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Dossier
3. Variations géographiques

Directions et rôles de la sémiotique en Amérique du sud : Premières réflexions

Diana Luz Pessoa de Barros
p. 131-160

Résumés

Dans cet article, nous abordons le rôle de la sémiotique discursive française et les directions qu’elle a prises en Amérique du Sud, mais principalement au Brésil où elle a eu et continue d’avoir des développements significatifs. Nous traiterons principalement de la sémiotique au Brésil, mais nous chercherons, dans la mesure du possible, à établir des dialogues avec les études sémiotiques en Amérique du Sud, en particulier au Venezuela, au Pérou, au Chili et en Argentine où nous avons plus de contacts. L’article s’organise en trois parties : la première fait des observations générales au sujet de l’accueil réservé à la théorie sémiotique du discours dans certains pays d’Amérique du Sud, la seconde aborde le maintien des directions dans la théorie et dans la méthodologie, ainsi que l’élargissement des fins et des objets d’analyse dans ces centres de recherche en sémiotique, enfin, la troisième partie s’intéresse au rôle des études sémiotiques et des dialogues que la sémiotique entretient avec d’autres disciplines dans les pays susmentionnés. Nous avons, donc, rapporté les dialogues avec les autres études du langage qui caractérisent le plus la sémiotique en Amérique du Sud, ainsi que les nouveaux objets auxquels elle s’intéresse et nous avons observé comment elle s’est toujours efforcée de contribuer à la connaissance de la culture et de la société de chaque pays. Ainsi, la Sémiotique en Amérique du Sud se caractérise sommairement : par une formation solide en sémiotique des étudiants dans différents domaines ; par une institutionnalisation de la sémiotique discursive en tant que discipline universitaire ; par une recherche de développements théoriques et méthodologiques qui peuvent fournir des réponses aux défis d’une société multiculturelle et multilingue, c’est à dire d’une société du « mélange », d’une société métissée ; par la contribution théorique que la sémiotique en Amérique du Sud a pu donner à la communauté sémiotique internationale ; par un examen des discours sociaux et culturels d’Amérique du Sud ; par les contributions importantes que la sémiotique discursive a apportées aux études du langage.

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Texte intégral

Nous remercions vivement nos amis les professeurs Alexandra Alvarez Murro et Valmore Agelvis des renseignements qu’ils nous ont donnés sur la sémiotique au Venezuela. 

Considérations initiales

1Dans cet article, nous abordons le rôle de la sémiotique discursive française et les directions qu’elle a prises en Amérique du Sud, mais principalement au Brésil où elle a eu et continue d’avoir des développements significatifs. À cette fin, nous reprenons deux de nos études antérieures : « Rumos da semiótica (Directions de la sémiotique) » (2007) et « O papel dos estudos do discurso (Le rôle des études du discours) » (2009). Il s’agit donc d’idées à la fois nouvelles et anciennes que nous reprenons, avec persévérance, en vue de donner un sens à ce que nous faisons et à ce que nous croyons. La sémiotique discursive française cherche à construire les sens des textes à partir des stratégies, des procédés discursifs qui produisent ces sens et à partir des dialogues que les textes entretiennent avec d’autres textes.

2Ainsi, nous reprenons d’abord la définition de « direction » (« rumo ») dans les dictionnaires et nous l’analysons sémiotiquement, afin d’examiner par la suite et d’une manière un tant soit peu circulaire, les orientations et les rôles de la sémiotique au Brésil, aussi bien à l’égard des « directions » et « des rôles » de la théorie et de la méthodologie, qu’à l’égard des objets et des buts de l’analyse. Nous traiterons principalement de la sémiotique au Brésil, mais nous chercherons, dans la mesure du possible, à établir des dialogues avec les études sémiotiques en Amérique du Sud, en particulier au Venezuela, au Pérou, au Chili et en Argentine où nous avons plus de contacts.

3Dans le dictionnaire brésilien Houaiss, un des sens de « direction » (« rumo ») est celui de « parcours, d’orientation à suivre pour aller d’un endroit à un autre, de chemin, d’un d’itinéraire, de route ». Divers éléments de la sémiotique peuvent être observés :

  • Dans la conception générale de la théorie, le terme» parcours », dans la définition de « direction », apparaît comme un parcours de genèse, d’engendrement de la signification, c’est à dire qu’il apporte l’idée que la signification se construit par étapes, mais surtout, dans le mouvement, la transformation, qu’il y a un processus de la signification, plutôt qu’un système de signes comme dans la sémiologie, et que la sémiotique est aussi un projet théorique en construction ;

  • d’un point de vue narratif, la conception de « direction » prévoit deux notions de base : celle de transformation des états et celle d’intentionnalité, de directivité ;

  • sur le plan discursif, il existe dans la définition de « direction » une projection de l’espace, explicitée comme un déplacement spatial et une programmation spatiale (route, itinéraire), et aspectualisée, par l’extension, comme un espace sans limites (parcours, itinéraire, chemin), et, par l’intension, comme un parcours avec direction.

4Les directions que la sémiotique discursive a prises en Amérique du Sud sont, alors, examinées selon cette conception de « direction » (« rumo ») : de mouvement, de construction, de transformation, d’intentionnalité, de directivité.

5Notre réflexion s’organise en trois parties : la première fait des observations générales au sujet de l’accueil réservé à la théorie sémiotique du discours dans certains pays d’Amérique du Sud, la seconde aborde le maintien des directions dans la théorie et dans la méthodologie, ainsi que l’élargissement des fins et des objets d’analyse dans ces centres de recherche en sémiotique, enfin, la troisième partie s’intéresse au rôle des études sémiotiques et aux dialogues que la sémiotique entretient avec d’autres disciplines dans les pays susmentionnés et, en particulier, au Brésil.

1. La sémiotique en Amérique du Sud

6La sémiotique discursive a été introduite très tôt et avec enthousiasme en Amérique du Sud. L’une des raisons, sans doute, était le grand développement, dans ces pays, de la linguistique saussurienne, du structuralisme, dans plusieurs domaines, ainsi que diverses études sémiologiques. Ces études ont été les fondatrices des études de sémiotique discursive et, selon de nombreux chercheurs, elles ont formé une première génération de sémioticiens « avant la lettre » en Amérique latine. Elles se fondaient sur les travaux de Barthes, Kristeva, Todorov, Eco, Lévi-Strauss, Marin, Durand, Metz, Ruwet, dans les publications de la revue Communications, entre autres.

7Les études sémiotiques en Amérique du Sud, ou du moins dans les pays auxquels nous faisons référence, ont été généralement introduites dans les années 60 et 70 et donc au tout début de la sémiotique greimasienne, par des professeurs et des chercheurs d’Amérique du Sud qui ont lu la Sémantique structurale et qui ont découvert une nouvelle manière de traiter le langage, et qui ont aussi approché personnellement Greimas (en faisant partie de ses élèves, régulièrement ou non, à l’École des Hautes Études à Paris ou lors des visites de Greimas en Amérique du Sud — pour le Brésil en 1973). Ces premiers enthousiastes de la théorie sémiotique ont formé une école de sémiotique dans leurs pays respectifs, en Amérique du Sud : ils ont offert des cours d’initiation ou des cours plus avancés dans les universités où ils enseignaient, ils ont écrit des livres de bases, ils ont développé des aspects théoriques et méthodologiques, ils ont effectué de nombreuses analyses très variées, ils ont traduit, en portugais ou en espagnol, les études des sémioticiens français. Les premières générations de sémioticiens sud-américains, formés directement par Greimas et qui ont participé au Groupe de Recherches Sémio-linguistiques, ont joué un rôle considérable dans la l’implantation et le développement de la sémiotique en Amérique du Sud. Il s’agissait de chercheurs liés à la tradition universitaire, avec principalement deux types de formation : les Lettres (linguistique, théorie littéraire) et Communication et Arts. Cependant, dans les deux cas, la poétique et l’esthétique faisaient l’objet d’un très grand intérêt. Aujourd’hui, plusieurs générations de sémioticiens coexistent dans ces deux champs du savoir. Nous avons déjà les « petits-enfants » et les « arrières-petits-enfants » intellectuels, docteurs en sémiotique. La formation institutionnelle en sémiotique, avec la disciplinarisation universitaire, est l’une des caractéristiques de son accueil et de son développement en Amérique du Sud et constitue, en fait, ce qui lui a donné le plus de force et ce qui lui a permis de concilier l’innovation et la tradition. Depuis les années 70, les disciplines sémiotiques sont proposées pour tous les cursus, de la licence au doctorat. Dans un premier temps, sans aucun doute, la sémiotique avait un caractère clandestin et « se dissimulait » sous les étiquettes diverses des études linguistiques et littéraires traditionnelles, mais elle formait des étudiants et des chercheurs.

8En outre, un des sujets de préoccupation des sémioticiens qui ont développé leurs recherches en Amérique du Sud (et aussi dans d’autres pays d’Amérique latine) consistait toujours à expliquer les processus de signification de l’homme et de la société en Amérique du Sud, de construire leurs identités, de montrer leurs traits universels et particuliers. Ainsi, dans tous les pays, des recherches en ethno-sémiotique, en socio-sémiotique, en communication de masse, en politique culturelle, en littérature orale ont été développées. D’où le maintien des directions, que nous aborderons par la suite.

