Texte intégral
1Sociologie a publié son premier numéro en 2010. Nous fêtons donc avec le numéro 1 de 2015 son cinquième anniversaire. Plusieurs revues de sociologie ont été créées en 1960, notamment la Revue française de sociologie, Sociologie du travail et les Archives européennes de sociologie. Elles constituent aujourd’hui des références incontournables pour les sociologues. Trouver sa place, cinquante après, dans ce paysage éditorial n’allait pas de soi et d’aucuns ont vu dans la création de Sociologie une tentative quelque peu présomptueuse. Il est vrai que nous nous lancions dans une aventure incertaine. Le contexte était défavorable. Depuis la mise en ligne des articles, les abonnements à la version papier des revues s’effondrent et les bibliothèques et centres de documentation en proie à des restrictions budgétaires accompagnent ce processus. Par ailleurs, de nouvelles revues électroniques se créent régulièrement, si bien que l’offre se dilue peu à peu dans une kyrielle de publications dont la légitimité scientifique n’est pas toujours assurée. Dès lors, allions‑nous recevoir suffisamment d’articles ? Allions-nous être capables de publier quatre numéros par an en varia ? Allions-nous tout simplement être lus et appréciés par nos lecteurs ?
2À ces trois questions, nous pouvons aujourd’hui, sans hésitation, répondre oui. Nous recevons beaucoup d’articles, aussi bien de sociologues confirmés que de jeunes sociologues à la recherche d’une première publication dans une revue généraliste de leur discipline. Et si nous avons craint quelque fois, au cours des trois premières années, de ne pas avoir suffisamment d’articles prêts à la publication, nous avons réussi notre pari de publier quatre numéros par an. Enfin, la diffusion satisfaisante de la revue et l’augmentation du nombre des articles que nous recevons nous autorise à croire qu’elle s’est imposée comme une référence, aussi bien dans notre discipline que, de façon plus générale, dans les sciences sociales.
3La ligne éditoriale définie à l’origine n’a pas changé. Il s’agit d’une revue de sociologie ouverte sur ses frontières avec les autres disciplines, notamment quand il s’agit de discuter de ses concepts et ses objets. Sociologie ne se revendique d’aucune école théorique ou méthodologique. Elle privilégie une approche pluraliste de la discipline. Son comité de rédaction comprend, avec le directeur, 22 membres, dont 11 hommes et 11 femmes, et assure une répartition géographique équilibrée selon les différentes universités et centres de recherche français. Pour souligner notre ancrage dans les différentes structures de l’Université française, nous avons réalisé deux colloques, en partenariat avec des départements de sociologie et des centres de recherche associés, l’un à Bordeaux en 2012, l’autre à Aix-en-Provence en 2013.
4Ce comité de rédaction s’appuie sur un réseau dense d’évaluateurs externes dont nous publions chaque année la liste. Chaque article reçu est adressé à deux lecteurs internes et deux lecteurs externes, ce qui implique évidemment un travail de fond sur les textes et une discussion approfondie en comité, en particulier lorsque les évaluations divergent. Il n’est pas rare que certains articles soient publiés après avoir été abondamment modifiés par les auteurs à l’issue de la première ou de la seconde évaluation.
5Sociologie s’appuie sur des instruments numériques permettant de rendre accessibles les contenus de la revue grâce aux portails de diffusion des articles scientifiques (Revues.org et Cairn). En supplément, le site internet de Sociologie offre aux auteurs la possibilité d’accompagner leurs articles d’une annexe documentaire électronique. Dès la création de la revue, nous avons incité les auteurs à accompagner leurs articles d’une documentation susceptible d’être mise en ligne à la disposition des lecteurs pour éclairer et étayer les résultats présentés dans la version papier de l’article (fac‑similés de questionnaires, tableaux statistiques complémentaires, bases de données et programmes, grilles d’entretien, transcriptions, extraits de journaux d’enquête, archives écrites, iconographie...). Cette expérience est réussie, comme en témoigne le tableau 1 ci-dessous. Sur les 74 articles publiés dans la rubrique « Enquêtes », 42 comportent des annexes électroniques, soit 57 %. Cette pratique se généralise petit à petit. Dans les derniers numéros publiés, Il est rare que les auteurs qui publient des résultats de leurs enquêtes ne proposent pas de livrer des compléments, ne fût‑ce que pour valider leur démarche méthodologique ou renforcer leur démonstration empirique. Cette articulation entre la version papier et la version électronique nous apparaît comme une voie novatrice, non seulement parce qu’elle est conforme aux pratiques contemporaines de lecture, mais surtout parce qu’elle transforme la définition même d’un article scientifique au sens où il est désormais possible d’y inclure des éléments de l’argumentation qui, faute de place, ne pouvaient être livrés auparavant au lecteur.
