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AccueilNuméros25Matérialiser l’absence, le relief...Le lieu propre du néant

Matérialiser l’absence, le relief de l'absence

Le lieu propre du néant

Rachel Whiteread et la trace qui pleure son origine
Pamela Bianchi

Résumés

Chez Rachel Whiteread le vide possède une forme, et le néant occupe un lieu. L’artiste britannique solidifie des volumes d’air spécifiques (l’intérieur des bouteilles, l’espace environnant un matelas, l’intérieur d’une chambre, d’une maison, etc.) ; ce faisant, elle met en relief l’apparition d’une absence. L’objet originel disparaît et une nouvelle forme apparaît, une sorte de simulacre qui n’est ni trace ni ruine, mais objet liminal, monumental. Telle une forme de déconstruction positiviste, l’objet qui disparaît revient sous forme archétypale, sous forme de nouvel objet à contempler. À travers l’analyse de certaines de ces œuvres, l’article approfondit les concepts de vestiges, de trace et d’anti-monumentalité contemporaine.

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Texte intégral

« Quand la fumée de tabac sent aussi de la bouche qui l’exhale,
les deux odeurs s’épousent par inframince »
(Duchamp, 1999 : 33)

  • 1 « I wanted to give certain spaces an authority they’d never had » (Blazwick, 1992: 11).

1Chez Rachel Whiteread, le vide acquiert une forme et le néant occupe un lieu. Depuis plus d’une vingtaine d’années, l’artiste britannique dé-fonctionnalise l’idée d’architecture domestique à travers un processus sculptural bouleversant qui joue, formellement et matériellement, avec des oxymores visuels. Afin de « donner à certains espaces l’autorité qu’ils n’ont jamais eue1 » (Whiteread, Blazwick, 1992), elle « solidifie le vide » (Bradley, 1996 : 8) et donne une forme à ce qui est invisible et intangible. Techniquement, l’artiste définit et délimite arbitrairement les périmètres aléatoires d’espaces inusuels - l’intérieur de bouteilles, l’espace environnant un matelas, l’intérieur d’une chambre, d’une maison, l’espace entourant des escaliers, des chaises, etc. - pour ensuite réaliser le moulage de ces formes. Ce processus, qui fait d’un espace négatif une sculpture unique, permet à Whiteread de créer des objets conceptuels : sculptures paradoxalement fantomatiques, presque éphémères, qui se font les témoins d’une disparition et deviennent les traces d’une absence.

  • 2 Cf. Morgan, 1992. Dans ce contexte, les notions de copie et de double évoquent la dimension ontolog (...)
  • 3 Chez Derrida, la trace n’est pas à voir comme la simple représentation de la dialectique entre une (...)

2Développée au sein des réflexions de l’art conceptuel, du minimalisme, et surtout du post-minimalisme de Robert Smithson et Michael Heizer, la recherche artistique de Rachel Whiteread se situe également dans la lignée de la contestation de la société de consommation, et dans le sillage d’une « nouvelle dimension de la sculpture » (Kultermann, 1960) où l’objet artistique vit le tournant de la dématérialisation, et l’art souligne sa nature d’objet social. C’est dans cette perspective que Whiteread met en dialogue la traditionnelle pratique sculpturale du moulage avec une interprétation personnelle de l’idée de copie2, entendue comme une œuvre à part entière qui remplace l’original. Chez l’artiste anglaise, l’objet réel disparaît, le plus souvent détruit, en faveur d’un nouvel objet qui joue le rôle de forme sculpturale à contempler et qui, simultanément, évoque les réflexions derridiennes et benjaminiennes autour de la trace3.

3Notamment, dans le processus de moulage réalisé par l’artiste, l’objet réel (pots, gants, meubles ou structures architectoniques, etc.) devient la contre-forme d’un nouvel objet. À mi-chemin entre leur nature de copie et de forme unique, les sculptures de Whiteread semblent jouer le rôle d’objets intermédiaires, d’interfaces entre deux états précis, présence et absence : des lieux (réceptacles) où ce qui était n’est plus là, ayant été remplacé par un objet nouveau, étrangement familier, mais simultanément inconnu. Ces formes se voient ainsi comme la demeure de deux opposés, comme l’« image dialectique » (Huberman, 2008 : 165) où présence et absence s’articulent, en suggérant l’idée à la fois de trace et de reste.

