La fabrique collective de l’unanimité. Expliquer les suicides parlementaires de mars 1933 et juillet 1940
Ermakoff Ivan, Ruling Oneself Out. A Theory of Collective Abdication, Durham (NC), Duke University Press, 2008
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1Le livre d’Ivan Ermakoff, professeur de sociologie de l’Université du Wisconsin, propose une relecture de deux événements aussi célèbres qu’intrigants : les votes massifs par lesquels les parlements allemands et français se sabordent en confiant les pleins pouvoirs aux gouvernements dirigés par Hitler et Pétain.
2Le 23 mars 1933, moins de 3 semaines après des élections législatives tenues dans un climat de violence et d’exception, 444 des 538 députés présents (81 élus communistes du KPD et 26 socialistes sont emprisonnés, en fuite, ou empêchés), soit plus que la majorité qualifiée des deux tiers requise (432 des 647 sièges du Reichstag), autorisent le chancelier Hitler à ratifier, hors procédure parlementaire et sur le papier pour 4 ans, les actes législatifs élaborés par son cabinet. Les bulletins « non » sont l’expression collective du refus énoncée par les 94 élus sociaux-démocrates du SPD (sur 120) qui ont pu se rendre à Berlin. Tous les autres groupes parlementaires, en particulier les catholiques du Zentrum dont les 73 voix étaient indispensables à l’obtention de la majorité qualifiée, ont voté tout aussi unanimement en faveur du texte.
3Le 10 juillet 1940, moins d’un mois après l’armistice du 22 juin sanctionnant la défaite militaire, 569 des 847 députés et sénateurs composant l’Assemblée nationale votent un projet de loi permettant au « Gouvernement de la République sous l’autorité et la signature du Maréchal Pétain » de promulguer une nouvelle constitution « de l’État français » qui ne devra garantir que « les droits du travail, de la famille et de la patrie ». Seuls 80 parlementaires s’opposent à la proposition portée par Laval : 150 n’ont pas rejoint Vichy, 27 sont en route vers Alger sur le Massilia, 21 présents s’abstiennent.
- 1 C’était là le sous-titre de son livre Par la volonté du peuple, Paris, Albin Michel, 1997.
4À partir d’une problématique finalement pas si éloignée de celle que développait Timothy Tackett (« comment les députés de 1789 sont devenus révolutionnaires »1), le travail d’Ivan Ermakoff s’efforce d’une part d’expliquer ces deux cas historiques de « révolutions légales », et d’autre part de proposer à partir d’eux une théorie générale des abdications en groupe.
5La démonstration suit trois mouvements : après avoir présenté les termes du challenge demandé aux élus (1), l’auteur examine et réfute trois propositions de sens commun toujours avancées pour expliquer les abdications : la coercition, l’erreur de jugement (tactique ou ignorante) et la collusion idéologique (2). Il peut alors avancer sa propre interprétation : l’abdication ne peut être comprise qu’en lien aux processus d’alignement collectif des choix qui ont lieu dans les jours et heures précédant les votes (3), en gardant à l’esprit que ce qu’il faut expliquer dans l’idée d’alignement n’est pas le fait de dégager une majorité, mais la fabrique, très spécifique, d’une unanimité ou d’une quasi-unanimité.
Les parlementaires savent-ils ce qu’ils font ?
6Dans la première partie, l’auteur présente les scènes, leurs acteurs, et revient sur les mois qui précèdent les événements à partir de deux bornes arbitraires : l’élection à la Présidence de Hindenburg en 1932 pour l’Allemagne, l’entrée en guerre de septembre 1939 pour la France. Surtout, il précise les termes du challenge : même si chaque texte comportait des arguments juridiques qui semblaient limiter l’ampleur des transferts de pouvoir qu’ils autorisaient, il s’agit bien d’une « révolution légale » qui ne pouvait tromper des professionnels de la politique aussi avertis que les parlementaires. Parce qu’elles sont aisément contournables, les réserves juridiques prévues ne peuvent être considérées comme des circonstances atténuantes : dans les deux cas, c’est un chèque en blanc qu’on demande aux élus de signer. Ceux-ci ne pouvaient l’ignorer et ne l’ont pas fait : I. Ermakoff met ici pour la première fois en œuvre la méthode qu’il conservera tout au long du livre consistant à retrouver, aussi souvent que possible, les traces des comportements et jugements des acteurs qui soient directement contemporaines des événements, i.e. quand ils ne connaissaient pas encore la fin de l’histoire. Dans le cas français par exemple, de nombreux documents, y compris le verbatim des séances parlementaires ou des articles de presse, témoignent de ce que députés et commentateurs utilisent les termes « abdication », « suicide » ou « hara-kiri » pour qualifier l’acte qui leur est demandé. Dès lors, l’auteur redéfinit les cadres de la situation à partir du postulat suivant lequel les élus auraient du dire non, et ce pour au moins trois raisons : 1 le résultat de la confrontation restait incertain ; 2 en tant qu’agents rationnels, les parlementaires devaient s’opposer à la volonté clairement manifestée par le challenger d’user seul des potentialités révolutionnaires que le texte lui octroie ; enfin 3 les intérêts des uns et des autres sont évidemment opposés. Or ces trois propositions représentent le négatif des trois explications de sens commun les plus souvent avancées pour rendre raison des événements : (1bis) l’abdication advient parce que la coercition imposée aux élus rend les coûts de l’opposition trop élevés (ils pensent l’affaire de toute façon perdue), (2bis) parce que ceux-ci se trompent sur les intentions réelles du challenger ou pensent qu’en se retirant, ils préservent malgré tout une marge de manœuvre (ils n’agissent pas rationnellement), (3bis) enfin parce qu’ils manifestent ainsi leur collusion idéologique longtemps cachée avec le challenger (contrairement aux apparences, leurs intérêts profonds sont communs).