Tableau 1 : Répartition des articles selon les rubriques et la publication ou non d’annexes électroniques
RUBRIQUE |
Sans annexes électroniques |
Avec annexes électroniques |
Total général |
% hors comptes rendus (N=109) |
Enquêtes |
32 |
42 |
74 |
68,0 |
Théories et méthodes |
10 |
2 |
12 |
11,0 |
Débats |
11 |
1 |
12 |
11,0 |
Bilan critique |
7 |
1 |
8 |
7,3 |
Notes critiques |
3 |
3 |
2,7 |
|
Comptes rendus |
69 |
69 |
||
Total général |
132 |
46 |
178 |
100 |
6Sociologie a adopté une ligne éditoriale qui prévoit différents types de rubrique. La rubrique « Enquêtes » accueille des articles originaux de recherche reposant sur l’analyse de matériaux empiriques. Il s’agit de la rubrique la plus importante en proportion d’articles publiés (68 %, hors comptes rendus). « Théories et méthodes » a pour objectif de présenter des articles originaux de recherche portant sur des enjeux théoriques et méthodologiques, y compris dans une perspective historique. Elle offre ainsi une certaine réflexivité sur la discipline et correspond à 11 % des articles publiés. « Bilan critique » dresse un état des lieux national ou international sur un objet d’étude (7,3 % des articles publiés). « Débats » confronte et croise des regards différents sur une question sociologique, ou intéressant la communauté sociologique. Les articles publiés (11 %) correspondent souvent à des débats recueillis auprès de chercheur(e)s de la discipline (ou en dehors) et à l’initiative de membres du comité de rédaction. Enfin, la rubrique « Comptes rendus » publie des notes inédites de lecture de publications récentes. Un numéro comprend toujours plusieurs de ces rubriques.
7Notons aussi que nous avons publié des textes classiques de la tradition sociologique, notamment des textes issus du dialogue entre Durkheim et Tönnies (n° 2, vol. 4, 2013), et la traduction inédite en français de deux textes de Max Weber : « Les trois types purs de la domination légitime » et « Problèmes de sociologie de l’État » (n° 3, vol. 5, 2014).
8Sociologie publie essentiellement des numéros en varia. Une seule exception a été faite en cinq ans. Le numéro 1, vol 4, de 2014 a été consacré à la sociologie de l’islamophobie. Ce sujet nous a semblé mériter un numéro spécial. Un débat a été organisé à l’EHESS à l’occasion de la sortie de ce numéro et une vidéo a été enregistrée. Nous procéderons ainsi chaque fois qu’un sujet nouveau ou encore peu traité en sociologie émergera. Mais nous tenons à ne pas pour autant nous écarter de l’objectif de publier essentiellement des numéros en varia.