9Au Pérou, les premières études sémiotiques sont menées principalement par trois sémioticiens : Desiderio Blanco, Raúl Bueno et Enrique Ballón de l’Université de San Marcos, de l’Université de Lima et aussi de l’Université Catholique. Au début des années 80, Desiderio Blanco et Rául Bueno (1980) ont déjà publié en espagnol une méthodologie de l’analyse sémiotique avec les principes fondamentaux de la théorie. Au Brésil les premiers livres en portugais exposant la théorie sont apparus à la fin des années 80. Desiderio Blanco a non seulement introduit la sémiotique dans son pays, mais a aussi divulgué la théorie avec rigueur et efficacité didactique, en procédant régulièrement à des mises à jour et en formant une génération de sémioticiens péruviens, en particulier dans les domaines de la communication, avec des études sur le cinéma et l’esthétique. Rául Bueno et Eduardo Ballón ont surtout introduit les études sémiotiques dans les domaines des Lettres et de la Linguistique. Au Pérou, la sémiotique discursive a connu un fort développement et a toujours été liée aux deux champs du savoir : la communication sociale et les études linguistiques et littéraires. Les sémioticiens péruviens, comme dans d’autres pays d’Amérique du Sud, ont développé des travaux théoriques et méthodologiques en participant à des recherches sur des thèmes communs de la sémiotique générale qui se sont aussi développés dans d’autres régions du monde. Néanmoins, ils ont aussi examiné les objets particuliers de la culture au Pérou et ont produit de nouvelles connaissances sur la société péruvienne. Ainsi, la sémiotique au Pérou se caractérise également par ses études sur la littérature orale andine et sur la culture populaire péruvienne en général, par ses recherches en ethno-littérature et en communication de masse, par l’examen des contacts et des conflits entre les langues parlées au Pérou, par les études sur la littérature péruvienne, surtout à partir de ses bases dans la littérature orale, et par ses études sur la littérature latino-américaine. Enrique Ballón (2002) insiste, à juste titre, sur le fait qu’un bon nombre des particularités de la sémiotique au Pérou sont dues à la situation « multinationale, multilingue et multiculturelle de la société péruvienne ».

10Parmi les sémioticiens péruviens les plus importants, dans le cadre de la sémiotique discursive, on peut également citer des chercheurs de différentes générations comme Óscar Quezada, G. Dañino, Raúl Bendezú, Santiago López, Hermis Campodónico, Ricardo L. Costa et bien d’autres.

11Au Venezuela, la sémiotique a aussi été lancée dans les années 60 et 70, si nous laissons de côté la première génération des précurseurs qui ont suscité l’intérêt pour les études sémiotiques dans des différents domaines du savoir. Les premiers travaux, tout comme dans les autres pays d’Amérique du Sud, se sont intéressés à l’analyse des textes verbaux et en particulier à la sémiotique littéraire, avec l’examen des écrivains vénézuéliens. La sémiotique discursive elle-même a commencé avec le retour des chercheurs qui se sont formés en Europe, comme Teresa Espar, Iván Ávila, Liddis Palomares, José Enrique Finol et Dobrila Djukich de Neri. Ces chercheurs ont développé au Venezuela l’enseignement et la recherche sémiotiques et ont institutionnalisé la sémiotique discursive. Teresa Espar a créé un master (1985) et un doctorat en sémiotique, ainsi qu’un groupe de recherche (Groupe de Recherches Sémio-linguistiques — GIS — 1984) très actif et productif à l’Université des Andes à Mérida. Nous avons pu nous rendre compte, de visu, des bons résultats de la sémiotique à Merida, lors de nos visites en tant que professeur invité. Teresa Espar a développé des recherches théoriques, mais elle s’est aussi intéressée à l’identité latino-américaine, et a formé plusieurs générations de sémioticiens qui continuent son travail au Venezuela, dans des directions différentes : la sémiotique littéraire, la socio-sémiotique, la sémiotique de la communication, du cinéma, de l’audiovisuel, du discours didactique, entre autres. L’Université des Andes peut donc compter sur le travail de nombreux jeunes professeurs, formés pour la plupart par Teresa Espar ou Valmore Agelvis (dans les domaines de la sémiotique littéraire et de la sémiotique de l’humour, principalement), tels que Vaskén Kazandjian (sémiotique littéraire), Jatniel Villarroel (discours religieux), José Amador Rojas (sémiotique littéraire — littérature et pétrole), Maria Labarca (sémiotique de la culture classique — la tragédie grecque). L’Université des Andes possède aussi un groupe de sémiotique musicale avec Drina Höcevar et un groupe de sémiotique visuelle et d’art avec Rocco Mangieri, à la Faculté d’Architecture.

12À l’Université de Zulia, à Maracaibo, les études de sémiotique discursive ont été introduites et développées grâce surtout à Jose Enrique Finol, et ce en étroite relation avec les études politiques et anthropologiques. L’université propose aussi un master en sémiotique. Le groupe est très actif, ses publications sont nombreuses et il organise régulièrement des événements.

13Outre ces deux centres, des initiatives plus individuelles méritent aussi d’être mentionnées. Il s’agit souvent de chercheurs formés à Mérida et à Maracaibo, par exemple, à l’Université Pédagogique Expérimentale Libertador ou à l’Université Simón Bolivar (Luis Barrera Linares — la sémiotique de la littérature).

14Enfin, il est bon de citer aussi Roque Carrión Wam de l’Université de Carabobo qui est un pionnier dans le domaine de la sémiotique juridique au Venezuela et ailleurs, ainsi que Frank Baiz qui développe des études sémiotiques sur l’audiovisuel, le cinéma et le dessin, à Caracas. Dans sa sémiotique juridique, Roque Carrión Wam effectue d’abord l’examen historique et critique du droit pour aborder, par la suite, les changements sociaux en Amérique du Sud.

15Au sujet de la Sémiotique au Chili, nous en savons peu. Selon les travaux dont nous avons pris connaissance (surtout VILLAR, 1998), la sémiotique discursive s’est aussi installée très tôt dans ce pays, dans les années 60, et bien avant d’autres études sémiotiques, pour des raisons communes aux études discursives en Amérique du Sud (raisons que nous avons déjà mentionnées), mais surtout à cause de l’intérêt des chercheurs chiliens, dans une période d’intense activité politique, pour une théorie et une méthode susceptibles de traiter de la lutte idéologique et de produire un critique culturelle et sociale. C’est dans ce contexte que la sémiotique discursive a trouvé sa place au Chili. D’autres pays d’Amérique du Sud connaissaient également ces problèmes politiques, mais la situation au Chili semblait plus tendue, avec une société qui, de 1969 à 1973, était secouée par de grandes luttes idéologiques où la vie politique était au centre de toutes les attentions. Au cours de cette période, la sémiotique s’est développée principalement à l’Université Catholique (au Centre d’Études de la Réalité Nationale et au Département de Communication de l’École des Arts et de la Communication) avec Armand Mattelart, Michèle Mattelart, Mabel Piccini, Luis Felipe Ribeiro, Giselle Munizaga, Consuelo Morel, Rina Alcalay, Rafael del Villar, Valerio Fuenzalida. Les thèmes de recherche sont étroitement liés à la conjoncture politique chilienne de l’époque. Parallèlement à ces études, individuellement ou en petits groupes, des recherches sémiotiques sont menées sur l’architecture, la littérature, la peinture et la communication, en particulier à Valparaiso, à l’Université du Chili et à L’Université Catholique du Chili. Avec le coup d’État militaire de 1973, les espaces pour la critique dans les universités chiliennes ont disparu et la sémiotique s’est orientée vers la littérature et l’esthétique du visuel, ainsi que vers la communication. Enfin, à partir des années 90, la sémiotique, l’anthropologie et la sociologie se sont rapprochées. La sémiotique, qui avant n’était rattachée qu’à l’université, à présent s’est liée aussi aux entreprises et aux organismes publics. Des études sur la publicité, le design graphique, le marketing, les médias sont entreprises et la demande de sémioticiens est croissante. Ainsi, l’institutionnalisation de la sémiotique s’en trouve renforcée.

16Au Brésil, la sémiotique discursive a été introduite dans les années 60, dans l’État de São Paulo, à l’Université de São Paulo et à la Faculté de São José do Rio Preto (qui fait partie aujourd’hui de l’Université de l’État de São Paulo — UNESP) par des linguistes et des chercheurs en littérature — Ignácio Assis Silva, Eduardo Peñuela Cañizal, Edward Lopes, Alceu Dias Lima et Tieko Yamaguchi Miyazaki — qui ont lu l’ouvrage Sémantique structurale et qui ont pensé avoir trouvé un chemin pour analyser les sens des textes et, à travers eux, mieux connaître la société et la culture brésiliennes. Ce groupe a convié Greimas au Brésil en 1973 pour donner un cours de sémiotique du récit, a publié les textes de ces cours (certaines publications étaient inédites) et a initié le processus de formation des sémioticiens au Brésil, ainsi que l’institutionnalisation de la sémiotique discursive qui était associée aux cours de lettres. Diana Luz Pessoa de Barros et José Luiz Fiorin, anciens élèves et ensuite collègues des professeurs de ces universités, ont participé à ce processus.