4Chez Whiteread, la trace, en tant que « forme de l’informe » (Huberman, 2008 : 320) dont Yve-Alain Bois, Rosalind Krauss (1996) ou Georges Didi-Huberman parlent, perd son rôle mémoriel d’élément évocateur, pour devenir une forme unique, autoréférentielle. « […] Ni ante, ni post, [elle] constitue une nouvelle forme » (Huberman, 2008 : 166). Cela dit, la nouvelle forme réalisée, tout en évoquant ses origines en raison de sa ressemblance avec l’objet originel (la contre-forme), acquière une identité propre et devient enfin une sorte de ligne frontalière qui sépare et simultanément lie l’intérieur et l’extérieur, le privé et le public, le dedans et le dehors. Deux natures distinctes du moulage demeurent ainsi dans sa pratique : l’une qui est la trace dépendante d’une forme a priori, et l’autre qui, au contraire, est la forme a priori d’une création esthétique. Cela nous conduit à voir la trace autrement ; non plus seulement comme la secondarité benjaminienne (Benjamin, 1935) qui maintient un rapport avec l’objet originel, non plus comme le signe subordonné à la forme ni comme la « chose-substitut d’un référent absenté » (Huberman, 2008 : 166), la trace se présente, au contraire, comme une unité qui vaut en tant que forme primaire, et en tant qu’image.

5En étudiant ce concept de trace à l’égard des notions de vide et de néant, d’invisible et d’absent, le travail de l’artiste anglaise semble mettre en lumière le pouvoir heuristique de l’inframince (Davila, 2010), à travers lequel s’aboutissent les manifestations ontologiques de l’apparition de phénomènes plastiques. En revanche, contrairement au caractère imperceptible de l’inframince qui, en général, participe de l’invisibilité de phénomènes sans épaisseur qui existent sans marquer leur existence au regard, chez Whiteread, ce qui est inframince semblerait gagner en volume, en forme et en consistance.

6Des antipodes sembleraient ainsi partager un espace commun, et habiter une forme sculpturale. L’entrelacement de présence, d’absence, de plénitude, ou encore de vide saturé permet d’insister sur la valence phénoménologique du paradoxe ontologique : la disparition du réel qui trouve une contrepartie dans l’apparition d’une nouvelle forme qui est l’image du vide et de l’absence. À ce sujet, il convient aussi de souligner que le processus créatif de l’artiste s’appuie sur la réalisation d’une enveloppe, sorte de coquille vide, laquelle, tandis qu’elle donne forme à une portion de néant, circonscrit un autre volume d’air. En bref, la délimitation arbitraire de périmètres spatiaux permettrait au néant d’acquérir un véritable lieu propre.

Les périmètres circonscrits du néant

[…] l’introduction de la question du lieu vient juste après et en contrepoint d’un développement sur l’infini. Le lieu, à l’inverse du temps, n’est pas infini ; bien au contraire, il signale précisément la limite, savoir où une chose commence et où elle finit signifie l’avoir assignée à un lieu. Parler du lieu consiste donc à s’interroger sur la limite, à penser le fini par opposition à l’infini. (Thomas-Fogiel, 2008, 172)

  • 4 Voir l’entretien avec l’artiste : Mullins, 2004, 110-112.

7Quand, en 2000, Rachel Whiteread décide de réaliser le moulage des trois escaliers de sa maison, une ancienne synagogue4 située à Bethnal Green, une zone à l’est de Londres, elle ne se limite pas à mouler concrètement la surface des marches, ou des paliers, mais elle attribue aussi au vide entourant la structure une forme et une épaisseur spécifiques. À la suite de ce travail de moulage, l’artiste réalise Untitled (Basement) (2000), Untitled (Stairs) et Untitled (Upstairs) (2001), trois énormes sculptures en plâtres dont la forme évoque stylistiquement celle d’un grand escalier. En revanche, au-delà de la ressemblance avec l’objet originel, l’allure imposante et le placement dans l’espace d’exposition ont fait de ces moulages de véritables formes uniques, abstraites et défonctionnalisées ; étant tournés de 90 degrés en rapport au positionnement d’un escalier conventionnel, ces moulages ont perdu leur rôle de « chose-substitut », en ne faisant de leur rapport avec la forme d’origine que le point de départ du processus créatif. Tels des monolithes, ces sculptures sont ainsi des images autonomes, presque archétypales, qui révoquent le pouvoir heuristique de la trace en tant que forme unique et indépendante.

[…] What intrigued me about the staircase is that I felt it could be turned on its side […] [W]hen I was first thinking about making [it] I didn’t necessarily want to illustrate it as a staircase […] I wanted to try to do something a bit less literal. I made models of the staircase, which helped me realize that I could actually turn things around […] I wanted to try and flip the architecture a little bit. I wanted to change the way one might think about how you walk around or through something […] [W]hen we first put the staircase work up in the studio […] I was struck by the sense of physical disorientation it gave me. (Houser, Whiteread, 2001, 50-51).

  • 5 « La trace est l’apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissée. L (...)

