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Figure 1a : Schéma du parcours de Dispositions et vue de l’espace de la performance, Dijon (28 novembre 2014)

Figure 1a : Schéma du parcours de Dispositions et vue de l’espace de la performance, Dijon (28 novembre 2014)

©Rémy Héritier

Figure 1b : Vue de l’espace de la performance, Dijon (28 novembre 2014) ©Rémy Héritier

Figure 1b : Vue de l’espace de la performance, Dijon (28 novembre 2014) ©Rémy Héritier

©Rémy Héritier

1(Une fois le public installé je commence une danse silencieuse d’une dizaine de minutes, partiellement improvisée, dans laquelle j’associe différents registres de danse et d’interprétation dans un flux continu, sans hiérarchie entre les éléments. Cette danse permet également de dévoiler l’espace.

À l’issue de cette danse je choisis un endroit précis, je lève la main comme pour demander la parole)

2(en désignant un point invisible au sol)
Ici je suis à Dijon
(déplacement dans l’espace)

3Ici je suis à Dijon le 28 novembre 2014
(déplacement dans l’espace)
Ici je suis à Dijon, Londres est à 736 km
(déplacement dans l’espace)
Ici je suis à Dijon, Berlin est à 1100 km
(déplacement dans l’espace)
Ici je suis à Dijon, Moscou est à 2873 km

4Ce que nous avons fait jusqu’à présent, c’est l’action de « reconnaître ensemble ». Reconnaître des dates, des géographies, des mémoires individuelles ou collectives afin de permettre de nouvelles associations et de nouvelles distinctions, poser les conditions de la présence, se rendre disponible à être témoin d’un possible événement à venir.

Etre présent est localisé dans le volume qui sépare le projet de l’objet, ce que je veux de ce que j’obtiens, ce que j’ai vraiment.

5Cette pratique est un lieu d’archivage. Cette pratique fait usage de document. La géographie est un document ; c’est aussi bien une situation topologique qu’un bâtiment. Ce bâtiment contient tous les bâtiments, de la même manière que ce mouvement contient tous les mouvements.

Les conditions atmosphériques, les images, les textes sont des documents.

Ce que nous avons fait jusqu’à présent est une pratique qui crée un site, autant de sites que de personnes présentes là maintenant :

La géographie est un site
La littérature est un site
Une danse est un site
Un texte est un site Un bâtiment est un site… etc…

Autant de sites dans lesquels nous pouvons nous tenir et prendre position littéralement ou poétiquement.

Un site est un document
La géographie est un site
La littérature est un site et un document
Une danse est un site et un document
Un bâtiment est un site et un document
Un texte est un site et un document

6La géographie est un document. Cela peut être un lieu. Ce bâtiment contient tous les bâtiments. De la même manière que ce mouvement contient tous les autres mouvements.

La vie quotidienne, les conditions atmosphériques, une image, un programme radiophonique, un texte sont les documents présents dans Dispositions aujourd’hui.

(Je me déplace vers le fond de l’espace, contre un mur)

7Woolf – les mots me manquent -

  • 1 Virginia Woolf. Words Fail Me. Enregistrement radiophonique. BBC (29 avril 1937).

(Allongé au sol dans une position inconfortable, je lis le texte Words Fail Me de Virginia Woolf1. Chaque mot est associé à un geste qui décale le sens original du texte.

Je lis une seconde fois en conservant les mêmes gestes et en remplaçant MOT par MOUVEMENT.

A l’issue de cette seconde lecture, je me lève, décroche l’image qui était scotchée sur le mur du fond (invisible pour les spectateurs jusqu’à présent).

Je m’approche du public et j’entame une description de l’image).

8Notes pour une description de la photo :

La voiture garée devant l’entrée principale

Le nombre de réverbères

C’est le ciel gris qui occupe le plus de place sur la photo.

Le bâtiment principal comporte 30 étages ; au sommet il y a une flèche sur laquelle est posée une étoile qui touche presque le bord de l’image haut dans le ciel.

L’horloge indique que la photo a été prise à 8 heures. Il n’y a personne dans ce bâtiment. Il s’agit soit d’un jour spécial (week-end, jour férié), soit ce bâtiment est toujours vide à 8 heures du matin ou du soir. À moins que l’horloge ne fonctionne pas.

La question maintenant est de savoir ce que cette image a vraiment à faire là. Qu’est-ce qu’elle nous permettrait de reconnaître ici que nous n’ayons toujours pas reconnu ?

On peut faire abstraction des deux ailes et ne garder que la partie centrale, remplacer l’étoile par un ange, et alors on regarde la Municipal Building à New York en 1930.

On peut faire abstraction de tout le bâtiment et ne garder que l’entrée principale, on est porte de Brandebourg à Berlin.

On peut aussi décider d’imaginer que nous sommes 40 000 au rez-de-chaussée de l’université de Moscou et que l’on regarde l’esplanade par la baie vitrée.

En tant que danseur, là, devant vous, je voudrais être capable de constamment passer de « ce que j’ai fait » à « ce que j’ai vu » à « ce qui s’est fait mais que je n’ai pas vu » mais dont j’ai pour autant une connaissance incarnée. Je voudrais alors créer une 4ème option, celle qui actualise ma position maintenant.

9(S’ensuit la tentative d’une danse hors de tout référent)

Il y a deux ans, à Paris, j’ai entendu à la radio une femme qui s’adressait à une foule surexcitée et enthousiaste : « I stand before you tonight ! the Iron Lady of the western world ! ».

10(Répéter la phrase en associant un geste à chaque mot et en prenant l’espace, les yeux fermés. La séquence se termine quand, saisi par la peur de me cogner aux murs, je m’immobilise.)

Merci.

Figure 2 : Université Lomonossov, Moscou

Figure 2 : Université Lomonossov, Moscou

©Alexander Konovalenko

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Notes

1 Virginia Woolf. Words Fail Me. Enregistrement radiophonique. BBC (29 avril 1937).

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Table des illustrations

Titre Figure 1a : Schéma du parcours de Dispositions et vue de l’espace de la performance, Dijon (28 novembre 2014)
Crédits ©Rémy Héritier
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/6021/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 128k
Titre Figure 1b : Vue de l’espace de la performance, Dijon (28 novembre 2014) ©Rémy Héritier
Crédits ©Rémy Héritier
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/6021/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 80k
Titre Figure 2 : Université Lomonossov, Moscou
Crédits ©Alexander Konovalenko
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/6021/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 3,0M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Rémy Héritier, « Dispositions »Sillages critiques [En ligne], 23 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 16 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/6021 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sillagescritiques.6021

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Auteur

Rémy Héritier

Rémy Héritier est né en France en 1977. Il vit à Paris. Depuis 2005 il a créé une dizaine de pièces chorégraphiques, dans et hors du théâtre. Son travail a été présenté en Europe, aux États-Unis et au Japon. En 2013 il est lauréat du programme « Hors les Murs » de l’Institut français. Il reçoit en 2014 une bourse du FNAGP (Fond National des Arts Graphiques et Plastiques) et une autre de IASPIS (The Swedish Arts Grants Committee) pour la création de Here, then avec Marcelline Delbecq. À travers ses différentes pièces, Rémy Héritier engage dans des écritures chorégraphiques la résurgence des strates temporelles et spatiales d’un lieu, creusant ainsi l’épaisseur du passé pour parvenir au présent. Cette fouille archéologique dans un contexte donné, dans son histoire personnelle de la danse, dans celle de ses collaborateurs, lui permet de déplacer des notions liées à d’autres disciplines telles que l’intertextualité, le reenactement ou le Tiers paysage, et convoquer ainsi de nouvelles poétiques du geste. En 2016-18 il est artiste chercheur associé à l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole.
Rémy Héritier was born in France in 1977. He lives in Paris. Since 2005 he has created a dozen of pieces. His work was shown in Europe, the USA and Japan. He was Laureate of the programme “Hors les Murs” from the Institut Français in 2013 and was awarded a IASPIS Grant (The Swedish Arts Grants Committee) together with Marcelline Delbecq for the creation of Here, then. In these different pieces, Rémy Héritier involves in his choreographic writing the reoccurrence of temporal, spatial strata of places, developing the depth of the past to reach the present. This archaeological excavation in a given context, his personal history of dance as well as that of his collaborators, enables him to shift towards notions linked to other disciplines such as intertextuality, re-enactment or the Third landscape, and thereby to elaborate a new poetics of gesture. In 2016-18 he was associate researcher artist at École Supérieure d’Art de Clermont Métropole.

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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