17Le Centre d’Études Sémiotiques est créé, par ce groupe, en 1973. Il a publié la revue Significação (Signification) — Revue Brésilienne de Sémiotique et a joué un grand rôle dans la formation des chercheurs, ainsi que dans la diffusion de cette ligne de recherche sémiotique. Les membres du Centre exerçaient des activités d’enseignement et de recherche, en particulier à l’UNESP, à São José do Rio Preto et à Araraquara, ainsi qu’à l’Université de São Paulo — au Département de linguistique de la Faculté de Philosophie, Lettres et Sciences Humaines (FFLCH) et à l’École de Communications et des Arts (ECA). La majorité des chercheurs en sémiotique discursive au Brésil s’est formée dans ces universités et une grande partie des projets de recherche dans le domaine s’y est développée. Avec le Centre d’Études Sémiotiques et l’enseignement de la discipline à l’université, ce premier groupe a grandi, des sémioticiens du discours se sont formés dans différentes universités et de nouvelles cellules de recherche se sont organisées. Tout au début, on peut citer, entre autres, les sémioticiens Luiz Tatit et Anna Maria Balogh. De nombreuses générations de sémioticiens ont surgi de ce tronc commun. De nouveaux groupes se sont formés dans l’État de São Paulo, dans les villes de Franca, Ribeirão Preto, Batatais, Matão, Bauru et à l’Université Catholique (PUC) à São Paulo. Néanmoins, aujourd’hui, la sémiotique discursive n’est plus restreinte au seul État de São Paulo. Ainsi, le Brésil compte sur son territoire plusieurs centres de recherche en sémiotique. Parmi les plus confirmés, nous retrouvons : le Groupe d’Études Sémiotiques de l’Université de São Paulo (Ges-USP), sous la direction d’Ivã Lopes (avec Norma Discini, Waidir Beividas, Elizabeth Harkot de la Taille, Antonio Vicente Pietroforte, Luiz Tatit, Diana Luz Pessoa de Barros, José Luiz Fiorin, entre autres) ; le Centre de Recherches Socio-sémiotiques (CPS) animé par Ana Claudia de Oliveira, à l’Université Catholique (PUC-SP) ; le groupe CASA (Cahiers de Sémiotique Appliquée) à Araraquara (avec Maria de Lourdes Baldan, Arnaldo Cortina, Renata Marchezan, Luiz Gonzaga Marchezan, Diana Junkes Toneto, Edna Maria Nascimento, Maria Celia Leonel, Marisa Giannecchini Gonçalves de Souza, Fabiane Regina Borsato, Matheus Nogueira Schwartzmann, Neiva Ferreira Pinto, Tieko Yamaguchi Miyazaki, Vera Lucia Abriata, entre autres) ; le Groupe d’Études Sémiotiques dans la Communication (Gescom-UNESP) à Bauru (avec Maria Lúcia Vissotto Paiva Diniz, Jean Cristtus Portela, Ana Sílvia Lopes Médola, entre autres) ; le SeDi, le Groupe d’Études en Sémiotique et Discours de l’Université Fédérale Fluminense — UFF — (avec Lúcia Teixeira, Renata Mancini, Oriana Fulanetti, Regina Souza Gomes, Sílvia Maria de Sousa) à Niterói, dans l’État de Rio de Janeiro ; le laboratoire SEMIOTEC — Sémiotique et Technologie (UFMG) à Belo Horizonte, dans l’État du Minas Gerais (avec Ana Cristina Fricke Matte) ; le SemioCE — Groupe d’Études Sémiotiques de l’État du Ceará — à Fortaleza, sous la coordination d’Américo Saraiva et Ricardo Lopes Leite ; le Groupe d’Études Sémiotiques de l’Université d’État de Londrina (GES-UEL), à Londrina (État du Paraná), sous la direction de Loredana Limoli ; le NUPES, le centre de recherches en sémiotique de l’Université Fédérale de Rio (UFRJ), dirigé par Regina Souza Gomes ; le groupe de travail « Sémiotique » de l’ANPOLL — L’Association Nationale des Chercheurs en Lettres et en Linguistique — dirigé par Waldir Beividas et Jean Cristtus Portela ; le Laboratoire d’Études Sémiotiques et d’Interaction du Soin (LESIC), sous la coordination de Dulce Maria Nunes et Maria Luiza Gerhadt, à Porto Alegre (LOPES, 2011 et 2012). Les nouveaux groupes d’études montrent clairement la diversité des études de sémiotique discursive au Brésil. Ils font également percevoir leur maintien dans le domaine des Lettres et dans les nouveaux chemins de la sémiotique de la communication, leurs intérêts, tant théoriques qu’appliqués, pour l’étude des discours sociaux.

18Au Centre d’Études Sémiotiques, dans les premiers moments, la formation s’effectuait avec le matériel préparé par Ignácio Assis Silva. Plus tard, des livres de base de la sémiotique ont été publiés et très diffusés dans le pays : Teoria do discurso. Fundamentos semióticos, en 1988, et Teoria semiótica do texto, en 1990, de Diana Luz Pessoa de Barros ; Elementos de análise do discurso, en 1989, de José Luiz Fiorin. Actuellement, d’autres livres de base sur la sémiotique discursive existent au Brésil.

19Les principales revues de sémiotique dans le pays qui publient des travaux, principalement en sémiotique discursive, sont : CASA — Cadernos de Semiótica Aplicada (UNESP), Estudos Semióticos (USP) et Galáxia (PUC-SP).

20Depuis la création du Centre d’Études Sémiotiques dans les années 70, la sémiotique au Brésil s’est préoccupée de l’enseignement et de la formation des sémioticiens, ainsi que de la recherche, quelle soit théorique, méthodologique ou appliquée. Par conséquent, elle entretient de nombreux dialogues avec les autres disciplines comme la sociologie, l’anthropologie, la rhétorique, la psychanalyse, les théories de la communication et des arts, les études linguistiques et littéraires, et elle s’intéresse à l’examen des discours sociaux et culturels du Brésil. Ces recherches et ces analyses seront mentionnées par la suite, au sujet des directions et des rôles de la sémiotique.

21En Argentine, l’histoire est quelque peu différente et l’accueil réservé à la sémiotique discursive française a été plus modeste. Cela est dû en grande partie à la forte présence de Luís E. Prieto et d’Eliseu Verón et à leurs propositions d’études du discours, ainsi qu’au rapprochement toujours plus prononcé entre la recherche argentine et la sémiotique peircienne. Cette dernière est largement acceptée et développée dans le pays, particulièrement dans la sémiotique de l’architecture et de la communication. Une des raisons est l’intense dialogue qui est entretenu entre, d’un côté, les études des sciences humaines et sociales et, de l’autre, la philosophie et la psychanalyse. La sémiotique en Argentine, avec ses variantes, a débuté dans les années 60 et l’Association Argentine de Sémiotique a été fondée en 1973, à l’initiative d’Eliseo Verón, Alicia Páez, Óscar Steimberg et Óscar Traversa.

22Les chercheurs et les professeurs de l’Université de Córdoba sont parmi les plus en phase avec la sémiotique discursive, avec, entre autres, Danuta Teresa Mozejko qui se consacre surtout à la sémiotique littéraire et Maria Teresa Dalmasso qui s’intéresse principalement à la communication de masse et à ce qu’elle appelle « discursivité sociale ». À l’université de Córdoba où Prieto a travaillé jusqu’à son exil, la sémiotique discursive s’est développée principalement à partir des années 80. Actuellement, elle offre un master en socio-sémiotique et un doctorat en sémiotique générale.

23À l’Université Nationale des Missions, les sémioticiens se sont aussi intéressés à une sémiotique de la discursivité, dans laquelle la sémiotique discursive française dialogue avec la sémiotique culturelle de Lotman et le dialogisme de Bakhtine. Ana María Camblong, Liliana Daviña, María Carrtini, Carmen Schiavo, Peter O. Silva, Marcelino Garcia, entre autres, se sont consacrés aux études de sémiotique et d’éducation, notamment avec des projets d’alphabétisation interculturelle, d’alphabétisation sémiotique, d’enseignement de la lecture, à des études de sémiotique de la culture et de sémiotique littéraire, avec l’examen des discours littéraires, médiatiques et sociaux. En général, les chercheurs font preuve d’un grand intérêt pour l’étude de la culture et du langage dans la province.

24Il n’est pas sans intérêt d’observer en Argentine, dans les deux universités mentionnées précédemment, la relation particulièrement étroite entre la théorie et la situation économique, sociale et politique du pays, et ce quel que soit le type de sémiotique développé, comme le rappelle Ravera (2000). Ainsi, les principaux thèmes abordés sont la communication de masse, la politique culturelle, l’idéologie et la construction des identités, parallèlement aux études sur les arts, la littérature et l’esthétique.

