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La Semaine du cerveau à Paris (2014-2017) : étude sur les contraintes de la vulgarisation des neurosciences

The Brain Awareness Week in Paris, 2014-2017: A Study on the constraints of popularising neurosciences
Sébastien Lemerle

Résumés

Les études sur la diffusion sociale des connaissances scientifiques distinguent depuis plusieurs décennies un modèle classique de la vulgarisation scientifique, désigné comme « modèle du déficit », et des formes davantage caractérisées par l’engagement des publics avec la science. Cet article interroge les formes actuelles de ce « modèle du déficit » encore très répandu, à partir d’une enquête réalisée entre 2014 et 2017 sur une manifestation autour des neurosciences, la Semaine du cerveau. Les multiples contraintes d’organisation et de programmation pesant sur ce projet issu de la communauté scientifique montrent que la réflexion sur les formes classiques de la vulgarisation doit prendre en compte à la fois une approche externaliste (quels acteurs, quelles institutions, quelles politiques, etc.), une approche communicationnelle (quels problèmes posés par la reformulation d’un texte ésotérique dans une langue plus accessible, etc.) et une étude de la façon dont les représentations des intervenants de la Semaine du cerveau influencent leurs pratiques. Le modèle du déficit doit donc être reprécisé et nuancé : il ne peut être abordé indépendamment du réseau de relations dans lequel se pratique la vulgarisation, activité semi-autonome devant prendre en compte une multitude de réalités sociales (champ scientifique, autres espaces de production symbolique, logiques des pratiques culturelles contemporaines, nécessité de recourir à des dispositifs discursifs spécifiques, dépendant eux aussi de paramètres culturels et sociaux).

The Brain Awareness Week in Paris, 2014-2017: A Study on the constraints of popularising neurosciences

For several decades, studies on the social dissemination of scientific knowledge have distinguished between a classic model of science popularisation, referred to as the “deficit model”, and other forms more often characterised by public engagement with science. This article examines the current forms of this “deficit model”, which remains widespread, based on a survey carried out between 2014 and 2017 on a public neuroscience event, Semaine du Cerveau (Brain Awareness Week). The many organisational and planning constraints, placed on this project designed by the scientific community, show that any study into the classic forms of popularisation must consider: an externalist approach (which takes into account actors, institutions, policies, etc.), a communicational approach (which addresses the problems raised by reformulating esoteric texts into a more accessible form) and the ways in which the representation of speakers at Semaine du Cerveau influences their practices. The deficit model must, in light of these consideration, be clarified and nuanced. The deficit model cannot be approached independently of the networks of relationships in which popularisation is practised, which despite being a semi-autonomous activity must take into account a multitude of social realities (such as the field of science, other spaces of symbolic production, the logic of contemporary cultural practices, and the need to resort to specific discursive devices which also depend on the particular cultural and social context in which they are used).

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Texte intégral

  • 1 Voir notamment (Nieto-Galan, 2016 ; Poirrier, 2016 ; Las Vergnas, 2011 ; Bensaude-Vincent 2010 ; Ju (...)

1Notre moment historique, marqué par les risques sanitaires et leurs conséquences de longue portée dans les domaines économiques, sociaux et géopolitiques, a remis au centre de nombreuses discussions la question de la diffusion sociale des connaissances scientifiques, sujet de réflexion ancien (Poirrier, 2016) et préoccupation récurrente des pouvoirs publics (IGAENR, 2012). Le modèle dominant de cette diffusion a longtemps reposé sur la prédominance de la parole scientifique, qu’elle émanât des chercheurs eux-mêmes ou de médiateurs plus professionnalisés travaillant dans la presse, l’édition, les médias audiovisuels ou les institutions culturelles (Lemerle, 2016). À partir de la fin des années 1960, ce modèle a été remis en question, d’abord en raison de son arrière-plan idéologique (Jurdant, 1969, 2009), puis au motif que la diffusion des connaissances déboucherait toujours sur des résultats distincts de leurs origines scientifiques, le « soi-disant partage du savoir effectué par les mass media » aboutissant « à autre chose que le savoir lui-même soi-disant partagé » (Roqueplo, 1974, p. 149). L’attention s’est dès lors portée sur l’ensemble de pratiques desquelles résulte cette « autre chose », autrement dit la vulgarisation scientifique (VS), dont les définitions et principes ont suscité quantité de travaux, essentiellement historiques et épistémologiques1.

  • 2 Voir (Nieto-Galan, 2016, p. 3-10 ; Bensaude-Vincent, 2010 ; Raza, 2009 ; Ziman, 1991 ; Hilgartner, (...)
  • 3 Voir (Jacobi et al., 1990, p. 94 et suiv).
  • 4 Pour un rappel historique du développement de ce champ de recherche, dont les prémisses britannique (...)
  • 5 Pour une approche similaire du point de vue des professionnels de la médiation scientifique, voir ( (...)

2Depuis trente ans, le modèle historiquement dominant de la VS a été critiqué dans son principe comme cherchant à perpétuer l’illusion d’une coupure entre la science et le reste de la société2, fondée notamment sur le postulat d’une prétendue séparation entre discours scientifiques spécialisés et discours destinés aux non-spécialistes3. La VS a également été décrite comme sous-tendue par un « modèle du déficit » (deficit model), suivant lequel le « grand public » manquerait de culture scientifique et de fait ne serait capable ni d’apprécier la valeur objective des sciences, ni de débattre de ses enjeux. Par conséquent, dans ce contexte, l’objectif traditionnel de la VS aurait été de doter ce « grand public » d’un volume suffisant de connaissances scientifiques selon un modèle vertical, quasi-scolaire, de transmission partant des détenteurs du savoir en direction des profanes (Schiele, 2017, p. 48-49). Dans le sillage de la critique de ce modèle, les études se sont tournées vers la réception et les usages des connaissances scientifiques au sein de différents publics (public understanding of science)4, puis vers des « mouvements de science citoyenne », constitués d’un « large spectre de nouvelles formules », telles que les forums de discussion, les enquêtes et auditions publiques, etc., visant à « impliquer le public dans les choix scientifiques et techniques », qui tendraient à « supplanter – sinon évincer – les formules classiques de la médiation scientifique » (Bensaude-Vincent, 2010, p. 8)5. En résumé, le « modèle du déficit » a été remis en cause au bénéfice d’approches prônant l’appropriation publique de la science ainsi que la « participation » et l’« engagement » à la fois des « spécialistes » et des « non-spécialistes » (public engagement in/with science) (Bergeron, 2016 ; Schiele, 2017).

  • 6 Pour les manuels, voir (Beck, 2017 ; Michaut, 2014). Pour les formations, voir L’École de la médiat (...)
  • 7 En langue française, on peut remonter aux années 1970 et à l’étude de Luc Boltanksi et Pascale Mald (...)
  • 8 Une grande part des travaux importants et récents sur la question ne relève pas de la sociologie à (...)
  • 9 Même si la fonction « créatrice » de la VS a été reconnue et diversement abordée : aspects « poétiq (...)

3Pour autant, tout porte à penser que le modèle classique de la VS demeure encore le cadre de référence pour nombre de pratiques contemporaines de diffusion des connaissances scientifiques, comme en témoignent les publications de manuels, les propositions de formations, les partages d’expériences sur les réseaux sociaux ainsi que certains programmes audiovisuels très suivis6. Comme le rappelle Andrée Bergeron (2016, p. 31), « si les évolutions dans les discours sont notables et admettent aujourd’hui la légitimité de la parole sociale sur les choix technoscientifiques, la traduction pratique de ces discours est plus modeste ». Or, tandis que les études sociologiques récentes, en cohérence avec les évolutions notées ci-dessus, ont plutôt eu tendance à s’intéresser aux publics de la VS, à l’appropriation faite par ces derniers des discours et des connaissances scientifiques ou à la façon dont les institutions culturelles les prennent en compte (Le Marec, 2007 ; Détrez & Piluso, 2014 ; Le Marec & Maczek, 2020)7, les études sur les procédures concrètes au sein du modèle « classique » de la VS, ses modalités et ses agents à l’époque contemporaine sont plus rares8 et assez peu systématisées9.

4L’objectif de cet article est de réexaminer certaines caractéristiques de la VS, en rappelant que plusieurs facteurs en influencent l’élaboration et que les discours qu’elle tient n’ont rien d’un reflet fidèle d’une hypothétique « pure » parole scientifique. Il vise aussi à nuancer une vision trop rapide qu’on pourrait avoir du « modèle du déficit », en mettant l’accent sur quelques contraintes qu’on pourrait dire inhérentes à cette activité, qui conduiront à relativiser la verticalité et surtout la dimension « scolaire » associée à celui-ci. Il s’appuiera pour cela sur une enquête réalisée entre 2014 et 2017, portant sur une manifestation consacrée aux neurosciences, la « Semaine du cerveau » (SdC), élaborée essentiellement par des chercheurs. Cette étude permettra d’identifier deux types de contraintes quasiment intrinsèques au type de VS « élémentaire » que représente la SdC. Le premier type peut être qualifié d’externe et se rapporte à toutes les dépendances matérielles, économiques, sociales, institutionnelles, politiques, auxquelles est soumise l’organisation d’une manifestation comme la SdC et qui en déterminent une part majeure de la programmation. Le second relève d’une dimension plus interne, liée à la pratique de reformulation caractérisant la VS (Jacobi, 1999), qui s’appuie sur des dispositifs discursifs tentant d’amoindrir la tension existant entre langage spécialisé et discours exotérique. Ce phénomène retient depuis longtemps l’attention des chercheuses et chercheurs, en linguistique comme au sein des sciences de l’information et de la communication, mais a rarement été abordée avec les outils de la sociologie de la culture que cet article propose de mobiliser, en examinant entre autres son interaction avec les caractéristiques des publics ainsi que les représentations socialement situées des organisateurs à leur endroit.

