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Reprises. Cinéma et sociologie

A propos de Yvette Delsaut, Reprises. Cinéma et sociologie (Raisons d’agir, 2010)
Olivier Alexandre
Référence(s) :

Delsaut Yvette, Reprises. Cinéma et sociologie, Paris, Raisons d’agir, coll. « Cours et travaux », 2010, 316 p.

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Mots-clés :

Cinéma

Keywords :

Cinema
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Texte intégral

Reprises

1Si « Pierre Bourdieu » était un film, « Yvette Delsaut » serait l’un des personnages principaux. Comptant parmi ses rares élèves à l’université de Lille au début des années 1960, elle fut durant près de trente ans partie prenante des grands chantiers du « patron » – des Héritiers à Homo Academicus en passant par la fondation d’Actes de la recherche en Sciences Sociales et l’animation du Centre de Sociologie Européenne –, avant d’interrompre leur collaboration au tournant des années 1990, au moment de la réorientation éditoriale de l’auteur de La Distinction. Ethnosociologue des milieux populaires, elle appartient à cette génération de chercheurs formée à la manière des apprentis, « sur le tas », dépositaire d’une conception empirique du métier. Reprises, Cinéma et sociologie porte témoignage de cette double filiation.

2L’ouvrage pourra d’ailleurs déconcerter tant par son sujet que par la manière d’en traiter. Films documentaires du cinéaste belge Henri Storck, adaptations théâtrales de La misère du monde, reportage télévisé sur la famille d’un ancien champion du Tour de France, « Zapping » de Canal +, manuel d’initiation à l’enquête de terrain, films iconoclastes du journaliste Pierre Carles, etc., composent l’objet apparemment éparse d’un livre sans chapitre, ni table des matières, où descriptions détaillées, incises réflexives et digressions de méthode s’entrelacent à la manière des phrases d’une partition musicale. L’auteur délaisse ainsi sciemment la forme du « Traité » et autres topiques d’autorité pour un discours coulé, suivant en miroir le mouvement de sa pensée. C’est donc moins à une « intervention » qu’à une ballade, au sens pédestre et harmonique du terme, que le lecteur est convié.

3Afin de tenir le cap fixé dans les premières lignes de l’introduction – mener « une réflexion de sociologue-spectateur devant des films documentaires réalisés non par des sociologues, mais par des professionnels de l’audiovisuel travaillant en particulier sur un terrain déjà bien investi par la sociologie, le milieu populaire » (p. 8) –, Y. Delsaut relie cette suite de scansions analytiques par le fil logique d’une observation participante, réalisée à l’occasion d’une séance de projection du film Reprise [Hervé Le Roux, France, 1996] au Saint-André des Arts, salle emblématique de l’époque glorieuse du Quartier Latin.

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5A cette trame hétérodoxe s’ajoute une énième curiosité puisque le film pris pour objet  retrace la quête infructueuse d’une ouvrière anonyme, héroïne involontaire et révoltée d’un premier documentaire (Jacques Willemont, La reprise du travail aux usines Wonder, France, 1968), tourné sur le vif par des étudiants de l’IDHEC en Mai 68.

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La reprise du travail aux usines Wonder

7La forme du discours qui travaille au démontage de cette construction en abîme défie par principe l’exercice du compte-rendu linéaire. On a donc opté pour une lecture critique remaniant largement le déroulé de l’argumentaire, afin de mieux saisir le thème majeur qui parcourt l’ouvrage : le rapport de parenté entre sociologie et cinéma documentaire.

Le surinvestissement des milieux populaires

8La familiarité entre ces deux modes de représentation du social se manifeste principalement par un surinvestissement des milieux populaires. Cette convergence thématique a pour principe une orientation normative largement intériorisée. La perspective des sociologues et des cinéastes-documentaristes se recoupe en effet en un même point d’horizon normatif : exercer une justice symbolique au bénéfice des « démunis », « exclus », « précaires » et autre « sans parts », tout en marquant une défiance de principe à l’égard des « puissants ». Ce biais axiologique génère des effets de grossissement et des inégalités de traitement, facteurs d’un même défaut d’objectivité. L’auteur n’engage pas la vaste enquête intellectuelle nécessaire à la compréhension historique de cette distorsion, et centre le propos sur ses motifs moraux, tel que le souci d’intégrité des deux catégories considérées.

9Le cinéaste, dont l’activité artistique est encastrée dans un marché étendu, est particulièrement exposé au soupçon d’hétéronomie. Prendre pour objet de représentation la réalité sociale la plus âpre constitue un gage de probité. La démarche du sociologue obéit à une logique similaire de devoir social. Maintenant par nécessité un lien de familiarité durable avec l’objet étudié, le sociologue des milieux populaires se tient à distance de l’attraction exercée par les catégories « dominantes ». A terme, ce rapport de défiance vis-à-vis des lieux de pouvoirs alimente un double bind difficile à résoudre: maintenir son activité dans une relative confidentialité de manière à conserver son authenticité ou affronter l’épreuve du succès et les risques de collusion qui lui sont liés. La fidélité dans le temps aux milieux socialement les moins favorisés offre une sortie par le haut de cette impasse. En cas d’accès à un niveau supérieur de notoriété, renouveler son engagement, ne serait-ce que scientifique, aux catégories « dominées » conjure les effets de dénigrement inhérents à toute réussite intellectuelle. In fine sociologues et cinéastes partagent une même problématique de gestion du succès : « pour l’un comme pour l’autre, une fois qu’ils perçoivent des gratifications sociales flatteuses, on peut dire que l’engagement politique au service d’une cause minoritaire relève de l’obligation professionnelle » (p. 74).

10Ce moral path dependency explique l’émission de signes outrés de la radicalité (jeunisme, normativité horizontale, renoncement aux honneurs, rejet institutionnalisé de l’institution, etc.) par des personnalités cumulant des attributs de reconnaissance. La subversion auto-entretenue apparaît en effet comme le plus sûr moyen de désarmer, y compris dans un rapport de soi à soi, les suspicions de conversion politique. Le principe d’inertie qui en découle éclaire la synonymie progressivement instaurée entre les concepts de « milieu populaire » et de « terrain », métaphore agraire pour dire dans le même temps l’effort pragmatique qu’il impose à ses représentants et la valeur morale qu’ils tirent de sa fréquentation.

Antinomies de la sociologie des dominants et des dominés

11Cette « affinité de solidarité » entre sociologues/cinéastes-documentaristes et milieux populaires recouvre également une dimension pratique. Comme l’illustrent paradoxalement les travaux de Monique de Saint Martin ou de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, les milieux sociaux les mieux dotés sont les plus à même d’opposer une résistance efficace aux tentatives d’objectivation, soit directement, en veillant à l’inaccessibilité de leurs lieux de sociabilité, soit indirectement, à travers l’énonciation d’un discours formellement maitrisé, laissant peu de prise à des formes alternatives et exogènes de représentation.

12Ces modes de défense exposent celui qui s’y confronte à une suite d’apories. En premier lieu, l’accès aux milieux « dominants » est souvent conditionné à leur appartenance initiale, ce qui pose la question de la juste distance à l’égard de l’objet représenté ; par ailleurs, l’empathie inhérente au travail sociologique peut rapidement se transformer en une attirance réelle ou fantasmée à l’égard des sphères de pouvoir ; enfin, l’efficacité stratégique de ce type de démarche reste largement indéterminée – car en quoi un discours d’objectivation des catégories sociales supérieures remettrait-il en cause pratiquement la hiérarchie qu’il stigmatise si ce n’est sur le mode de la disqualification sanctifiante, la virulence du sacrilège contribuant paradoxalement à pérenniser la situation décriée ? Les provocations et méthodes de contournement du journaliste Pierre Carles illustrent l’ambiguïté de telles stratégies de subversion.

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14Face à cet hermétisme sociologique multivarié, les signes d’ouverture des milieux populaires – familiarité, oralité, modes de sociabilité publics, expressivité, etc. – en font de prime abord une terre propice aux activités de représentation. Cette « cinégénie du populaire » est néanmoins porteuse d’une série symétrique d’antinomies. L’attention flottante et l’indocilité spontanée des membres des catégories populaires entravent le travail d’enquête. Le sentiment d’une proximité rapidement acquise occulte une altérité plus sourde telle que la moindre familiarisation aux efforts discursifs de clarification et de synthèse, nécessaires à une bonne intelligence du terrain. Ce défaut de maîtrise des formes symboliques académiquement les plus utiles conduit à interroger la pertinence des outils scientifiques mobilisés en ceci qu’ils témoignent imparfaitement du caractère primordial de l’oralité (dont l’Université s’est longtemps défiée) et de l’ensemble des éléments infra-langagiers (mémoire de groupe, corporéité, réputations…) au sein de ce milieu. La somme de ces obstacles contribue au maintien une barrière invisible entre représentés et représentants du social, particulièrement prégnante à l’occasion des plaisanteries échangées entre membres d’une même entité sociale. A la faveur de la mise en jeu d’associations de références exclusives au groupe que supposent les situations de ce type, l’observateur est rappelé à son irréductible position d’extériorité.

15La croyance du sociologue/documentariste dans le bien-fondé moral de son activité tend à reléguer cette distance au second plan, au profit d’une « identification naïve ». Par une saillie réflexive dont Pierre Bourdieu était coutumier, le sociologue pointait à son endroit ce type d’enchantement, au sujet d’un entretien avec deux adolescents de banlieue, la jeunesse « difficile » du Professeur au Collège de France autorisant une identification infirmée par les propriétés sociologiques objectives des interlocuteurs. Le souhait d’une juste représentation du social participe conjointement au refoulement de cet écart.

Les paradoxes de la naturalité

16De par leur activité, sociologues et cinéastes sont quotidiennement appelés à résoudre le paradoxe de la naturalité. Comment provoquer des situations artificielles d’enregistrement de la réalité ? Pour résoudre cette quadrature du cercle, différentes techniques sont mobilisées. Jean Rouch et Edgar Morin portaient un soin particulier à l’impréparation de leurs entretiens, manière de conserver la fraicheur et la spontanéité qu’ils croyaient nécessaires à un travail ethnographique de qualité.

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Chronique d'un été

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18Plus généralement, le montage cinématographique et/ou l’écriture sociologique sont les moyens traditionnels de répondre à cette problématique par le biais d’un réagencement de la matière collectée et d’une mise en valeur des données perçues comme pertinentes.

19De ces deux techniques, l’auteur souligne successivement les limites. L’impréparation expose l’enquêteur aux clichés et énoncés de convenance, qui offrent aux représentants du social le refuge réconfortant d’une connivence illusoire entre questionnés et questionneurs. L’écriture scientifique repose pour sa part sur l’implicite de « l’illusion réaliste ». En posant en données réifiées, vraies sub specie aeternitas des éléments historiques, contingents et singuliers, l’écriture dénature par essence la matière vivante qu’elle vise à transcrire. La question des citations d’entretiens rend particulièrement prégnante cette aporie. Le sociologue est confronté au dilemme suivant : opter pour un verbatim réducteur et insultant, la superposition de l’expression écrite sur l’expression orale plaçant le cité dans une position d’infériorité à celle du citant et de son lecteur ; ou une reformulation condescendante qui confronte le maître d’œuvre au caractère factice de son activité de représentation.

20De ce point de vue, le cinéma documentaire semble bénéficier d’un avantage comparatif en raison du caractère véridique des images projetées. La théorie cinématographique présente d’ailleurs classiquement la caméra comme l’instrument achevé d’enregistrement de la réalité. Cette position théorique revient toutefois à ignorer l’influence muette de la caméra en situation de tournage. Une observation pragmatique des opérations de filmage, y compris dans la tradition du cinéma-vérité, éclaire tout ce en quoi la caméra agit sur les rôles et les rapports d’interaction entre « personnages » (auto-)mis en scène.

21L’une des originalités de Reprises est précisément de retourner comme un gant le rapport enquêteur-enquêté. Focalisés sur leur propre activité, les sociologues/cinéastes négligent fréquemment les conséquences des relations unilatérales qu’ils instaurent avec les personnes qu’ils prennent pour objet. Cette dissymétrie se décline à trois niveaux. Le secret qu’ils cultivent sur leur trajectoire et les versants privés de leur identité contraste violemment avec l’impudeur et le dévoilement qu’ils appellent chez les enquêtés. La question de l’affection, positive ou négative, investie par les représentés dans la relation d’enquête et la personne qui l’initie est passablement ignorée, la séquence « d’enquête de terrain » fixant des bornes temporelles qui règlent pratiquement cet enjeu. Le problème de la rétribution de la notoriété relève tout autant du non-dit. A la manière du cinéaste, dont la persona concentre les gratifications symboliques, taisant de fait l’ensemble des tâches collectives qui ont rendu possible son succès, le sociologue passe sous silence l’ensemble des personnes ressources ayant conditionné son accès aux données. Les génériques de fin, les discours prononcés à l’occasion d’événements honorifiques, les avant-propos et pages de remerciements constituent de rares espaces de compensation. La non-publicisation des conflits et litiges suscités par une telle disproportion ne signifie pas leur absence, comme l’attestent les rancœurs de l’ancien informateur-clé de Street corner society malicieusement mises en récit par William F. White.

Cinéma et sociologie : concurrence et congruence

22En dépit de la description fine de leurs propriétés communes, la démonstration du livre ne tend pas vers un irénisme réconciliateur entre deux moyens de représentation du social souvent tenus pour concurrents. Selon le mot de l’auteur, en la matière, il est difficile d’échapper à un « patriotisme de discipline ». A cet égard, l’analyse de discours des cinéastes et critiques fournit en creux un portrait peu aimable du sociologue : « distance à l’égard des personnes, impossibilité de s’abandonner au donné, avarice dans le temps et dans l’écoute consentis à autrui, égocentrisme hautain en somme, qui porterait à ne s’intéresser aux expériences des gens qu’en fonction de l’intérêt qu’elles présentent pour illustrer une thèse » (p. 300). Certains critiques vont d’ailleurs jusqu’à comparer sa pratique à l’interrogatoire de police ou au voyeurisme de certains journaux télévisés.

23On reconnaîtra ici le motif de la liberté, celle des personnes filmées et du cinéaste créateur, qui nourrit l’histoire de malentendus et de mésestime réciproque entre sociologie et cinéma. Cette tension entre indéterminisme créateur et réductionnisme causal se retrouve dans les conventions propres aux styles sociologiques et cinématographiques. Car si l’écriture scientifique ambitionne une sémantique univoque limitant au maximum les flottements de sens, la mise en image, a fortiori de fiction, joue d’une multiplicité sémiotique féconde en raison de l’autonomie de création (cinéastes), d’action (personnages/acteurs) et d’interprétation (spectateurs du film) qu’elle implique. Poser exclusivement l’équation entre sociologie et cinéma en termes de communauté d’objet (les milieux populaires) et de fin morale (redresser les torts) revient à occulter ces différences procédurales et éthiques.

24Envisager ces deux formes de représentation dans leur globalité, en prenant en considération la posture des représentants à l’objet et les modalités de réception qu’elle performent, rend plus aigües ces divergences. Les films documentaires, de type « art et essais » ou télévisés (tels que ceux diffusés dans l’émission Strip-tease),  invitent dans une large mesure au rire de surplomb, jouant intentionnellement de rapports de connivence et d’exclusion avec les spectateurs. A l’inverse, l’idéal compréhensif de la sociologie – cf. l’exergue spinoziste de La misère du monde –  conduit à se défier des postures de dérision. Cette « déontologie » sociologique, fonction de la socialisation silencieuse de pair à pair ou intégrée via la mise en conformité aux critères de sélection de la discipline (publications, soutenances, recrutements, etc.), relève d’un contenu pratique : veiller à prévenir les préjudices moraux que l’enquête pourrait faire subir aux enquêtés, respecter les règles d’anonymat, censurer les tournures sarcastiques (« sic », points d’exclamation ou d’interrogation), etc. Aux yeux de l’auteur, seul le respect de cette éthique professionnelle est à même de crédibiliser la finalité justicière qui guide l’activité de représentation du social.

Réflexion de méthodes

25A plus d’un titre, Reprises. Cinéma et sociologie peut être lu comme une réflexion de méthodes. Plusieurs problèmes centraux de l’activité de représentation du social y sont abordés – la juste distance à l’enquêté, l’éthique du représentant, l’influence des techniques d’observation, etc. L’auteur règle en outre pratiquement le problème de l’altérité des modes d’expression sociologique et cinématographique par une stratégie de traduction systématique. Ce parti pris, qui n’est pas sans limite (perte de la teneur temporelle de l’œuvre décrite, impression d’une écriture sans respiration), ouvre une voie que l’intertextualité permettrait d’explorer plus à fond.

26S’il n’est pas question d’un bilan, l’ouvrage vaut également par sa relecture souvent fine et nuancée de plusieurs travaux emblématiques de la sociologie critique. Le traitement en escalier de ce best-seller des sciences sociales dont les sociologues n’ont jamais trop su quoi faire qu’est La misère du monde en est une des meilleures illustrations.

27Y. Delsaut développe ainsi une sociologie convaincante du cinéma qui échapperait aux écueils de la théorie critique et de la théorie du reflet, tout en se démarquant de la sociologie des professions artistiques et de la critique savante. Pour ce faire, l’auteur procède à une recomposition de l’objet-film en s’appuyant sur des matériaux traditionnellement considérés comme peu ou pas signifiants : dossiers de presse, généalogie sociopolitique des « personnages », réactions de la salle, modes de médiation, etc.

Sociologie de création

  • 1  Howard Becker, Comment parler de la société ? Artistes, écrivains, chercheurs et représentations s (...)

28Bien que la question de la création ne soit pas neuve en sociologie, la perspective adoptée dans l’ouvrage se singularise en un point : il ne s’agit pas de juger un domaine de création sur un mode impérialiste, mais de prendre au sérieux les rapports d’identité entre la discipline et un mode contigu de représentation. Cette démarche fait écho au projet comparatiste d’Howard Becker, dont une citation conclut significativement l’ouvrage1. On pourra considérer la concordance de ces deux projets comme le signe d’un relativisme sceptique, qui contraste radicalement avec le positivisme sociologique d’un Pierre Bourdieu, et plus généralement d’une époque.

29Pratiquement, une série de propriétés communes (entrée dans la carrière atypique, expérience de l’intensité irréductible du social au concret, goût pour d’autres formes de représentation, culture de l’anticonformisme, temps dans la trajectoire professionnelle) peut éclairer cette prise d’écart de deux chercheurs avec les conventions de leur discipline, et leur volonté d’aborder de front une question souvent suggérée (« en quoi les auteurs réalistes classiques ne sont-ils pas sociologues ? ») mais jamais détaillée de façon systématique.

30En dépit de divergences patentes (en termes de notoriété, d’école de pensée et de méthodes), la question du style autorise également un rapprochement. Si Howard Becker met en pratique par l’écriture un rejet singularisant du théorisme, par ailleurs impeccablement théorisé, Yvette Delsaut immisce dans le flot d’un empirisme radical des bribes de montée en généralité. Ce pointillisme sociologique, logiquement motivé, se révèle académiquement périlleux en ceci qu’il brouille la frontière entre art et sciences historiques. Cette mise en jeu, commune à la tradition réaliste depuis le XVIIIe siècle, rattache l’ouvrage à un genre intermédiaire, une sociologie de création ; énième indice de la porosité entre représentations artistiques du social et sociologie.

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Notes

1  Howard Becker, Comment parler de la société ? Artistes, écrivains, chercheurs et représentations sociales, Paris, La Découverte, 2009 [2007].

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Pour citer cet article

Référence électronique

Olivier Alexandre, « Reprises. Cinéma et sociologie », Sociologie [En ligne], Comptes rendus, 2011, mis en ligne le 06 juin 2011, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/915

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Auteur

Olivier Alexandre

Doctorant au Centre d'Etudes Sociologiques et Politiques Raymond Aron.

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