25En 1985, Graciela Latella, qui s’est consacrée principalement à la sémiotique littéraire, a publié en Argentine, un livre sur la méthodologie et les fondements de la sémiotique discursive, avec des analyses de textes de J.L. Borges.

2. Le maintien de la direction

26En général, la sémiotique discursive française a maintenu sa direction dans les différentes institutions et dans les pays où elle s’est développée : elle est présentée comme une théorie qui conduit à la construction du sens textuel ; elle est caractérisée comme une théorie qui tente de rendre compte des processus de signification et des mécanismes de construction du sens ; et elle a suivi les chemins proposés. Pour autant, la théorie a subi des altérations, des changements, des évolutions, car il s’agit d’une théorie qui doit être conçue, selon Greimas, comme une activité de construction ou, mieux encore, comme un projet collectif de construction théorique. Ainsi, il faut penser que la sémiotique est toujours en train de se refaire, de se corriger, de se réparer, de se modifier, de se développer, car c’est le seul moyen de conserver la « direction ».

27Dans un premier temps, le développement de la sémiotique s’est effectué principalement par la récupération des questions théoriques et des objets d’analyse qui avaient d’abord été mis de côté : celles de l’énonciation, de l’oralité, de l’expression. Avec les avancées théoriques qui ont amené sur le terrain de la sémiotique ces nouvelles préoccupations et réflexions, et qui ont été bien développées au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique du Sud, pour répondre aux nécessités du type de recherche alors réalisée (comme nous l’avons mentionné à l’item précédent), la sémiotique a pu maintenir sa direction dans la construction des sens du texte.

28Ces dernières années, les développements de la théorie se sont portés principalement sur les points extrêmes du parcours génératif de la signification, c’est à dire, dans les structures fondamentales et discursives, ou même en dehors, au delà et en deçà, mais le changement s’est également maintenu sur le plan narratif :

29A — dans la lignée des apports mentionnés précédemment sur l’énonciation, une sémiotique de l’énonciation s’est développée au niveau plus superficiel du discours et même au-delà dans le parcours, avec les études suivantes :

  • à propos des projections et de l’organisation des personnes, du temps et de l’espace des discours : le livre de José Luiz Fiorin, As astúcias da enunciação (1996) est le meilleur exemple de ces études au Brésil, aussi bien pour les apports théoriques, que pour l’explication méticuleuse de l’organisation des personnes, des temps et des espaces, en portugais ; au Venezuela, les études de Teresa Espar qui traitent de la syntaxe et de la sémantique discursive ; en Argentine, ceux de Danuta Teresa Mozejko, sur la représentation et l’énonciation ;

  • au sujet de la structure narratologique de l’énonciation, avec les questions de communication et d’interaction, et des niveaux énonciatifs (énonciateur/ énonciataire, narrateur/narrataire, interlocuteur/interlocutaire) qui sont tellement indispensables à l’examen des discours thématiques et des structures argumentatives ; nous pouvons citer, au Brésil, les études de Maria da Graça Krieger qui portent sur les discours des dictionnaires, ainsi que nos travaux sur les discours des grammaires du portugais, dans lesquels ont été établies des propositions théoriques et méthodologiques pour l’examen des discours thématiques et dans lesquels ont été réalisées des analyses sur la langue et sur la société au Brésil ; au Pérou, nous avons les travaux d’Enrique Ballón Aguirre (professeur d’université aux États-Unis) sur les questions du lexique andin et les travaux d’Oscar Quezada Macchiavello sur l’énonciation et la communication ;

  • à propos de l’acteur de l’énonciation et, par conséquent, des concepts d’éthos de l’énonciateur et du narrateur, ainsi que du style, nous pouvons citer au Brésil les études de Norma Discini et de José Luiz Fiorin sur l’éthos, le style et l’identité, celles de Diana Luz Pessoa de Barros sur l’identité des sujets intolérants, celles d’Elizabeth Harkot de La Taille sur la construction discursive de l’identité et de Eduardo Calbucci sur l’énonciation dans l’œuvre de Machado de Assis ; en Argentine, les travaux de Maria Teresa Dalmasso sur la construction de l’identité des femmes ; au Pérou, les études de Santiago López sur la représentation et la visibilité du Pérou.

30Actuellement, en Amérique du Sud, ces trois directions de recherche sont très productives et donnent de bons résultats. Les études sur l’identité, qui se sont fortement développées en Amérique du Sud, consistent toujours en des études énonciatives, ce qui explique en partie le fort développement théorique et méthodologique de la sémiotique de l’énonciation en Amérique du Sud et aussi le grand nombre d’analyses énonciatives des discours sud-américains. Par le biais des études énonciatives, la sémiotique entretient des dialogues avec la rhétorique et la stylistique, avec les études sur la communication, sur l’interaction et la conversation, ainsi qu’avec les études bakhtiniennes ; nous aborderons ces dialogues dans la troisième partie de l’article ;

31B — à un niveau plus profond du parcours et dans celui des pré-conditions de la signification (en deçà du discours), les développements de la sémiotique tensive ont conduit à une révision des structures de départ du parcours et de ses pré-conditions, qui subissent une détermination tensive-phorique (c’est à dire que les pré-conditions sont des simulacres explicatifs pour résoudre certaines difficultés de la sensibilisation discursive) ; aux autres niveaux, les études de la tensivité ont conduit à l’examen :

  • de la sensibilisation passionnelle des discours ;

  • des modulations et des aspectualisations ;

  • de l’esthésie ;

  • et, surtout, des structures perceptives cognitives et sensorielles des discours.

32Ces développements sont bons pour maintenir la direction et ont amené la sémiotique à dialoguer avec les études sur la perception, avec les théories cognitives, ainsi qu’avec celles de la préoccupation esthétique et corporelle. Au Brésil, les études sur la tensivité se sont bien développées et ont apporté d’importantes contributions théoriques à la sémiotique : par exemple, les études d’Ignácio Assis Silva, de Luiz Tatit, d’Ivã Lopes, de Waldir Beividas, de Lúcia Teixeira, d’Antônio Vicente Pietroforte, de Renata Mancini, de José Roberto do Carmo Jr., de Ricardo Nogueira de Castro Monteiro, de Álvaro Antônio Caretta, de Márcio Coelho, de Peter Dietrich, particulièrement sur les questions esthétiques et sensorielles, dans la littérature, dans la peinture, dans la chanson brésilienne et dans la musique. En outre, ces chercheurs proposent des disciplines et orientent des recherches dans ce domaine. Les propositions de Zilberberg sur la tensivité sont à la base du travail de Luiz Tatit qui a élaboré un modèle pour étudier la chanson. En 1994, ce dernier a publié Semiótica da Canção et a développé, à partir de cette première recherche, un travail original et fondateur sur la chanson, en raison de sa construction théorique et méthodologique d’une sémiotique de la chanson et de son analyse méticuleuse de la chanson populaire brésilienne. Il est bon de mentionner également les études sur les passions discursives. Par exemple, les études sur la honte d’Élizabeth Harkot de La Taille ou celles sur la peur et le ressentiment de José Luiz Fiorin ;

33C — au niveau textuel et donc en dehors du parcours génératif de la signification, les études du plan de l’expression se sont montrées significatives, en particulier dans trois directions :

  • l’expression des textes non-verbaux, dont l’organisation a toujours été moins étudiée que celle des textes verbaux ;

  • le syncrétisme de l’expression (textes audiovisuels, visuels et verbaux, etc.) ;

  • les semi-symbolismes et les symbolismes, dans la relation entre l’expression et le contenu et qui ont un rôle de premier plan dans l’examen de la nouveauté et de la stéréotypie culturel des discours.

34Comme nous l’avons dit précédemment, la littérature a été un des objets préférés des études sémiotiques en Amérique du Sud. Ces dernières se sont d’abord orientées vers le plan du contenu du discours littéraire et vers son rôle social, puis, vers l’examen du plan de l’expression. Les préoccupations esthétiques ont toujours marqué la sémiotique dans les pays d’Amérique du Sud, que ce soit par rapport au littéraire ou par rapport à la communication et aux arts en général. Par conséquent, le plan d’expression des textes a été traité avec beaucoup d’ardeur et un grand nombre de travaux a été publié. L’inclusion de l’examen du plan de l’expression dans le parcours des études sémiotiques conduit donc à la mise en place de dialogues avec les études sur l’art en général et sur l’esthétique, principalement la littérature, la musique et les arts visuels, comme le montrent, au Brésil, les nombreuses études d’Ivã Lopes, de José Luiz Fiorin, d’Edward Lopes, d’Antônio Vicente Pietroforte, de Tieko Yamaguchi Miyazaki, de Lúcia Teixeira, de Dilson Ferreira da Cruz, d’Ana Cláudia de Oliveira, de Diana Luz Pessoa de Barros, de Luiz Tatit, de Norma Discini, de Maria de Lourdes Baldan, d’Arnaldo Cortina, de Luiz Gonzaga Marchezan, de Marisa Giannecchini de Souza, d’Edna Maria Nascimento, de Kati Eliana Caetano, de Marcelo Machado Martins, entre autres ; au Pérou, celles de Desiderio Blanco, principalement sur le discours cinématographique, de Raul Blanco et d’Eduardo Ballón sur la littérature péruvienne et latino-américaine, en général ; au Venezuela, celles de Liddy Palomares de Mendoza et de Danelle Triay, sur le discours littéraire, celles de Vaskén Kazandjian sur le théâtre, de Frank Baiz sur le cinéma et le dessin, de Valmore Agelvis sur les caricatures ; en Argentine, celles de Graciela Latella et de Danuta Teresa Mozejko sur la littérature. Le développement des études sémiotiques sur la danse est également intéressant : avec Mariana de Rosa Trotta, au Brésil, et Victor Fuenmayor, au Venezuela ;