Le terrain. La Semaine du cerveau

La Semaine du cerveau est l’édition française de la Brain Awareness Week lancée en 1996 par la Dana Alliance for Brain Initiatives, organisation à but non lucratif créée à l’initiative du prix Nobel James Watson en 1992, sous l’égide de la Charles A. Dana Foundation, fondation philanthropique dédiée depuis 1950 à la santé et à l’éducationa. Cette manifestation s’inscrit dans le contexte de la Decade of the Brain lancée par le Congrès états-unien au début des années 1990 (Jones & Mendell, 1999). L’objet de la Dana Alliance est la promotion auprès du grand public « des progrès et des promesses de la recherche sur le cerveau » et « la diffusion de l’information sur le cerveau d’une manière compréhensible et accessibleb ». Au milieu des années 2010, elle comprend plus de 550 membres, généralement des chercheurs de haut niveau en neurosciences ou neurologie et la France y est le troisième pays le plus représenté, derrière le Royaume-Uni et les États-Unis. Le projet de la Brain Awareness Week est de convaincre le « public » des bénéfices directs des travaux neuroscientifiques, afin notamment d’attirer des financements publics et privés et d’informer les citoyens (Illes et al., 2010).
En France, depuis ses débuts en 2000 jusqu’au moment de l’enquête, la SdC a été organisée par la Société des Neurosciences en partenariat avec la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC) et un réseau d’organisateurs locauxc. Fondée en 1988, la Société des Neurosciences est une société savante, l’une des plus anciennes sociétés pour les neurosciences d’Europe et la plus importante en nombre d’adhérentsd. De son côté, la FRC a pour objectif de rassembler des fonds au profit de la recherche en neurosciences et de sensibiliser à l’importance médicale des connaissances sur le cerveau. Elle organise chaque année une campagne d’appel à dons, le Neurodon, distinct de la SdC.
Au plan de son organisation, la SdC se tient à la mi-mars dans plusieurs villes françaises – plus d’une trentaine en 2015-2017. En 2017, elle a mobilisé plus de 800 bénévoles et attiré 40 000 personnes. À l’image de ses homologues nord-américaines et britannique, dont elle suit le calendrier, la SdC est régulièrement présentée par ses organisateurs comme une occasion pour le grand public de s’informer au travers de débats, de conférences, de projections, d’expositions, de spectacles et d’ateliers pédagogiques autour de thèmes liés à la recherche sur le cerveau. En 2016, elle a consisté en 150 conférences, 131 animations scolaires, 27 cafés sciences, 118 ateliers scientifiques, 30 projections de films, 14 spectacles/débats, 13 expositions, 3 manifestations littéraires, 19 visites de laboratoire et 29 interventions à la radio (Société des Neurosciences, 2017, p. 4).
Pour des raisons à la fois matérielles et stratégiques, j’ai choisi de m’intéresser à l’édition parisienne de la SdC, qui rassemble au plan national le plus grand nombre d’animations et attire le public le plus nombreux. L’édition 2017 de la SdC parisienne a bénéficié par exemple de la participation de 124 volontaires et accueilli plus de 10 000 personnes, chiffre en hausse régulière dans les années 2010e. Dans le cadre d’une observation participante, j’ai assisté à toutes les réunions du comité d’organisation des éditions 2015, 2016 et 2017 ainsi qu’à 21 animations sur la période et réalisé 30 entretiens semi-directifs avec les membres du comité et divers intervenants.
La SdC n’est pas la seule manifestation dédiée à la vulgarisation des neurosciences à Paris. Elle s’inscrit dans un paysage composé d’agents et d’institutions très diversifiés. Parallèlement à une production écrite, presse et édition, dont le développement a été remarquable depuis plus de trente ans (Lemerle, 2006, 2011, 2013, 2014) et d’une exposition audiovisuelle régulière à la radio, la télévision et à l’occasion de festivals de documentaires, les sciences du cerveau bénéficient à Paris de la présence du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie, réunies depuis 2009 dans la structure Universcience, premier centre scientifique d’Europe, quatrième site culturel le plus visité de Francef. Les sciences du cerveau sont fortement représentées dans les deux établissements, tant au plan des expositions, notamment l’exposition permanente « C3RV3AU » à la Cité des sciencesg, que des conférences, ateliers et animations assurés par des médiateurs et médiatrices professionnelles et des doctorants effectuant leur « service d’enseignement » dans le domaine de la diffusion scientifique. D’autres établissements complètent cet ensemble, comme le Muséum national d’histoire naturelle ou la Bibliothèque nationale de France, dont les programmations comprennent des conférences ou des expositions abordant des thèmes neuroscientifiques. Enfin, il faut mentionner les conférences grand public d’instituts de recherche comme l’Institut Pasteur et l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrièreh.
Dans le cycle annuel des manifestations de culture scientifique, la SdC vient après la « Fête de la science », principal événement du genre, lancé en 1992 dans le but de diffuser la culture scientifique (Las Vergnas, 2011, p. 21). Sans soutien explicite des pouvoirs publics français jusqu’en 2017 inclusi, la SdC ne bénéficie pas de la même légitimité institutionnelle ni des mêmes moyens logistiques, par exemple en termes de communication, que la Fête de la science. En revanche, son rayonnement national la situe dans une catégorie supérieure à celle d’autres manifestations comme les conférences et soirées-débats de la Société des Neurosciences.

a http://www.dana.org/​uploadedFiles/​About_Dana/​dana_foundation_timeline.pdf, consulté le 9 février 2016.
b http://www.dana.org/​About/​DABI/​whoweare/​, consulté le 9 février 2016.
c Voir le site de la Semaine du cerveau, http://semaineducerveau.fr et le dossier de presse de l’édition 2015 (Société des Neurosciences, 2015).
d https://www.neurosciences.asso.fr/​, consulté le 9 février 2016.
e Pour les chiffres, voir (Société des Neurosciences, 2014, 2017).
f Données tirées de http://www.universcience.fr/​fr/​nous-connaitre/​universcience/​, consulté le 27 avril 2017.
g Voir aussi la page web de l’exposition, http://www.cite-sciences.fr/​fr/​au-programme/​expos-permanentes/​expos-permanentes-dexplora/​cerveau/​, consultée le 27 avril 2017.
h Voir la chaine Youtube des conférences de l’ICM : https://www.youtube.com/​channel/​UCdvPnbYIv4bHKsqgFxS2k3w, consultée le 27 avril 2017.
i Une évolution notable doit cependant être mentionnée : l’édition 2018 a bénéficié du « haut patronage » de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (dossier de presse de la SdC 2018, consultable en ligne : http://semaineducerveau.fr/​2018/​, dernière consultation le 13 avril 2018).

L’influence des contraintes d’organisation sur la programmation

Une manifestation d’auto-affirmation des neurosciences

  • 10 On trouvera en annexe électronique 1 la liste des réunions, entretiens et animations de la SdC ayan (...)
  • 11 Pour une présentation plus développée de ces objectifs, voir l’annexe électronique 2, partie 2.1. P (...)

5Que cela soit lors des réunions du comité d’organisation ou dans le cadre des entretiens10, les membres de la SdC parisienne affichent des objectifs similaires à ceux que l’on retrouve dans la littérature sur la VS : transmettre les résultats de la recherche scientifique et faire prendre conscience des « efforts », voire des « sacrifices » impliqués par le métier de chercheur, rendre compte de leurs activités auprès des contribuables et, ce faisant, défendre un certain modèle de la recherche publique, valoriser une activité auprès de financeurs potentiels, susciter des vocations. On se rend compte également qu’une autre grande motivation de leur engagement dans la SdC, pris sur leur temps de recherche, est de contribuer à rétablir quelques vérités au sujet des neurosciences, à leurs yeux souvent présentées de façon erronée dans les « médias11 ». La SdC s’inscrit bien dans un « modèle du déficit », mais au sens où les connaissances qu’il semble nécessaire de transmettre dépassent le cadre des notions neuroscientifiques et englobent les conditions de la recherche ainsi que son image publique, que les chercheurs estiment insuffisamment connues du « grand public ».

  • 12 Réunion du comité d’organisation, 17 septembre 2015. Voir aussi l’échange reproduit en annexe élect (...)

6Les réunions du comité d’organisation sont souvent le lieu de rappel des principes de la manifestation. Ses membres érigent certaines pratiques comme figures-repoussoirs : d’une part, celles qui risquent de privilégier le spectaculaire et l’imprécision, que les membres associent à tels ou tels spécialistes de la communication, artistes ou journalistes ; d’autre part, celles dont ils considèrent qu’elles entretiennent un rapport mercantile à la vulgarisation, comme les collectes de fonds. La SdC se veut un lieu de présentation de la science telle qu’elle se fait : « C’est quand même des chercheurs dont il s’agit. Qu’il y ait des supports visuels, d’accord… mais avec des chercheurs. Il faut qu’il y ait un sens scientifique12 ».

7Aussi peut-on présenter la SdC comme une manifestation d’auto-affirmation d’une communauté scientifique, dont la représentativité à l’échelle de l’espace entier des neurosciences serait d’ailleurs à interroger et dont l’ambition est en tout cas d’incarner une parole autonome, préservée de toute médiation jugée déformante.

Des ressources instables d’une année sur l’autre

8Pour préparer l’édition parisienne de la SdC, le comité d’organisation se réunit environ une fois par mois de septembre à février, et encore deux fois au printemps pour dresser un bilan de l’édition passée et réfléchir à l’édition suivante. Son rôle principal est de centraliser les informations émanant de ses correspondants au sein des organismes de recherche afin d’élaborer le programme de la manifestation, tout en tenant compte d’un nombre important de contraintes.

9Lors de l’édition 2016, le comité d’organisation compte dix-neuf membres : quatre directrices et directeurs de recherche (dont deux à la retraite) et quatre chargé·es de recherche appartenant à l’Inserm, au CNRS ou à l’INRA, deux maître et maîtresse de conférences et un chercheur postdoctorant (recruté comme maître de conférences peu après), quatre médiatrices et médiateurs scientifiques d’Universcience, la secrétaire générale de l’École des neurosciences de Paris (ENP), trois chargées de communication appartenant à l’Inserm, l’ICM et l’ENP. À cet ensemble s’ajoutent en 2017 de façon plus épisodique une chargée de communication de l’École normale supérieure et une chargée de recherche de l’Institut du Fer à Moulin, centre de recherche spécialisé dans l’étude du système nerveux rattaché à l’Inserm et à l’université Pierre et Marie Curie.

