Entretien avec Claude Yersin, Alain Libolt et Christian Cloarec
Résumé
Mesure pour Mesure a été assez souvent montée en France au cours de ces vingt dernières années. Quatre mises en scène seront ainsi évoquées au cours de ces deux journées, soit dans l’ordre chronologique : la mise en scène en langue anglaise de Stéphane Braunschweig créée au cinquantième Festival Officiel d’Édimbourg en 1997 reprise en tournée notamment en France au Théâtre des Amandiers de Nanterre, la mise en scène en langue française de Claude Yersin créée à Angers en 1998 au Nouveau Théâtre d’Angers (Centre Dramatique National) reprise à Paris au Théâtre de l’Est Parisien, celle en langue française toujours de Jacques Nichet au Théâtre National de Toulouse en 2002, et celle, en français également, de Jean-Yves Ruf à la Maison de la Culture de Bobigny en 2008.
Texte intégral
1L’entretien que l’on va lire réunissait le traducteur, animateur de la rencontre, le metteur en scène Claude Yersin et deux de ses comédiens, Alain Libolt (le Duc) et Christian Cloarec (Angelo). Les propos en ont été retranscrits par Sophie Chiari et Jean-Michel Déprats.
Jean-Michel Déprats : Mesure pour Mesure dont un des thèmes centraux est l’intégrisme et le fanatisme religieux est une pièce qui résonne fortement dans l’actualité récente et moins récente de ce début de 21e siècle (je pense notamment au salafisme djihadiste). Comme Jacques Nichet qui parlera cet après-midi, Claude Yersin n’a monté qu’un seul Shakespeare. Il a mis en scène de nombreux auteurs du 20e siècle (Beckett, Besnehard, Claudel, Strindberg, …) mais un seul Shakespeare. Claude Yersin incarne le théâtre en province et la décentralisation, il a passé cinq ans à la Comédie de Saint-Etienne (1962-1967), quatorze ans à la Comédie de Caen (1972-1986), puis vingt (1986 à 2006) à la tête du Nouveau Théâtre d’Angers, Centre Dramatique National. Claude Yersin, pourquoi un seul Shakespeare ? Pourquoi Mesure pour Mesure ?
Claude Yersin : C’est un choix difficile à analyser a posteriori. Je fonctionne généralement sur des coups de cœur. J’ai suivi mes pulsions d’artiste. Mais pas seulement : il fallait songer à présenter une programmation différente chaque saison, afin de satisfaire les envies de huit à dix mille abonnés. J’ai toujours alterné création contemporaine et retour aux grands textes du répertoire classique, surtout du 19e siècle, Shakespeare restant à ce jour ma seule incursion dans le 17e siècle. J’ai mis en scène Eschyle de Sophocle en 2001, mais mon répertoire est en majorité contemporain. M’étant déjà attaqué à Tchekhov, Lessing, Strindberg, Claudel, je me suis dit que je devais un jour me confronter à Shakespeare. J’ai vu beaucoup de ses pièces, très souvent montées dans le théâtre public. Un spectacle, en particulier, m’était resté en mémoire le Mesure pour Mesure mis en scène par Peter Brook en 1978 aux Bouffes du Nord. J’ai donc eu envie de relire cette pièce, et à mon tour, de la mettre en scène, et je me suis trouvé devant un texte qui me résistait beaucoup.
J-M. D. : Dans quel sens ?
C. Y. : Dans le sens de son hétérogénéité. Je n’ai pas immédiatement perçu dans la pièce un parcours bien balisé, un chemin clair, contrairement à mon souvenir de la mise en scène de Brook, qui en proposait une version limpide, simple en apparence. Je me suis dit après coup qu’il avait dû pas mal couper dans le texte pour susciter cette impression. Je me suis souvent attaqué à des textes qui me résistaient, c’est cette résistance qui m’intéresse. Dans Mesure pour Mesure, j’ai fini par repérer deux fils rouges, celui de l’intégrisme, et celui du parcours du Duc – parfait exemple à mes yeux du machiavélisme politique. Cet homme de pouvoir quitte ses fonctions pour mieux ressurgir ensuite tel un phénix glorieux et magnanime. Un troisième fil rouge a également attiré mon attention : l’hétérogénéité comique. Les clowns interviennent dans des moments de tragédie. Il s’agit là d’un élément de réalisme, et le réalisme m’a toujours intéressé au théâtre.
J-M. D.: Tu as donc retenu ces deux thèmes : le machiavélisme et l’intégrisme. Pourrais-tu nous résumer ta lecture de la pièce ?