35D — au niveau narratif, qui est, sans doute, pour des raisons historiques et également pour des raisons épistémologiques, l’étape la mieux traitée dans le développement de la sémiotique, celle sur laquelle « nous en savons le plus » et dont les connaissances font l’objet d’un plus grand consensus chez les sémioticiens. Ainsi, il s’est créé l’illusion d’une chose définitive et finie, mais la sémiotique enseigne qu’il ne faut pas avoir tant de certitudes. Au contraire, il faut être prudent, afin de garder la « direction » et de ne pas l’interrompre. Les études sur l’organisation narrative des textes ont effectué plusieurs « sauts » qui ont conservé la théorie en bon chemin. Actuellement, Éric Landowski contribue aux changements les plus importants dans les études au niveau narratif où, comme nous l’avons dit, tout semblait résolu. Ainsi, Landowski propose quatre régimes d’interaction : la programmation, la manipulation, l’ajustement et le hasard. Dans les propositions de Landowski, les deux premiers régimes, qui étaient déjà traités dans la sémiotique, ont fait l’objet de certaines altérations et spécifications dont la plus significative est, selon nous, la relation entre la programmation et le rôle thématique (comme un programme de comportements socialement déterminés). Cependant, le principal intérêt de ces études est le système d’ajustement qui, jusqu’alors, n’était pas clairement traité dans la sémiotique. Désormais, la distinction s’est faite entre l’union et la jonction. L’union a été considéré dans le cadre du contage des sensibilités (et non de persuasion), des relations corporelles et esthésiques. La programmation et la manipulation participent au régime de jonction et celui de l’ajustement participe au régime de l’union.

36Le chemin se poursuit donc avec de nouveaux dialogues avec les études sur l’interaction qui, dans ce cas, présente des risques, car on peut toujours passer de la manipulation à la programmation dans laquelle tout se trouve réglé, ou de l’ajustement à l’accident, c’est à dire, au hasard imprévisible. À l’Université Catholique Pontificale de São Paulo-PUC-SP, mais aussi dans d’autres centres d’enseignement et de recherche au Brésil, les études de Landowski ont été bien reçues et ont été reprises pour expliquer et décrire différents discours, en particulier les discours liés aux domaines de la communication, de la publicité et du marketing au Brésil. On peut citer, entre autres, les travaux d’Ana Cláudia de Oliveira, d’Yvana Fechine (sur la sémiotique du sensible et les discours télévisés) et de Luís Alexandre Grubits de Paula Pessôa (sur le discours publicitaire).

37Si les études du langage ont comme finalité de mieux connaître l’homme, deux types d’études plus générales ont été développés : celles qui conçoivent l’homme comme un être biologique et celles qui le conçoivent comme un être social. Par conséquent, nous avons, d’un côté, des études qui portent sur le langage en tant que discipline biologique et qui conduisent finalement aux spécificités de l’homme, à ce qui lui est propre, à ses caractéristiques définitoires, biologiquement et cognitivement, par rapport aux autres êtres vivants. De l’autre, nous avons des études qui portent sur la langue en usage et qui sont donc en étroite relation avec l’histoire, la société et la culture. Ainsi, il s’agit de différents points de vue sur l’homme et son langage, qui ont produit des théories et des méthodes différentes pour l’examen du langage, pour sa description et son explication. Les études sur le texte et le discours, et notamment les études sémiotiques, ont généralement été considérées comme appartenant à la seconde perspective, celle de la langue en usage.

38Néanmoins, avec les développements de l’aspect tensif de la sémiotique qui dialogue plus fortement avec les études cognitives, la sémiotique française pourrait être placée selon deux perspectives, d’un côté, les études qui s’orientent sur les structures cognitives et perceptives de l’homme, de l’autre, les études qui s’intéressent plus à l’homme dans la société et la culture. De cette sorte, il se peut que la sémiotique française devienne le cadre théorique dans lequel les deux questions complémentaires soient examinées, et ce en gardant toujours la même direction pour le projet collectif qui est en construction. Ainsi, la sémiotique en Amérique du Sud a défini et atteint deux grands objectifs : d’abord, de contribuer à la connaissance du langage, par le biais de l’étude de la langue et de ses discours, mais aussi de l’homme à travers le langage, c’est à dire de contribuer à la connaissance discursive de l’homme, en tant qu’être social et culturel, ainsi qu’à la connaissance de ses structures cognitives ; ensuite, de contribuer au développement théorique et méthodologique de la discipline.

39Par conséquent, le maintien de la « direction » par les reprises, les réappropriations et les développements théoriques et méthodologiques que nous avons mentionnés, entraîne également des changements d’objet, une extension dans l’application de la théorie : le passage de l’analyse initiale d’un certain type de texte — verbal, « d’action », figuratif et de la « petite littérature » (folklore, etc.) — vers les textes non-verbaux, syncrétiques, figuratifs ou thématiques, poétiques (de l’art, en général, des chansons, de la musique, de la danse), scientifiques, etc. En résumé, il s’agit d’un passage vers tous les types de texte. Les études sémiotiques en Amérique du Sud ont grandement contribué à l’élargissement des objets d’étude, car, dans ces pays, la préoccupation de décrire et d’expliquer les différents discours de la société et de la culture était toujours très vive. Cependant, elles ont aussi maintenu, comme l’une de leurs lignes de force, l’examen des textes de l’ethno-littérature, des mythes, de la culture populaire et de la communication de masse qui s’effectue aujourd’hui avec les avancées théoriques et méthodologiques que nous avons mentionnées antérieurement. Il en résulte de grands développements dans l’examen sémiotique des discours poétiques en général et des discours littéraires en particulier, des discours de la chanson, des discours des grammaires et des dictionnaires, des discours didactiques et pédagogiques, des discours de la critique d’art (Lúcia Teixeira, entre autres, au Brésil), des discours publicitaires et des médias en général, des discours intolérants et de parti pris, des discours de communication sociale et de masse, des discours mythiques (Jose Enrique Finol, par exemple, au Venezuela, Eduardo Ballón au Pérou, Edward Lopes et Eduardo Peñuela Cañizal au Brésil), des discours psychanalytiques (en particulier les travaux de Waldir Beividas au Brésil), des discours politiques (par exemple, José Luiz Fiorin, sur le discours des présidents du régime militaire de 1964 au Brésil ; Oriana Nadai Fulaneti, sur les discours de la gauche armée au Brésil ; Alexandre Marcelo Bueno, sur les discours au sujet des immigrants au Brésil ; Óscar Quezada, sur la sacralisation de l’action politique du gouvernement militaire au Pérou à travers la rhétorique biblique), des discours sociaux sur les Noirs et les Indiens (au Brésil, Rita Pacheco Limberti, mais surtout au Pérou, en Argentine et au Chili : Dalmasso et Mosejko en Argentine, Ballón et Campodónico au Pérou, entre autres), des discours religieux (au Brésil, José Carlos Jadon, Sueli Maria Ramos da Silva et Jairo Postal), surtout au sujet des nouvelles religions qui se sont développées dans ces pays, des discours de la mémoire (en Argentine, Ana Camblong ; au Brésil, Mariana Luz Pessoa de Barros) et ainsi de suite.

40Dans la présentation de Fronteras de la sémiótica. Homenaje a Desiderio Blanco, Óscar Quezada (1999) montre les quatre lignes de force de son livre qui se rapprochent des directions de la sémiotique que nous avons proposées : la tensivité discursive, le niveau sensible du discours, la préoccupation socio-sémiotique et l’aspect esthétique des textes.

41Sommairement, la sémiotique discursive française en Amérique du Sud s’est développée et s’est reprise, mais elle a gardé la même direction, puisque le changement de direction, qui ne se fasse pas pour la conserver, crée une autre théorie, un autre paradigme avec d’autres objets et méthodes. En Amérique du Sud, nous poursuivons l’élaboration d’un projet collectif en nous maintenant « dans le chemin de l’espoir », comme le dit le poète brésilien Carlos Drummond de Andrade, dans son poème Mudança (Changement) :

O que muda na mudança
Se tudo em volta é uma dança, No trajeto da esperança,
Junto ao que nunca se alcança ?

Qu’est-ce qui change dans le changement
Si tout aux alentours est une danse,
Dans le chemin de l’espoir,
Aux côtés de ce qui n’est jamais atteint ?