7La seconde partie consiste à réfuter l’une après l’autre chacune de ces trois explications.
8Concernant l’explication par la coercition, I. Ermakoff ne nie évidemment pas son existence, en particulier dans l’Allemagne du début des années 1930, mais rappelle que si la menace est présente, elle ne produit pas nécessairement la peur et peut conduire à la révolte comme à l’abdication (le cas des 14 opposants lors du vote interne de la délégation du Zentrum, et plus encore des 94 députés du SPD est là pour le rappeler). Dans le cas français, l’auteur réinterroge avec finesse, cette fois au moyen de tests statistiques, l’argument, souvent avancé par les historiens, de la présence allemande (défaite et occupation) comme motif d’abdication pour ne pas aggraver les difficultés du pays. D’abord, il n’existe pas de différences de comportement lors du vote entre les députés qui ont fait l’expérience du combat et de la défaite et ceux qui n’étaient pas soldats : dans les deux groupes la proportion d’opposants est la même. Ensuite, si l’on contrôle la comparaison par l’affiliation politique des députés, il n’y a pas non plus de différences d’attitude le 10 juillet entre représentants de la zone occupée et ceux de la zone dite libre, les premiers ayant par ailleurs préféré le vote non à une possible et prudente abstention.
9L’explication par l’erreur de jugement ne lui semble pas mieux assurée. Parce que celle-ci, plus encore que les deux autres, est d’abord un argument avancé ex-post, le travail de l’auteur consiste, ici en historien scrupuleux, à redessiner une chronologie fine des événements pour montrer que ce qui se dit dans les semaines et jours précédents les votes rend faible la portée interprétative des thèses de l’ignorance ou du pari tactique vis-à-vis des volontés du challenger. À y regarder de près en effet, les intentions révolutionnaires hégémoniques de celui-ci sont claires, publiquement énoncées et largement partagées par les parlementaires. Même et surtout ceux qui votent oui savent qu’ils signent leur propre disparition.
10Sous ce rapport, les archives laissées par les députés du Zentrum sont particulièrement éloquentes : le manque de clairvoyance concernant leur avenir ne saurait leur être imputé. Et la place du pari perdu apparaît tout aussi étroite : elle est avant tout l’explication portée après guerre par ceux des leaders catholiques qui avaient fini par se plier à la discipline partisane alors même qu’ils avaient été, jusqu’au vote interne, des opposants résolus à l’acceptation. Dans le même sens, la thèse du compromis des classes bourgeoises avec l’hitlérisme ne résiste pas à l’examen statistique de la distribution des votes le 23 mars : l’acceptation fut la norme, y compris dans les rangs des représentants des syndicats catholiques au parlement.
11Côté français même situation : les 4, 5, 6 et 8 juillet lors de diverses réunions devant des parlementaires, Laval expose son programme politique avec une clarté presque aussi stratégiquement ingénue qu’elle est politiquement tragique. Or, si le 5 juillet seul le cinquième des parlementaires est présent, la moitié d’entre eux sont arrivés le 8 et ont donc une information de première main sur les volontés du gouvernement, sans même évoquer les échanges informels dont les sources regorgent. Enfin plus de 90 % des votants du 10 juillet se sont déjà exprimés lors des votes du 9 sur la nécessité de changer la constitution et, surtout, ont écouté le dernier discours de Laval, au matin du vote en Assemblée nationale, lorsqu’il réaffirme ses attaques contre la démocratie. Bien que, là encore, la trahison fut mainte fois avancée après guerre par les votants, il semble donc difficile de lui accorder foi, surtout en l’absence de garanties formelles sur l’avenir.