C. Y. : Une mise en scène est une interprétation au même titre que la traduction, qui est déjà une première interprétation du texte d’origine. La traduction de Jean-Michel Déprats me semble très proche du texte tout en étant parfaitement prononçable théâtralement. Cela a demandé quelques efforts, certes, mais elle est en fin de compte parfaitement prononçable. J’ai donc essayé de tracer ma route dans ce foisonnement au prix de certains aménagements. J’ai par exemple effectué des coupes mineures dans le texte et procédé à certaines interpolations pour remplacer des répliques inexplicables ou incompréhensibles. Et j’ai supprimé deux ou trois personnages très secondaires. Mais ce ne sont là que des aménagements marginaux. J’ai par ailleurs suivi le parcours du Duc tout au long de la pièce, car il en constitue la colonne vertébrale. Une sorte de thématique connexe est venue s’imposer ensuite, celle du comportement d’Angelo au pouvoir. Je me suis intéressé à cet affrontement avec Isabella et à l’irruption de l’humain dans ce personnage que Lucio décrit par ailleurs comme « conçu entre deux morues sèches » (LUCIO : Some report [….] that he was begot between two stock-fishes. [éd. Arden, 3.2.104-105]). Cette faille qui s’ouvre m’a parue significative, car elle se situe à l’opposé du côté plastique du Duc qui passe d’un rôle à l’autre, se faufile, s’adapte à des situations diverses et imprévues, mais qui néanmoins poursuit un but bien précis. En tant que metteur en scène, j’étais confronté à des problèmes pratiques relatifs à l’espace et au temps. Des problèmes artisanaux, pour ainsi dire : comment telle ou telle chose peut-elle se passer ? Comment faire en sorte que les gens ne s’ennuient pas en regardant la pièce ? Les répétitions avec les comédiens ont duré deux mois. Sur ces deux mois, nous avons consacré une dizaine de jours au travail à la table, car chacun devait savoir ce que sous-entendait telle ou telle réplique, et comprendre comment il était possible de construire le parcours du Duc. Ceci a eu des implications à la fois sur le texte et sur la scénographie. Sur ce plan, Mesure pour Mesure pose problème, on passe de lieu en lieu, de l’extérieur à l’intérieur, et ceci très rapidement. La scénographie doit par conséquent permettre et faciliter cette vivacité du déroulement de la pièce. Une fois ce problème résolu, vient celui de la manière de jouer les choses. Et là, ce qui pose le plus problème, ce sont les scènes comiques. Dans la pièce, on trouve un comique verbal, qui vient de la langue anglaise elle-même. Mais la forme d’humour utilisée par Shakespeare est difficile à transposer en français. Vincent Schmitt, qui jouait Lecoude, a fini par s’approprier le texte et, sur le plateau, il a inventé des jeux de mots immédiatement efficaces. Il ne faut pas oublier qu’au théâtre, on est dans l’immédiateté.
J-M. D. : Je suis heureux que tu évoques cette question car devant certains échanges verbaux et verbeux, non immédiatement compréhensibles, le traducteur aurait envie de changer de braquet et de devenir libre adaptateur mais on ne peut pas changer de positionnement à l’intérieur d’un travail posé comme traduction et non réécriture. Dans ces cas-là le texte comique doit être revivifié par les inventions des comédiens. On peut supposer qu’à l’époque de Shakespeare ces scènes comiques étaient déjà revivifiées par les comédiens qui les transformaient. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement un problème de traduction. J’ai suivi les répétitions de Peter Brook à l’époque, et s’agissant de ces passages peu compréhensibles, tout le monde, du metteur en scène aux acteurs, avait le sentiment qu’il y avait des passages plus faibles que d’autres. Brook pensait que tout ne « passait pas » aujourd’hui.
Mais Claude, revenons à la mise en scène. Il est toujours délicat d’évoquer une mise en scène passée. Faute de pouvoir vous montrer des images ou des extraits d’une vidéo, nous avons décidé de faire circuler des photos. Pourrait-on en faire un commentaire ?
C. Y. : Nous avons joué les couleurs franches, nous n’avons pas cherché à adoucir les scènes. Voyez par exemple l’extrême tenue de celles où s’affrontent Angelo et Isabella. Les scènes comiques, elles, devaient faire rire, et nous avons réussi sur la durée. Le spectacle durait trois heures et quinze minutes. La distribution reposait sur onze acteurs. Certains comédiens devaient donc incarner plusieurs rôles, comme à l’époque de Shakespeare. Pour ne citer que les principaux : Agnès Pontier jouait Isabella, Alain Libolt Le Duc et Christian Cloarec Angelo et le bourreau Abhorson, Quentin Baillot jouait Lucio et un serviteur, Hélène Gay Madame Moulue et Mariana, Vincent Schmitt Lecoude et Frère Pierre, Pierre Trapet Pompée, Frère Thomas et un serviteur, Jean-Claude Jay Escalus et Bernardin, Nicolas Moreau Claudio, Lamousse et un serviteur.