8Le bouleversement perceptif du spectateur face aux sculptures de Whiteread suggère l’ambiguïté de ces objets intermédiaires qui, tout en acquérant une unicité formelle, continuent cependant à rester reliés à la contre-forme. Pour mieux comprendre, prenons comme exemple l’œuvre de Joseph Beuys Unschlitt/Tallow (1977), à laquelle la série des moulages des escaliers de Whiteread est liée. L’œuvre de Beuys, le moulage du creux d’un passage souterrain, a été réalisée avec 20 tonnes de graisse de bœuf et, ensuite, démembrée en sculptures abstraites, totalement méconnaissables et autoréférentielles. Dans ce cas, en revanche, le démembrement de la sculpture a fait perdre au moulage initial toute relation formelle avec la contre-forme et donc avec l’objet originel. Chez Whiteread, au contraire, la ressemblance avec l’objet réel force le spectateur à se refamiliariser avec les images banales du quotidien, à s’emparer de la chose5, en redressant le regard sur ce qui est absent, vide, ou inconnu (Dennison, 2001). En donnant une forme à l’invisible, à ce qui n’est pas vu ou perçu, Whiteread semble conduire l’individu à la rencontre de son quotidien, en lui proposant un nouveau regard et un nouveau point de vue qui entrelace les notions de présence et de représentation, de concret et d’éphémère.

9Par la suite, Untitled (Amber Mattress) (1992), Table and chair (Green) (1994), Untitled (Black Bath) (1996) - le moulage d’un matelas, du dessous de chaises, de tables ou de baignoires - sont à leur tour d’autres exemples emblématiques qui témoignent de la nature ambiguë de ces sculptures, dont la dialectique entre présence et absence questionne le spectateur dans un jeu de renvois et de souvenirs. Dans ces cas, notamment, la sculpture se fait corps et, vice-versa, le corps trouve dans la sculpture sa demeure.

Les meubles ne cessent de rendre présent le corps humain absent. Les premiers matelas que j’ai réalisés étaient vraiment des personnes pour moi. Ils avaient la même sorte de présence physique et un poids similaire. On pouvait les percevoir comme des personnes abandonnées, […] l’absence du corps demeure avec les baignoires, les tables d’autopsie et les chaises. (Whiteread, 1996, 384).

10Telles des apparitions éphémères, presque les simulacres de portions de vide, ces formes sculpturales mettent en relief le manque corporel et l’absence de l’individu. En traduisant visuellement le paradoxe de la dialectique entre présence et absence, les formes réalisées par Whiteread fonctionnent presque comme des reliques, des traces cultuelles qui font office de lieux où l’absence demeure. Dans ce contexte, l’évocation de la notion de lieu, un défini et précis, permet de mentionner d’autres concepts, tels que ceux de localisation, de corps et de périmètres, qui s’apparient avec la notion de lieu/topos aristotélicien « désignant une localisation » (Pradeau, 1995, 396). D’un point de vue artistique et surtout pictural, l’on pourrait notamment citer la définition de « délimitation de confins » qu’on retrouve dans le traité de Leon Battista Alberti, La Peinture :

Tout d’abord, quand nous apercevons quelque chose, nous voyons que ce quelque chose occupe une certaine place. Aussi vraiment, le peintre circonscrit-il l’espace de cette place, et le fait de tracer les contours s’exprime-t-il par le mot de circonscription. […] Et quand nous aurons relaté et mis en œuvre les superficies des plus beaux corps, nous devrons nous occuper tout d’abord de leurs limites, afin de tracer des lignes à la place déterminée. (Alberti, 1868, 138, 148).

  • 6 Dans le deuxième livre de La Peinture, Leon Battista Alberti définit trois étapes fondamentales de (...)
  • 7 Voir à ce sujet le Théâtre de la mémoire de Giulio Camillo (Camillo, 1544, 2001 ; Yates, 1966, 1975 (...)

11Chez Alberti, tracer un point ou une ligne signifie définir le lieu même du point ou de la ligne, ce qui rend les contours des formes de véritables indicateurs et révélateurs spatiaux. De cette façon, l’acte de circonscrire6 et de définir des périmètres serait à voir comme une déclaration de présence, comme la localisation d’une surface dans un point précis dans l’espace. Mieux encore, à l’intérieur d’un espace fictif et pictural, les contours d’une forme agiraient comme les périmètres d’un lieu, en définissant alors des portions d’espaces possibles, des « lieux propres », autonomes, et arbitrairement déplaçables. En ce sens, les périmètres établis par Whiteread pour chaque moulage semblent trouver dans les contours d’Alberti un lien théorique. En matérialisant la forme aléatoire d’un volume vide, l’artiste anglaise non seulement dessine les périmètres d’une forme, mais en définit aussi son lieu propre. C’est ainsi que ses sculptures peuvent paraître des lieux métaphoriques où la mémoire7 d’une présence passée demeure.