42Le dictionnaire reprend comme premières définitions de « direction » (« rumo ») les espaces qui divisent la rose des vents et, donc, la direction de la navigation. Cette relation avec la navigation et la mer provient étymologiquement de rumbo en espagnol — charme, gloire, prestige, ostentation, pompe —, car les espaces de la rose des vents divisaient l’horizon et ils avaient une figure de bronze qui était utilisé dans les incantations. Ainsi, les directions sont magiques, mythiques, que ce soit pour la science ou des projets scientifiques, pour la société, pour la sémiotique. Et nous essayons de les suivre.

3. Les rôles et les dialogues des études sémiotiques

43Dans d’autres études, nous avons souligné le fait que différentes études de textes et de discours ont apporté de nouvelles perspectives et objets. Cependant, il existe un point de vue commun à ces études : elles occupent l’espace vide entre des positions bien définies et séparées par les études linguistiques antérieures (langue vs discours, compétence vs performance, énonciation vs énoncé, linguistique vs extralinguistique). En traitant ainsi et en même temps du social et de l’individuel, de l’argumentation et de l’information, de l’intersubjectivité et de la subjectivité, de l’organisation du discours et du dialogisme, ces études ont instauré un changement de positionnement dans le domaine du langage et ont attribué de nouveaux rôles aux études dans ce domaine, outre celles mentionnées antérieurement. Comme elles occupent le « vide » instable entre des points bien établis, les études de sémiotique, sont plus ouvertes au dialogue avec d’autres théories, ce qui favorise l’élargissement de leur objet d’étude. Les études du langage cheminent ainsi vers la multidisciplinarité et l’examen d’autres langages, au delà du verbal. La perspective d’un dialogue pluridisciplinaire ne consiste pas en une somme de théories, mais plutôt à la reprise d’un dialogue théorique dans un cadre qui est fermement établi, comme l’est actuellement la sémiotique discursive.

44Ainsi, les études du discours ont joué et jouent encore un rôle remarquable parmi les études linguistiques, car elles ont rompu avec la tradition de stabilité de ces études et ont récupéré l’instabilité qui est propre au langage. Par conséquent, elles ont établi ou ont repris les dialogues avec d’autres disciplines et d’autres champs du savoir. Dans ses écrits, Bakhtine distingue les sciences humaines des sciences exactes et biologiques par leur relation avec le texte. Pour l’auteur, les sciences humaines étudient l’homme dans le texte, tandis que les sciences exactes et biologiques l’examinent en dehors du texte. Les études sémiotiques et les autres études du discours et du texte ont donc un rôle privilégié pour instaurer un dialogue fructueux entre la linguistique et de nombreuses autres disciplines, comme la rhétorique, la théorie et la critique littéraire, les études de communication et de marketing, l’anthropologie, l’histoire, la sociologie, etc.

45Quatre dialogues multidisciplinaires très favorisés par les études sémiotiques du discours au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique latine seront examinés : des études sémiotiques et d’autres études linguistiques ; des études sémiotiques et des études rhétoriques ; des études du discours et des études littéraires ; des études sémiotiques et de communication, de marketing et de publicité. Nous nous sommes déjà bien occupés des dialogues avec l’anthropologie, la sociologie et l’histoire, dans les études d’ethno-sémiotique, de socio-sémiotique, de sémiotique et histoire, de sémiotique et société, de sémiotique et culture qui constituent réellement une des caractéristiques les plus marquantes de la sémiotique en Amérique du Sud.

3.1. Les études sémiotiques et autres études linguistiques

46À l’origine, la sémiotique discursive française se fonde en partie sur les théories linguistiques et notamment les travaux de L. Hjelmslev. Pour autant, le dialogue actuel entre la sémiotique et la linguistique a pris des chemins bien différents et pas seulement dans le sens unique des études linguistiques vers les études sémiotiques. Cela est dû en grande partie aux études sémiotiques de l’énonciation. Ces dialogues avec les études linguistiques sont fondamentaux en Amérique du Sud (et en particulier au Brésil) où la sémiotique discursive est généralement institutionnalisée dans les départements et les centres d’études linguistiques.

47La sémiotique fournit, en tant que théorie du discours, des principes théoriques et méthodologiques pour l’étude du langage qui s’intéressent aux discours, comme c’est le cas, entre autres, des études sur les idées linguistiques où, par exemple, des grammaires et des dictionnaires sont examinées en tant que discours, ou bien encore des études sur l’intolérance et les préjugés linguistiques, à partir des différents discours intolérants et marqués par des préjugés. Pour autant, elle contribue aussi à l’étude du langage, aux remaniements et aux révisions sémiotiques de concepts, de catégories, de procédés qui participent à la construction des sens du texte et qui ont été initialement développés et établis dans les études linguistiques pour beaucoup d’entre eux. C’est le cas, entre autres, des études sur la personne, le temps et l’espace du discours et sur son aspectualisation ou celles sur la modalisation des énoncés. La grande contribution de la sémiotique est de donner à ces procédés et à ces catégories (temps, espace, personne, aspect, etc.) une description et une explication générales et indépendantes des particularités des langues et des autres systèmes de signification. De cette sorte, les spécificités de chaque langue et de chaque système de signification sont traitées dans un même cadre théorique et méthodologique et peuvent donc être comparées.

48Ainsi, par exemple, les études sémiotiques sur les personnes, les temps et les espaces du discours (les catégories déictiques) montrent qu’il existe deux types généraux d’organisation de ces catégories : l’organisation qui produit dans les discours, des effets de débrayage et d’enbrayage. Ces effets de sens des discours découlent des moyens divers par lesquels l’instance de l’énonciation projette et produit son texte-énoncé. Dans les textes verbaux, les stratégies sont principalement celles du choix des catégories énonciatives de la personne, du temps et de l’espace de ces textes énoncés. Dès lors, les deux types de discours cités précédemment peuvent être distingués : les discours qui sont projetés à la première (et deuxième) personne, dans le temps du « maintenant » et dans l’espace du ici qui caractérisent une énonciation énoncée ; les discours organisés à la troisième personne, dans le temps du alors et dans l’espace du qui sont appelés énoncés énoncés (ou débrayés). Les discours du premier type (énonciation énoncée) produisent généralement une accentuation de la relation dialogique entre les sujets. En effet, ils se présentent comme des simulacres de l’énonciation et peuvent être considérés comme une interaction complète et parfaite. Les discours du second type (énoncé énoncé ou débrayé) créent, quant à eux, les effets de distanciation de l’énonciation et celui de « monologisme » ou autoritarisme des vérités « uniques » et « objectives », dans lequel les faits se racontent d’eux-mêmes, sans l’interférence d’un je et sans s’adresser à un vous ou à un tu. Ils construisent alors des interactions avec des effets d’objectivité et notamment des effets rationnels ou intellectuels.

49À partir de ces procédés plus généraux, des combinaisons et des ruptures diverses peuvent être prévues — remplacer un rapprochement par une distanciation et ainsi de suite — et les lieux qu’occupent, dans ce modèle plus global, le présent de l’indicatif du portugais, le passé simple du français, l’emploi du je et du tu dans les textes verbaux, l’emploi de la focalisation par la caméra au cinéma et à la télévision ou de la gestualité représentée dans la peinture et la photographie, entre autres, peuvent être mentionnés.

50Dans les textes littéraires, par exemple, la question du jeu des projections des catégories de personne, de temps et d’espace apparaît. Ce jeu, exacerbé, caractérise une bonne partie de la littérature contemporaine, surtout en Amérique latine (les romans de Vargas Llosa par exemple).

51L’organisation énonciative des textes verbaux, visuels et syncrétiques de la publicité et du marketing montre également l’importance d’une proposition générale sur l’énonciation qui permet l’examen des stratégies énonciatives dans différents types de textes avec des substances différentes d’expression. Dans le cas d’annonces publicitaires de banques, que nous avons examinées dans d’autres études (Barros, 2002 et 2010), étant donné que les annonces sont des textes syncrétiques où l’expression est à la fois verbale et visuelle, les différents pronoms marqueurs de la personne dans la langue ne sont pas les seuls à produire les effets de rapprochement ou de distanciation de l’énonciation, les effets d’objectivité et de subjectivité. D’autres ressources existent pour construire ces effets : des ressources topologiques, de localisation dans l’espace, de dimension, de focalisation, de relations de couleurs et de formes, de gestualité. Les procédés verbaux, visuels et gestuels qui organisent l’énonciation de ces textes peuvent être analysés avec les mêmes principes théoriques et méthodologiques (Barros, 2010). Ainsi, par exemple, dans la communication gestuelle entre l’énonciateur et l’énonciataire ou entre le narrateur et le narrataire, il existe des gestes à la « première personne » et des gestes à la « troisième personne » et la gestualité établit également le contexte temporel et spatial de la situation de communication. Par le mouvement de la tête et des mains, le destinateur de l’annonce communique directement ou indirectement avec son destinataire. En outre, les différents choix des personnes du discours, de focalisation et de gestualité montrent que ces procédés contribuent encore à la construction des identités des banques.