Acte 1, scène 2

CLAUDIO : Nicolas Moreau / JULIETTE : Sylvia Cordonnier / LE PREVOT : Henri Uzureau / LUCIO : Quentin Baillot
J-M. D. : Je voudrais présenter Alain Libolt en quelques mots. Au théâtre, Alain Libolt a travaillé notamment avec Patrice Chéreau dans La Dispute, avec Roger Planchon dans La Remise, avec Jérôme Savary dans Les Rustres, Luc Bondy dans Terre Étrangère, Jacques Lassalle dans Le Misanthrope. Une complicité s’est établie avec Emmanuel Demarcy-Mota qui le dirige dans Six personnages en quête d’auteur au Théâtre de la Ville, dans Casimir et Caroline de Horváth et dans trois textes de Fabrice Melquiot. Au cinéma, Alain Libolt a tourné entre autres avec Jean-Gabriel Albicocco, Pascal Bonitzer, Jean-Pierre Melville et dans trois films d’Éric Rohmer : Conte d’automne, L’Anglaise et Le Duc et Les Amours d’Astrée.
Alain Libolt, dans Mesure pour Mesure, le rôle du Duc est complexe et problématique. Pourquoi part-il ? Il a l’air très pressé de partir. Pourquoi ? On pourrait ajouter une autre question : a-t-il un plan prémédité ou non ?
Alain Libolt : Bien avant de jouer le duc, j’avais joué Richard II, en 1991, dans la mise en scène d’Eric Sadin. Le Duc est l’opposé de Richard II. Ce dernier est flamboyant, il bannit Bolingbroke, ne doute jamais, mais il finit par se faire destituer. Le Duc, lui, n’a pas de plan précis. Mais les institutions de la ville de Vienne ne fonctionnent pas bien, tout va à vau-l’eau. Il prend donc des décisions immédiates.
J-M. D. : À quoi est-il si pressé d’échapper ?
A. L. : Pour moi, il craint de perdre son pouvoir. Il y a aussi le côté diabolique du personnage qui peut aussi expliquer son comportement. Mais, à mes yeux, c’est un personnage qui ne cesse de douter.
J-M. D. : Son départ peut être motivé par le fait qu’il n’est plus en position de jouer les redresseurs de la morale publique.
A. L. : Oui, et lorsque le Duc part, il se rend dans un monastère. Comment faire ressurgir ce Duc, qui passera une partie de son temps déguisé en moine alors que les spectateurs l’ont d’abord vu dans ses habits de Duc ?
Il y avait un grand plateau, sur ce plateau un moine poussait une grande armoire à roulettes d’où j’apparaissais incognito. Frère Thomas utilisait le contenu de l’armoire pour m’habiller en moine.
Nous avons beaucoup pensé à Machiavel pour déchiffrer le personnage du Duc, et j’ai donc relu Le Prince. Il me fallait réfléchir à cette quête de reprise du pouvoir. Le Duc n’est pas, à mon sens, quelqu’un de tordu ou de vil. Il fait preuve de magnanimité, notamment lors du dénouement, puisqu’Angelo n’est pas condamné. Mais il m’est difficile de dire précisément comment j’ai abordé ce personnage, car je me suis laissé véhiculer par le texte de Shakespeare. En tant qu’acteurs, nous avons toujours peur d’aller à la truculence, au psychologique, à l’immédiateté. Mais il ne faut pas avoir peur de cela. Je me souviens de ce que me disait Madeleine Marion : les individus que nous incarnons ne sont pas que des figures, ce sont aussi des personnages.
J-M. D.: L’un des personnages de Mesure pour Mesure, Lucio, parle de Vincentio comme le Duc « des coins sombres. »
A. L. : Ce Duc est fasciné par ce qui se passe autour de lui. C’est du voyeurisme, mais au sens noble du terme. Il assiste par exemple à la confrontation du frère et de la sœur, alors qu’il n’est pas censé les entendre. Il est « voyeur » au sens de « curieux », et sa curiosité est immense, tout l’intéresse.