Des espaces, des lieux, des demeures

Dans le style du Second Empire, l’appartement devient une sorte d’habitacle. Les vestiges de son habitant se moulent dans l’intérieur. […] La liquidation de l’intérieur eut lieu dans les derniers lustres du siècle par le « modern style », mais elle était préparée de longue date. (Benjamin, 1935, 1989, 20)

12Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, Whiteread impose un changement dans sa pratique artistique, un déplacement d’échelle qui influence le choix de ses moulages et des contre-formes. Non plus seulement tirées d’objets domestiques, ses sculptures naissent à partir d’unités structurelles plus complexes où la conscience d’une absence se fait encore plus tangible. Tout en continuant à mouler l’espace négatif entourant les objets, elle commence aussi à privilégier l’espace intérieur contenu par les objets mêmes (voir, à ce sujet, l’une de ses premières œuvres de ce genre, Torso, de 1988).

13Cela dit, en 1989, elle décide de « […] momifier l’impression de silence que l’on éprouve parfois dans une pièce […], ce silence, si concret qu’il en est suffocant. » (Whiteread, Blazwick, 1992, 8). Ainsi, pendant trois mois, elle s’engage personnellement dans le moulage du salon d’une maison victorienne au 486 Archway Road, dans le nord de Londres. En la voyant comme le symbole architectural de son adolescence, Whiteread réalise ainsi Ghost, une sculpture à l’échelle architectonique représentant le volume vide contenu par la salle. La forme qui en résulte, sorte de mausolée, est à voir comme une image sculpturale qui porte sur sa surface les signes d’une vie passée (restes de papier peint, de carrelage, etc.). En revanche, cette structure ne cache pas son origine et sa nature. Composée par plus de 80 éléments, elle est, en elle-même, un récipient. L’artiste ne réalise pas le moulage du plafond, et les fissures entre les divers éléments qui composent la sculpture permettent d’entrevoir l’intérieur. De cette manière, le spectateur, qui semble presque être invité à regarder entre ces fentes, est conduit à une condition de voyeur. Comme dans le cas de la série Cells de Louise Bourgeois, des années 1990, où l’artiste française ramène le spectateur à espionner l’intérieur de lieux inaccessibles, surréels et intimes, Rachel Whiteread enregistre et bloque sa vie passée sur la surface de Ghost, en la rendant publique, en faisant ainsi de cette sculpture un lieu où pouvoir lire et graver la mémoire. L’image qui en résulte, spectrale et en même temps mémorielle, est alors l’image d’un après, d’un temps qui succède à une disparition.

14En revanche, Ghost est aussi, simultanément, une façade. Elle est, mieux encore, une image qui littéralise son origine et qui ne nie pas sa nature de dispositif.

Nothing is as it seems: not only is everything in reverse, but the seeming solidity of the negative room is also challenged. Ghost questions what a room actually is – is it the four walls, the ceiling, the door, or is it the life that is lived out within it? Is the room purely a container for social space, a place to act out lives, or does it – did it – have a physical presence? (Mullins, 2004, 24).

  • 8 À ce sujet, voir le lien avec l’architecture déconstructiviste. Pour un approfondissement, voir Bia (...)

15Bien que la réalisation de Ghost n’ait pas obligé la destruction de la pièce, l’œuvre renvoie, grâce à son apparence spectrale, à une réalité disparue. Le matériau homogène, dans ce cas le plâtre, suggère notamment l’action de solidification laquelle, à son tour, renvoie, parmi les exemples qu’on pourrait souligner, au Grande Cretto d’Alberto Burri à Gibellina ou aux vestiges de Pompéi. Ghost est ainsi une image/ruine qui, tout en acquérant une unicité propre, insinue et suggère la possibilité d’une disparition, et d’une destruction8.

16Pour d’autres œuvres, la structure originelle a été, au contraire, réellement détruite ; c’est le cas de House (1991), le moulage d’une maison entière, qui a lui valu le Turner Prize en 1997, ou d’Untitled (Rooms) (1993), le moulage d’une chambre inexistante que l’artiste a d’abord construite et ensuite moulée. Notamment, si pour House, il s’est agi de démolir une maison victorienne, dans une rue de Londres, afin de révéler son espace négatif moulé, pour Untitled (Room), l’artiste a détruit une structure qu’elle avait préalablement créée pour en réaliser le moulage. En d’autres mots, Untitled (Room), étant le moulage d’une salle qui n’existe pas, peut paraître comme un non-lieu, un lieu anonyme, quelconque, qui pourrait être partout et nulle part. Dans ce cas, l’artiste a créé une unité architectonique pour être moulée, se préoccupant de l’aspect esthétique. En créant une contre-forme, Whiteread est allée au-delà du simple acte de transfert formel, mais elle a créé un jeu de simulations visuelles qui ont bouleversé le statut ontologique de la pratique du moulage. Cela est encore plus clair quand on remarque la présence de signes fictifs sur les surfaces de Untitled (Room). En effet, généralement, les structures de Whiteread, en montrant le visage caché d’un intérieur domestique devenu désormais extérieur, révèlent les signes fossilisés, presque gravés, qui demeurent sur leurs surfaces et témoignent d’une vie passée : griffures, traces de papier peint, poignées des portes, fenêtres, trous, etc. Pour Untitled (Room), l’artiste a volontairement créé ces signes fictifs sur des parois également fictives, en transformant ainsi ces traces en dispositifs artificiels de reconnaissance, et en soulignant, une fois de plus, la valeur archétypale de la sculpture, entendue comme image mémorielle et demeure d’une mémoire possible.

17Bien que l’action de détruire soit parfois seulement suggérée ou effectivement réalisée, Whiteread se sert cependant d’une idée de destruction au sens positif ; mieux encore, l’on pourrait parler d’une forme d’esthétisation de la destruction et surtout de son pouvoir heuristique qui s’achève avec la création d’une nouvelle sculpture. Il s’agit, de nouveau, de la mise en scène d’une dialectique entre des antipodes : un objet réel détruit et un nouvel objet créé, destruction et création. Cela fait écho au mot, en grec ancien, ereipia qui rassemble les concepts de ruine et de vestiges, l’un qui renvoie à quelque chose qui disparaît sous l’action d’une force extérieure, l’autre qui évoque la notion de trace laissée par un passage (Schnapp, 2016). Cela dit, la démarche de Whiteread semble réinterpréter l’esthétique classique (Riegl, 1903, 2013 ; Simmel, 1912) de la ruine au travers d’un regard contemporain, en faisant de cette même notion un dispositif mémoriel pour une contemplation collective. À ce sujet, Untitled (Room 101) (2003), le moulage de la salle 101 de la BBC Broadcasting House, où George Orwell a travaillé pendant la Seconde Guerre mondiale, est un autre exemple emblématique. Prétendument source d’inspiration de l’écrivain pour la chambre des tortures imaginée dans son roman Nineteen Eighty-Four, la salle 101 semble jouer pour Whiteread le rôle de boîte de Pandore. « The thing that is in Room 101 is the worst thing in the world » (Orwell, 1949, 296). Techniquement, le moulage a été intégral : l’artiste a moulé les six côtés de la structure, du sol au plafond, en réalisant une structure en plâtre qui a été ensuite exposée dans la Cast Courts du Victoria and Albert Museum ; la salle réelle a été, de son côté, démolie à la suite d’un programme de reconversion structurale.

18En résumé, dans Ghost, Untitled (Room), House, ou Untitled (Room 101), des lieux où le visage invisible du néant trouve sa place, des rapports dialectiques hétérogènes apparaissent. À côté de l’idée métaphorique de ruine contemporaine, l’on trouve l’unicité de l’œuvre qui fournit de la « matière à l’abstraction » (Klee, 1915, 329) ; de même, à côté de formes heuristiques nouvelles l’on retrouve des structures fermées, autoréférentielles, sans plus aucune fonction sinon celle mnémonique qui pleure la perte de leurs origines (Didi-Huberman, 2008, 15), où le spectateur vit sa propre condition de voyeur et d’hôte mis à la porte. En ce sens, ces unités architectoniques solidifiées, vestiges d’un espace disparu, peuvent être aussi considérées comme la contrepartie de la « liquidation de l’intérieur » (Benjamin, 1935, 1989, 21) de Benjamin, à savoir comme le lieu intermédiaire où la trace mémorielle et la forme unique se rencontrent.

La monumentalité d’un anti-monument

Tout ce qui forme l’entourage de notre vie, le décor de notre conscience en quelque sorte, perd la capacité d’impressionner cette conscience. Un bruit désagréable, s’il se prolonge quelques heures, nous finissons pas ne plus l’entendre. Les tableaux qu’on accroche aux murs se voient absorbés par ceux-ci en l’espace de quelques jours. (Musil, 1965, 79).

  • 9 L’artiste a réalisé de faux livres en bois comme contre-forme, ensuite elle a réalisé les formes en (...)

19En 1996, Whiteread gagne le concours public pour la réalisation du Mémorial de l’Holocauste sur la Judenplatz de Vienne. Elle réalise ainsi l’image métaphorique d’une bibliothèque sans fenêtres et « fermée » au public, composée par des murs de livres. Contrairement au processus de moulage utilisé pour Ghost ou House, à cette occasion, l’artiste ne matérialise pas l’espace négatif entourant les livres, mais elle crée un espace positif : une structure surréelle, recouverte de livres exposés à l’envers, sans nom ni titre9, qui interroge l’individu, le repositionnant, une fois de plus, à l’extérieur et notamment dans l’espace public de la place.

20Dans le contexte de la Judenplatz, Whiteread installe ainsi, non seulement une sculpture à l’échelle architectonique, mais aussi l’intimité, perdue et supposée, d’une salle de lecture : tel un sarcophage, cette sculpture joue le rôle de tombe universelle, de monument pour une mémoire collective. Cela dit, au-delà de l’allure imposante de l’architecture, le moulage de livres anonymes fait de cette structure un monument silencieux, qui évoque la réflexion sur l’anti-monument qu’Andrea Pinotti développe dans son essai dédié à l’invisible silence du monument dans la culture contemporaine. Selon le philosophe : « [s]i le monument, comme a remarqué Musil, souffre d’invisibilité par excès de visibilité, alors un moyen de le sauver pourrait consister à le rendre invisible, de sorte que tout le monde finalement pourrait le voir et s’apercevoir de sa présence. » (Pinotti, 2013, 17). Dans ce contexte, Pinotti se réfère surtout au wrapping de Christo et Jeanne-Claude qui, en soustrayant à la vue l’objet, la sculpture, l’édifice, etc., mettent en discussion le sens ontologique de l’absence. En revanche, d’un point de vue élargi, et en renversant les termes de la réflexion, la monumentalité des vides de Rachel Whiteread serait peut-être à rechercher dans la matérialité qu’elle donne à l’invisible.

[…] plusieurs auteurs, comme s’ils avaient pris conscience avec Musil de l’invisibilité et de l’inefficacité constitutive de la monumentalité, partagent l’idée que c’est seulement quand le monument est rendu invisible, que nous commençons paradoxalement à le voir. La dernière chance pour faire parler le monument […] serait donc de le faire taire. (Pinotti, 2013, 15). 

21C’est ainsi que le silence momifié des salles de Whiteread fait de ses structures des dispositifs de commémoration, des icônes à contempler, silencieuses et, en même temps, imposantes. Dans le cas du Mémorial, l’anonymat des livres qui recouvrent les murs dépersonnalise le simple objet/livre qui devient ainsi un nombre, la partie d’un tout. Comme la bibliothèque de Babel de Jorge Luis Borges - infinie et sans nom, ordonnée et organisée géométriquement - cette structure se fait icône d’une mémoire personnelle et en même temps collective (Mullins, 2004). D’un point de vue conceptuel et aussi phénoménologique, cette œuvre renvoie aux « bibliothèques » de Claudio Parmiggiani et à sa série de Delocazioni, où la trace, éphémère et aléatoire, d’objets hypothétiques s’étale sur les parois de salles vides. Dans la technique de l’artiste italien, la disparition de l’objet réel positionne sa recherche dans le champ de l’iconoclastie. Dans la bibliothèque néoclassique de Montpellier, par exemple, l’artiste débarrasse l’espace de tout objet, en le remplissant en revanche de signes mémoriels. L’empreinte fuligineuse d’une présence passée est ici révélée par une fumée lourde déposée sur les murs. Tels la bibliothèque d’Alexandrie ou les plus récents épisodes tragiques du XXe siècle, comme la destruction de livres par le nazisme, l’artiste propose ici un monument silencieux et, en même temps, assourdissant, où le manque des livres est remplacé par leur empreinte, l’ombre de leur passage. Parmiggiani dessine la trace d’objets disparus ou n’ayant jamais existé. En outre, comme le souligne Georges Didi-Huberman, l’œuvre de l’artiste italien « produit son lieu » (Didi-Huberman, 2001, 39), ce qui fait écho à la réflexion précédente autour d’Alberti et le lien entre la définition des contours et la localisation de l’objet. Dès lors, comme chez Whiteread, la trace devient un dispositif à mi-chemin entre le signe secondaire et une image nouvelle, et l’espace, alors, se fait monument d’une perte collective. En ce sens, les mots de l’artiste italien paraissent pouvoir traduire littérairement la démarche artistique de Whiteread :

L’objet n’est plus là, et pourtant on en perçoit la profondeur, non pas seulement son simple contour, mais comme une qualité physique, une tridimensionnalité du rien, non pas l’ombre d’une forme physique, mais la forme physique de l’ombre. (Parmiggiani, Didi-Huberman, 2001, 88).

  • 10 Dans la recherche de Whiteread, l’on retrouve le rapport à la notion de tombe et à sa morphologie h (...)

22Dans une autre œuvre de Whiteread, Untitled (One Hundred Spaces) (1995), les notions de monument silencieux et de mémoire collective reviennent avec force. Techniquement, l’artiste solidifie l’espace en dessous d’une centaine de chaises avec de la résine colorée, ce qui donne à ces sculptures une matérialité fluide, transparente et évanescente (ce qui renvoie aux matériaux translucides d’Eva Hesse). En jouant avec la répétition des blocs et leur mise en espace ordonnée en forme de grille, Whiteread fait de chaque sculpture la représentation d’une possible personnalité, d’un individu, d’une singularité. L’installation géométrique de ces volumes cubiques, sorte de tombes10, semble vouloir souligner le manque, la perte et l’absence de quelqu’un. Cela s’explique si l’on s’attache au concept d’objet-ruine qui devient la présence tangible d’une absence. Pour reprendre les réflexions de Pinotti, le vide (l’absence de, le manque de) est, en soi, un monument. Les niches vides de la vallée de Bâmiyân en Afghanistan témoignent de la destruction en 2001 des deux gigantesques Bouddhas en pierre par les talibans ; le vide laissé par ce geste barbare serait alors, poursuit Pinotti, « la meilleure mémoire ». De même, si l’on se réfère à certaines photographies de familles italiennes de la fin du XIXe siècle, la chaise vide parmi les membres de la famille indiquait le manque d’une personne, mais, en même temps, en revendiquait la mémoire. Ce vide mis en lumière se fait alors dispositif de présence, en devenant une véritable déclaration d’existence. Les cent cubes de résine de Whiteread, comme le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe (2005) de l’architecte américain Peter Eisenman, à Berlin, deviennent alors la représentation de vies passées anonymes, des tombes qui sont aussi les lieux de la rencontre entre le passé et le présent, entre une présence passée et une absence présente.

Le mot imago désignait l’effigie des absentes, qui sont les morts, et plus précisément les ancêtres […]. L’imago raccroche au tissu. […] Elle tisse, elle image l’absence. Elle ne la représente pas, elle ne l’évoque pas, elle ne la symbolise pas, bien qu’il y ait aussi de tout cela. Mais essentiellement, elle présente l’absence. Les absents ne sont pas là, ne sont pas « en images ». Mais ils sont imagés : leur absence est tissée dans notre présence. La place vide de l’absent comme place non vide, voilà l’image. Place non vide ne veut pas dire place remplie : cela veut dire place de l’image, c’est-à-dire, en fin de compte, l’image en tant que place, et place singulière de ce qui n’a pas de place ici : place d’un déplacement, métaphore, nous y revoilà. (Nancy, 2003, 128).

Conclusion

Pour qu’une empreinte de pas se produise en tant que processus, il faut que le pied s’enfonce dans le sable, que le marcheur soit là, au lieu même de la marque à laisser. Mais pour que l’empreinte apparaisse en tant que résultat, il faut aussi que le pied se soulève, se sépare du sable et s’éloigne vers d’autres empreintes à produire ailleurs ; dès lors, bien sûr, le marcheur n’est plus là. (Didi-Huberman, 2008, 309)

23Les œuvres de l’artiste britannique, dans leur silence assourdissant, semblent pleurer la perte de l’objet réel, de leur original, et de leur origine. Images sans temps ni espace, elles deviennent des présences autoréférentielles qui, cependant, transmettent une mémoire collective. Ces monolithes représentent la notion même de temps passé, ils sont les lieux où la mémoire demeure. Au travers d’un renversement conceptuel, qui renvoie tant aux structures de l’architecture déconstructiviste qu’aux formes minimalistes, Whiteread ne se limite pas à solidifier des portions d’espaces, mais, en donnant une forme et un lieu au néant, nous offre la possibilité de regarder l’invisible, de faire l’expérience d’une absence, et de sa présence.

24Chez Whiteread l’objet réel n’est plus là, pourtant, ses vestiges ne disparaissent pas. Ce qui reste est une forme nouvelle qui n’est ni trace ni ruine, mais objet liminal, image cultuelle et dispositif qui met en scène une existence. D’un point de vue phénoménologique, il s’agit de l’ombre physique d’une absence, d’une forme plastique, d’un lieu sculptural. En effet, les exemples jusqu’ici évoqués ne sont que de véritables formes et structures architecturales faites d’espace, qui font espace, et qui occupent un espace. Dans le processus de mise en exposition, ces œuvres, ces vides solidifiés, s’approprient une portion d’espace, public ou privé, en devenant ainsi le lieu d’une commémoration collective. La perte de familiarité avec l’objet (ou la forme) quotidien, qui se produit avec le processus de moulage, le choix des matériaux et la mise en espace des sculptures, interroge le spectateur en lui offrant un nouveau point de vue sur le réel. Cela fait de la rencontre entre l’individu et la sculpture un moment suspendu d’expérience mémorielle.

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Notes

1 « I wanted to give certain spaces an authority they’d never had » (Blazwick, 1992: 11).

2 Cf. Morgan, 1992. Dans ce contexte, les notions de copie et de double évoquent la dimension ontologique de l’art ainsi que le rôle des variations contextuelles dans les pratiques artistiques contemporaines (Cf. Danto, 1981 ; Deleuze, 1968).

3 Chez Derrida, la trace n’est pas à voir comme la simple représentation de la dialectique entre une présence et une absence, elle demeure cependant dans un état d’unicité qui l’éloigne de la secondarité de la trace benjaminienne (Cf. Derrida, 1972).

4 Voir l’entretien avec l’artiste : Mullins, 2004, 110-112.

5 « La trace est l’apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissée. L’aura est l’apparition d’un lointain, quelque proche que puisse être ce qui l’évoque. Avec la trace, nous nous emparons de la chose ; avec l’aura, c’est elle qui se rend maîtresse de nous » (Benjamin, 1935, 464).

6 Dans le deuxième livre de La Peinture, Leon Battista Alberti définit trois étapes fondamentales de l’art de la peinture : la circonscription, à savoir l’acte de tracer les contours des surfaces, des formes et des figures ; la composition, qui donne l’illusion d’une scène sur une surface plane, et la réception des lumières qui est la science de l’éclairage. Pour un approfondissement, voir Bianchi, 2016 : 45-52.

7 Voir à ce sujet le Théâtre de la mémoire de Giulio Camillo (Camillo, 1544, 2001 ; Yates, 1966, 1975).

8 À ce sujet, voir le lien avec l’architecture déconstructiviste. Pour un approfondissement, voir Bianchi, 2014 ; Vidler, 2001.

9 L’artiste a réalisé de faux livres en bois comme contre-forme, ensuite elle a réalisé les formes en moulant le côté des pages. De même, comme cela a été le cas pour Untitled (Room), Whiteread a construit aussi la structure architectonique pour réaliser le moulage de la bibliothèque.

10 Dans la recherche de Whiteread, l’on retrouve le rapport à la notion de tombe et à sa morphologie historique. Le concept même de pétrification est lié, par exemple, aux ruines de Pompéi ; de même, Mausoleum Under Construction, une image que Whiteread a tirée d’une photographie de Camilo José Vergara, renvoie aux tombes hypogées étrusques.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pamela Bianchi, « Le lieu propre du néant »Sillages critiques [En ligne], 25 | 2018, mis en ligne le 01 novembre 2018, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/7638 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sillagescritiques.7638

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Auteur

Pamela Bianchi

Université Paris 8 Vincennes Saint Denis (AIAC EA 4010)
Pamela Bianchi est historienne de l’art et docteur (Ph.D., 2015) en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts de l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Depuis 2013, elle est chercheuse rattachée au laboratoire AI-AC de l’Université Paris 8, où elle a enseigné, pendant plusieurs années, l’histoire de l’espace d’exposition. Elle est cofondatrice du programme de recherche « DEA - Design d’Espace ». Ses recherches incluent l’histoire de l’espace et de l’architecture d’exposition, les théories expographiques, l’esthétique et la phénoménologie des arts, les études muséographiques et les nouvelles approches curatoriales. Elle a publié dans Culture et MuséesNouvelle revue d’esthétiqueRevue d’Histoire de l’art. Elle est l’auteure de Espaces de l’œuvre, espaces de l’exposition. De nouvelles formes d’expérience dans l’art contemporain, Paris : Connaissances et Savoirs, 2016.
Pamela Bianchi holds a Ph.D. in Aesthetics, Sciences and Technologies of Arts from the Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Since 2013 she has been affiliated with the AI-AC research team at Université Paris 8 where she taught courses, as ATER (junior lecturer), on the history of art exhibition spaces. She is the cofounder of the research program « DEA - Design d’espace ». Her research interests include the history of the space and art exhibition spaces and their architecture, exhibition theories, aesthetics and phenomenology or arts, museographic studies and new curatorial approaches. She has published in several journals such as Culture et MuséesNouvelle revue d’esthétiqueRevue d’Histoire de l’art. She is also the author of Espaces de l’œuvre, espaces de l’exposition. De nouvelles formes d’expérience dans l’art contemporain, Paris : Connaissances et Savoirs, 2016.

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