Annexes de l'article « La Semaine du cerveau à Paris (2014-2017) : étude sur les contraintes de la vulgarisation des neurosciences »
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1En complément des analyses présentées dans l’article, nous avons souhaité mettre à la disposition des lecteurs un certain nombre de documents supplémentaires qui ne pouvaient pas être intégrés ou joints à sa version papier.
Annexe 1. Liste des entretiens, des réunions et événements
2On présentera ci-après la liste des entretiens réalisés pour la Semaine du cerveau et le cerveau reptilien, des réunions suivies du comité d’organisation de la Semaine du cerveau à Paris et des événements suivis lors des éditions de la Semaine du cerveau 2015-2017
1. Directeur de recherches CNRS, 4 décembre 2014, Paris 5e
2. Directeur de recherches INRA en retraite, coordinateur national de la Semaine du cerveau, 18 février 2015, Paris 14e
3. Directrice de recherches CNRS, coordinatrice de la Semaine du cerveau Paris, 15 mai 2015, Université de Jussieu, laboratoire Paris Seine, Paris
4. Journaliste et producteur de films documentaires scientifiques, 26 mai 2015, Paris 15e
5. Médiateurs scientifiques de l’association Scube, 1er juin 2015, Université d’Orsay
6. Chargé de communication Inserm, 22 octobre 2015, Inserm, Paris
7. Médiatrice scientifique, Palais de la Découverte, 2 février 2016, Palais de la Découverte, Paris
8. Médiatrice scientifique, Cité des Sciences et de l’Industrie, 26 février 2016, Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris
9. Chargé de recherche Inserm, 4 juillet 2016, Collège de France
10. Directrice de recherches CNRS, coordinatrice de la Semaine du cerveau Paris, 5 juillet 2016, Inserm, Paris.
11. Chargée de recherche Inserm, 12 septembre 2016, Institut de la Vision, Paris
12. Chargée de communication, 30 septembre 2016, Institut du cerveau et de la moelle épinière
13. Secrétaire générale de l’École des neurosciences de Paris, 6 octobre 2016, ENP
14. Maître de conférence, Université Paris-Diderot, 7 octobre 2016, Paris 6e
15. Chargé de recherche CNRS, 4 novembre 2016, Université Paris Descartes
16. Directeur de recherches CNRS 28 novembre 2016, Université Paris Descartes
17. Chargée de communication ENP, 2 décembre 2016, ENP
18. Directrice de recherches CNRS, 9 décembre 2016, Paris 6e
19. Doctorante ENP 1, 12 décembre 2016, Paris 5e
20. Doctorante Inserm/Cité des sciences, 27 janvier 2017, Institut du Fer à Moulin
21. Doctorante ENP 2, 28 janvier 2017, Paris 5e
22. Maître de conférences Paris 13 - Institut Pasteur, 23 mars 2017, Institut Pasteur
23. Doctorante ENP 3, 28 mars 2017, Institut de la Vision, Paris
24. Post doctorante, Collège de France-Institut Jacques Monod, médiatrice au Palais de la Découverte, 29 mars 2017, Institut Jacques Monod
25. Médiateur scientifique au Palais de la Découverte, 14 avril 2017, Palais de la Découverte
26. Directrice de recherches émérite Inserm, 9 mai 2017, par téléphone, Marseille
27. Doctorante ENP 4, 11 mai 2017, Paris 5e
28. Journaliste et animateur de débats, 26 juin 2017, Paris 4e
29. Chargée de formation Universcience, 19 juillet 2017, Cité des Sciences et de l’Industrie
30. Directrice de recherches CNRS, 20 juillet 2017, ICM
1.2. Liste des observations participantes
Édition 2015 : 15 décembre 2014, 14 janvier 2015, 4 février 2015
Édition 2016 : 17 septembre 2015, 6 novembre 2015, 13 janvier 2016, 19 février 2016, 30 juin 2016
Édition 2017 : 6 septembre 2016, 19 octobre 2016, 10 novembre 2016, 25 novembre 2016, 16 février 2017, 26 avril 2017, 9 juin 2017
1.3. Liste des événements suivis lors des éditions 2015-2017 de la Semaine du cerveau
2015
Mardi 17 mars
Café des Éditeurs, Paris 6e
Café des sciences (Café Santé Inserm )
Les Neurones enchantés. Le cerveau et la musique (Éd. Odile Jacob), Jean-Pierre Changeux (auteur) et Fabrice Papillon (journaliste)
Mercredi 18 mars
Cinéma Le Grand Action, Paris 5e
Ciné-Débat
Le ventre, notre deuxième cerveau, une coproduction Inserm, Arte, Scientifilms , Michel Neunlist, directeur de recherche Inserm, directeur du laboratoire Neuropathies du système nerveux entérique et pathologies digestives, Cécile Denjean, productrice et Françoise Pétry (rédactrice en chef Cerveau et Psycho)
Jeudi 19 mars
Collège de France, Amphithéâtre Guillaume Budé, Paris 5e
Conférence
« Mythes et légendes du Cerveau », Elena Pasquinelli (ENS) Patricia Gaspar (ICM) Pascale Piolino (université Paris Descartes) Mathias Pessigliione (ICM)
Ecole Normale Supérieure, Paris 5e
Conférence
« Comment établir le lien entre cerveau et conscience », Stuart Edelstein (Institut de Biologie ENS)
2016
Lundi 14 mars
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Auditorium de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, Paris 13e
Conférence inaugurale
« Les multiples facettes de la dopamine : du contrôle du mouvement aux addictions », Jean Antoine Girault (Inserm)
Mardi 15 mars
Centre Universitaire des Saints-Pères, Paris 6e
Visite de la plateforme de la sensorimotricité de l’Université Paris Descartes, par Danping Wang et Pierre-Paul Vidal
Bar l’Atelier, Paris 2e
Pint of science
« Le cerveau émotionnel et social », Nathalie George (ICM), Nesrine Hazem (doctorante)
Mercredi 16 mars
Collège de France, Amphithéâtre Guillaume Budé, Paris 5e
Conférence débat
« Le cerveau “plastique” : un organe, plusieurs fonctions », Thérèse Jay (Inserm), Jean-Pol Tassin (Inserm), Michael Zugaro (CNRS)
Jeudi 17 mars
Bibliothèque Buffon, Paris 5e
Rencontre débat
« Le cerveau à livre ouvert - Troubles des conduites alimentaires », Damien Ringuenet (APHP), Paul de Brem (journaliste), Emmanuelle Rigaud (comédienne)
Vendredi 18 mars
Institut de la Vision, Paris 12e
Conférence/ateliers
« Un après-midi à l’Institut de la Vision », Florian Sennlaub, Guillaume Chenegros
Samedi 19 mars
Jardin du Luxembourg, Paris 6e
Atelier/exposition
« Cultivez vos neurones au jardin du Luxembourg », Isabelle Dusart (CNRS), Évelyne Ferrary (Inserm), Frédérique Poindessous-Jazat (Inserm), Armelle Rancillac (Inserm)
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, Paris 13e
Ateliers
« Un après-midi à l’Institut du Cerveau et de la Moelle pour comprendre les maladies neurodégénératives »,
Dimanche 20 mars
Cité des sciences et de l’Industrie, Paris 19e
Ateliers
« Encéphale, ouvre-toi ! », par des médiateurs et médiatrices scientifiques
2017
Lundi 13 mars
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, Paris 13e
Conférence inaugurale
« À la recherche des traces de la mémoire dans le cerveau », Jean Antoine Girault (Inserm)
Mardi 14 mars
Café des Éditeurs, Paris 6e
Café-Santé
La myéline, le turbo du cerveau (Éd. Odile Jacob), Bernard Zalc (ICM), Paul de Brem (journaliste)
Jeudi 16 mars
Hôpital Robert Debré, Paris 19e
Conférence
« La plasticité cérébrale, c’est quoi ? », Catherine Verney (Inserm) et Claire-Marie Rangon (médecin)
École Normale Supérieure, Paris 5e
Conférence
« La neurobiologie des relations : comment les influences sociales et biologiques contribuent-elles à construire le cerveau », Hannah Metzler, Margot Roell, Sarah Goethals (doctorantes, École des Neurosciences de Paris) et Hugo Cousillas (Univ. Rennes 1)
Vendredi 17 mars
Bibliothèque Buffon, Paris 5e
« Le Cerveau à livre ouvert - L’enfermement et le Locked In Syndrome », chercheurs et cliniciens, Emmanuelle Rigaud (comédienne), Paul de Brem (journaliste)
Samedi 18 mars
Centre universitaire des Saints Pères, Paris 6e
Ateliers
« Voyage en Neurosciences », chercheurs du Centre des Saints Pères
Dimanche 19 mars
Palais de la Découverte, Paris 8e
Ateliers
« 80 ans de Neurosciences », jeunes chercheurs et jeunes chercheuses en neurosciences
Annexe 2. L’organisation de la SdC à Paris
2.1. Principes et objectifs
3(Extrait de Lemerle S. (2019), « Neurotransmission. Deux études sur la vulgarisation des sciences du cerveau », mémoire pour l’habilitation à diriger des recherches, Paris, Université Paris I Panthéon-Sorbonne. p. 41-49).
2.1.1. Transmettre
4Le champ lexical de la transmission est la caractéristique la plus frappante des réponses des organisateurs et organisatrices de la SdC lorsqu’il leur est demandé de présenter ce que le mot « vulgarisation », dans le cadre de la SdC, signifie pour eux. De la première coordinatrice de la SdC dans les années 2000 à la chargée de communication de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), le discours est le même : « on est là pour transmettre, pour faire découvrir. » Transmettre des connaissances, « combler des lacunes », mais aussi faire découvrir les « efforts » et même les « sacrifices » des chercheurs en neurosciences.
5L’impératif de transmission peut être énoncé sur le mode de l’évidence, collective (« on est là pour ça »), voire personnelle (« la vulgarisation m’a toujours intéressé »). Mais la plupart du temps, il véhicule une signification morale, politique ou culturelle. L’un prend pour lui les erreurs qu’il entend proférer et qu’il se sent dans l’obligation de corriger (« Je le prends comme si c’était mon problème à moi.[…] J’ai raté quelque chose dans le processus »). D’autres sont désireux d’apporter des connaissances susceptibles d’éclairer les citoyens sur des questions scientifiques ayant un impact « sociétal », intéressant l’« humanité » en général. D’autres enfin soulignent la dimension « citoyenne » de la diffusion de la culture scientifique, notamment auprès de publics socialement éloignés du monde de la recherche.
6Moins lyriques, les coordinateurs nationaux successifs de la Semaine du cerveau lient le développement de la manifestation à un « intérêt » général croissant pour le cerveau, une « demande » qui conduirait les neuroscientifiques à prendre de plus en plus la parole dans l’espace public :
Coordinateur national de la SdC, directeur de recherche à l’Inra en retraite : « Et puis on est portés actuellement par une vague d’intérêt pour le système nerveux et le cerveau qui est extraordinaire. Je dirais que l’augmentation de notre fréquentation est peut-être simplement due à ce mouvement global qui fait que tout le monde s’y intéresse. Et ça c’est dû au progrès de la recherche ces vingt dernières années. Le cerveau enfermé dans la boîte crânienne, personne ne savait ce qu’il y avait dedans, il y avait qu’une fois mort qu’on pouvait savoir [rires]. Alors que maintenant, on voit, je reprends le slogan de Neurospin [centre de neuroimagerie du plateau de Saclay] : “voir le cerveau penser”, voilà, maintenant on en est là et c’est vrai que ça a apporté une masse d’informations. […] On s’est dit : “Quand même cet organe fantastique et mystérieux, on commence à le comprendre.” Les gros projets aussi bien européens qu’étatsuniens comme Human Brain Project, etc., ça correspond bien à cet engouement aussi bien grand public que politique, décideurs et scientifiques, de dire : “C’est à notre portée.” »
7On trouve aussi cette idée que la SdC a pour fonction de diffuser l’état de la recherche sur diverses pathologies, variante la plus répandue du plaidoyer pour la transmission de la connaissance en soi, notamment chez certains chercheurs proches de la recherche appliquée, tel ce chargé de recherche du CNRS travaillant sur l’addiction :
« En plus on parle beaucoup de sujets qui ont trait à ce qu’ils [le public] entendent tous les jours, on parle de pathologies, on est bien obligés, il n’y a que comme ça qu’on arrive à avoir de l’argent [rire], donc les gens entendent bien ça, comprennent bien ça, qu’on leur parle de maladies neurodégénératives, cancers, ils tiltent tout de suite. C’est par ce biais-là qu’on peut faire entrer des choses un peu plus complexes. »
2.1.2. Rendre compte
8Si le modèle de la transmission est présent chez toutes les personnes rencontrées, il est loin d’être le seul. Un autre leitmotiv chez les organisateurs de la SdC est la nécessité qu’ils et elles éprouvent de rendre compte de leurs activités auprès du public. Il s’agit ainsi de justifier la recherche fondamentale et/ou publique, selon deux variantes, l’une euphémisée, l’autre militante.
9Dans sa version euphémisée, l’argument courant des organisateurs de la SdC parisienne est qu’il s’agit de rendre compte de l’argent public investi dans la recherche auprès des citoyens, qui sont aussi des contribuables. Ainsi, l’une des coordinatrices parisiennes trouve « normal de rendre compte au public d’où vont ses impôts. »
Directeur d’unité de recherche CNRS : « Premièrement, je pense qu’on a une certaine obligation de service vis-à-vis du grand public. On fait des recherches, qui sont payées sur des crédits publics à quasiment 100 %. […] Au total, ce sont des fonds publics ou des actions collectives qui financent notre recherche. Donc je trouve très légitime, presque obligatoire que nous ayons une obligation d’information. »
10Les responsables parisiennes et le coordinateur national de la SdC, ainsi que d’autres membres de la SdC, ont par ailleurs milité dans des mouvements comme « Sauvons la recherche » ou « Science en marche », qui ont animé les luttes en faveur de la recherche scientifique au cours des années 2000-2010. Même si l’une des coordinatrices, interrogée sur cet engagement, déclare ne pas voir de lien avec celui dans la SdC, on ne peut s’empêcher de considérer cet investissement dans la VS comme une forme de prolongement de l’engagement pour la recherche, à la manière de ces militants politiques des années 1970 reconvertissant leur habitus contestataire dans la culture (Voir Gérard Mauger, Claude F. Poliak et Bernard Pudal, Histoire de lecteurs, Bellecombe-en-Bauges, Éd. du Croquant, 2010 ; Annie Collovald, Erik Neveu, Lire le noir. Enquête sur les lecteurs de récits policiers, Paris, Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, 2004). Les récits de certains enquêtés suggèrent une relation entre la déception militante, les doutes sur le type d’action à mener et l’engagement dans la VS comme moyen de militer quand même, mais avec d’autres moyens :
Coordinateur national de la SdC, directeur de recherche à l’Inra en retraite : « Je suis revenu des grandes idées générales, applicables à tout le monde. Ce qui m’a fait changer d’idée, c’est le mouvement des chercheurs de 2003, “Sauvons la recherche”. J’ai participé jusqu’au bout, j’ai participé à la rédaction du bouquin, aux Etats généraux de Grenoble, j’avais coordonné l’écriture du chapitre sur « Sciences et société » (Voir le chapitre « Recherche et société », p. 107-131, in Les états généraux de la recherche. 9 mars-9 novembre 2004, Paris, Tallandier, 2004). J’ai écrit des choses avec lesquelles je n’étais pas d’accord, mais c’est ce qui était collecté dans les contributions de chacun. Et je me suis aperçu là, concrètement, de l’intérieur, qu’on avait fondé de grands espoirs sur une connivence avec le gouvernement. A l’époque c’était Chirac et comme d’habitude on a été déçus. Et je n’étais pas encore tout à fait convaincu avant, de me dire : “Il vaut mieux travailler localement autant qu’on en a les moyens, à une petite échelle plutôt qu’essayer de faire un truc global, dans le système actuel, on n’y arrive pas. […] Moi je n’y suis pas allé, aux réunions avec le président de la République, mais les collègues qui y sont allés, ont vraiment eu l’impression qu’ils ont eu une oreille. Ce qui ne s’est jamais concrétisé. Et on s’est fait complètement avoir, pas tellement sur le coup, mais après. […] Il vaut mieux faire ce que je peux à mon niveau. J’ai contribué à la création de S*** [association de vulgarisation sur le plateau de Saclay]. Et puis j’ai changé de source de financement, je suis allé vers les financements “Culture scientifique” plutôt que vers les financements “Recherche”. C’était aussi ma fin de carrière […] »
11Pour les membres de la SdC, la VS conçue comme rapport sur la science en train de se faire peut donc aussi s’apparenter à un engagement en faveur de la recherche et de ses conditions de financement et d’exercice (par exemple, des expérimentations sur les animaux). C’est pourquoi, tout en s’en défendant, l’une des coordinatrices finit par reconnaître que la participation à la SdC est une autre manière de militer, au travers d’une présentation concrète de l’activité scientifique qui ne s’accompagne guère de discours autojustificateurs :
Directrice de recherche, CNRS, coordinatrice SdC Paris : « La SdC, ce n’est pas très militant. C’est aller montrer aux gens ce qu’on fait, […] ça fait partie de notre job, de montrer, etc. mais il n’y a pas d’idée politique ou de dire : “Voyez, si on enlève la recherche, c’est un vrai choix politique.” Ça l’est, mais de façon moins directe que “Sciences en marche”, parce que “Sciences en marche” veut vraiment aller vers le public, pour faire des débats citoyens, pour essayer de faire plus de prises de conscience. […] et aussi pour essayer d’aller vers les politiques en fait. Pour essayer de faire comprendre à quoi peut servir la science [rire]. […] Et la SdC, pour moi, c’est moins militant, mais ça fait partie de ça. L’idée est quand même venue comme ça, quoi. »
2.1.3. Valoriser
12Venant derrière les deux principaux modèles qui viennent d’être présentés, un troisième type de justification de la SdC consiste à voir dans la manifestation un bon entraînement pour « vendre » l’image des neurosciences, en général mais surtout auprès de décideurs et gestionnaires non spécialistes. De telles vues sont partagées par les chargées de communication et la secrétaire générale de l’ENP. La chargée de communication de l’Inserm regrette ainsi que les chercheurs « n’aient pas à l’esprit. […] l’intérêt à faire parler des neurosciences et de l’Inserm en général ». Celle de l’ENP interprète la vulgarisation comme un signe d’« ouverture » au monde extérieur, mais qui peut aussi avoir une utilité si le chercheur « veut obtenir des financements, un intérêt, une reconnaissance du public. »
13Cette nécessité intériorisée de parler au grand public pour obtenir des financements est un signe des mutations en cours dans le champ scientifique, où le financement public est de moins en moins une évidence. À ce titre, le « grand public », ce sont aussi les financeurs, à la fois publics et privés, qu’il s’agit d’intéresser et de convaincre. Cette nécessité est évidente pour celles qui travaillent dans des structures mixtes et de droit privé telles l’ICM, l’ENP ou l’Institut Pasteur.
Secrétaire générale de l’ENP : « […] c’est sûr qu’il faut qu’on soit la vitrine des recherches, mais il faut aussi que, pour les instances au-dessus, on fasse voir qu’on est bon dans tel ou tel secteur. Donc on sait que la région en ce moment va sponsoriser tel et tel projet, ou l’Etat, eh bien, on va essayer… Moi c’est mon industrie pharmaceutique [où elle a fait une partie de sa carrière] qui m’a appris ça. En subliminal, il faut essayer […] qu’il y ait forcément dans l’assistance des personnes qui sont dans les institutions [et qu’elles] se disent : “Tiens, tel laboratoire travaille sur… On va essayer d’entrer en contact...”. Il faut que ça serve à ça aussi. »
14Ce plaidoyer pour une vulgarisation dont le rôle serait d’appuyer une sorte de lobbying, se décline sous une autre forme à l’ICM, où la chargée de communication s’est efforcée de convaincre son service de l’intérêt de la SdC pour la valorisation de l’établissement, dont les campagnes étaient alors dirigées seulement vers les grands donateurs institutionnels :
Chargée de communication, ICM : « Toutes les personnes ici, surtout en communication, ne voient que le côté fondation. C’est-à-dire dirigé […] vers les donateurs. […]Et quand ils [le service communication] ont vu que ça [la SdC] fonctionnait, là, forcément, on y va à 100 %. […] Évidemment ça a un intérêt, on ne va pas non plus [le nier] […] Au début on me disait : “Ce n’est pas des gens intéressants, le grand public », et là ils disent : “Ah mais si !” C’est comme ça qu’on va faire connaître l’ICM, car l’ICM n’est pas connu.” »
2.1.4. Susciter des vocations
15Enfin, selon un quatrième modèle de justification, la SdC comporte aussi des enjeux pour les neurosciences, en ce qu’elle peut susciter un intérêt, voire une vocation, pour le métier de chercheur/se scientifique :
Doctorante en neurosciences, Université Pierre et Marie Curie, et médiatrice scientifique à la Cité des Sciences et de l’Industrie : « Quand tu as des jeunes en face de toi […] – c’est peut-être hyper prétentieux de dire ça – : de relancer des vocations ou au moins des envies de faire plus de sciences, d’aller s’intéressser plus à un sujet parce que tout d’un coup ils ont entendu parler de quelque chose, qu’ils ont compris ce qu’étaient les grands enjeux derrière… »
16Le propos peut être plus politique, plaidant pour l’élargissement de l’origine sociale des recrutements, jugée cantonnée à certains groupes et espaces sociaux :
Chargée de communication, ENP : « Le seul truc pour casser, enfin si je dis casser, ça va faire flipper les scientifiques, mais faire évoluer l’image et aussi à terme créer des nouvelles générations de scientifiques dans d’autres classes sociales ou de gens qui n’ont pas forcément idée que les neurosciences existent, c’est d’apporter les neurosciences sur la place publique, quoi, c’est tout. »
17Si de tels points de vue ont été moins fréquemment soutenus que les précédents, ils l’ont été avec beaucoup de conviction et d’expressivité.
18Ces quatre modèles de justification de la vulgarisation des sciences du cerveau s’inscrivent dans un ensemble de représentations assez largement répandu parmi les praticiens de la VS, qu’on retrouve par exemple dans un récent manuel écrit par la journaliste scientifique Cécile Michaut. Dans ce qui est présenté comme le « premier guide de vulgarisation » offrant « des réponses concrètes aux scientifiques et ingénieurs souhaitant partager leurs savoirs avec le plus grand nombre », les motifs pour vulgariser énumérés par l’auteure recoupe largement ceux que l’on vient de décrire : « informer les citoyens », « un devoir vis-à-vis des contribuables », « trouver des financements », « faire naître des vocations scientifiques » (Michaut C. (2014), Vulgarisation scientifique. Mode d’emploi, Les Ulis, EDP Science, p. 11-19 ; Auxquels s’ajoutent des thèmes plus tournés vers l’activité ordinaire des chercheurs : « faire progresser ses propres recherches », « améliorer son enseignement » et « créer du lien sur son lieu de travail », tous ces thèmes étant couronnés par le très consensuel « le plaisir de partager sa passion avec le plus grand nombre » (ibid.). Voir aussi Beck, 2017). On peut donc faire l’hypothèse qu’il existe un sens commun sur ces questions.
19Mais, à la différence de l’énumération de Cécile Michaut, il se dégage ici une forme de hiérarchisation, certes fondée sur un nombre restreint d’entretiens, mais qui n’en suggère pas moins un arrière-plan. Autrement dit, l’intérêt de ces modèles est au moins autant dans ce qu’ils expriment explicitement que dans ce dont ils cherchent à se distinguer, et notamment ce qui est présenté comme les « médias ».
2.1.5 Le refus de la confusion des genres
20Extrait tiré d’observations d’une réunion du comité d’organisation, 6 novembre 2015
« Un débat commence après l’annonce par le coordinateur national de la SdC, d’un projet de partenariat entre la FRC et la Société des neurosciences, afin d“ unifier leurs forces” pendant la SdC pour pallier le manque de moyens dont souffriraient les deux événements. Le projet consisterait notamment en une mutualisation des brochures et dépliants, qui porteraient donc la mention du Neurodon, et la présence d’un correspondant de la FRC dans chaque comité de la SdC.
L’annonce est immédiatement suivie de vives manifestations de scepticisme parmi les douze personnes composant l’assemblée. Quelqu’un parle d’“un sacré changement”, qui consisterait à “mettre dans le même sac” des entités aux objectifs très différents. Un débat s’engage entre les partisans, même a minima, d’une collaboration avec la FRC et les autres plus réticents, majoritaires au sein du comité, pour la raison que la FRC n’est pas une société savante comme la Société des neurosciences, mais une “fédération d’associations de malades”. Les plus anciennes membres rappellent qu’il s’agit d’un débat vieux d’au moins dix ans et opposent la SdC, “événement international” consistant à “ouvrir les labos” et au cours duquel “les chercheurs vont auprès du public pour rendre compte auprès des citoyens de là où vont leurs impôts” et la FRC dont l’objectif est de collecter de l’argent.
Le coordinateur national, implicitement mis en cause, rappelle que la directrice de la FRC vient du secteur de la mucoviscidose, où l’habitude de l’appel à dons est plus développée. Or, la FRC ne disposerait pas de volontaires sur le terrain et aurait des difficultés à mobiliser la population autour de sa cause, ce qui expliquerait son intérêt pour un relais via la SdC. À quoi il est aussitôt rétorqué : “Ce n’est pas notre boulot”.
De nombreux membres du comité évoquent le “risque de confusion en termes d’image” pour la SdC, dont le public pourrait penser qu’elle diffuse de l’information en visant une collecte de fonds. Une coordinatrice du comité évoque également les risques de problèmes qu’un tel partenariat peut entraîner avec certaines institutions soutenant la SdC, telles que l’Inserm et l’Institut Pasteur. La chargée de communication à l’Inserm confirme ne pas vouloir de la FRC sur ses stands. Tout le monde s’accorde par ailleurs pour ne pas communiquer à la FRC la liste des coordonnées des personnes inscrites aux événements de la SdC.
Les coordinatrices du comité concluent en insistant avec force sur la raison d’être de la SdC : “la transmission des connaissances”, la volonté de “rendre compte du travail des chercheurs”, d’“aller vers le grand public” et de partager un ”moment de culture scientifique.” »
2.2. Une critique de la VS faite dans les médias
2.2.1. Chargée de recherches Inserm, Institut de la Vision : « Moi, ce qui m’afflige, en tout cas au journal télévisé, à la télévision, à la radio […c’est que] le niveau scientifique est quand même très très très bas. […] Et le nombre de bêtises qu’ils disent aux informations en biologie, même en recherche médicale, ce n’est pas possible, ce n’est pas possible. […] Il ne faut pas me faire parler sur les journaliste. […] La plupart n’ont pas de connaissances scientifiques, ce qui s’appelle zéro, vraiment zéro. Le meilleur exemple, c’est, une fois, on a eu une journaliste de France 3, […] mon chef lui montre les neurones en train de migrer : “Mais c’est bizarre, ils ne font pas de bruit.” Alors, on l’a regardée : non il n’y a pas de bruit, pas de son dans la tête [rires] Et voilà, c’est une question naïve et en même temps tu te rends compte qu’elle ne réfléchit pas. […] Je ne veux pas corriger, j’ai envie d’apporter de la connaissance. Après les gens s’ils ont envie de penser ça, mais ils auront la connaissance, ils sauront que c’est de la bêtise, tu vois. »
2.2.2. Directeur de recherche à l’Inra en retraite, coordinateur national de la SdC : « C’est très partagé aussi parmi les collègues, sauf que ceux qui en ont fait l’expérience reviennent sur cette idée. […] Petit à petit on peut choisir et on peut arriver à dire ou à imposer un peu quelque chose. Il faut faire la part du feu. Je pense que c’est aussi important de faire la part du feu. Parce que nous, on n’a pas forcément la bonne façon de dire. Alors même si le message est déformé, ce n’est pas, comment dire, ce n’est pas perdu qu’il soit déformé, pourvu qu’il arrive. Moi j’en suis là. […] Je mise un peu sur la curiosité, c’est un point de vue personnel. Je me rappelle, le premier colloque que j’avais organisé il y a longtemps en province, à F*. Et la journaliste de Sud Ouest qui était venue m’interviewer. On avait passé une heure et demie, hein. Le lendemain, première page du journal, photo comme ça du maire, M* en plus, grand ponte du PS, hein… Trois lignes dans un article dithyrambique sur toutes les réalisations de la ville, trois lignes, c’était sur les récepteurs […], complétement incompréhensibles, et tout le reste à la gloire du maire. [rires] La part du feu… [rires] Néanmoins, en titre, il y avait “Congrès à F*” [rires] Au moins les gens avaient lu “récepteurs” [rires]. »
2.2.3. Chargé de recherche au CNRS : « Sur la partie médias grand public, ce que je reproche, mais ça, ce n’est pas dû aux journalistes, c’est le système. Les sujets sont traités beaucoup trop rapidement. […] En tout cas dans la presse radio, encore plus à la télé, c’est qu’il n’y a jamais la place pour la contradiction, jamais la place pour le débat. C’est-à-dire qu’on balance des infos comme ça, sans s’être renseigné avant et du coup, ce qui est un peu dommage, en tout cas en biologie et en santé, c’est qu’on fait naître un certain nombre d’espoirs chez les gens en faisant croire que certaine pathologie est soignée, etc. […] C’est ce côté-là que je reproche, mais je pense que c’est le système de fonctionnement des rédactions, puisque ça nous est arrivé, nous, d’être contactés par des journalistes, et en fait il leur faut la réponse pour la veille, quoi. […] nous, ce qu’on peut apporter, c’est des connaissances en fait, c’est le recul qu’on a par rapport à la discipline dont on parle. Ce que ne pourra pas faire un journaliste. Et aussi les droits de réponse. Les gens peuvent nous poser des questions [pendant la SdC], ce qui n’est pas le cas quand tu es en presse écrite. […] On a du temps aussi. Quand tu fais quatre lignes, tu n’as pas le temps. […] On est tous un peu sévère avec les médias, je ne pense pas toujours à juste titre. Il faut distinguer les médias spécialisés, scientifiques et les médias grand public. Je pense à la “Tête au carré” sur France Inter. Sur France Culture, il n’y en a plus qu’une, la “Méthode scientifique”, je trouve que c’est un peu dommage. Il y avait “Continent sciences”… Je les écoute en baladodiffusion, je me nourris beaucoup de ça aussi. Ces émissions en général sont assez bien faites, on a les spécialistes des domaines. […] Je trouve que c’est assez simple pour moi. […] Je ne sais pas comment le grand public le reçoit, s’il trouve ça trop complexe. France Inter et France Culture, le public, c’est déjà des CSP+, déjà c’est un peu différent. Après, sur la partie médias grand public, ce que je reproche, mais ça ce n’est pas dû aux journalistes, c’est le système. Les sujets sont traités beaucoup trop rapidement. Ça malheureusement, c’est le lot… En tout cas dans la presse radio, encore plus à la télé, c’est qu’il n’y a jamais la place pour la contradiction, jamais la place pour le débat. C’est-à-dire qu’on balance des infos comme ça, sans s’être renseigné avant et du coup, ce qui est un peu dommage, en tout cas en biologie et en santé, c’est qu’on fait naître un certain nombre d’espoirs chez les gens en faisant croire que certaine pathologie est soignée, etc., alors que pas du tout. C’est juste un papier qui est sorti, alors voilà c’est très bien, on a avancé, mais il va rester beaucoup de choses à faire. Si on a un médicament : oui, ça marche sur la souris, mais avant que ça marche chez l’homme… C’est ce côté-là que je reproche, mais je pense que c’est le système de fonctionnement des rédactions, puisque ça nous est arrivé, nous, d’être contactés par des journalistes, et en fait il leur faut la réponse pour la veille, quoi. Et ce n’est pas possible. […] La difficulté avec les journalistes qui traitent un peu tous ces sujets, des pigistes souvent, c’est que nous, ce qu’on peut apporter c’est des connaissances en fait, c’est le recul qu’on a par rapport à la discipline dont on parle. Ce que ne pourra pas faire un journaliste. Et aussi les droits de réponse. Les gens peuvent nous poser des questions [pendant la SdC], ce qui n’est pas le cas quand tu es en presse écrite. […] On a du temps aussi. Quand tu fais quatre lignes, tu n’as pas le temps. […] Je ne leur jette pas la pierre totalement, je suis l’actualité des médias, je sais comment fonctionne une rédaction, je sais qu’il y a de moins en moins d’argent et beaucoup de gens qui font des piges comme ça et on leur demande des sujets, pratiquement du jour au lendemain, ils ne connaissent rien et ils font comme ils peuvent. Je pense qu’il y a des journalistes qui aimeraient passer plus de temps sur des sujets, mais malheureusement ils ne peuvent pas. […] c’est vrai que c’est un peu démoralisant. Tu te dis que les gens qui détiennent la parole publique ne nous aident pas. Quand tu entends Sarkozy il y a quelques jours sur France Inter, parler du réchauffement climatique, il reprend les thèses des climato-sceptiques et que, en face, Cohen ne dit rien. Je leur ai envoyé un mail. […] »
2.2.4. Doctorante en neurosciences, Université Pierre et Marie Curie, et médiatrice scientifique à la Cité des Sciences et de l’Industrie : « Je pense qu’on a la chance en France d’avoir des revues de vulgarisation scientifique qui sont vraiment de très bon niveau. On a différents niveaux de vulgarisation. Si tu prends La Recherche, c’est du haut niveau scientifique, il faut avoir un peu de background, mais c’est quand même vraiment de la vulgarisation quand même aussi. Et elle est sacrément bien faite, cette revue. Mais même un Science et Avenir qui pour le coup va vraiment dans du beaucoup plus basique, ils font du vrai bon boulot d’aller identifier les questions qui fâchent aujourd’hui et d’aller essayer d’y répondre. Alors c’est sûr que, quand on a publié un truc sur le sommeil et la mémoire, moi qui ai bossé là-dessus, je sens les petites approximations, mais ce n’est pas des anti-sens [sic] pour le coup. Et je vois aussi quand je vois les personnes qu’ils ont interrogées, qu’ils ont contacté les bons scientifiques. […] [au sujet du journalisme en général] Là, c’est plus compliqué. Le journalisme plus général, souvent, la partie sciences est un peu… un peu faite à l’arrache. […] quand il y a un sujet vraiment de science ou un peu scientifique qui est traité dans les journaux et que tu prends juste le titre grand public comme ça, pour moi, ça manque de mise en profondeur. En général on ne sait pas trop pourquoi est-ce qu’on parle de ça dans l’article. Quand il y a des tentatives d’explication, souvent elles sont un peu erronées, et voilà. Donc il y a encore du boulot là-dessus, je pense. Mais en même temps, je pense qu’en France, on n’est pas les plus à plaindre, parce qu’on a quand même cette culture d’avoir à côté, des revues plus spécialisées […] qui sont bien faites. »
2.3. Les organismes financeurs
21En 2016, les principaux contributeurs sont au nombre de cinq : l’Inserm, l’École des neurosciences de Paris, la Faculté de biologie de l’UMPC, la Société des neurosciences et l’INRA, auxquels on peut ajouter, pour leur prêt d’espaces à titre gracieux, le Collège de France, l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris, l’Institut de la Vision, l’ICM, l’Institut Pasteur et l’Université Paris Descartes (Société des neurosciences, 2016, p. 231)
Annexe 3. L’élaboration des animations à la SdC
3.1. Choisir des sujets « accessibles »
3.1.1. Directeur d’unité de recherche CNRS : « On essaye d’avoir une double exigence. Premièrement d’avoir un spectre de sujets assez large pour que la diversité de ce qui se fait l’institut soit représenté, partiellement bien sûr, on ne peut pas tout expliquer, mais non pas se focaliser sur un thème […] On essaye après bien entendu de choisir des choses […] plus accessibles au public et plus motivantes. Ce qui veut dire que c’est les aspects, je ne dirais pas les plus fondamentaux, parce que des choses tout à fait fondamentales loin de la médecine ou des applications concrètes peuvent très bien passionner le public, mais disons qu’on évite bien sûr les sujets les plus arides et qui demandent beaucoup de technicité. Donc on choisit des sujets plus accessibles. »
3.1.2. Chargée de recherches Inserm, Institut de la Vision : « Je suis allée voir les gens qui font les choses les plus parlantes : les cellules souches, la thérapie génique… et qui peuvent concrètement montrer quelque chose, qui est facilement explicable. »
3.1.3. Chargé de recherche au CNRS : « Mon choix des thèmes, c’est sur mon domaine de compétences. C’est vrai que je ne m’écarte pas trop de mon domaine de compétences. […] On a un peu peur, je pense, de dire des bêtises [rire]. En même temps c’est un peu idiot car on aurait le bagage pour s’écarter de ce qu’on fait, mais c’est vrai qu’on a tendance à se cantonner et à se censurer nous-mêmes, dans notre domaine de compétence. Je parle de drogue […] Ce qui fait que des fois ça déborde un peu [rire] sur les politiques publiques, de santé, mais je leur dis bien que ce n’est pas mon boulot. Je ne suis pas là pour donner des conseils, mais forcément j’ai des questions. […] Je ne fais pas les addictions comportementales, c’est encore un autre domaine, j’en parle un peu, mais je ne suis pas du tout spécialiste, c’est des mécanismes complètement différents et en plus le problème, c’est que je fais de la préclinique, je travaille sur des modèles cellulaires, je ne travaille pas chez l’homme, donc on n’a pas de modèle chez l’animal d’addictions comportementales, donc je ne suis pas trop à l’aise pour en parler, si tu veux. »
3.2. La conception d’une animation
Directeur d’unité de recherche CNRS : « Comment s’y prendre ? Il n’y a pas de miracle. C’est très dur. Et ça repose en fait sur trois choses. Première chose, les sujets. Après je pense qu’il y a un talent naturel qui est une dimension très très importante. Il y a des gens qui savent vulgariser, qui savent parler, qui savent trouver les bons mots, qui sont agréables à entendre, qui savent se mettre au niveau de leur auditoire, qui sont enthousiastes et avec un enthousiasme communicatif, qui sont des conférenciers charismatiques. Il y en a qui sont tout le contraire. Et ça, ça ne changera pas. Quelqu’un qui est terne, mort, emmerdant, il aura peut-être le prix Nobel, mais il n’arrivera jamais quasiment à enthousiasmer un public, et si un public l’écoute ce sera uniquement à cause de l’étiquette prix Nobel et ce sera une épreuve pour son public. Il n’y a rien à y faire. Il y a des gens qui ont le feeling avec un auditoire. […] Et la troisième dimension à mon avis, c’est l’expérience. Comme toujours. On fait des erreurs, il faut réfléchir à ses erreurs, se rendre compte… c’est comme pour les cours, on ajuste la conduite du cours par rapport aux étudiants, on fait un galop d’essai et ensuite on ajuste les choses, […] on en tire les leçons. »
3.3 Exemple de programmation : « Le Cerveau à livre ouvert » en 2016
22Pour cet événement, où le choix des textes littéraires découle d’un thème choisi, les sujets concernent le plus souvent la santé au sens large et les « questions de société » qui y sont liées : autisme, comportements alimentaires, etc. Elles reflètent souvent les préférences personnelles des membres du comité les plus impliquées dans l’organisation de cette animation, sans que cela donne lieu à un débat de fond sur la pertinence des choix ou une discussion contradictoire entre plusieurs options. On décèle l’influence de capitaux scolaires dans les choix de littérature classique, tandis que ceux opérés en littérature contemporaine semblent davantage guidés par des intérêts professionnels et privilégient le témoignage et le document. En 2016, l’événement est ainsi articulé autour de quatre extraits de L’Assommoir, Gargantua, Le Pavillon des enfants fous de Valérie Valère (Stock, 1979), célèbre témoignage sur l’anorexie, et Sobibor de Jean Molla (Gallimard, 2003), roman pour adolescents traitant de l’anorexie et de la Shoah. Enfin, le choix des intervenants obéit à des considérations liées au thème et à leur disponibilité, mais aussi à leur éventuelle notoriété ainsi qu’à l’évaluation de leur aisance à parler en public de façon « claire ».
3.4. Les formats des animations à la SdC dans les années 2010
type d’événement |
nombre entre 2010 et 2017 |
conférences |
59 |
conférences-visites |
12 |
café-santé et café-sciences |
15 |
ateliers |
5 |
ciné-débats |
7 |
expositions |
2 |
rencontres-débats |
4 |
spectacle-débat et théâtre |
2 |
3.5. Les « propositions équationnelles » dans les discours tenus à la SdC : l’exemple de la localisation anatomique
Date |
Institution |
Thème |
Zone cérébrale = fonction |
2017 |
ENP |
Neurobiologie des relations sociales |
Le système limbique est le siège du système de reconnaissance des signaux sociaux. Le nucleus accumbensa est associé aux comportements « romantiques ». |
2016 |
Collège de France |
Le stress |
Énumération des régions activées dans une situation de stress et de peur : l’amydgdale pour le décodage des émotions et la détection du danger, le cortex pré-frontal pour l’attention et le raisonnement, l’hippocampe pour la mémoire le thalamus pour le transit des informatiques sensorielles vers d’autres régions cérébrales. |
a Le noyau (ou nucleus) accumbens constitue l’un des constituants essentiels du circuit de la récompense et l’une des structures cérébrales les plus impliquée dans les phénomènes de dépendance (notamment aux drogues) (http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_03/d_03_cr/d_03_cr_par/d_03_cr_par.html, consulté le 13 décembre 2018).
3.6. L’influence des représentations des publics chez les membres de la SdC
3.6.1. Responsable de communication, Inserm, « Quand on organise des conférences comme ça, bibliothèque, Café des Éditeurs ou Palais de la Découverte ou à la Cité [des Sciences], c’est toujours les mêmes gens qu’on a. Toujours. La même population. Quand on fait quelque chose à l’extérieur, on va toucher des gens qui ne connaissent peut-être pas la science, et les neurosciences en l’occurrence. […] j’ai dit plusieurs fois à *** [membre de la SdC à Paris] de faire un village « La Semaine du cerveau » sur même deux-trois jours et c’est pour ça je n’arrête pas de dire aux chercheurs : “[…] voyez ce que la mairie de Paris peut vous proposer pour la Semaine du cerveau […]” et je lui ai dit : “Pourquoi tu ne fais pas un truc sur le parvis de l’Hôtel de ville ?”. Allons-y, soyons fous. Plusieurs fois, je lui ai dit. […] Ils [les chercheurs] ne voient pas non plus l’enjeu. Eux, c’est des chercheurs, ils sont là, ils sont déjà contents de communiquer, de faire des petits ateliers, d’organiser une petite conférence sur Alzheimer, etc. [rires] C’est gentil, mais…
– L’idéal ce serait de toucher…
– … Les passants ! […] On souhaite toucher des gens qui ne sont pas familiers avec la recherche. […] Pour le lambda, la classe moyenne, voire la classe ouvrière, ce n’est pas leur préoccupation principale […]
3.6.2. Chargé de recherches CNRS, « […] la SdC, c’est souvent des gens qui connaissent un petit peu. Il y a des étudiants qui viennent, mais les étudiants qui viennent, ils viennent en général parce qu’ils sont obligés […] Sur le public de jeunes qu’il y avait, c’était essentiellement ça et sinon le reste du public, c’était des gens relativement âgés, donc 45-50 ans minimum, qui avaient déjà un peu de culture scientifique ou qui étaient de milieux socioculturels supérieurs et qui auront l’ouverture d’esprit et le temps aussi de venir. Je pense que les gens de banlieue ne viennent pas, parce qu’il y a une question de distance […] Il y a Paris et le reste du monde [sourire]. Les gens ne viennent pas pour différentes raisons. Il y a peut être une forme d’autocensure, les gens pensent que ce n’est pas de leur niveau, [que] ça va être trop compliqué […] je ne sais pas comment on pourrait faire [pour faire venir d’autres publics], on a le même problème partout, dans les musées c’est le même problème. […] je ne sais pas si on touche ce public-là parce qu’on est dans les endroits où il y a ce public et si on allait ailleurs, je pense que ça marcherait aussi parce qu’il y a des événements qui ont lieu en banlieue et qui ont quand même eu du monde ; je pense qu’il faudrait qu’on se déplace plus. Comme les gens ne se déplacent pas c’est aux événements d’aller vers les gens. »
3.6.3. Maître de conférence, université Paris-Diderot : « Je pense que tout ce qui est “bar des sciences”, c’est super, mais ma peur est que ça s’adresse à un public, je ne dis pas “jeune”, mais qui a l’habitude. […] Je ne connais pas la géosociologie de Paris, mais j’ai des fois l’impression qu’on se coince derrière des choses, des endroits, qui sont déjà riches. Il faudrait aller en banlieue, quoi. Il faudrait aller où il y a des problèmes sociaux, des problèmes culturels, de l’intégration […] ce n’est pas au Collège de France. Très bien, le Collège de France, mais c’est déjà un lieu riche de culture. Il faut aller à Sarcelles… […] Il faut aller au socle de la société. Il faut toucher à la porte de quelqu’un qui n’a pas accès à la culture, pour des raisons X ou Y, parce qu’il n’a pas la possibilité, parce qu’il n’a pas eu envie à un moment donné. […] notre job c’est de parler à tout le monde. […] Au Collège de France, j’ai vu que des Blancs, des Blancs avec des chemises et des Rolex. Est-ce que c’est ça la société, c’est juste une fraction de la société. Et moi, j’aimerais bien voir de tout et n’importe quoi. […] Et des fois je pense qu’on se coince un petit peu dans l’amphi des facs […] »
Pour citer cet article
Référence électronique
Sébastien Lemerle, « Annexes de l'article « La Semaine du cerveau à Paris (2014-2017) : étude sur les contraintes de la vulgarisation des neurosciences » », Sociologie [En ligne], N° 2, vol. 12 | 2021, mis en ligne le 22 juin 2021, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516
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