  • 13 Ainsi, malgré l’importance de l’ICM dans la programmation de la SdC à Paris, l’événement n’apparaît (...)

10L’Inserm et le CNRS, avec respectivement cinq et quatre personnes, sont les institutions de recherche les plus représentées, tout comme, parmi les laboratoires, l’unité mixte de recherches (UMR) Neurosciences Paris Seine (trois personnes). Mais cette répartition ne reflète pas une volonté de ces différents organismes de s’inscrire dans la SdC. Elle manifeste plutôt une démarche personnelle des chercheuses et chercheurs concerné·es, dont les institutions de rattachement ne font qu’autoriser la participation à la manifestation et plus rarement l’encouragent. Cette faible considération est confirmée par l’absence régulière de mention de la SdC non seulement dans les bilans individuels d’activité, mais aussi collectifs13.

11L’une des caractéristiques majeures du comité d’organisation est son mode de recrutement, fondé sur la cooptation et le volontariat. Les descriptions recueillies lors des entretiens suggèrent que l’intégration des nouveaux membres résulte de procédures informelles fondées sur les réseaux d’interconnaissance. Cet entrelacement de circonstances fortuites et de dispositions personnelles est manifeste lorsque, pour une raison ou pour une autre, l’un des participants est contraint de réduire, voire d’arrêter sa participation, comme cela s’est produit entre 2016 et 2017 : aucune solution de remplacement n’est alors proposée par l’institution de rattachement, qui peut alors disparaître, au moins provisoirement, des programmes de la manifestation.

  • 14 Pour un exemple d’organismes financeurs, voir l’annexe électronique 2, partie 2.3. https://journals (...)

12Le principal corollaire de ce volontariat est le faible soutien financier accordé à la SdC par les principaux organismes de recherche et de culture scientifique. Certes, d’une certaine façon, le CNRS, l’Inserm ou Universcience financent indirectement cette opération initiée par la « base », en laissant certains de leurs agents consacrer un peu de leur temps à l’organisation ou à la participation à l’événement. En revanche, on ne relève que très peu de subventions directes à la SdC dans les bilans de celle-ci, y compris de la Dana Foundation14. L’observation des réunions du comité de 2014 à 2017 confirme qu’une grande partie des discussions porte sur le financement de la manifestation, dont la reconduction n’est jamais complètement garantie d’une année sur l’autre.

13Une autre préoccupation majeure est de concilier ce cadre budgétaire contraint et une programmation ambitieuse. Si la quasi-absence de subvention semble favoriser une relative liberté d’organisation, déliée de toute obligation de soumettre aux tutelles chaque décision pour validation, elle a pour contrepartie une dépendance vis-à-vis des diverses ressources palliant la faiblesse des ressources financières. Une autre grande partie des débats au sein du comité porte par conséquent sur la négociation avec divers partenaires au sujet de leurs contributions, y compris au plan de la promotion de l’événement et de la mise à disposition de locaux. L’instabilité de ces ressources a donc une incidence directe sur la programmation de la SdC.

14Par exemple, les questions des espaces et de leur localisation, dans des enceintes académiques ou non, influencent le nombre d’animations proposées mais aussi, dans une certaine mesure, leur contenu. Un amphithéâtre universitaire orientera l’animation vers une conférence, dont il faudra adapter à la fois le sujet et le mode d’exposition pour un public certes nombreux, mais souvent d’un niveau scolaire plus élevé qu’un public d’un lieu non académique comme un café. L’attractivité de l’animation ne reposera pas non plus sur les mêmes critères en petit groupe, lors de la visite d’un laboratoire ou d’un atelier, qui recourt davantage aux expédients visuels et à la manipulation. Elle sera encore différente lors d’un débat en présence d’un public de quelques dizaines de personnes, par exemple dans une bibliothèque, le mode de la conversation faisant davantage appel au brio rhétorique et à l’anecdote. Enfin, la question des partenariats renvoie également à la possibilité de monter des dispositifs alternatifs à la conférence, format qui, même aménagé en salon littéraire, reste peu original.

Les chaînes de coopération présidant au contenu des animations

15Si le choix et le montage des animations relèvent en majorité de chaque institution participant à la SdC, le comité doit statuer sur les contenus de plusieurs événements (la conférence inaugurale, le « Café-santé », le « Ciné-débat » et « Le Cerveau à livre ouvert ») attirant un public important, organisés dans des établissements non académiques et qu’on peut même considérer comme le socle de la manifestation, dans la mesure où ils sont les seuls à ne pas dépendre de la participation d’un correspondant institutionnel. Au vu des observations réalisées à la fois lors des réunions du comité et lors des éditions 2015-2017, ils constituent des exemples représentatifs des différentes contraintes s’exerçant sur la SdC, tant au plan des possibilités de programmation, que du choix des intervenants et des thématiques jugées attractives pour le « grand public ».

16La préparation du « Ciné-débat » illustre le mieux l’influence des contraintes sur les choix de programmation de la SdC. La première d’entre elles est la contrainte financière qui oblige à choisir des films pour lesquels il n’y aura pas à payer de droits de diffusion, ce qui exclut de facto les films étrangers, et à souvent privilégier ceux d’une maison de production française, dont la renonciation à ses droits de diffusion semble compensée par l’exposition de ses films auprès de nouveaux publics. Cet aspect réduit d’autant plus fortement les possibilités de programmation que les sources consultées par les membres du comité comportent une bonne part de films étrangers. La principale d’entre elle est le festival Pariscience, organisé à l’automne par l’Association Science & Télévision, qui propose à chaque édition plusieurs films sur les neurosciences. Lors du comité de la SdC, les films pressentis donnent lieu à une présentation thématique très succincte, où la mention des chercheurs y faisant une apparition joue un rôle important, non seulement en vue d’une éventuelle invitation au débat, mais aussi comme critère d’évaluation (proportionnel à la réputation du chercheur), le tout assorti d’une rapide appréciation. Le choix final résulte d’un arbitrage entre le contenu jugé au minimum passable du film et les possibilités matérielles qu’il permet pour le débat d’après-projection. Cet arbitrage peut parfois donner l’impression d’un choix par défaut.

17Les discussions au sein du comité révèlent que les personnes sollicitées pour prononcer la conférence inaugurale ou animer un événement font toutes partie d’un même réseau d’interconnaissance professionnelle, parfois amicale, dont les membres sont relativement interchangeables en cas d’empêchement de dernière minute. Mais, à l’image de ce qu’il se passe dans les « monde de l’art » beckeriens, cette interchangeabilité est bien relative. De la même façon que, dans un orchestre, on ne peut substituer une harpiste à un joueur de trompette, il est difficile de faire tenir des discours sur le sommeil à un spécialiste des addictions. Les intervenants de la SdC semblent donc choisis au sein d’une population de « professionnels intégrés », pour reprendre la terminologie d’Howard Becker (2010, p. 238-239), qui ont « le savoir-faire technique, les aptitudes sociales et le bagage intellectuel nécessaire pour faciliter la réalisation » d’une prestation de culture scientifique.

18Mais le « monde » de la SdC n’est pas un simple décalque de celui des neurosciences. D’une part parce que, comme on le verra plus loin avec les thèmes abordés lors de la SdC, les intervenants ne sont pas représentatifs de toutes les spécialités de la recherche en neurosciences : les exposés de spécialistes en recherche appliquée, traitant d’objets pouvant être présentés sous le prisme de la vie quotidienne ou de la santé, y sont plus fréquents que ceux sur des aspects techniques ou relevant de la recherche fondamentale15. D’autre part, les savoirs ne sont pas la seule compétence attendue, puisqu’est souvent évoquée la nécessité de posséder, si l’on reprend les termes employés en entretiens ou lors des réunions du comité d’organisation, une certaine « pédagogie », voire un « don », « un talent naturel16 » de transmission propre à retenir l’attention de l’auditoire, autrement dit des compétences d’exposition et de reformulation des savoirs neuroscientifiques. L’accent mis sur la possession de telles compétences révèle l’assimilation, dans les représentations des membres de la SdC, de la VS à une forme d’enseignement, selon le schéma vertical descendant évoqué en introduction17. Les exigences de clarté, de capacité de se mettre « au niveau » de publics qu’on imagine peu au fait de la recherche scientifique confirme l’arrière-plan scolaire des représentations de la VS chez les membres du comité. Enfin, les « manifestations littéraires », selon l’appellation du dossier de presse de la SdC, exigent des auteurs de livres destinés au grand public, dont la relative rareté, rapportée à la population totale des chercheurs, limite les possibilités de renouvellement d’une année sur l’autre.

  • 18 Secrétaire générale de l’ENP, entretien, 2 décembre 2016. Voir aussi dans l’annexe électronique 2, (...)
  • 19 Par exemple en dénonçant les usages idéologiques des neurosciences, y compris au sein de la communa (...)

19Les contraintes liées aux structures et aux représentations propres à l’espace des neurosciences façonnent également l’organisation de la SdC. L’une d’entre elles relève des logiques d’institutions qui s’expriment, par exemple, dans les exigences d’un établissement prestigieux, soucieux de sa réputation d’excellence, de n’accueillir que les conférences de chercheurs reconnus ou dans la quasi obligation d’inviter un chercheur de l’Inserm au « Café-santé », manifestation subventionnée par cet établissement. Une autre tient aux réticences partagées au sein du comité à propos de « tout ce qui est sujet à polémique » : « quand il y a eu le vaccin de l’hépatite, il y a les associations de sclérose en plaques qui ont hurlé et dit que c’était à cause de ce vaccin18 ». Ces réticences peuvent aussi porter sur une collègue engagée dans l’espace public, surtout si elle adopte une posture critique vis-à-vis de sa propre discipline19, brisant l’image valorisante et consensuelle des neurosciences que la SdC ambitionne de présenter.

  • 20 Voir également l’exemple de la programmation de « Le cerveau à livre ouvert » en annexe électroniqu (...)