52L’examen des relations énonciatives, en tant que relations de manipulation, de communication et d’interaction, qui sont établies par des stratégies et par des procédés discursifs et textuels, permet donc d’analyser, dans un même cadre théorique, des procédés discursifs qui semblent si différents, comme les personnes du discours et les gestes des mains, du corps et du regard. En outre, grâce aux études sémiotiques, des questions rhétoriques d’argumentation, des questions de persuasion qui relèvent du marketing et de la publicité viennent s’intégrer dans une théorie générale du discours et renouvèlent les dialogues entre les études linguistiques, la rhétorique et les études de communication et de marketing. De nouvelles perspectives s’ouvrent alors pour l’examen des textes scientifiques, politiques et publicitaires, entre autres. De nombreux travaux théoriques et de nombreuses analyses résultent de ce caractère très marqué de ces dialogues de la sémiotique en Amérique du Sud. Certains ont déjà été mentionnés et portent sur l’énonciation, sur l’histoire des idées linguistiques en Amérique du Sud, sur l’usage de la sémiotique dans l’enseignement, sur la lecture et l’écriture. Ils ont contribué à l’insertion des études sémiotiques dans les études linguistiques, à une meilleure connaissance du langage et du rôle des études du langage dans ces pays et à la formation sémiotique et linguistique des lecteurs. Sans prétendre être exhaustive, nous tenons à mentionner, ci-après, quelques chercheurs. Nous avons déjà mentionné à propos de l’énonciation, Jose Luiz Fiorin (au Brésil), Teresa Espar (au Venezuela), Danuta Teresa Mozejko (en Argentine) et Óscar Quezada (au Pérou) ; au sujet des idées linguistiques, Maria da Graça Krieger et Diana Luz Pessoa de Barros (au Brésil), et Eduardo Ballón (au Pérou) ; sur la sémiotique et l’éducation, Ana María Camblong, Liliana Davina, María Carrtini, Carmen Schiavo, Pedro O. Silva, Marcelino García, entre autres, de l’Université des Missions, en Argentine, avec des projets d’alphabétisation interculturelle, d’alphabétisation sémiotique et d’enseignement de la lecture. Au Brésil, nous retenons maintenant encore les travaux de Renata Marchezan sur l’aspectualisation discursive, de Lúcia Teixeira sur l’énonciation dans la peinture, d’Arnaldo Cortina sur l’histoire de la lecture et des lecteurs au Brésil, de Gláucia Muniz Proença Lara sur le discours des manuels didactiques, d’Ivã Lopes sur l’épistémologie des sciences du langage, de Loredana Limoli, de Jean Cristtus Portela, d’Iara Rosa Farias et de Marcelo Machado Martins sur la sémiotique et l’enseignement.

3.2. Les études sémiotiques et les études rhétoriques

53Les études rhétoriques suivent depuis peu deux directions différentes : certains chercheurs, tels que Ch. Perelman et L. Obbrechts-Tyteca, s’emploient à réhabiliter la rhétorique aristotélicienne, étouffée, à leurs dires, par trois siècles de cartésianisme et ont développé, par la suite, une théorie de l’argumentation ou une « nouvelle rhétorique » ; d’autres, comme le Groupe µ, ont entrepris de revoir les figures de la rhétorique à la lumière des théories linguistiques et discursives. D’autres études encore réexaminent l’argumentation et les figures rhétoriques dans le cadre des théories générales du texte et du discours, comme c’est le cas pour la sémiotique discursive. Comme dit précédemment, les études sémiotiques en Amérique du Sud, surtout au Brésil et au Pérou, se sont particulièrement intéressées aux dialogues entre la sémiotique et la rhétorique. Elles traitent des questions discursives de persuasion et d’argumentation, pour la construction de l’identité ou de l’éthos de l’énonciateur et du narrateur et pour l’examen des figures du contenu et de l’expression.

54Les études sémiotiques de l’énonciation se sont développées aussi bien avec l’examen des catégories de temps, d’espace et de personne qui produisent des effets de proximité et de distanciation de l’énonciation qu’avec l’étude des relations narratologiques qui s’instaurent entre l’énonciation et l’énoncé, ainsi qu’entre l’énonciateur et l’énonciataire. Dans ce cas, l’énonciation est conçue comme un « spectacle » qui s’organise narrativement.

55Le sujet de l’énonciation remplit deux rôles narratifs : celui de sujet pragmatique de l’acte de création du texte, son objet, comme « lieu syntaxique » de ses valeurs, de ses croyances et de ses aspirations ; celui du destinateur qui installe dans le discours son destinataire, c’est à dire, où l’énonciation se dédouble en énonciateur et énonciataire. Il incombe alors à l’énonciateur d’exercer le faire persuasif au moyen des stratégies et des procédés du texte, pour convaincre l’énonciataire d’accepter ses valeurs, ses croyances et d’agir en fonction de ces dernières. À l’énonciataire, il appartient de réaliser le faire interprétatif et, à partir de cette interprétation, à croire ou non, à accepter ou non le contrat qui lui est proposé. À cette fin, la sémiotique a développé une syntaxe modale, a examiné le fonctionnement de la manipulation, de la communication et de l’interaction qui sont toujours étroitement liées et a développé les concepts de contrat fiduciaire qui gère les relations entre le destinateur et le destinataire des textes, et de simulacres qui déterminent l’intersubjectivité. De cette manière, les questions rhétoriques de l’argumentation viennent s’intégrer dans une théorie générale du discours, avec l’examen des relations énonciatives, comme des relations de manipulation, de communication et d’interaction qui sont établies par des stratégies et des procédés discursifs et textuels. De nouvelles voies s’ouvrent alors pour l’examen des textes scientifiques et politique entre autres, tel que nous avons vu dans les études sémiotiques en Amérique du Sud.

56En outre, dans le deuxième type de dialogue entre la sémiotique et la rhétorique proposé ci-dessus, le sujet de l’énonciation (comme nous venons de le définir) en construisant son texte, se construit aussi comme un acteur de l’énonciation, fort de ses croyances et de ses valeurs, de ses manières d’être et de faire. En d’autres termes, il fabrique son identité, son éthos, à partir des procédés du texte. Il est difficile de différencier l’identité de l’énonciateur de celle du narrateur installé ou implicite dans le texte, en se basant sur l’analyse d’un seul texte. Par contre, l’observation d’un ensemble de textes permettra de distinguer l’éthos de l’énonciateur de celui du narrateur. On peut citer, au Brésil, les études de Discini (2002 et 2003) et de Fiorin (2004) au sujet de l’éthos, selon un point de vue sémiotique.

57Enfin, les études sémiotiques dialoguent avec la rhétorique des figures sur deux plans.

58En premier lieu, la sémiotique a élaboré des études sur les figures en utilisant les concepts d’isotopie, de thématisation et de figurativisation. Les thèmes, abstraits, se propagent dans le texte selon des parcours qui peuvent être « concrétisés » sensoriellement par le procédé de figurativisation. L’isotopie désigne la réitération discursive des thèmes et la redondance des figures qui sont dispersées dans la dimension totale du discours. Elle assure la ligne syntagmatique du discours et répond par sa cohérence sémantique. Deux types d’isotopie existent, en fonction des unités sémantiques réitérées : l’isotopie thématique et l’isotopie figurative. Les relations entre les parcours ou les isotopies figuratives et thématiques constituent déjà des éléments rhétoriques des discours, mais, en outre, comme un discours peut avoir plus d’une lecture, les relations verticales qui s’établissent entre ces isotopies sont des métaphores ou des métonymies de l’ensemble du texte. Ainsi, dans le cadre de la sémiotique discursive, les figures rhétoriques ne représentent plus des figures de « mots », elles deviennent des figures du discours.

59Ensuite, la sémiotique traite aussi les figures du plan de l’expression, c’est à dire celles qui se forment dans les nouvelles relations entre l’expression et le contenu. Pour elle, ces nouvelles relations entre l’expression et le contenu proviennent des systèmes symboliques et semi-symboliques qui peuvent intervenir dans les textes « poétiques » de toute nature (poésie et autres textes littéraires, ballet, peinture, photographie, chanson, etc.). Ces systèmes ont comme fonction de défaire la relation qui s’est déjà instaurée entre le texte et la « réalité », ainsi que d’établir de nouvelles perspectives susceptibles de refondre ou de refaire le « réel », de destituer le sens commun de son monopole sur la vérité et, ce faisant, d’installer à sa place, la vérité textuelle d’un monde sensoriel, corporel — composé de sons, couleurs, formes, odeurs — redessiné par le texte.

60Le concept de semi-symbolisme en sémiotique désigne la relation entre une catégorie (une relation) de l’expression et une catégorie du contenu et se différencie ainsi des systèmes symboliques de Hjelmslev dans lesquels la relation terme à terme existe entre l’expression et le contenu. Les deux types de systèmes créent des relations « motivées » entre l’expression et le contenu, ils sont fortement sensoriels et corporels et ils sont basés sur la tensivité qui surdétermine les termes des deux plans. Dans les systèmes symboliques, la relation entre l’expression et le contenu est culturellement déterminée et imprègne différents textes, comme pour le cas de la relation entre le rouge et la passion, par exemple. En revanche, dans les systèmes semi-symboliques et pour un texte donné, notre manière culturellement établie de sentir et de connaître le monde est mise en échec. Une nouvelle vérité, une autre sensation de ce monde se créent. Par exemple, dans certains textes, la clarté et les formes aiguës sont liées à la vie et l’obscurité et les formes arrondies sont liées à la mort. Le monde est recréé (surtout dans la dimension du sensible) par le texte qui construit des semi-symbolismes.

