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AccueilNumérosN° 4, vol. 10In Memoriam Marie Ménoret (1959-2019(…)

In Memoriam Marie Ménoret (1959-2019)

Michel Castra et Danièle Carricaburu

Texte intégral

1Marie Ménoret, maîtresse de conférences au département de sociologie et anthropologie de l’Université Paris 8 et membre de l’équipe CRESPPA-CSU, nous a quittés le lundi 4 mars 2019, elle avait 60 ans. Atteinte d’un cancer à l’âge de 26 ans, elle a consacré sa vie de chercheuse à cette maladie qui a profondément marqué sa biographie personnelle et professionnelle, et qui aura eu raison d’elle plus de trente-cinq ans après la première alerte. Celles et ceux qui ont eu la chance de la connaître se souviendront de sa liberté d’esprit et de son humour si personnel.

2C’est en novembre 1997 qu’elle soutient sa thèse de doctorat en sociologie (Temps et cancer dans l’hôpital : les trajectoires de l’expectative) sous la direction de Claudine Herzlich, à l’Ehess. Elle obtient ensuite une bourse Lavoisier qui lui permet d’être visiting scholar à l’Université de Temple à Philadelphie. Elle réalise alors une recherche comparative entre la France et les États-Unis sur les mouvements féministes et activistes autour du cancer du sein. À partir de sa thèse, elle publie en 1999, un ouvrage marquant intitulé Les Temps du cancer aux Éditions du CNRS (une nouvelle édition de cet ouvrage paraît en 2007 aux Éditions du Bord de l’eau), qui reste aujourd’hui encore une référence. Elle y souligne l’importance des trajectoires de maladie dans la gestion des soins du cancer et s’attache à examiner une organisation sociale qui met en forme collectivement l’expérience du cancer.

3Maîtresse de conférences à l’Université de Caen à partir de septembre 2000, une délégation au CNRS lui permet de rejoindre le Centre de recherche Médecine, santé et société (CERMES) où elle poursuit ses recherches de 2003 à 2005. En 2004, elle fait paraître avec Danièle Carricaburu, un manuel de sociologie de la santé (Sociologie de la santé. Institutions, professions et maladies, chez Armand Colin, collection U). Recrutée à l’Université Paris 8 en 2005, elle rejoint d’abord le Groupe de recherche École, Travail, Institution (équipe d’accueil GETI) en restant associée au CERMES. Puis elle intègre l’équipe Cultures et sociétés urbaines (CSU), en y partageant le principe d’une priorité donnée aux analyses fondées sur le travail empirique de première main.

4En tant que sociologue de la santé et de la maladie, Marie Ménoret a consacré plus de vingt-cinq années de son parcours de recherche à des travaux sur le cancer. Ce faisant, elle s’est imposée comme une figure majeure de son domaine de recherche et une spécialiste de la sociologie du cancer en France.

5Largement inspirée par la sociologie interactionniste qui marque durablement ses travaux de recherche, Marie Ménoret s’est interrogée sur les changements significatifs (en termes de savoir, de pratique, de politique) qui ont caractérisé l’essor de la cancérologie ces trente dernières années, et sur leurs effets dans le travail médical et le vécu des patients. Ces réflexions sont au cœur de son habilitation à diriger des recherches (HDR) soutenue en décembre 2017.

6On peut y voir que de nombreuses questions liées au cancer ont suscité son intérêt, qu’il s’agisse de prévention, de dépistage, d’inégalités dans l’accès aux soins, de relation médecin-malade ou des séquelles à long terme des traitements du cancer. Elle a également mené une réflexion féconde sur les enjeux du sur-diagnostic et du sur-traitement mais aussi sur l’autonomie des malades, la « guérison » ou la survie. Ses recherches récentes avaient pour objectif d’étudier « la vie d’après » des personnes atteintes d’un cancer il y a quinze voire trente ans. Ces vies d’après étaient approchées et documentées à partir de la mise en récit et la (re)construction biographique d’individus ayant survécu à un cancer.

7L’incertitude attachée au travail médical, à la maladie et à ses traitements fut également au cœur de ses préoccupations ; elle n’en connaissait que trop bien les implications pour les malades, notamment à travers son propre parcours de vie. Elle avait d’ailleurs intitulé son blog « Damoclès For Ever » (https://damocles.hypotheses.org/​), ce qui disait beaucoup de ce rapport « suspendu » à la vie en rémission d’un cancer. Et c’est sur ce blog qu’en hommage à Sophia Rosman, elle avait écrit en avril 2018 : « les sociologues de la santé meurent aussi mais leurs écrits les perpétuent. Les lire et les relire donc »…

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michel Castra et Danièle Carricaburu, « In Memoriam Marie Ménoret (1959-2019) », Sociologie [En ligne], N° 4, vol. 10 |  2019, mis en ligne le 19 septembre 2019, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/5976

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Auteurs

Michel Castra

CeRIES, Université de Lille SHS

Articles du même auteur

Danièle Carricaburu

Département de sociologie, Université de Rouen Normandie

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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