20Certains événements demandent en outre davantage que l’exploitation d’un carnet d’adresses. C’est le cas des « manifestations littéraires », dont les principales sont le « Café-santé » consistant en la présentation d’un livre récemment paru et de son auteur dans un café, et « Le Cerveau à livre ouvert », lecture de textes littéraires par une actrice, suivi d’un débat entre spécialistes en neurosciences et sciences biomédicales, dans une bibliothèque municipale. Le fait que les membres du comité participent à la SdC en parallèle à leurs propres activités, laisse peu de possibilité pour se livrer à une préparation approfondie, qui impliquerait par exemple de contacter les éditeurs pour être informés des parutions prévues juste avant la manifestation. Les décisions reposent par conséquent en grande partie sur les capitaux sociaux et culturels préexistants des membres les plus actifs du comité. Par exemple, les nouveautés repérées à l’avance sont souvent produites par des auteurs en relation avec ces derniers, ce qui augmente par ailleurs les chances de les convaincre de venir participer à l’événement. Elles sont aussi liées à divers présupposés, consistant par exemple à retenir sans l’avoir lu un livre édité par les éditions Odile Jacob, maison référence en matière de neurosciences « grand public », ou à retenir des thèmes susceptibles d’« intéresser les gens20 ».

21En résumé, la SdC se révèle une manifestation hybride, à la fois régie par des chaînes de coopération analogues à celles des « mondes de l’art » beckeriens et influencée par certains principes propres au champ scientifique, manifestes par exemple dans la hiérarchisation des chercheurs invités, ainsi que par d’autres critères plus spécifiques aux circuits de production culturelle de grande diffusion, telles que l’attractivité des animations, dont nous allons maintenant examiner le contenu.

Le tropisme médical de la programmation

  • 21 Pour une discussion des aspects méthodologiques de cette partie de l’étude, voir (Lemerle 2019, p.  (...)

22L’analyse qui suit des thèmes des conférences se fonde sur les programmes de la SdC, où les manifestations ont des intitulés peu équivoques. La répartition proposée s’est attachée à la thématique principale des animations, mais elle doit d’abord être considérée comme indicative de tendances générales, la catégorisation des événements à l’aide d’un ou deux mots-clés étant évidemment sujette à caution21.

23Si l’on se fonde sur les trois éditions suivies dans le cadre de cette étude, la programmation-type de la SdC à Paris au milieu des années 2010 comporte entre quinze et vingt animations, à laquelle il faut ajouter la programmation autonome d’Universcience, soit en moyenne quatre conférences et plusieurs ateliers durant le week-end. La semaine débute par la conférence inaugurale, qui se tient depuis quelques années à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière. Chaque contributeur habituel de la SdC propose ensuite une ou deux manifestations au sein de son établissement, le plus souvent une conférence, à des horaires généralement choisis afin de ne pas faire concurrence aux événements d’un autre partenaire. Comme on l’a vu, la semaine connaît en outre quelques « temps forts » en dehors des enceintes académiques et susceptibles d’attirer un public plus diversifié. La fin de semaine est marquée par une conférence à l’Institut Pasteur ainsi que par des visites de laboratoires et des ateliers dans divers instituts.

24L’analyse des programmes de la SdC montre la domination de l’exposé et de formes traditionnelles de diffusion des connaissances, suivant un modèle vertical et magistral. En ne prenant en compte que les manifestations organisées en dehors du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l’Industrie, dont les contraintes diffèrent de celles s’exerçant sur le comité d’organisation de la SdC, on peut avancer que, sur un total de 106 événements organisés à Paris entre 2010 et 2017 (hors animations scolaires), la forme « conférence » est largement majoritaire dans la programmation (67 %)22. En outre, à l’exception des spectacles, les autres formes d’animation comportent elles aussi une large part d’exposés magistraux (y compris durant un film documentaire ou un atelier). Cette préférence pour la forme-conférence s’explique par sa rentabilité, en termes de coûts de préparation et du fait de la familiarité qu’entretiennent les chercheurs et les organisateurs avec ce type de présentation. Les formes alternatives à la conférence impliquent une coordination plus lourde : organisation de débats avec plusieurs invités aux agendas fluctuants, montage d’ateliers se déroulant de façon simultanée, etc.23.

  • 24 Réunion du comité d’organisation, 13 janvier 2016.

25Dans ce contexte de recours majoritaire aux exposés magistraux, certains thèmes sont-ils plus privilégiés que d’autres ? L’expérience et la pratique relativement limitées des chercheurs en matière de VS les conduisent régulièrement à se tourner vers des « recettes » éprouvées, puisant notamment aux registres du divertissement et de l’utilité. Comme le dit l’une des coordinatrices de la SdC parisienne, il faut que les animations aient « quelque chose de sexy24 ». Sur la base du dépouillement des programmes de 2010 à 2017, et si l’on se concentre sur les conférences, la santé apparaît comme l’un des secteurs les plus représentés (16 occurrences sur 71 conférences), avec près de la moitié des présentations consacrées à la santé mentale (dépression, stress, autisme…), le reste se répartissant entre maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson), épilepsie et autres questions (cancer, chirurgie, etc.). La santé n’est devancée que par un ensemble plus hétérogène autour de la perception (20 occurrences), qu’on peut aisément relier à la vie quotidienne, avec notamment des conférences sur les cinq sens, principalement l’odorat et la vision, pour des raisons liées aux spécialités des intervenants. D’autres notions neuroscientifiques, abordées notamment dans le cadre de présentations sur l’histoire des neurosciences, peuvent être regroupées autour d’un nombre restreint de sujets qui tous offrent des prolongements possibles vers la santé et/ou la vie quotidienne : neuro-anatomie, développement cérébral, plasticité, sommeil, mémoire, dopamine (20 occurrences). Enfin, les présentations de certaines techniques de recherche (imagerie, visualisation des cellules…) figurent parmi les moins nombreuses (7 occurrences), à égalité avec les exposés sur les métiers et les institutions de la recherche (7 occurrences, dont la plupart lors des conférences-visites) et devant les conférences à visée plus générale sur le langage (3 occurrences), la cognition (3 occurrences), l’art (3 occurrences), la nature humaine, la tolérance, la justice, le transhumanisme, les interfaces homme-machine, les relations sociales, l’alimentation… (une conférence à chaque fois).

  • 25 Pour une comparaison avec le contexte britannique dans les années 2000, où la thématique de l’améli (...)

26Une comparaison avec le traitement des neurosciences dans les newsmagazines français des années 2000 (Lemerle, 2014) montre que la SdC et la presse partagent un même tropisme médical25. En revanche, il est indéniable que la SdC fait montre d’une plus grande réticence à aborder les phénomènes et comportements sociaux, alors que ceux-ci représentent près d’un cinquième des thèmes du corpus tiré des trois principaux magazines d’actualité pour la période 2004-2006 (idem). D’une manière plus générale, alors que la tendance à l’extrapolation des résultats des neurosciences, voire à l’usage erroné de celles-ci, pour expliquer les faits sociaux est répandue dans les productions culturelles de grande diffusion (Lemerle, 2013), les membres et intervenants de la SdC interrogés manifestent une grande prudence à l’égard de ce type de généralisations. Cette méfiance s’est même matérialisée dans la programmation, avec une session consacrée aux « neuromythes » au Collège de France en 2015. Elle se fonde aussi sur des expériences vécues de manière négative : la volonté d’attirer du public, la façon même dont se passent les interactions avec lui, peuvent amener les intervenants à tenir des discours plus sensationnalistes, entretenir des espoirs, avec le risque de tomber dans le genre d’errements reproché aux « médias », qu’ils peuvent regretter ensuite :

Alors on a envie d’accrocher leur intérêt [du public] et des fois tu peux faire un peu de sensationnel. On est peut-être aussi tentés par ça des fois, il faut être prudent. […] ce qu’attend la société, c’est qu’on la rassure. Qu’ils vivront mieux, plus vieux, en meilleure santé, sans souffrir. Et attention, des fois, on joue ce jeu-là. On n’est pas toujours vrais. Combien d’entre nous ont fini avec : « on va sauver ». Alzheimer, on va sauver. Parkinson, on va sauver (Maître de conférences, université Paris 13, chercheur à l’Institut Pasteur, entretien, 23 mars 2017).

  • 26 Directrice de recherche CNRS, entretien, 15 mai 2015.

27En dehors des animations gérées directement par le comité d’organisation de la SdC, le choix des sujets est soumis au cadre, à chaque fois spécifique, des établissements. On peut relever quatre logiques, qui parfois s’opposent. D’abord, joue une logique de la spécialisation comme gage de compétence : dans les laboratoires, les réflexions préparatoires de la SdC s’orientent en fonction des spécialités locales et traduisent la volonté d’exhiber une compétence scientifique, mais aussi une sorte de modestie intellectuelle qui peut servir à se distinguer du manque de précaution attribué aux « journalistes » : « comme je n’ai pas envie de dire des bêtises, je n’ai jamais fait quelque chose qui était […] très éloigné de mon sujet de recherche en fait26 ».

  • 27 Chargée de communication ICM, entretien, 30 septembre 2016.
  • 28 Secrétaire générale de l’ENP, entretien, 2 décembre 2016.

28En second lieu, certains des membres de la SdC lient la spécialisation de leurs centres de recherche et la demande d’un public spécifique pour expliquer les choix thématiques récurrents de leurs établissements : « Ça, on le fait parce qu’il y a une équipe qui est toujours partante, une super équipe et qu’on a une demande de patients27 ». Même si cette logique de la demande semble être aussi influencée par des sollicitations institutionnelles, émanant de puissants donateurs ou du champ politique, ces mentions de publics spécifiques accréditent l’idée parmi les personnes interrogées que la SdC répond à une « demande sociale », plutôt tournée vers des thématiques médicales. Cet argument s’appuie sur le constat, souvent impressionniste, d’une « envie » du « public » d’entendre parler de tel ou tel sujet, voire d’un « air du temps » exprimé, si l’on fait préciser, dans les discours journalistiques et médiatiques28. Ainsi réapparaît le rôle des gate-keepers et des « leaders d’influence » chez nombre d’intervenants interrogés. Les chercheurs citent Science et avenir, La Recherche, Scientific American ou des blogs de VS, les chargées de communication mentionnent aussi la presse généraliste, les moteurs de recherche et des sites web à leurs yeux légitimes, tels « Doctissimo ». Dans tous les cas, l’« air du temps » a de fortes chances de se rapporter à des préoccupations médicales.