61Ces figures de l’expression — symbolismes et semi-symbolismes — sont différentes des figures du contenu citées antérieurement : les figures du contenu produisent les effets de sens d’une sensorialité de « papier », de « langage » ; les figures de l’expression établissent de nouvelles relations sensorielles entre l’expression et le contenu et créent des effets de lecture du monde, entre la nouveauté et la stéréotypie culturelle. Les sémioticiens de l’Amérique du Sud qui sont préoccupés par les discours sociaux ont beaucoup travaillé dans ces directions afin de déterminer des traits et des stéréotypes culturels, ainsi qu’une nouvelle poétique et esthétique, comme nous l’avons montré avec insistance dans nos considérations sur les directions suivies par la méthodologie et les objets sémiotiques en Amérique du Sud.

3.3. Les études du discours et les études littéraires

62Nous sommes convaincus que les relations, toujours mentionnées, entre la langue et la littérature passent par les études du discours. Nous pensons qu’une grande zone d’intersection existe entre l’analyse du texte et du discours et l’examen de la littérature et qu’il était plus facile en Amérique du Sud que dans les autres régions du monde où les institutions sont plus conservatrices, de briser les séparations rigides entre les différents types et objets des études du langage, malgré les difficultés académiques qui en résultent. La sémiotique discursive a toujours contribué à ce rapprochement.

63Le texte littéraire est sans aucun doute un texte qui occupe une position de premier plan, et ce pour plusieurs raisons. Il est donc indispensable pour traiter le texte littéraire d’avoir en arrière-plan une théorie générale de l’analyse du discours comme la sémiotique. Il est convenu aujourd’hui que la plupart des faits et des procédés qui étaient autrefois considérés comme propres à l’objet littéraire, se retrouvent dans d’autres types de discours. L’abandon relatif des études des différentes manifestations textuelles jusque dans les années 60, par rapport au développement grandiose et prestigieux de la théorie et de l’analyse littéraires, a abouti à des conclusions parfois hâtives. Au stade actuel des recherches sur le discours, il n’est pas possible de déterminer la spécificité du littéraire du point de vue linguistique et discursif, sauf, peut-être, par l’organisation du plan de l’expression et par la forme particulière de son insertion dans la culture, dans la société et dans l’histoire. Ces deux aspects, celui de l’organisation de l’expression et celui des relations avec l’« extralinguistique », sont fondamentaux pour l’examen de la littérature et nous amènent à penser que, pour examiner la littérature, il faut savoir lire des textes, lire des contextes et, peut-être aussi, lire des prétextes.

64En partant du principe que pour lire des textes, il faut une théorie du discours qui soutienne la lecture, des études sémiotiques de textes littéraires ont été menées dans les différents pays d’Amérique du Sud. Ces études ont montré que le caractère « littéraire » ou « poétique » d’un texte ne peut pas être déterminé par un seul élément ou par un seul niveau de description ou encore à partir de l’examen des structures narratives ou des élaborations discursives qui seraient prises séparément. En revanche, elles révèlent aussi que la prise en compte des relations qui intègrent les différents niveaux, y compris les procédés du plan de l’expression et les relations intertextuelles (contextuelles) peut permettre de distinguer les discours poétiques, parmi lesquels figure le discours littéraire, des discours non-poétiques. Divers procédés, à différents niveaux, produisent des effets de poéticité par le passage de l’univocité à l’ambivalence (presque mythique) ou par la négation des pôles différents, c’est à dire par le passage à la continuité, après la rupture (continuité des similitudes, selon Jakobson). Les différentes études sémiotiques ont révélé ces effets dans les textes qui emploient, entre autres, les procédés d’ambiguïté narrative, les jeux énonciatifs de projection de personne, de temps et d’espace. Se produisent ainsi des effets de perspectives multiples ou polyphoniques et non d’une seule voix, d’un seul moment ou d’un seul lieu. Ces procédés assurent une relation agréable, essentiellement sensorielle et corporelle, entre le sujet et le texte poétique. Ils sont examinés de manière approfondie par la sémiotique de la poétique, de l’esthétique et du littéraire qui est pratiquée en Amérique du Sud.

65Un crescendo de « poéticité » existe, de la narration au texte (avec les organisations semi-symboliques de l’expression), en passant par le discours. En Amérique du Sud, outre les apports théoriques et méthodologiques que nous avons mentionnés, les nombreux sémioticiens qui se sont intéressés au poétique, au littéraire, à l’esthétique, se sont aussi efforcés d’analyser les textes des écrivains, des poètes, des peintres, des photographes, des cinéastes, des musiciens qui construisent la société et la culture sud-américaine. Des études ont ainsi porté sur la chanson populaire brésilienne.

3.4. Les études du discours et les études de la communication, du marketing et de la publicité

66Pour analyser les textes de communication, de marketing et de publicité du point de vue de la sémiotique discursive, il faut tenir compte de ce que l’énonciateur et l’énonciataire de ces textes entretiennent entre eux des relations de communication et d’interaction. Ces relations doivent être analysées à partir d’une théorie narrative.

67Il est bon de rappeler que, dans la communication entre les hommes, contrairement aux relations entre les machines, les sujets impliqués ne sont pas des lieux « vides ». Ils sont « pleins » de valeurs, de projets, d’aspirations, de désirs, de manières différentes de voir le monde. Ceci étant, toute relation de communication a pour but de convaincre l’autre de quelque chose, de le persuader, de l’amener à croire en quelque chose, à essayer et à sentir quelque chose et de faire ce que l’on veut qu’il fasse. En outre, la théorie sémiotique montre que toute communication est une forme de manipulation et que quatre types principaux de modes de persuasion sont utilisés par le destinateur : la tentation, l’intimidation, la séduction et la provocation. Pour que la manipulation fonctionne, il faut encore que le destinataire manipulé interprète la persuasion de l’autre, croit le destinateur et fasse ce qu’on attend de lui. La communication dépend donc de l’interprétation du destinataire, fondée sur ses valeurs, ses croyances, ses sentiments et ses émotions. Différentes stratégies de communication sont donc mises en œuvre en fonction du public, de la société et de l’époque. Les professionnels du marketing savent très bien tout ceci. Et les sémioticiens, eux aussi.

68Le dialogue entre la sémiotique (et les autres études du langage) et les études de communication et de marketing ont deux objectifs bien définis :

  • des objectifs de marketing et de publicité, c’est à dire, savoir comment mieux convaincre les destinataires de la communication (dans ce cas, selon Jean-Marie Floch, les études sémiotiques peuvent influencer la production des discours de marketing, offrir une certaine compétence à ceux qui travaillent concrètement dans le domaine de la communication) ;

  • des objectifs plus généraux d’études du langage et des discours, pour en apprendre davantage sur ces discours et leurs procédés et pour savoir comment ils constituent le lieu privilégié pour l’appréhension des mythologies de notre temps, des connaissances de notre époque et de la culture, ainsi que de nos valeurs. Il s’agit de mieux connaître la société et la culture dans lesquelles ces discours circulent.

69Les études sémiotiques de la communication sociale ont donc été et continuent à être très développées en Amérique du Sud. Dans de nombreux pays, la sémiotique est institutionnellement liée aux cours de communication et non pas à ceux de lettres ou de linguistique. Pour autant, même dans le cas où elle est liée à ces disciplines, comme au Brésil, le travail avec les discours de la communication est aussi renforcé.

70Les études sémiotiques apportent, en Amérique du sud, une contribution indéniable à l’étude des communications, de la publicité et du marketing, bien que ce ne soit pas toujours bien accepté dans les milieux de la communication. Óscar Quezada (2012) estime qu’au Pérou la résistance à la pénétration de la sémiotique dans le domaine de la communication a été plus grande que celle qui s’est produise à l’occasion de l’entrée de la discipline dans le champ de la littérature et de la linguistique. Ceux qui s’opposent à l’existence d’une sémiotique de la communication séparent rigidement, comme s’il était possible de le faire, les études de la signification de celles de la communication.

71De nombreux sémioticiens ont œuvré pour l’implantation et le développement d’une sémiotique de la communication en Amérique du Sud, selon des intérêts très divers. Ainsi, nous avons : la sémiotique de l’image ou du visuel, de la communication visuelle, de la photographie (G. Dañino au Pérou ; Valmore Agelvis au Venezuela ; Kati Eliana Caetano, Ana Claudia de Oliveira, Elizabeth Bastos Duarte et Antonio Vicente Pietroforte au Brésil) ; le discours cinématographique, audiovisuel et télévisé (Desiderio Blanco et Raúl Bendezú au Pérou ; Frank Baiz au Venezuela ; Eduardo Peñuela Cañizal, Ana Maria Balogh, Waldir Beividas, