Associations de jeunes ou d’habitants très importantes

Fonctionnement du réseau

Fluide et fermé, réseau de politiques publiques

Assez fluide et fermé, réseau de politiques publiques

Conflictuel et fermé, réseau professionnel

Conflictuel et ouvert, réseau thématique

Fluide et ouvert, réseau thématique

Conclusion

84À l’issue de cette observation des spécificités locales dans les politiques de jeunesse, des éléments qui les fondent et des systèmes locaux qui en découlent, il semble important de souligner au moins deux dimensions : d’une part, les différents éléments présentés paraissent complètement interdépendants et on ne peut considérer un système local sans embrasser l’ensemble de ses composantes ; d’autre part, les systèmes locaux ne sont ni immuables ni uniformes (ce qui est vrai dans certains points du territoire ne l’est pas dans d’autres et dépend beaucoup des relations interpersonnelles, des opportunités, etc. ; selon les périodes historiques, on peut observer des changements importants dans le fonctionnement du système).

  • 8  Cf. la synthèse d’Alain Faure (2009) sur cette question.

85Plus globalement, les systèmes locaux contribuent largement à façonner les réponses publiques locales. Si, bien sûr, ils sont contraints par des facteurs exogènes qui viennent les « perturber », il n’en reste pas moins qu’ils conduisent à l’élaboration de politiques publiques très différentes à la fois du point de vue de leur ampleur (on l’a vu à travers les exemples du FAJ et des Conseils locaux de la jeunesse), des valeurs promues localement (exemples du traitement des pratiques festives à Rennes et du FAJ en Moselle), de leur transversalité et de leur capacité d’innovation (exemple de la prise en charge des jeunes vulnérables). Ce constat va à l’encontre des analyses tendant à affirmer la croissance de l’uniformisation et à la standardisation des politiques locales8

86De ce fait, l’analyse des systèmes locaux d’un point de vue de sociologie politique apparaît cruciale pour comprendre les limites de certaines actions publiques locales et le fonctionnement des inégalités territoriales, ici dans la prise en charge de la jeunesse mais plus largement dans les politiques locales. Pour sortir d’une observation qui tendrait à ne souligner que le caractère aléatoire des spécificités dans les réponses publiques, une telle analyse permet d’expliquer la variété des productions en les rattachant à un ensemble de variables qui sont inscrites dans la longue durée mais susceptibles d’évolution. À partir d’une analyse des acteurs, des valeurs, des régulations, il est ainsi possible de bâtir des grilles d’analyse et des typologies de systèmes locaux permettant de donner du sens à l’apparent éparpillement des politiques locales.

87Pour finir, insistons sur les conséquences de ces inégalités territoriales dans un pays comme la France qui promeut l’égalité des citoyens devant la loi et a fortiori devant les droits sociaux. Les jeunes sont, en effet, confrontés à des sorts passablement différents selon qu’ils sont nés et vivent dans tel ou tel territoire. Ceci est vrai, bien sûr, des inégalités socio-démographiques en général mais ici aussi, ce qui interroge fortement notre modèle social, des inégalités de prise en charge relevant des contenus même de l’action publique territoriale. On peut se demander, dès lors, quelles sont les capacités des politiques publiques à faire véritablement face et de manière équitable sur l’ensemble du territoire national aux difficultés d’intégration multiples qui touchent les jeunes Français aujourd’hui.  

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Notes

1  Nous définissons ici les politiques de jeunesse comme l’ensemble des actions publiques des différents échelons de décision adressées à la jeunesse quel que soit le domaine d’action publique ou les bornes d’âge proposées par ces politiques. Sont ainsi comprises, les politiques qui relèvent, par exemple, des domaines social, de la santé, de l’insertion professionnelle ou bien encore de la participation des jeunes, sans tenir compte de la variété des critères d’accès (16-25 ans pour les Missions locales ; 12-25 ans  pour les Maisons des Ados, 18-21 ans  pour les Contrats jeunes majeurs, etc.).

2  Seules 6% des Missions locales sont dotées d’un poste de médecin à temps partiel.

3  Ce constat ne remet bien sûr pas en cause le travail effectué par cette personne mais on peut constater que dans les autres départements, le dossier est plutôt confié à un agent de catégorie A.

4  Contrairement à Mingione et al., pour analyser les systèmes locaux, nous considérons ici deux des trois types d’éléments qu’ils considéraient comme composantes du contexte local : nous mettons de côté la situation socioéconomique déjà traitée au titre des éléments structurels et nous focalisons sur le système politique et la société civile.

5  Voir sur ce point, la bibliographie présentée par Alain Faure en 2009.

6  L’APRAS est ici présentée comme une structure d’expertise et non comme une association. En effet, ses objectifs, l’observation et la mise en œuvre d’expérimentations sociales, ainsi que ses modalités de financement (uniquement publics ou parapublics), la place bien davantage dans ce champ.

7  Après près de 45 années de cofinancement, cette institution vient de mettre fin - en décembre 2010 - au partenariat fondateur de l’APRAS.

8  Cf. la synthèse d’Alain Faure (2009) sur cette question.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Patricia Loncle, « La jeunesse au local : sociologie des systèmes locaux d’action publique », Sociologie [En ligne], N°2, vol. 2 |  2011, mis en ligne le 16 juin 2011, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/947

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Auteur

Patricia Loncle

patricia.loncle@ehesp.frEnseignant-Chercheur, science politique et sociologie, École des Hautes Études en Santé Publique et Centre de Recherche sur l’Action Publique en Europe – EHESP - Avenue du Professeur Léon Bernard - 35043 Rennes cedex

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