29En résumé, l’organisation de la SDC dépend des structures du champ scientifique (en l’occurrence, de l’espace des neurosciences), dont l’influence se manifeste par les logiques de recrutement et d’action des participant·es, qui vont du militantisme au sens large (« citoyen ») à une volonté de valorisation des neurosciences aux accents presque corporatistes, ainsi que dans les choix thématiques et les possibilités matérielles offertes aux organisateurs. Elle dépend aussi des contraintes temporelles qui amènent la manifestation à se reposer sur les habitudes des chercheurs et à privilégier les exposés magistraux, ainsi que de l’influence de certains modes de présentation des neurosciences, pourtant critiqués mais intériorisés par les intervenants, qui se traduit par la prédominance des thématiques médicales dans la programmation ou le recours au spectaculaire et au divertissement, comme on va le voir maintenant.

L’influence de contraintes intrinsèques à la VS

30Les principales techniques de VS mises en œuvre à la SdC sont la mise en récit des sujets scientifiques et la reformulation des discours spécialisés en discours accessibles au plus grand nombre possible de personnes. Cette opération de reformulation se distingue de la traduction, entendue au sens du passage d’une langue, ici scientifique ou formalisée, en une autre, intelligible par les non-locuteurs de la première, en ce qu’elle repose sur une combinaison du discours d’origine et d’éléments « facilitateurs » en vue d’une compréhensibilité élargie.

31Cette conception de la VS comme reformulation comporte des dimensions autant langagières que sociales. En ce sens, son étude ne peut se limiter à une approche linguistique. La structure du discours « reformulé » s’appuie en effet sur ce qu’on pourrait appeler « l’autorité du prédicat », où la légitimité de l’affirmation « X signifie Y » repose sur la légitimité de celles et ceux socialement investis du monopole de la compétence neuroscientifique. C’est cette légitimité qui permet de recourir à des procédés consistant non pas en des démonstrations, utilisant une terminologie spécifique, mais en des figures rhétoriques jouant le rôle d’arguments de persuasion. C’est ce que nous allons voir maintenant, en nous appuyant sur des observations réalisées lors des éditions 2015-2017 de la SdC.

Le recours au récit

32Que cela soit du point de vue pratique (ce qui a été constaté lors des animations) ou théorique (ce qui a été déclaré en entretiens), une animation à la SdC débute souvent par la mise en récit du thème choisi.

  • 29 Je m’inspire ici de la définition minimale du récit donnée par Gérard Genette (1969, p. 49) – pour (...)
  • 30 Pour le spécialiste en narratologie H. Porter Abbott (2008, p. 3), le recours au récit serait un tr (...)

33Les introductions des conférences peuvent par exemple consister en une mise en perspective historique. Il en a été ainsi lors de la conférence inaugurale sur la mémoire en 2017, qui partait de Descartes et Maine de Biran pour arriver aux théories contemporaines. Il s’agit bien d’une technique éprouvée, jouant sur des habitudes culturelles largement partagées pour parler du réel : la situation actuelle des neurosciences est représentée comme la résultante d’une suite d’événements, dont on peut indiquer l’origine, le sens, l’évolution29. Les introductions historiques, très proches des pratiques académiques, ne représentent cependant qu’une option parmi d’autres pour capter l’attention du public, aux côtés du recours aux énigmes, aux paradoxes, aux anecdotes. Cet ensemble de procédés fait appel à des schémas cognitifs aux ressorts puissants30, centrés sur la notion d’événement : l’enquête, la révélation (« Quel est le problème avec certains poissons dans un lac du Malawi ? »), l’histoire merveilleuse ou surprenante, qui permet de jouer sur des émotions pour au moins susciter l’intérêt (l’histoire du mouton « amoureux » d’une chèvre). Les anecdotes, surtout si elles sont racontées sur un mode humoristique, sont conçues pour mettre le public dans un état émotionnel réceptif avant d’envisager des faits ou des concepts scientifiques. Autre trope courant, la rhétorique du dévoilement : le démontage de ce qui est présenté comme des « idées reçues » sur le cerveau au bénéfice de la révélation du « vrai » discours des neurosciences, est l’argument de départ de plusieurs conférences. Dans ce cadre, un thème récurrent est la dénonciation des « neuromythes », expression désignant les assertions erronées et durablement présentes dans les médias, relatives au cerveau. Enfin, une autre forme privilégiée de mise en récit est la présentation de cas cliniques, qui permettent de mobiliser d’éventuelles connaissances du public et de favoriser sa projection sur des situations concrètes. Ces présentations, portant en majorité sur l’addiction, la vision et le handicap, combinent descriptions, récits et explications.

34Cette mise en récit des neurosciences s’accompagne souvent d’un ensemble de notations, illustrations, références, dont la fonction, à la fois expressive et conative, selon les catégories de Roman Jakobson, est clairement de distinguer la SdC de l’univers académique. Ces éléments de culture extrascientifique, allant d’un vocabulaire plus relâché à des plaisanteries et des jeux de mots, en passant par des références à la pop-culture, visent simultanément à amoindrir l’esprit de sérieux associé à la légitimité institutionnelle de l’intervenant et à susciter une impression de proximité avec les représentations supposées du public.

L’appel à un imaginaire visuel et ludique

35Un autre aspect essentiel de la vulgarisation à la SdC réside dans son usage des images. Il est à relier au fait que, depuis leurs origines, les sciences du cerveau ont nourri, mais aussi se sont appuyées sur, un imaginaire visuel aux nombreux supports, de la planche de dessin aux scanners et à l’IRM (Rose & Abi-Rached, 2013, p. 54 et suiv.). À la SdC, ces supports visuels vont des vidéos aux schémas, en passant par des images de toutes sortes. Une bonne part d’entre eux recourt à une imagerie simplifiée, presque enfantine, comme on peut le voir ci-à la figure 1.

Figure 1 : Hôpital Robert-Debré, mars 2017

Figure 1 : Hôpital Robert-Debré, mars 2017

Cette photographie, ainsi que les suivantes, ont été prises par l’auteur.

36Abondent également les emprunts à des signifiants supposés connus du public : images d’Humphrey Bogart une cigarette à la main pour symboliser l’addiction au tabac, détournement de tableaux connus comme le Cri d’Edvard Munch, où la tête du personnage principal est remplacée par celle d’un rat, etc.

37Cependant, l’intelligibilité des images et des schémas est variable. Une autre part, non négligeable, des présentations utilise des figures plus complexes (Figures 2 et 3), sans jamais les expliciter ou les commenter en détail, donnant l’impression que ces dernières n’ont pour fonction que de procurer une caution scientifique à des propos nécessairement allusifs.

Figure 2 : Conférence inaugurale, ICM, mars 2017

Figure 2 : Conférence inaugurale, ICM, mars 2017

Figure 3 : Atelier sur le cervelet, « Voyages en neurosciences », université Paris-Descartes, sites des Saints-Pères, mars 2017

Figure 3 : Atelier sur le cervelet, « Voyages en neurosciences », université Paris-Descartes, sites des Saints-Pères, mars 2017

38L’imaginaire visuel est également mobilisé lors de visites où les laboratoires participent d’un décorum destiné à « faire science » ou de manipulations de supports en trois dimensions (maquettes de cerveaux, coupes de cerveaux présentées en lamelle, microscopes, etc.). Ainsi, lors du « Café-santé » 2017, l’orateur utilise un long fil électrique censé matérialiser un axone, et dont la gaine coulissante figure la myéline, tandis qu’à l’ICM, un circuit électrique en pâte à modeler sert de représentation de la défaillance du système nerveux causant la sclérose en plaques.

39Derrière le visuel, se profile souvent le ludique. Les propositions en la matière peuvent être plus ou moins sophistiquées : quizz à remplir, jeu de société, jeu vidéo. Plusieurs animations exploitent cette dimension en proposant l’usage de casques ou de gants munis de capteurs permettant de déplacer des objets ou de réaliser des tâches dans un environnement virtuel. D’autres invitent à manipuler des objets ressemblant à des jouets et représentant des notions complexes – une technique très fréquente dans les enceintes de médiation professionnelle, comme dans l’exemple de peluches figurant les différentes cellules du système nerveux (Figure 4).

Figure 4 : Peluches représentant divers types de cellules cérébrales, Palais de la Découverte, 2017

Figure 4 : Peluches représentant divers types de cellules cérébrales, Palais de la Découverte, 2017

Un discours de prédication

40Le recours à la mise en récit, aux manipulations, visites et autres illustrations, s’expliquerait par la difficulté, visiblement éprouvée par les scientifiques eux-mêmes, de parler de ce qu’ils font dans les mots avec lesquels ils le font.

Au début, on a peur de simplifier. On a peur de dire des bêtises. […] Mais finalement, après, il faut se dire, ce n’est pas très grave, parce que si jamais on les perd complètement, parce qu’on a voulu être juste, alors que le message simple, il n’est pas passé, moi je crois qu’on a raté. Il vaut mieux qu’au moins ils se souviennent d’un message un peu simplifié, plutôt que d’un truc très compliqué qui va les rebuter, auquel ils ne vont rien comprendre (Directrice de recherche CNRS, entretien, 15 mai 2015).