J-M. D. : La mise en scène de Thomas Ostermeier présentée au Théâtre de l’Odéon en Avril 2012 suggérait beaucoup plus d’ambigüité. Il était donné à comprendre que lorsque Lucio, incarné par Stefan Stern, accusait le Duc de fréquenter les femmes, il disait vrai. Cela n’est pas pertinent pour toi, en revanche. Tu ne vois pas ce personnage comme un coupable. Mais peut-on tout de même parler de ce dédoublement du Duc qui se déguise en moine pour mieux se dissimuler ?
A. L. : Ce dédoublement était pour moi une chose grisante. Être dissimulé sous un costume, être observateur, puis à la fin, revenir en costume de duc royal, avec une écharpe semblable à celle d’un maire, c’est une réelle jouissance pour un acteur.
J-M. D. : De nombreux critiques ont établi un parallèle entre Prospéro dans La Tempête, qui est aussi un metteur en scène, et le Duc dans Mesure pour Mesure.
A. L. : J’y ai pensé. Je n’ai pas joué dans La Tempête mais j’ai peut-être l’âge, maintenant, de jouer Prospéro. La différence, c’est que, dans La Tempête, la magie intervient. La magie n’existe pas dans Mesure pour Mesure. Le Duc manipule autrui, certes, mais avec d’autres moyens.
J-M. D. : Richard Marienstras parle, au sujet de Prospéro, de « machiavélisme du bien ».
A. L. : Pour moi, le Duc poursuit un idéal de justice et d’humanité, sa position est morale.
J-M. D. : Malgré tout, il délègue son pouvoir à quelqu’un dont il sait d’ores et déjà que c’est un fanatique.
A. L. : Je ne l’ai pas vécu comme cela. Je pense qu’en nommant le régent, le Duc n’a pas conscience de la tournure que vont bientôt prendre les événements. C’est quelqu’un de pur au départ. Il peut être diabolique dans son comportement immédiat mais ce n’est pas un politique pervers. La perversité serait plutôt du côté de son voyeurisme. Mais ma vision de ce personnage à la fois duc et moine est très personnelle. Il y a eu, une fois encore, une vraie jouissance à jouer cette double situation.
François Laroque : Comment avez-vous joué la fin ? Isabella faisait-elle une mine renfrognée au moment de la proposition de mariage de Vincentio ou aviez-vous préparé son acceptation par une forme de complicité antérieure entre eux?
A.L. : Isabella n’est pas préparée, mais sa réaction est spontanée. Isabella est immédiatement consentante.
Acte 5, scène 2

(Une place à l'entrée de la ville) : MARIANA Hélène Gay / ESCALUS Jean-Claude Jay / ISABELLA Agnès Ponthier / LE DUC Alain Libolt
C. Y. : Non, excuse-moi, je vois les choses différemment. Dans la pièce, Claudio est condamné à mort, le régent a un coup de foudre pour sa sœur, il lui fait du chantage, et elle résiste. Le Duc est attiré par la personnalité forte de la jeune fille. Il décide de faire bifurquer la pièce avec cette histoire de substitution. Il s’intéresse à Isabella, combine des choses pour elle, et la suit à partir de ce moment-là. Cette jeune fille l’intéresse par sa rigueur, par sa pureté. Et la fin reste un mystère pour moi. Isabella est passive et muette, comme Claudio, que l’on extrait de la tombe, pour ainsi dire. Quand il revient sur scène, c’est un homme brisé. Isabella aussi. Peut-être a-t-elle fait l’expérience de la méchanceté du monde, et c’est un choc considérable pour elle. Elle ne dit ni oui ni non, et ne répond pas à la demande en mariage de Vincentio.
Dominique Goy-Blanquet: La méchanceté du monde est telle dans la pièce qu’il n’y a pas de voie directe vers le bien. On redécouvre véritablement à la fin la valeur du pardon, de la miséricorde. Le moment le plus émouvant est celui où Isabella croit que son frère est mort et prie malgré tout pour obtenir la grâce d’Angelo. Lors de ce dénouement, on redéfinit la valeur de ce qui paraissait misérable au début. Encore une fois, dans Mesure pour Mesure, il n’existe pas de voie angélique vers le bien. Il n’y a que des moyens tortueux.
J-M. D.: Dans l’histoire scénique de la pièce, ce moment où le Duc demande à Isabella de pardonner Angelo est un moment fort. Dans la mise en scène de Peter Brook, cette demande était suivie d’un très très long silence, d’un silence insupportable, insoutenable.