9Sociologie est, on l’a dit, une revue généraliste. Elle a donc pour vocation de publier des textes renvoyant à tous les domaines de la sociologie. Mais nous sommes, bien entendu, dépendants des articles qui nous sont adressés. À défaut de pouvoir classer tous les articles par domaine, nous pouvons nous fonder sur les mots-clés les plus utilisés par les auteurs pour caractériser leurs articles (tableau 2). Il est frappant de constater que celui qui arrive en tête est le mot « inégalités », utilisé 12 fois, soit deux fois plus que le mot « classes sociales ». L’analyse des inégalités peut recouper celle des classes sociales, mais elle peut englober aussi d’autres dimensions, comme le genre (utilisé 11 fois), l’intégration (7 fois) ou les discriminations (6 fois). Sans doute faut-il y voir le signe que la sociologie des inégalités s’affirme, de plus en plus, comme un domaine de recherche à part entière qui transcende les domaines traditionnels (et entretient des ponts entre eux), comme la sociologie du travail, de l’éducation et de la culture, de la famille ou de la ville. Notons toutefois que les découpages traditionnels de la discipline résistent. Le mot-clé « éducation » est utilisé 11 fois, le mot « immigration » 9 fois, « travail » 8 fois tout comme « professions ». Enfin, le mot-clé « genre » comme on pouvait s’y attendre, est très souvent utilisé puisqu’il arrive en deuxième position avec le mot « éducation ». Cette répartition nous conduit à réfléchir sur l’évolution de notre comité de rédaction qui doit comporter en son sein les compétences requises pour évaluer les articles qui nous sont soumis.
Tableau 2 : les mots clés les plus cités
Mots clés |
Nombre de fois utilisé |
Inégalités |
12 |
Education, Genre |
11 |
Immigration, Socialisation |
9 |
Professions, Travail |
8 |
Classes populaires, Intégration, Politique, Religions |
7 |
Classes sociales, Discriminations, Dispositions |
6 |
Démocratie, Famille, Médecine, Santé, Ville |
5 |
Domination, Etats-Unis, Ethnographie, Exclusion, Expertise, Identité, Lien social, Racisme, Reconnaissance, Sexualité, Stratification sociale, Valeurs |
4 |
10Sociologie est publiée avec le concours de l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS et le soutien scientifique de l’EHESS. À la fin de l’année 2014, le CNRS nous a attribué, pour la première fois, un poste de secrétaire de rédaction à temps plein. C’est une excellente nouvelle. Le poste en question sera pourvu à partir d’avril 2015 par Florence Kerdoncuff. Je remercie chaleureusement, au nom du comité de rédaction, le travail remarquable qui a été fait jusqu’ici, avec l’appui du Centre Maurice Halbwachs, par Anne Luciani, Françoise Chamozzi, Muriel Schilovitz et Solenne Bertrand. La décision du CNRS exprime la reconnaissance de l’excellence scientifique de la revue et du travail réalisé par le comité et le secrétariat de rédaction.
11Le présent numéro ne comprend exceptionnellement pas d’article de la rubrique « Enquêtes » mais, en revanche, quatre articles de la rubrique « Théories et méthodes », dont le texte en français de Luc Boltanski et Laurent Thévenot « Comment s’orienter dans le monde social » dont seule la traduction anglaise avait été publiée jusqu’ici. Il comprend aussi un long débat intitulé « Du mariage civil au “mariage pour tous”. Sécularisation du droit et mobilisations catholiques » entre Philippe Portier et Irène Théry, animé par Céline Béraud et Baptiste Coulmont. Nous manifestons ainsi notre intérêt d’être aussi bien au cœur des réflexions théoriques et méthodologiques qui enrichissent notre discipline qu’en phase avec les grands débats de société pour lesquels l’apport de la sociologie paraît essentiel.
12À l’issue de ces cinq premières années, je tiens à remercier à la fois les membres du comité de rédaction et ses secrétaires successives, Pierre Mercklé et Nicolas Duvoux qui assurent respectivement, depuis le début, la responsabilité de la version électronique et de la rubrique Comptes rendus, les collaborateurs externes, les institutions qui nous ont soutenus, le CNRS, l’EHESS, le Centre Maurice Halbwachs, mais aussi les auteurs et les lecteurs pour la confiance qu’ils nous ont témoignée.
Pour citer cet article
Référence électronique
Serge Paugam, « Les cinq premières années de Sociologie », Sociologie [En ligne], N°1, vol. 6 | 2015, mis en ligne le 15 mai 2015, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sociologie/2500
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