41Qu’il exprime le sentiment d’un manque de compétence pédagogique ou la croyance en l’incommunicabilité du discours scientifique, cet extrait exprime une position partagée par presque toutes les personnes interrogées, visible aussi lorsqu’est abordée dans les animations la question de la montée en généralité des résultats circonscrits auxquels parviennent les neurosciences dans le but de traiter de problèmes éthiques ou sociaux. Les intervenants refusent généralement de répondre à des questions risquant de les faire sortir du cadre des connaissances scientifiquement garanties ou de les entraîner dans des débats trop généraux, du fait, d’une part, d’un format de discussion qui interdit les échanges approfondis et, d’autre part, de l’idée exprimée par certains membres de la SdC que leurs auditeurs n’ont pas nécessairement la formation scientifique adéquate pour recevoir et a fortiori produire les réflexions les plus informées sur un sujet donné. Cette dernière position peut aussi se traduire par une réticence à livrer les détails scientifiques, techniques, d’un phénomène, d’un processus ou des résultats d’une expérience, ainsi que par l’évocation, sur un mode humoristique, de l’hermétisme du discours scientifique, comme en témoigne cette remarque de l’orateur de la conférence inaugurale 2017 au sujet de la dopamine : « son vrai nom, c’est terrible, c’est dihydroxyphenylethlamine » ou encore la formule « on peut résumer la situation » d’un intervenant au Collège de France en 2016, concluant un développement sur les « séquences hippocampiques » en relation avec la mémoire par une diapositive en chinois, suivie d’équations compliquées et bien évidemment incompréhensibles – suscitant les rires discrets de l’assistance.

42La difficulté éprouvée par les orateurs à employer un langage non spécialisé est amplement abordée dans les entretiens, où est souvent mentionnée l’erreur supposée courante des vulgarisateurs consistant à proposer des présentations « trop » scientifiques, au détriment de la compréhensibilité des propos. On peut aussi mesurer cette difficulté à trouver un moyen terme entre une démonstration répondant aux critères d’une discussion scientifique et un exposé simplifié, lorsqu’un orateur, ressentant le besoin de justifier ce qu’il avance, se lance dans des explications souvent insatisfaisantes car incompréhensibles pour le public. On peut dans certains cas relier cette tendance à « trop en faire » au cadre des conférences, tel celui du Collège de France, où les chercheurs invités à s’exprimer ont vraisemblablement davantage qu’ailleurs le souci de leur « présentation de soi » et donc tendance à livrer une prestation surabondante en détails techniques, inutiles au regard de l’enjeu. Il y a aussi de fortes raisons de penser que cette ambivalence s’explique en partie par la persistance d’un habitus professionnel, qui génère une forte réticence pour les discours imprécis et peut mener à des désaccords avec des médiateurs scientifiques davantage portés vers la réussite de la communication auprès du public. Mais on peut surtout déceler dans ces situations la manifestation de contraintes inhérentes à l’activité même de VS.

43Ces contraintes internes dérivent en grande partie du fait que la réussite de la VS repose sur l’obtention d’une « suspension d’incrédulité », pour reprendre la formule de Samuel Coleridge, de la part de son public destinataire (Gross, 1990, p. 95). Dans le cas de la SdC, cette « suspension d’incrédulité » dépend à la fois d’éléments contextuels (la symbolique des lieux par exemple), mais aussi, et de façon inséparable, de certains traits formels du discours de VS.

  • 31 Par exemple, dire que telle hormone joue tel rôle ou détermine tel phénomène, équivaut à dire que c (...)

44Ceux-ci ont notamment été identifiés par la linguiste Marie-Françoise Mortueux pour laquelle la reformulation ou la « paraphrase » caractéristique de la VS suppose « une identification métalinguistique entre deux séquences », relevant d’une « prédication d’identité » ou, pour reprendre une expression de R. Jackobson, une « proposition équationnelle » de type « Z = X, où Z est un terme scientifique et X une paraphrase non marquée scientifiquement » (Mortureux, 1982, p. 51). Cette prédication peut être réalisée au moyen de diverses « structures syntactico-lexicales », dont « les phrases à verbe être » et les « énumérations, par coordination ou juxtaposition » (idem, p. 52). Les structures recourant au verbe être (ou aux verbes jouant une fonction équivalente31) s’apparentent aux définitions au sens large : « ce cortex préfrontal, c’est […] la tour de contrôle ». L’utilisation du verbe être peut aussi renvoyer à des « dénominations » : « cette zone-là, c’est le cerveau dit archaïque ». Les énumérations procèdent par formulation alternative, au moyen d’expressions telles que « autrement dit », « c’est-à-dire », voire d’une simple juxtaposition de termes scientifiques et profanes, suggérant une synonymie : « l’ocytocine, l’hormone du plaisir, l’hormone du bonheur ».

  • 32 Voir les analyses de Pierre Bourdieu (2001, p. 165-167) sur le discours d’autorité.

45Les discours observés à la SdC ont souvent consisté en ces types d’assemblages dont la structuration se fonde sur un principe de légitimité, c’est-à-dire d’autorité, à même de générer la « suspension d’incrédulité » du public. La prédication « X = Z » est en effet dotée d’une unilatéralité, dérivée de la légitimité de celui ou celle qui l’énonce et, au-delà, du lieu où on l’énonce et, en dernière instance, de la Science comme entité symbolique. Se donnent à voir l’exercice, la mise en acte d’une forme de pouvoir spécifique, celui de dire « cela est32 ».

46Ce discours d’autorité fondé sur la prédication d’identité ne se limite pas aux seuls modes abordés plus haut. Nous avons vu que l’un des plus usuels est la définition, qu’on retrouve à la SdC en réponse à des questions liminaires du type : « qu’est-ce qu’une émotion ? », « qu’est-ce que la motivation ? », etc. Mais ce recours à la définition, proche du discours académique, n’est pas en fait la pratique la plus courante. Beaucoup plus fréquente est la typologie, combinaison de la définition et de l’énumération : des différentes sortes de mémoire, des différents types de cellules, etc. Deux autres modes particulièrement prisés sont la localisation anatomique et la comparaison. La localisation anatomique procède par association de régions cérébrales ou de types de neurones avec des fonctions ou des comportements spécifiques33. La comparaison met principalement en rapport le fonctionnement cérébral humain avec celui d’autres espèces animales ou celui de machines. On peut relever ainsi une prédication d’identité ou proposition de type « équationnel » où, d’une part, un terme scientifique (« comportement reproductif du campagnol ») est associé à une paraphrase non scientifique (« relations amoureuses ») et où, d’autre part, une équivalence est suggérée entre le comportement animal et le comportement humain. Dans le cas des machines, on peut mentionner l’exemple du cervelet comparé à une base de données (le cervelet recevrait « en copie » toutes les informations circulant dans le cerveau).

L’empire de l’analogie

47Une autre caractéristique majeure des dispositifs discursifs est la nature de la reformulation à laquelle se livrent les intervenants de la SdC. Les procédés les plus fréquemment utilisés lorsque les orateurs souhaitent transmettre une idée des processus en jeu ou une esquisse d’explication sont l’analogie, qui opère par ressemblance, et la métaphore, qui repose sur une association plus arbitraire et est réalisée sans morphème de comparaison (tel « comme »). On retrouve ici des procédés courants dans les discours de VS (Jeanneret, 1994, p. 346 et sq. ; Jacobi et al., 1990, p. 96-97), qui mettent en rapport les notions traitées avec l’expérience courante du public.

48Les cibles des métaphores et analogies les plus fréquentes dans notre corpus sont de deux sortes, l’une se rapportant à la structure du cerveau ou d’une partie de celui-ci ; l’autre se rapportant à son fonctionnement. Les sources se rattachent à plusieurs domaines sémantiques, dont les plus récurrents sont : l’électricité comme modèle du fonctionnement des processus cérébraux ; la machine, et particulièrement l’ordinateur, comme modèle général du fonctionnement cérébral ; l’information et le message (sous forme chimique ou électrique), passerelles entre les figures précédentes ; la communication et les transports (les informations circulant sur des voies de communication comparées à des chemins et des autoroutes) ; la plasticité, au sens de caractère de ce qui est malléable, souple et d’une grande capacité d’adaptation ; la serrure et la clé pour évoquer les processus au niveau moléculaire.

  • 34 Voir (Beck, 2017, p. 177 ; Michaut, 2014, p. 103).
  • 35 Voir (Taylor & Dewsbery, 2018 ; Shuttleworth, 2017 ; Jacobi, 1986, 1999 ; Jeanneret, 1992, 1994 ; P (...)

49Cet usage des analogies et des métaphores est généralement bien admis, voire théorisé, chez les chercheur·es qui ont une activité de VS régulière. Il s’agit en effet des moyens parmi les plus prisés en matière de VS, susceptibles de servir dans un grand nombre de configurations, quels que soient le contexte (conférence, atelier, article et livre, film, etc.), le format (oral, écrit, filmé) et la relation au public (en direct ou en différé, en grand groupe ou en petit groupe, public spécialisé, semi-spécialisé, de niveau universitaire, indifférencié). Leur rôle a été abondamment souligné par la littérature professionnelle sur le sujet34 et leur centralité dans la démarche vulgarisatrice a fait l’objet de nombreux développements chez les théoriciens de la VS depuis les années 197035. Elle s’exerce non seulement dans les discours, mais également dans les images, dessins ou photographies, et les objets utilisés dans certaines présentations, telles les cellules-peluches du Palais de la Découverte, dont les synapses sont matérialisées par des voyants s’allumant lorsque le « courant » passe.

  • 36 Voir la description du jeu dans (Lemerle, 2019, p. 106-107).
  • 37 Médiateurs scientifiques, entretien, 1er juin 2016.

50Les maquettes, les jeux, permettent à la fois de diffuser des images et de les faire entrer dans l’expérience sensible des publics. Ces images sont dans un grand nombre de cas des matérialisations d’analogies ou de métaphores, comme dans ce jeu inventé par des médiateurs pour faire comprendre les différents paliers du développement cérébral36 : la notion de palier de développement y est exprimée par la métaphore concrète des niveaux de difficultés, familière de tous les adeptes de jeux, notamment vidéos, et matérialisée sous forme d’épreuves dont le passage renvoie aux conditions à remplir pour que le cerveau accède à un nouveau stade de développement37.

Quelles contraintes internes ?

  • 38 Voir H. Porter Abbott (2008) ainsi que les travaux de George Lakoff et Mark Johnson (1985, p. 13) s (...)

51La VS pratiquée à la SdC suit des modalités repérées sur un plan plus général depuis déjà plusieurs décennies (Jacobi et al., 1990, p. 96-101), au point qu’on peut se demander si celles-ci ne seraient pas inhérentes à cette activité. Un premier type de contraintes pourrait être d’ordre cognitif. Le recours au récit ou aux métaphores renverrait par exemple à des procédures fondamentales d’appréhension du réel38. Un deuxième type serait d’ordre linguistique, comme on l’a vu avec la structure « équationnelle » des discours tenus à la SdC. Mais pour en comprendre le fonctionnement, on ne peut guère faire l’économie d’un retour au contexte culturel et social au sein duquel ces contraintes sont « activées ». Nous avons vu par exemple comment la structure prédicative du discours supposait pour fonctionner une légitimité suffisante de la source d’énonciation, susceptible d’engendrer la « suspension d’incrédulité » du public. Cette légitimité renvoie à des traits culturels très généraux comme l’autorité sociale de la Science, ainsi qu’à des éléments plus locaux, tels que la symbolique des lieux ou les propriétés sociales des intervenants (selon leur âge, leur sexe, leur statut, allant de la doctorante en neurosciences au professeur au Collège de France en passant par les directeurs et chargés de recherche à l’Inserm, au CNRS, leur trajectoire scientifique et extra-scientifique, etc.).

  • 39 Visible par exemple à la forte proportion d’étudiants dans le public.

52Une autre influence du contexte culturel et social touche au rapport que les publics entretiennent avec des manifestations comme la SdC. S’il n’y a aucune raison de penser que la fréquentation de la SdC ne réponde pas à des attentes en matière d’« éducation non formelle » (Jacobi et al., 1990)39, son dispositif général la différencie pourtant des apprentissages scolaires : à l’instar de tout public fréquentant un musée ou une exposition, le public de la SdC vient dans « une démarche volontaire, sur un temps de loisir, de façon intermittente, sans système de validation » final (Guichard & Martinant, 2000, p. 19). Une telle configuration amène à douter que la SdC puisse, dans les faits, reposer uniquement sur un modèle du déficit et à la relier aussi à l’univers du divertissement. En cela, la manifestation ne ferait que se rattacher à des orientations sociales plus larges, dont on peut faire l’hypothèse qu’elles touchent de plus en plus la VS. Même si la préférence accordée par les institutions de culture scientifique et technique aux « dispositifs interactifs, voulus à la fois récréatifs et didactiques » est ancienne (Schiele, 2005, p. 46), il est difficile de comprendre l’importance du recours à des expédients ludiques sans prendre en compte la tendance plus générale, relevée par de récentes enquêtes sur les pratiques culturelles, d’un « goût du divertissement qui modifie le rapport à la culture » et d’un « affaiblissement des normes du savoir » facilitant « l’acceptation de propositions qui mêlent les registres du sérieux et du ludique » (Octobre, 2014, p. 92-93).

53Ces éléments n’expliquent cependant guère les raisons pour lesquelles le discours et les animations de la SdC recourent à un type particulier de terminologie, de métaphores, d’expédients visuels ou ludiques. Au-delà de la question de savoir si les dispositifs de la SdC répondent à des procédures générales de l’esprit humain ou à des phénomènes macrosociologiques, il faut aussi interroger les évidences sur lesquelles repose l’organisation de la manifestation, en premier lieu que l’auditoire va « spontanément » accorder du crédit aux discours délivrés et être doté des ressources culturelles adéquates pour se les approprier.

  • 40 L’enquête porte sur 922 personnes. Les résultats sont tirés de mon article « Les publics de la Sema (...)
  • 41 En 2016, les diplômés du baccalauréat et de l’enseignement supérieur représentent en France 52,4 % (...)
  • 42 Toutes les données sont tirées des études de l’Insee (2018 et 2020).

54Une enquête que j’ai menée sur les publics de la SdC en 201740 pourrait donner un début de réponse. Les résultats conduisent en effet à penser que celle-ci s’adresse à un public spécifique, puisque près de 90 % des personnes interrogées ont un niveau d’études supérieur ou égal au baccalauréat et 57 % d’entre elles ont même un niveau supérieur à ou égal à bac+4, proportions largement supérieures à la moyenne nationale41. Même rapporté aux spécificités de la région parisienne, où la part des diplômés du supérieur dans la population non scolarisée de 15 ans ou plus s’élève à 42,5 % en 2017, il est indéniable que les diplômés de l’enseignement supérieur sont surreprésentés parmi les répondants de l’enquête, tandis que les titulaires de CAP-BEP (plus de 25 % de la population française âgée de 25 à 64 ans en 2017, 16,7 % des personnes âgées de 15 ans et plus en Île-de-France) et les non diplômés (21,6 % de la population, 19,6 % des 15 ans et plus en Île-de-France) en sont quasi absents42.

55L’enquête donne également quelques informations sur la formation des répondants. Si avec un taux de non-réponse élevé (38 %), des précautions de lecture et d’interprétation s’imposent, on peut néanmoins relever que les sciences du vivant (biologie, neurosciences…) représentent plus d’un dixième des réponses, tout comme les études de santé. Si l’on y ajoute les autres formations de type scientifique (mathématiques, physique, ingénierie, électronique, informatique…), les cursus scientifiques (hors sciences humaines et sociales) représentent au minimum un tiers des répondants.

56Enfin, si l’on examine les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS), la comparaison avec les répartitions nationale et régionale établies par l’Insee révèle la quasi-absence des employés et des ouvriers dans le public des répondants de l’enquête, alors que ces deux PCS représentent plus de 47 % de la population en emploi au plan national et plus de 38 % en Île-de-France (Insee, 2020, 2018, p. 43). On note également une représentation des professions intermédiaires (14 %) fortement inférieure à la moyenne nationale (25,8 %) et régionale (26,1 %) et une représentation des cadres et professions supérieures (30 %) supérieure à la moyenne nationale (17,8 %) mais comparable à la moyenne régionale (30,4 %). Deux autres groupes surreprésentés sont les étudiants (16 %) et surtout les retraités (20 %), puisqu’en 2017, les élèves et étudiants représentaient 11,7 % de la population d’Île-de-France et les retraités 4,1 %.

  • 43 Date à laquelle j’ai réalisé une première étude des publics, sur un échantillon moins important (n  (...)
  • 44 Fait dont certains membres du comité d’organisation ont conscience et qu’il leur arrive de critique (...)
  • 45 Directeur de recherches CNRS, entretien, 28 novembre 2016.
  • 46 En 2017, les réponses « satisfait » et « très satisfait » représentent plus de 85 % des réponses à (...)
  • 47 Doctorante ENP, entretien, 28 janvier 2017.

57De tels résultats suggèrent que la manifestation s’adresse à une audience dont les caractéristiques sont proches, en termes de niveau de formation et de catégories socioprofessionnelles, de celles de ses intervenants. Une question importante relativement au type de VS pratiqué par la SdC serait donc de savoir si les choix opérés par la manifestation (du format des animations jusqu’au contenu de celles-ci) découlent d’une prise en compte de ses publics. Cela ne semble pas être le cas à Paris, où les connaissances en la matière sont lacunaires avant 201643. Il est plus vraisemblable que les choix de programmation de la SdC, anticipent la composition de son public et contribuent, selon un processus familier aux spécialistes des publics de la culture, à partiellement le créer (Esquenazi, 2009 ; Le Marec, 2007 ; Guichard & Martinand, 2000). Nombre d’aspects de la SdC semblent avoir été pensés pour convenir d’abord au public identifié par les enquêtes44. On le voit par exemple aux choix des lieux des conférences, situés dans leur majorité dans des endroits prestigieux du centre de Paris, éloignés des quartiers plus populaires ou dans le recours massif à la conférence, format qui a sans doute pour effet d’attirer les publics familiers de ces formes de présentation et surtout de rebuter ceux qui, du fait de capitaux scolaires moindres, ne les prisent guère, soit par goût soit par sentiment d’illégitimité. La conception implicite des publics valorisés et attendus par la SdC peut encore se retrouver dans le contenu des présentations et les choix de vocabulaire. Décrire par exemple le cervelet comme une « base de données interne » au motif que « les gens [en] ont une idée vague, en ont entendu parler45 » ou recourir au terme spécialisé de « neuromythe » suggère que les intervenants ont une idée assez précise des caractéristiques de l’auditoire auquel ils s’adressent (ou auquel ils désirent s’adresser). Le fait enfin que les éditions de la SdC enregistrent de forts taux de satisfaction46 suggère l’existence d’habitudes culturelles partagées entre les intervenants et leur audience, à laquelle, par exemple, une référence à Humphrey Bogart ou au Cri de Munch doit pouvoir « parler » immédiatement dans le sens escompté par les orateurs. La programmation de la manifestation subit fort vraisemblablement l’influence, chez les intervenants de la SdC, d’une représentation spontanée et socialement située des publics, comme dans le cas de cette oratrice déclarant : « Moi, j’imagine que le grand public, il est comme moi. S’il y a un sujet qui m’intéresse assez, c’est parce que, de base, il y a quelque chose dedans qui peut le rendre intéressant pour tout le monde47 ».

Conclusion

58L’exemple de la SdC a pour intérêt de conduire à corriger la description quelque peu monolithique qui est parfois faite du « modèle du déficit » qui serait caractéristique de la VS. Ses pratiques en matière de programmation et d’adaptation du discours scientifique conduisent par exemple à la reprise paradoxale de certains procédés reprochés aux médias (du choix de thèmes espérés « attractifs » au recours au discours imagé, au divertissement, au ludique), dont elle déclare vouloir se distinguer et qui l’écarte par moments de ses objectifs « pédagogiques » affichés. Les contraintes, externes (matérielles, politiques au sens large) et internes (linguistiques, cognitives et représentationnelles), qui ont été décrites dans cette étude rendent en grande partie compte de ces paradoxes.

59Ce hiatus entre les aspirations « pédagogiques » des membres de la SdC, rattachables au modèle classique de la VS, et les conditions concrètes dans lesquelles les animations se déroulent pourrait même inciter à questionner la réalité contemporaine du « modèle du déficit », à ce qu’il signifie, comme on l’a vu, en termes de pratiques réelles, mais aussi au plan de ses fonctions sociales, qui vont du support pour l’auto-affirmation d’une communauté scientifique au bien culturel scientifique de plus ou moins grande consommation. À ce compte, il ne suffit pas (ou plus) de considérer ce modèle sur la seule base de ses attendus théoriques, de ses visées notionnelles ou de ses dispositifs pédagogiques, mais de le confronter à ce que le jeu des contraintes sociales en retire concrètement.

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Notes

1 Voir notamment (Nieto-Galan, 2016 ; Poirrier, 2016 ; Las Vergnas, 2011 ; Bensaude-Vincent 2010 ; Jurdant, 2009 ; Fuller, 2005 ; Schiele, 2005 ; Raichvarg & Jacque, 2003 ; Jacobi, 1986, 1993, 1999 ; Bensaude-Vincent & Rasmussen, 1997 ; Hilgartner, 1990 ; Shinn & Whitley, 1985).

2 Voir (Nieto-Galan, 2016, p. 3-10 ; Bensaude-Vincent, 2010 ; Raza, 2009 ; Ziman, 1991 ; Hilgartner, 1990).

3 Voir (Jacobi et al., 1990, p. 94 et suiv).

4 Pour un rappel historique du développement de ce champ de recherche, dont les prémisses britanniques remontent aux années 1980 (Turney, 1996), voir (Raza, 2009 ; Fuller, 2005) ainsi que la revue Public Understanding of Science, publiée depuis 1992 par Sage.

5 Pour une approche similaire du point de vue des professionnels de la médiation scientifique, voir (Observatoire du patrimoine et de la culture scientifiques et techniques, 2018).

6 Pour les manuels, voir (Beck, 2017 ; Michaut, 2014). Pour les formations, voir L’École de la médiation, projet coordonné par Universcience (https://www.estim-mediation.fr, dernière consultation le 16 novembre 2020). Pour les partages d’expériences, voir par exemple le réseau ComSci ComCa (https://twitter.com/ComSciComCa) lancé en 2016. Pour les programmes radiophoniques, voir l’émission « La Méthode scientifique » sur France Culture.

7 En langue française, on peut remonter aux années 1970 et à l’étude de Luc Boltanksi et Pascale Maldidier (1977) sur le lectorat de Science et Vie.

8 Une grande part des travaux importants et récents sur la question ne relève pas de la sociologie à proprement parler, mais plutôt de l’histoire et des sciences de l’information et de la communication : (Poirrier, 2016 ; Bergeron, 2016 ; Babou & Le Marec, 2008 ; Le Marec & Babou, 2005 ; Paillart, 2005 ; Babou, 2004). Pour les musées scientifiques, voir aussi (Le Marec, 2008 ; MacDonald, 1998).

9 Même si la fonction « créatrice » de la VS a été reconnue et diversement abordée : aspects « poétiques » et rhétoriques propres à la VS (McRae, 1993 ; Jeanneret, 1992 ; Gross, 1990) ; apports découlant des interventions de divers intermédiaires médiatiques (Lemerle, 2011, 2013 ; Cheveigné, 2008 ; Babou, 2004 ; Guichard & Martinand, 2000 ; Nelkin & Lindee, 1998). Pour une approche sociologique de la VS, voir l’ouvrage plus ancien mais toujours très précieux Expository Science. Forms and Functions of Popularisation (Shinn & Whitley, 1985).

10 On trouvera en annexe électronique 1 la liste des réunions, entretiens et animations de la SdC ayant servi pour cette étude. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

11 Pour une présentation plus développée de ces objectifs, voir l’annexe électronique 2, partie 2.1. Pour la critique des « médias », voir les extraits d’entretiens dans la partie 2.2. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

12 Réunion du comité d’organisation, 17 septembre 2015. Voir aussi l’échange reproduit en annexe électronique 2, partie  2.1.5. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

13 Ainsi, malgré l’importance de l’ICM dans la programmation de la SdC à Paris, l’événement n’apparaît pas dans le rapport annuel 2015 de l’institution, dont le chapitre « Communication » met pourtant en valeur les campagnes de l’Institut auprès des donateurs et du « grand public » (ICM, 2015, p. 102).

14 Pour un exemple d’organismes financeurs, voir l’annexe électronique 2, partie 2.3. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

15 Voir les extraits d’entretien en annexe électronique 3, partie 3.1. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

16 Entretiens 15 mai 2015 et 28 novembre 2016. Voir aussi en annexe électronique 3 l’extrait d’entretien reproduit en partie 3.2. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

17 Voir la fin de l’extrait en annexe électronique 3, partie 3.2. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

18 Secrétaire générale de l’ENP, entretien, 2 décembre 2016. Voir aussi dans l’annexe électronique 2, section 2.1.2., les réticences des personnes interrogées à qualifier la SdC de mouvement militant, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

19 Par exemple en dénonçant les usages idéologiques des neurosciences, y compris au sein de la communauté neuroscientifique, pour légitimer des positions sexistes – voir (Vidal, 2017).

20 Voir également l’exemple de la programmation de « Le cerveau à livre ouvert » en annexe électronique 3, partie 3.3. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

21 Pour une discussion des aspects méthodologiques de cette partie de l’étude, voir (Lemerle 2019, p. 76 et suiv).

22 Voir les chiffres complets en annexe électronique 3, partie 3.4. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

23 À la Cité des sciences et au Palais de la Découverte, on note davantage d’ateliers, du fait de plus grandes ressources en personnels et en moyens matériels. La Cité des Sciences propose le plus souvent des « médiations » déjà existantes, au contenu beaucoup moins académique et plus divertissant que ce qui est proposé par les chercheurs dans le cadre de la SdC, par exemple des expériences à mener avec des casques à électrodes et des quizz interactifs, des animations autour de l’hypnose et de la sieste. Toutefois, une majorité des huit ateliers auxquels j’ai assisté n’en ont pas moins consisté en des exposés, suivis d’échanges avec le public.

24 Réunion du comité d’organisation, 13 janvier 2016.

25 Pour une comparaison avec le contexte britannique dans les années 2000, où la thématique de l’amélioration du cerveau (brain enhancement) est la plus présente, voir (O’Connor et al., 2012).

26 Directrice de recherche CNRS, entretien, 15 mai 2015.

27 Chargée de communication ICM, entretien, 30 septembre 2016.

28 Secrétaire générale de l’ENP, entretien, 2 décembre 2016.

29 Je m’inspire ici de la définition minimale du récit donnée par Gérard Genette (1969, p. 49) – pour immédiatement la mettre en question.

30 Pour le spécialiste en narratologie H. Porter Abbott (2008, p. 3), le recours au récit serait un trait distinctif de l’esprit humain, rattachable à quelque « structure » cérébrale « profonde ».

31 Par exemple, dire que telle hormone joue tel rôle ou détermine tel phénomène, équivaut à dire que cette hormone est le facteur responsable dudit phénomène.

32 Voir les analyses de Pierre Bourdieu (2001, p. 165-167) sur le discours d’autorité.

33 Voir les exemples donnés en annexe électronique 3, partie 3.5, https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8516.

34 Voir (Beck, 2017, p. 177 ; Michaut, 2014, p. 103).

35 Voir (Taylor & Dewsbery, 2018 ; Shuttleworth, 2017 ; Jacobi, 1986, 1999 ; Jeanneret, 1992, 1994 ; Pitts, 1993 ; Jurdant, 1969).

36 Voir la description du jeu dans (Lemerle, 2019, p. 106-107).

37 Médiateurs scientifiques, entretien, 1er juin 2016.

38 Voir H. Porter Abbott (2008) ainsi que les travaux de George Lakoff et Mark Johnson (1985, p. 13) sur « la nature fondamentalement métaphorique » de « notre appareil conceptuel ordinaire », mobilisés par Yves Jeanneret (1994) et Andreas Musolff (2009) pour l’étude de la VS.

39 Visible par exemple à la forte proportion d’étudiants dans le public.

40 L’enquête porte sur 922 personnes. Les résultats sont tirés de mon article « Les publics de la Semaine du Cerveau en 2017 », à paraître. En 2017, la SdC a accueilli à Paris 8873 personnes (hors animations scolaires).

41 En 2016, les diplômés du baccalauréat et de l’enseignement supérieur représentent en France 52,4 % de la population âgée de 25 à 64 ans et les diplômés du supérieur 34,5 % (Insee, 2018, p. 105).

42 Toutes les données sont tirées des études de l’Insee (2018 et 2020).

43 Date à laquelle j’ai réalisé une première étude des publics, sur un échantillon moins important (n = 455). Quelques enquêtes de satisfaction avaient été réalisées auparavant, de façon ponctuelle, notamment au Palais de la Découverte.

44 Fait dont certains membres du comité d’organisation ont conscience et qu’il leur arrive de critiquer : voir électronique 3, partie 3.6. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8446.

45 Directeur de recherches CNRS, entretien, 28 novembre 2016.

46 En 2017, les réponses « satisfait » et « très satisfait » représentent plus de 85 % des réponses à la question « La manifestation a répondu à vos attentes ? » Les taux sont similaires en 2016.

47 Doctorante ENP, entretien, 28 janvier 2017.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Hôpital Robert-Debré, mars 2017
Légende Cette photographie, ainsi que les suivantes, ont été prises par l’auteur.
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Titre Figure 2 : Conférence inaugurale, ICM, mars 2017
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Titre Figure 3 : Atelier sur le cervelet, « Voyages en neurosciences », université Paris-Descartes, sites des Saints-Pères, mars 2017
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Titre Figure 4 : Peluches représentant divers types de cellules cérébrales, Palais de la Découverte, 2017
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sébastien Lemerle, « La Semaine du cerveau à Paris (2014-2017) : étude sur les contraintes de la vulgarisation des neurosciences  », Sociologie [En ligne], N° 2, vol. 12 |  2021, mis en ligne le 12 mai 2021, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/8446

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Auteur

Sébastien Lemerle

slemerle@parisnanterre.fr
Maître de conférence HDR, Université Paris Nanterre, Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (équipe CSU) - Pôle Métiers du Livre, Université Paris Nanterre, 11 avenue Pozzo-di-Borgo, 92210 Saint-Cloud, France

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