C. Y. : J’ai demandé à Agnès Pontier de jouer ce passage comme quelque chose de très difficile à faire pour elle. Car elle croit bel et bien que son frère est mort et donc qu’Angelo est coupable.
D. G-B. : Le pardon reprend justement toute sa valeur à ce moment-là, car il exige de faire des efforts sur soi. Il est difficile de pardonner pour Isabella, et cette difficulté donne du sens à son pardon.
J-M. D. : Je voudrais maintenant vous présenter Christian Cloarec qui précisément jouait le rôle d’Angelo dans la mise en scène de Claude Yersin. Christian Cloarec est sorti en 1984 du Conservatoire National d’Art Dramatique de Paris (classes de Jacques Lassalle, Jean-Pierre Miquel, Daniel Mesguich et Claude Régy). Il a enseigné l’art dramatique à plusieurs reprises au Cours Florent, à l’École Claude Mathieu et en Californie à l’Université de Stanford. Il a joué de nombreux rôles du répertoire tant classique que contemporain : Camus, Dostoïevski, Guyotat, Lope de Vega, Sophocle, Gorki, Marlowe, Claudel etc… sous la direction de metteurs en scène aussi divers que Daniel Mesguich, Jean-Pierre Miquel, Alain Ollivier, Lluis Pasqual, Christian Schiaretti, Jean-Luc Lagarce ou Daniel Zerki. Entré à la Comédie Française en 1999, il continue à y servir les auteurs du répertoire et à défendre la création contemporaine. Christian Cloarec a comme comédien une certaine expérience de Shakespeare puisqu’il a joué dans Roméo et Juliette mis en scène par Daniel Mesguich en 1984 puis à la Comédie Française le rôle de Salerio/Solanio (fondus en un seul personnage) dans le Marchand de Venise mis en scène par Andreï Serban et le rôle de Shallow dans Les Joyeuses Commères de Windsor monté par Andrès Lima. Il a quitté la Comédie Française en 2011.
Christian Cloarec: Actuellement je fais beaucoup de choses musicales. Je prépare un spectacle mêlant paroles et musiques autour de La Sonate à Kreutzer, inspiré de la nouvelle de Tolstoï mais aussi de la partition de Beethoven. Et je travaille également à la création d’une pièce qui sera présentée au Centre National du Théâtre, Les Figues de Barbarie.
Je voudrais rebondir sur l’intervention de Dominique Goy-Blanquet pour ajouter qu’Angelo est certes séduit par Isabella, mais il est séduit aussi par son discours. Au moment de la résolution, tout se termine dans le silence. Isabella le sait, elle ne séduira plus par la parole.
J-M. D. : Lorsque nous nous sommes rencontrés pour préparer cet entretien, tu as eu une proposition d’analyse très intéressante à propos de ton rôle dans Mesure pour Mesure. Tu m’as dit qu’Angelo était la face noire de Mesa, le personnage du Partage de midi de Claudel (1906.)
C. C. : Dans la pièce de Claudel, Mesa, qui avait voulu sans succès entrer au séminaire, se prend de passion pour Ysé, [Rosalie Vetch dans la vie de Claudel], femme mariée, et cette passion provoque une souffrance atroce pour Mesa, qui est déchiré entre sa foi et son amour. Claudel-Mesa n’aurait pu en aucun cas consentir à épouser une femme divorcée, se damner lui-même et vouer à la damnation l’objet aimé. Le personnage résiste parfois à l’acteur, lorsque l’acteur ne comprend pas les interrogations de son personnage. Je me retrouvais, moi acteur ayant interprété Mesa dans la mise en scène d’Alain Ollivier en 1994, confronté à un personnage comme Angelo, qui veut d’abord condamner le vice mais se retrouve très vite face à sa propre tentation. En relisant Mesure pour Mesure, je me suis arrêté sur cette tirade dans laquelle Angelo dit qu’il prend le chemin de la tentation dont les prières préservent. Mesa qui est un double de Claudel, aurait pu dire cela. Il faudrait donc relire Le Partage de midi et l’évocation de Claudel pour comprendre a posteriori certains traits de caractère d’Angelo.
J-M. D. : Angelo est-il angélique par antiphrase ?
C. C. : Angelo n’est pas un pur esprit, sa tentation est vraiment physique. Il dit d’Isabella qu’elle le séduit par ses mots, certes, mais aussi par son regard. C’est un être de chair. Mesa aussi. Ô combien ! « La chair ignoble frémit mais l’esprit demeure inextinguible » dit Mesa. On se retrouve ici dans quelque chose de très physique, de palpable et d’humain. Cette dualité entre conscience et désir est profondément incarnée dans le personnage d’Angelo.