12L’explication par la collusion idéologique, autrement dit l’idée que « l’esprit du temps » ait pu contaminer de l’intérieur les convictions républicaines, pose elle aussi des problèmes conséquents et insolubles. C’est encore et toujours le réexamen des faits dans leur chronologie immédiate qui sert ici le propos : I. Ermakoff montre combien, malgré le raz de marée final, la décision fut difficile à prendre et objet de dilemmes complexes. En Allemagne, au sein du Zentrum, les débats antérieurs au vote du 23 mars sont motivés sur le plan doctrinal : certains leaders, d’ailleurs parmi les plus conservateurs du parti (son « aile droite ») et qui souvent promeuvent un « non » résolu à la loi, vont rappeler combien l’idéologie nazie est incompatible avec les valeurs chrétiennes. D’autres se chargent de réaffirmer la place du parti comme « gardien de la constitution » de Weimar.
- 2 Dont 27 socialistes. Parmi eux, 22 avaient soutenu le pacifisme intransigeant de la motion « Paul (...)
13Outre Rhin le tableau est très proche. I. Ermakoff montre en effet (de nouveau au moyen d’un exercice statistique) que les prises de position pacifistes intransigeantes des années antérieures, chez les « fauristes » de la SFIO comme, à droite, celle d’un Flandin (dont il faut rappeler la lettre de félicitation à Hitler après Munich), ne constituent pas l’indicateur d’une claire inclinaison vers le « oui » : au final, celui-ci dépasse les frontières politiques ordinaires. Surtout, l’examen des « réactions initiales » des parlementaires permet de relever l’importance de l’indignation et de l’hostilité face aux propositions du gouvernement entre le 4 et le 8 juillet. Ceux qui soutiennent dès l’origine l’opération remarquent et notent l’ampleur d’une « opposition latente » (Becquart). Loin d’être cantonnée aux 80 réfractaires, celle-ci touche en effet une large part de ceux qui donneront leur bulletin à Pétain et n’est en rien limitée à la gauche de l’échiquier : nombre de représentants modérés ou conservateurs indiquent leur volonté première de s’opposer, demandent des garanties, ou critiquent ouvertement le gouvernement et remettent en cause la nécessité de changer la constitution. Le 7 juillet, seuls 94 parlementaires2 paraphent la « déclaration sur l’Assemblée nationale » proposée par le très droitier Gaston Bergery, qui soutient explicitement la révolution portée par le ministre des Affaires étrangères et revendique l’alignement à venir avec les dictatures fascistes. Jusqu’au bout, et malgré les pressions physiques des alliés de Laval, c’est l’ambivalence et l’incertitude qui dominent. Juste après le vote, les témoins signalent la stupeur de nombreux parlementaires devant leur geste et la honte ressentie. Le récit des jours précédant le vote est essentiel : il permet de montrer que rien ne permettait a priori de prédire l’abdication, et sans doute moins encore l’idéologie que tout autre facteur.
L’alignement collectif comme processus d’interdépendance
14Fort de cette démonstration dont on ne peut ici rendre la très grande richesse, l’auteur indique qu’il faut prendre au sérieux la dimension collective et interactionniste de l’événement pour comprendre les ressorts du consensus : dans les conjonctures de grande fluidité, la décision apparaît d’abord marquée par l’hétéronomie. En effet pour dissiper à la fois les effets de l’incertitude et les risques de l’isolement, les parlementaires s’appuient sur des processus d’alignement de chacun avec les autres dont l’action cumulée produit l’uniformité finale des choix. I. Ermakoff consacre la troisième partie à montrer ce schème explicatif à l’œuvre.
15À partir de fondements empruntés aux théories des jeux et de la décision, le sixième chapitre du livre présente les trois processus d’alignement collectif par lesquels chaque parlementaire parvient, en situation d’indétermination, à rendre son comportement indistinct de celui de ses collègues au sein d’un groupe de référence bien délimité (reference group) : l’alignement séquentiel, le savoir local et la coordination tacite. Le premier processus (sequential alignment) désigne l’opération par laquelle l’acteur prend sa décision par observation directe du comportement de ses pairs : lorsque le nombre de personnes ayant déjà fait le même choix atteint un seuil que l’acteur estime suffisamment modal pour justifier l’engagement (individual threshold), il rejoint le groupe. L’alignement fondé sur le savoir local (local knowledge) fait reposer le choix sur les informations que l’acteur obtient lors d’interactions de face-à-face avec ses connaissances. La coordination tacite (tacit coordination), enfin, désigne les cas d’alignement qui résultent d’interprétations élaborées par l’acteur à partir des signaux publics qu’il reçoit, en particulier de la part des individus dont la parole ou les actes prennent, dans la situation considérée, une importance particulièrement saillante (prominence).
16Dans les trois cas, les parlementaires conditionnent leur choix aux comportements d’autrui. L’alignement séquentiel n’est pas un processus inférentiel. Son existence implique que les membres du groupe de référence se déterminent et que l’acteur ait le temps d’observer des prises de position en nombre suffisant. Typiquement, les votes préalables en réunions de groupe, ou ceux concernant les formes de la délibération ou l’accord sur le fait qu’il y a une question à poser représentent des moments où l’alignement séquentiel peut se déployer. À la différence de celui-ci, les alignements fonction du savoir local ou de la coordination tacite reposent sur les inférences opérées par les acteurs. Ils entrent en jeu lorsque la détermination séquentielle est impossible, et sont donc particulièrement fréquents dans les situations d’incertitude. Le premier (le savoir local) suppose que les membres du groupe de référence aient des préférences et acceptent de les livrer. Dès lors, l’irrésolution peut être renforcée par ce processus si elle est modale et partagée lors des contacts. C’est pourquoi, si les deux processus peuvent parfois se renforcer mutuellement, la coordination tacite peut également venir contrebalancer la pauvreté ou le flou du savoir local. Dans ce cas, c’est cette fois le profil de l’événement (prise de parole, geste ou silence) qui fait problème et doit être interrogé dans sa capacité à devenir une information que chacun suppose communément utilisée dans la détermination d’un sens précis.
17Dans les trois chapitres qui suivent, I. Ermakoff confronte cette grille d’analyse, dont il propose une modélisation probabiliste complète en annexe, au matériel empirique. La démonstration passe par une nouvelle narration des deux événements en montrant comment les alignements collectifs qu’il vient d’identifier sont à l’œuvre et permettent d’expliquer l’abdication finale.
18Le septième chapitre est consacré à préciser quel est, dans chaque cas, le groupe de référence au sein duquel les processus d’alignement vont prendre place. Dans le cas allemand, l’auteur interroge le rôle possible d’un alignement séquentiel des choix des parlementaires du Zentrum sur les positions des fédérations locales du parti en examinant l’hypothèse de défections massives dans leurs rangs. Or il constate que celles-ci restèrent tout à fait marginales. De même, les rapports que les fédérations adressent à la direction nationale avant et après l’élection législative du 5 mars ne montrent aucun esprit de résignation ou d’abandon aux troupes du NSDAP : au contraire, les instances locales demandent instamment aux dirigeants des prises de position claires sur la marche à suivre et manifestent une ferme volonté d’opposition à la prise de pouvoir par les nazis. Cinq jours avant le vote, le 18 mars, elles pressent encore la direction de réagir et d’indiquer la position du parti, ce qu’il se refuse de faire. Bref : l’alignement sur le oui ne saurait être perçu comme la conséquence de pressions de la base ou d’une supposée implosion du parti sous les coups de son adversaire. Conséquence : le groupe de référence est, en 1933, limité au seul groupe parlementaire. Les représentants du Zentrum font leur choix entre eux, au sein d’un groupe à la forte discipline interne, indépendamment des opinions de leurs mandants.
19À Vichy en revanche, nombreux sont les parlementaires qui notent l’affaiblissement voir la disparition des logiques partisanes. À l’exception des parlementaires de la SFIO qui se réunissent le 8 juillet, aucun des autres groupes n’organise de réunion préalable au vote. Beaucoup d’élus signalent le chaos régnant sur place et le caractère erratique des rencontres. I. Ermakoff interroge alors le possible rôle joué par les liens professionnels ou régionaux en remplacement des attaches politiques. Si les avocats sont légèrement plus nombreux que la moyenne des parlementaires à se prononcer contre le projet, la variable territoriale ne joue qu’un faible rôle. Alors que beaucoup de parlementaires arrivent à Vichy avec leurs collègues du même département, rares sont pourtant ceux qui témoignent avoir fondé leur décision sur la base d’un accord dans la petite patrie. Au total, seuls 7 départements ont voté collectivement, soit 56 députés représentant 10 % des bulletins en faveur du oui (en Allemagne également, les liens d’appartenance à un même Länder ont très peu joué). Dès lors, c’est le manque de repères et le désarroi qui caractérisent la scène française. La confusion générale conduit les élus à communiquer à leurs collègues leur propre incertitude. En tout état de cause, dans ce cadre, le groupe de référence est cette fois l’Assemblée toute entière.
20Le septième chapitre est consacré à expliquer « la production du consentement » dans le cas allemand. I. Ermakoff reconstruit le récit des deux semaines, jours puis heures précédant le vote en mettant en avant plusieurs éléments. D’abord, il insiste sur le fait que, durant la campagne législative, l’un des principaux leaders du parti, Ludwig Kaas, appelle à l’accommodement avec Hitler via la possible constitution d’un gouvernement de concentration nationale. Il montre aussi comment, par des références répétées à l’habitude du consensus et de la discipline au sein du parti (les ruptures dans la cohésion parlementaire sont très rares), ses délégués au Reichstag comme ses dirigeants cherchent à promouvoir un « esprit de conciliation » dans l’attente d’informations plus précises. Avant le 20 mars et la convocation de l’assemblée à Berlin, nul ne prend réellement position. Les élus du Zentrum au Reichstag (fait important, aucun ne manque à l’appel) ne se rejoignent donc à Berlin que trois jours avant le vote sur un texte dont ils ne découvrent la teneur exacte, stupéfaits et sidérés, que le 21. Ce même jour, à la différence des députés du SPD, la délégation du Zentrum se rend collectivement à la cérémonie d’ouverture de la session parlementaire organisée à Postdam par les nazis. Une poignée d’élus catholiques refusent de participer, mais l’image d’une délégation unie prévaut. Le groupe décide une seule chose : il cherchera à adopter, comme à son habitude, une position de consensus. Le 22 a lieu une seconde et très courte réunion : Kaas n’y mentionne pas, le jour même, sa rencontre avec Hitler. C’est seulement le lendemain matin 23, le jour du vote, qu’il énonce les quelques « garanties » orales supposément obtenues du chancelier, notamment concernant les droits des catholiques. Pour la première fois, l’expression publique de doutes s’élève en la personne de l’ancien chancelier Brüning qui émet des réserves quant à la confiance qu’il était possible d’accorder à la parole hitlérienne. Pourtant toujours pas de position officielle : Kaas souhaite attendre le discours du chancelier et ses éventuels engagements publics. Le chef du NSDAP s’exprime en début d’après-midi, réaffirmant ses projets dictatoriaux fondés sur le sang et la race, mais aussi la centralité du christianisme. Le trouble est alors à son comble : quand bien même certains pensent alors voter non, nombre de délégués du Zentrum disent aussi avoir perçu « l’influence du prélat Kaas » dans les mots du chancelier. Tout se joue donc lors de la dernière réunion interne du groupe, dans les trois heures précédant un vote final que les nazis refusent de repousser. Kaas, tout en appelant de nouveau à la conciliation pour préserver les intérêts du parti et des catholiques, affirme vouloir se plier à la décision collective du groupe. Brüning, cette fois, se tait : nombre d’élus interprètent son silence comme un renoncement. Un seul leader, l’ancien ministre Wirth, s’oppose violemment à Kaas : après des échanges tendus, il quitte la pièce précipitamment. L’auteur soutient alors que sa réputation de traitre (il avait voté contre un ancien chancelier du Zentrum en 1927), sa dramatisation solitaire lorsqu’il quitte la réunion et son opposition absolue rendent sa position trop tranchée pour faire consensus, surtout face à un adversaire jouant au contraire la carte du groupe. Réalisant que certains délégués restent opposés, Kaas propose donc un vote, mais insiste pour qu’il soit public et nominal : seuls 14 des 84 délégués (députés et membres de la direction) optent pour le non. L’alignement est désormais explicite. Pour le valider totalement, Kaas propose aux 14 de dépersonnaliser complètement leur choix en optant pour un vote unanime en séance publique. Wirth finit lui aussi par accepter, les larmes aux yeux. Le soir même du 23 mars, les 73 députés du Zentrum votent oui.
21Côté français, mêmes oscillations dans l’évolution des préférences. Reconstruire la temporalité des événements représente là aussi l’étape indispensable à qui veut comprendre la brusque convergence des opinions les 9 et 10 juillet 1940. Le 6, l’ancien ministre de l’économie et du budget de Blum, Charles Spinasse, déclare ouvertement, à la surprise générale, son soutien plein et entier à Laval, allant jusqu’à répudier jusqu’à sa foi dans la liberté individuelle : la possibilité d’un accord transcendant les frontières partisanes est établie. Le lendemain 7 à l’inverse, l’ancien président du Conseil conservateur Flandin déclare que le temps d’un changement de constitution n’est pas venu. Le 8 l’atmosphère est toujours à l’opposition avec l’arrivée d’un groupe de parlementaires bretons manifestant publiquement leur indignation devant la lettre du projet. Pourtant le 9, tout bascule avec les discours des présidents de chaque chambre, Herriot et Jeanneney. Éminents représentants du régime, ils rendent hommage aux soldats tués, imposent le recueillement, mais aussi louent le maréchal, le président du Sénat (Jeanneney) allant jusqu’à affirmer sa « vénération » pour Pétain. Herriot, lui, coupe court à toute politisation des débats en refusant, au prétexte d’un non respect des formes (la motion n’a pas été préalablement imprimée et distribuée), un vote sur la proposition Tixier-Vignancour demandant une enquête sur les responsabilités politiques et administratives « ayant conduit la France au désastre ». La réunion de chaque chambre est pourtant éminemment politique : après les discours présidentiels, elles doivent se prononcer sur la motion gouvernementale posant la nécessité de réviser la constitution. À la chambre des députés, 398 voix pour, 3 contre. Au Sénat, 230 « oui », 1 seul « non ». Au jour du vote, Laval concède l’ajout d’une formule finale mentionnant une ratification par la nation et l’application des textes par les assemblées qu’ils auront créées. Alors que la plupart des grandes figures de l’Assemblée restent muettes, un homme prend, de nouveau, la parole : P.-E. Flandin. Exposant ses craintes de voir la France « nazifiée », il se lance dans un vibrant plaidoyer pour la République, mais termine son discours en larmes, exhortant finalement ses collègues à accepter le texte gouvernemental. Venant à contretemps après les votes du 9, tenu par un homme de droite connu pour son pacifisme, mais empaqueté dans un éloge du régime, le discours de Flandin amplifie l’impact de ceux de Jeanneney et Herriot : il révèle aux parlementaires, en toute bonne conscience, qu’ils ont déjà choisi. Flandin est acclamé debout. Un peu plus tard ce même jour, seuls 80 députés s’opposent au projet de loi du gouvernement.
La théorie des alignements collectifs est-elle soluble dans la sociologie des mouvements sociaux ?
22L’un des aspects les plus étonnants sans doute du livre d’I. Ermakoff est qu’il s’agit du livre d’un sociologue qu’un historien ne renierait pas. Par l’ampleur et le classicisme de son enquête archivistique et documentaire, par l’attachement à toujours confronter ce qu’il avance au riche matériau empirique dont il dispose, par son attention constante et scrupuleuse à ne pas relire l’histoire en connaissant sa fin, par le fait que son écriture relève, de bout en bout ou presque, d’une narration des événements, Ruling Oneself Out est un livre profondément ancré dans la démarche historienne. Mais en même temps, le fait est assez rare pour être souligné, son recours au langage des variables, les théories qu’il convoque pour travailler les documents dont il dispose (théorie de jeux, théorie de la décision), les démonstrations qu’il propose surtout, à la fois déductives et inductives, en font un objet éminemment sociologique.
- 3 Pour d’autres discussions du livre, voir les comptes rendus de Jean-Louis Fabiani dans Critique in (...)
23Avant de revenir aux résultats de l’enquête eux-mêmes, je voudrais donc questionner l’agencement ou l’emboîtement des outils probatoires dans le livre. Dans le résumé qui précède, j’ai respecté son allure générale : celle d’un récit, maintes fois recommencé, des deux événements. S’intercale pourtant en son cœur, on l’a vu, un chapitre « à part » au sens où il présente, sans référence au matériel empirique mais dans un langage naturel, le modèle théorique de l’alignement collectif. S’il est le seul endroit du livre sans développements relatifs aux cas traités, c’est qu’il est adossé à une annexe où l’auteur expose ce même modèle sous ses aspects formels et probabilistes. La question qu’on peut donc poser est celle du statut de cette modélisation dans l’architecture démonstrative du livre3.
24D’un côté en effet, passé la réfutation des trois explications de sens commun, la présentation du modèle vient avant l’exposition empirique de la solution donnée par l’auteur. Il a donc une position première dans l’architecture démonstrative : le modèle est posé, il s’agit ensuite de vérifier s’il décrit correctement les deux cas choisis et explique leur aboutissement commun, l’abdication. En apparence, le modèle n’est pas inductif, tiré des données de terrain et positionné en conclusion, mais strictement fondé sur des règles logiques posées a priori. C’est évidemment sur ce point que le travail d’I. Ermakoff s’éloigne le plus des habitudes historiennes : l’exposition in abstracto du modèle, sa place comme prémisse argumentative, sa traduction dans une langue formelle soulignent clairement une tentation déductiviste.
- 4 Sur les questions soulevées par ce type de démonstration en histoire, Antoine Prost, « Les limites (...)
25Le pari d’un double axe de travail, déductif et inductif, est-il gagné ? Ou, pour le dire encore autrement, que produit la rencontre, rare et improbable dans les sciences sociales contemporaines, d’une modélisation aboutie et d’une enquête de terrain achevée ? La rupture de ton du sixième chapitre, la relégation de la langue formelle en annexe, le contraste avec le reste de l’ouvrage enfin, d’autant plus fort que le livre est, redisons-le, une magnifique enquête empirique, semblent traduire sinon un échec, au moins une tension en partie irrésolue. Certains lecteurs jugeront ainsi la modélisation pour partie superflue : en exagérant à peine, il est possible de passer le sixième chapitre et de ne pas lire l’annexe B, donc l’exposition du modèle dans ses présentations naturelle et formelle, sans aucunement perdre le fil de l’ouvrage ni l’explication qu’il propose. Car le fait est qu’en un sens, le modèle vient seulement proposer des outils de mise en ordre d’une démonstration qui reste de bout en bout fondée sur une aussi classique que très réussie « argumentation par exemplification »4. I. Ermakoff mobilise un corpus de sources en partie déjà utilisées par les historiens du politique et procède, pour l’essentiel, par citation d’extraits choisis dans cet ensemble documentaire pour proposer au lecteur une interprétation différente d’événements bien connus. À l’exception de quelques exercices statistiques dont on a fait mention, c’est seulement dans le neuvième chapitre, consacré à expliquer la convergence des votes le 10 juillet 1940, que l’auteur tente une forme de mesure des processus d’alignement dont il a souligné, via des citations, la présence. Il procède alors à une analyse serrée du corpus des 223 témoignages dont il dispose pour y évaluer le poids des discours officiels dans la décision de vote : 43 % d’entre eux (49 % si on inclut les mentions du fait que certains ténors gardent le silence) font référence à des prises de parole saillantes. Mais ce résultat global est immédiatement relativisé. Bien conscient de l’anachronisme de la grande majorité des témoignages (17 seulement sont strictement contemporains des événements), l’auteur montre néanmoins que la mention d’un discours comme « cause explicative » du vote est d’autant plus fréquente que le récit est contemporain (13 des 17 récits du moment le font contre un peu moins de la moitié des récits rétrospectifs) ou au moins qu’il a une forme narrative (chronologique) et non synchronique : 79 des 126 témoignages de ce type (63 %) font référence à une prise de parole publique. Au-delà, il montre encore que la référence à des processus d’alignement dans l’ensemble des 223 récits est sensiblement plus fréquente, pour expliquer le choix effectué, que la mention de pressions gouvernementales ou des convictions idéologiques. Et qu’en outre, la mention des discours saillants dans les témoignages d’alignement est plus fréquente que le renvoi à un état d’esprit collectif (désarroi) ou aux discussions interindividuelles. L’auteur avance ces résultats au milieu du chapitre 9 avec la prudence et le scrupule vis-à-vis des données qu’il manifeste tout au long du livre (il va jusqu’à expliquer, c’est assez rare pour être souligné, les critères du classement gauche / droite qu’il applique à sa documentation). Mais très rapidement ensuite, il arrête le comptage et reprend le fil narratif de son exposé. On pourrait résumer les choses en disant qu’ici, jamais le pas de l’économétrie n’est résolument franchi : la modélisation ne sert pas à développer des outils de mesure des phénomènes d’alignement à l’œuvre. Ce sont, encore et toujours, les citations documentaires qui font preuve. Pourquoi cette (légitime) prudence ? À mon sens, la tentation déductiviste s’épuise ici devant la qualité de l’enquête empirique : l’anachronisme partiel des données accumulées, mais encore et surtout leur richesse et leur complexité les rendent manifestement résistantes à la standardisation.
26Faut-il pour autant jeter l’effort de modélisation aux orties au seul prétexte qu’il ne débouche pas sur une validation économétrique ? À mon sens en aucun cas, précisément parce que le fait que la vérification des clauses du modèle passe par des exemplifications n’en diminue aucunement ni la puissance probatoire ni la robustesse générale. Pour le dire clairement : les résultats de l’enquête n’en apparaissent pas moins solides et convaincants, bien au contraire.
- 5 Michel Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations mutisectorielles, P (...)
- 6 Voir Brigitte Gaïti, De Gaulle, prophète de la cinquième République, Paris, Presses de Sciences Po (...)
27Du point de vue de ses conclusions comme de ses méthodes et matériaux, le livre rejoint en effet un ensemble de travaux que l’auteur ne mobilise malheureusement pas alors qu’ils auraient, à n’en pas douter, constitué pour lui de solides points d’appui et de comparaisons. Je pense ici, sur le plan théorique, à la sociologie des crises politiques développée par Michel Dobry5 : Ruling Oneself Out, même s’il limite son analyse à un seul secteur voire à la seule scène parlementaire, regorge d’ailleurs de termes (collusive stance p. 218, fludity p. 236) qui font écho aux conceptualisations proposées par le politiste. Et plus directement encore aux travaux de Brigitte Gaïti sur les alignements et réalignements auxquels donnent lieu d’autres moments de transformation des régimes politiques. En ce qu’il rejette le rôle déterminant des schèmes proprement politiques de lecture de la vie politique, même et surtout chez les professionnels de la politique, le travail d’I. Ermakoff rejoint à l’évidence ses conclusions lorsqu’elle montre que l’effondrement de la IVe République ne saurait être expliqué par l’impopularité supposée du régime, mais bien plus par la défection de secteurs stratégiques de l’État, ou encore que l’avènement du régime gaullien doit faire appel à la structure des ralliements au général (un beau processus d’alignement !) bien plus qu’au charisme de celui-ci6. Bref : Ruling Oneself Out pose une pierre de plus dans le jardin de ceux qui persistent à faire reposer le fonctionnement des sociétés sur les engagements idéaux de leurs membres, citoyens comme dirigeants.
28Au-delà des conclusions qu’il permet d’avancer avec rigueur et précision, le modèle proposé fait également la preuve de sa robustesse à travers les potentialités de généralisation qu’il recèle. Pour le percevoir, il faut revenir sur une des grandes qualités de l’ouvrage : la comparaison France/Allemagne qu’il propose. D’un côté, le fait que les deux cas aboutissent à l’abdication fait sa force : elle permet de montrer que le modèle ne dépend pas a priori de la structure des groupes en présence. Dans le cas de l’atomisation des parlementaires français de l’été 1940 comme dans celui de la grande cohésion et discipline partisane des ensembles parlementaires sous Weimar, le résultat est identique. De l’autre pourtant, le livre paraît de prime abord frustrant parce qu’en raison de la double abdication, la direction des processus d’alignement à l’œuvre reste indéterminée et imprévisible : le fait de savoir, dans les deux cas, si la généralisation de l’incertitude au sein des groupes de référence conduit à l’acquiescement ou à la révolte n’est pas clair. Or il me semble au final que cette indétermination du résultat, outre qu’elle est pleinement respectueuse d’une histoire en train de se faire dont l’issue n’est pas écrite, fait justement la force du modèle proposé. Elle permet aussi de comprendre un peu mieux encore pourquoi la validation économétrique est absente : à partir du moment où la direction des alignements reste imprévisible, la démarche économétrique perd de son intérêt, tout au moins si l’on s’accorde sur l’idée que sa finalité est essentiellement prescriptive ou évaluative.
29Eut-il été entièrement fabriqué de manière inductive à partir des données empiriques que le modèle aurait peut-être donné lieu à une théorie des abdications collectives, comme l’indique (de façon trompeuse) le sous-titre. Conçu en partie in abstracto, il laisse la conclusion ouverte et permet de penser plus large et plus général : il construit une théorie des alignements collectifs dont rien ne laisse supposer que ses outils ne pourraient être appliqués non seulement à d’autres cas d’abdication, mais aussi à des situations de révoltes. En ce sens, le livre invite à penser évidemment l’ensemble des situations où des comités font des choix, mais même plus largement les processus d’alignement à l’œuvre dans les cas où les individus participent à une manifestation, à une élection, à une grève, ou tout autre action collective de ce type, mais sans pour autant que leur engagement soit nécessairement pensé comme le résultat d’une délibération savamment pesée. On l’aura compris : ainsi entendu, nul doute que Ruling Oneself Out fasse réfléchir, et pour longtemps encore, les spécialistes des sciences sociales.
Notes
1 C’était là le sous-titre de son livre Par la volonté du peuple, Paris, Albin Michel, 1997.
2 Dont 27 socialistes. Parmi eux, 22 avaient soutenu le pacifisme intransigeant de la motion « Paul Faure » au congrès extraordinaire de Montrouge en décembre 1938.
3 Pour d’autres discussions du livre, voir les comptes rendus de Jean-Louis Fabiani dans Critique internationale, 2009/4, n° 45 et Liora Israël dans « Liens socio » à l’adresse suivante http://www.liens-socio.org/article.php3?id_article=6502&var_recherche=ermakoff (29/9/2010). On lira également différents commentaires du livre, avec une réponse de l’auteur, dans « Special Section: Politics, Collective Uncertainty, and the Renunciation of Power », Social Science History 34:1, Spring 2010.
4 Sur les questions soulevées par ce type de démonstration en histoire, Antoine Prost, « Les limites de la brutalisation : tuer sur le front occidental, 1914-1918 », Vingtième Siècle, 2004/1, n° 81.
5 Michel Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations mutisectorielles, Paris, Presses de Sciences Po, 1986, rééd. 2009 avec une préface inédite.
6 Voir Brigitte Gaïti, De Gaulle, prophète de la cinquième République, Paris, Presses de Sciences Po, 1998 ; « La décision à l’épreuve du charisme. Le général de Gaulle entre mai 1968 et avril 1969 », Politix, n° 82, 2008/2 ; « Le rôle de l’opinion dans les processus de délégitimation ou la quête de l’impopularité des régimes déchus », in Jacques Lagroye, dir., La politisation, Paris, Belin, 2003 et « L’opinion publique dans l’histoire. Impasses et bifurcations », Le mouvement social, 221, 2007.
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Référence électronique
Nicolas Mariot, « La fabrique collective de l’unanimité. Expliquer les suicides parlementaires de mars 1933 et juillet 1940 », Sociologie [En ligne], Comptes rendus, 2010, mis en ligne le 19 octobre 2010, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/500
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