J-M. D. : Il incarne l’humain dans le monstrueux.
C. C. : Oui, quand il y a tentation, il faut répondre à cette tentation. Il va mettre le marché entre les mains d’Isabella : « Pour sauver votre frère, venez dans mon lit ». On le voit parfois comme un hypocrite, mais ce n’est pas un hypocrite comme Richard III. Il manipule les autres mais à son corps défendant ; il est très déçu par lui-même. Il est réduit à n’être plus que le spectateur de lui-même, et se voit faire les choses que, précisément, il ne voudrait pas faire.
J-M. D. : Avant l’Angelo tenté, il y a l’intégriste, le fanatique, et on décèle d’ailleurs dans ce personnage une certaine proximité avec Isabella.
C. C. : Oui, il reconnaît en elle une communauté d’idées. Tout va vite chez Shakespeare. Dès qu’il est nommé régent, Angelo agit tel un ayatollah, et décide de condamner ses sujets à mort au premier faux pas. Quand il reconnaît la même intransigeance chez Isabella, il y a un effet de miroir, et une séduction s’opère chez lui vis-à-vis d’elle.
J-M. D. : Ces deux scènes de confrontation entre Angelo et Isabella sont du point de vue de la tension dramatique et de l’écriture les plus belles de la pièce. Qui affronte qui, et à quoi sont confrontés les personnages ?
C. C. : Ces deux scènes sont très rapprochées. Isabella est au début de la pièce une jeune nonne intègre si ce n’est intégriste. C’est ce personnage qui ébranle Angelo au point qu’il va devoir se retrouver face à lui-même presque immédiatement. Tout va très vite pour lui, il doit répondre à sa pulsion dans l’urgence et lui proposer un marché dès la seconde confrontation. Il dit que désormais, il « lâche la bride » à sa « fougue sensuelle ». Ce n’est pas un ange sans sexe.
C. Y.: Ce choc entre deux intégrismes est d’autant plus intéressant qu’il s’agit de deux formes différentes d’intégrisme. Pour l’un c’est la loi qui prime, et pour l’autre, c’est la charité. Pour Isabella, l’âme passe avant le corps.
Jean-Marie Maguin : Dans quelle mesure aviez-vous conscience du fait que c’est le Duc lui-même qui lance le jeu de la tentation ? Il met au pouvoir quelqu’un dont il le connaît le passé avec Marianna. Il tente Angelo, qui tente Isabella, qui tente son frère… Chaque personnage prend le relais de l’autre.
C. C.: Cette tentation, dans la pièce, est vertigineuse. Tout se fait toujours très vite. Quand Angelo rencontre Isabella, un gouffre inattendu, abyssal, s’ouvre devant lui.
Pierre Iselin : Ma question concerne les deux interprètes des rôles de Vincentio et d’Angelo. Avez-vous conçu la parité et la parenté de Vincentio et du régent en termes de complémentarité ou de contraste ? Comment ces deux rôles ont-ils été rendus visibles dans leur interaction ?
C. Y. : Il y avait peu de différences physiques visibles entre les deux personnages sur scène. Tous deux étaient vêtus de costumes noirs, contemporains, mais avec des fraises. Rien dans la première scène ne permet de différencier le duc d’Angelo. Vincentio, d’ailleurs, est presque jaloux d’Angelo, qui a une force incroyable. Le Duc se dit que cet homme doit nécessairement avoir un défaut quelque part. Mais lequel ? C’est un rival potentiel. Si le Duc laisse cet homme à ses côtés, il finira par être écrasé par Angelo. Et il ne faut pas oublier Escalus.
A. L.: Oui, ce dernier incarne la justice dans la pièce. Sur scène, au cours du premier acte, Escalus se situait précisément entre le Duc et le régent, et cette position entre les deux hommes soulignait son importance.
C. Y. : Escalus est dans un entre-deux qui est aussi de nature métaphorique, à mi-chemin entre le trop et le trop peu. Il incarne l’exemple de ce qu’il faudrait faire.
C. C. : Je voudrais revenir sur la fraise du costume des personnages mentionnée par Claude Yersin. Cette fraise créait une sorte de carcan, et de cette contrainte naissait la rigidité des personnages. Elle aidait les acteurs à incarner cette rigidité.
P. I.: Je souhaite poser une question à Alain Libolt. Vous avez parlé de la jouissance ressentie à jouer ce rôle. Le Duc, à mon avis, a une présence spectrale tout au long de la pièce, puisqu’il disparaît pour mieux revenir, un peu comme un fantôme et qu’il est aussi le double de lui-même. Qu’en pensez-vous ?
A. L. : J’ai ressenti cette position spectrale d’une façon très étrange. Lorsque je regardais les autres personnages de la pièce évoluer, cela me procurait une jouissance certaine. Mais j’étais déjà dans mon texte, je répétais mentalement ce que j’allais devoir dire, car mon texte était très long. J’observais, donc, mais j’étais aussi très concentré sur mes reprises.
J-M. D. : Nous n’avons encore rien dit de l’espace de jeu. C’est à Élisabeth Neumuller, artiste-peintre qui expose actuellement une vingtaine de portraits à la galerie Six Elzévir qu’ont été confiées la conception de la scénographie et des costumes. Pourrait-on dire quelques mots de cet aspect de la réalisation ?
C. Y. : Le décor qu’Élisabeth Neumuller nous a proposé était une véritable machine à jouer. Il fallait pouvoir enchaîner rapidement les passages d’un lieu à un autre. Élisabeth m’a proposé une boîte sans plafond entourée de trois murs. Elle était peinte dans une nuance de bleu. Il s’agissait d’un espace abstrait, percé dans sa partie supérieure, sur tout le pourtour de multiples trous. On pouvait l’éclairer par derrière, et elle se transformait alors en ciel étoilé. Ce dispositif percé comprenait de nombreux accès : on pouvait y entrer par devant, mais aussi par les côtés, par le fond qui avait deux ouvertures, et même par une trappe à mi-hauteur dans le mur du fond. Dans la scène du couvent par exemple, on plaçait une statuette de la vierge dans cette trappe. Escalus et Angelo au 5e acte pouvaient utiliser la trappe pour entrer ou sortir par une passerelle surélevée.
Pour remplir cet espace, Élisabeth m’a proposé un certain nombre d’objets. Nous avions des boîtes roulantes, qui fonctionnaient comme des sortes d’armoires sur roulettes. Une boîte servait à la fois de confessionnal, de garde-robe, de véhicule, de cellule. Des chaises et des tables pouvaient être rapidement apportées ou enlevées.
Le travail sur la lumière (Pascal Mérat) nous a permis de structurer l’espace. Pendant l’arrestation de Claudio par exemple, des rais de lumière très tranchés traçaient une rue, celle qui menait à son cachot. Ce n’était pas un décor réaliste ou figuratif, même si plusieurs objets du quotidien étaient utilisés. Au cinquième acte, nous avons introduit des objets d’un autre ordre, d’ailleurs, car le Duc met véritablement en scène son retour. Nous avons accentué cette mise en scène dans la mise en scène. Nous avons rajouté un praticable mobile, une estrade à trois marches qui ressemblait à un trône, un tapis rouge, et des guirlandes pour décorer l’espace. Il nous a semblé important de rajouter du son, des bruitages et les sonorités d’une fanfare. J’ai voulu marquer de l’ironie par rapport à la fin de la pièce, par rapport à cette espèce de bizarre « happy end ». Lorsque le Duc revenait à Vienne, il passait par la salle, et des officiels l’attendaient sur scène et l’accueillaient. Vincentio avait un grand micro et prononçait un discours officiel à la salle.
Acte 5, scène 2

(Une place à l'entrée de la ville) ESCALUS Jean-Claude Jay / LE DUC Alain Libolt / ANGELO Christian Cloarec / LE PREVOT Henri Uzureau
Le dernier acte devait donc apparaître aux spectateurs comme une mise en scène entièrement orchestrée par le Duc. Afin de rendre ce dénouement ironique, j’ai choisi comme fond sonore une valse de Vienne, qui nappait l’action d’une musique un peu sucrée. Et souvenez-vous que les personnages étaient vêtus de costumes contemporains, même si nous avions décidé d’y introduire quelques éléments discordants. Ainsi, Lecoude portait une sorte de capote militaire et brandissait une masse d’armes.
J-M. D.: Pourquoi ce côté composite ?
C. Y. : Je ne voyais pas cette pièce jouée en costumes d’époque, je voulais qu’on la voie comme étant toujours d’actualité, mais je ne pouvais pas non plus nier ses origines jacobéennes, d’où un compromis dans le choix des costumes, modernes certes, mais qui devaient également rappeler une période antérieure à la nôtre. Nous avons en outre introduit de l’humour par le biais des costumes. Nous avions par exemple affublé l’acteur incarnant Escalus et Bernardin d’une perruque lorsqu’il jouait Bernardin. Les femmes, elles, portaient de longues robes. Isabella avait une coiffe de nonne, qu’elle arrachait par une sorte d’indignation désespérée lorsqu’elle apprenait la mort de son frère.
Acte 4, scène 3

(La prison) LE BOURREAU ABHORSON Christian Cloarec/ POMPEE en aide du Bourreau/ BERNARDIN Jean-Claude Jay
P. I. : Je voudrais revenir quelques instants sur le dispositif scénique de la boîte. Aviez-vous l’intention de restituer une sorte de camera obscura avec un oculus par lequel le Duc pouvait observer Angelo ?
C. Y. : Je n’avais pas pensé à ce dispositif mais pourquoi pas ? Il y avait un rideau à l’avant-scène. Il s’agissait non pas d’un rideau remontant vers les cintres, mais d’un système léger à utiliser en tournée, système dit « de polichinelle » : le rideau est enroulé sur un cylindre et peut manœuvrer facilement en montée ou en descente. On jouait donc quelques scènes devant ce rideau, qui était troué, à la manière d’un oculus en effet et le duc avait ainsi la possibilité d’y passer la tête pour observer ce qui se passait. Là, véritablement, on peut parler de camera obscura.
F. L. : L’espace était-il le même pour les scènes comiques et les scènes sérieuses ?
C. Y. : Oui. Les objets étaient aussi les mêmes mais on les réutilisait de manière différente d’une scène à l’autre. La table du procès comique était aussi la table d’Angelo, il nous suffisait de la déplacer dans un axe différent.
C’est la lumière qui modifiait l’espace. Je songe à un exemple précis. La première scène du quatrième acte, censée se dérouler à la campagne était jouée devant ce rideau d’avant-scène à demi-baissé, et sur lequel était projetée une lune. Le bruitage était utilisé en complément de la lumière : on entendait même des vaches meugler au loin !
2J-M. D. : L’heure tourne et il est hélas déjà temps de clore cette rencontre. Je remercie l’auditoire de son écoute attentive et je remercie chaleureusement nos invités de leur disponibilité à se prêter au jeu de nos questions.
Table des illustrations
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Titre | Acte 1, scène 2 |
Légende | CLAUDIO : Nicolas Moreau / JULIETTE : Sylvia Cordonnier / LE PREVOT : Henri Uzureau / LUCIO : Quentin Baillot |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 40k |
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Titre | Acte 3, scène1 |
Légende | (La prison) CLAUDIO Nicolas Moreau / LE DUC Alain Libolt |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 56k |
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Titre | Acte 4, scène 3 |
Légende | (La prison) ISABELLA Agnès Ponthier / LUCIO Quentin Baillot |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 64k |
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Titre | Acte 5, scène 2 |
Légende | (Une place à l'entrée de la ville) : MARIANA Hélène Gay / ESCALUS Jean-Claude Jay / ISABELLA Agnès Ponthier / LE DUC Alain Libolt |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 64k |
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Titre | Acte 2, scène 4 |
Légende | ANGELO : Christian Cloarec / ISABELLA: Agnès Ponthier |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 52k |
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Titre | Acte 2, scène 4 |
Légende | ISABELLA: Agnès Ponthier / ANGELO : Christian Cloarec |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 36k |
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Titre | Acte 1, scène 1 |
Légende | LE DUC : Alain Libolt / ANGELO : Christian Cloarec |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 48k |
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Titre | Acte 2, scène 1 |
Légende | POMPEE : Pierre Trapet / ESCALUS : Jean-Claude Jay / ANGELO : Christian Cloarec |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 60k |
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Titre | Acte 5, scène 2 |
Légende | (Une place à l'entrée de la ville) ESCALUS Jean-Claude Jay / LE DUC Alain Libolt / ANGELO Christian Cloarec / LE PREVOT Henri Uzureau |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 60k |
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Titre | Acte 4, scène 3 |
Légende | (La prison) LE BOURREAU ABHORSON Christian Cloarec/ POMPEE en aide du Bourreau/ BERNARDIN Jean-Claude Jay |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-10.jpg |
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Titre | Acte 2, scène 4 |
Légende | ANGELO : Christian Cloarec / ISABELLA : Agnès Ponthier |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/docannexe/image/2780/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 51k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Jean-Michel Déprats, « Entretien avec Claude Yersin, Alain Libolt et Christian Cloarec », Sillages critiques [En ligne], 15 | 2013, mis en ligne le 11 janvier 2013, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/sillagescritiques/2780 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sillagescritiques.2780
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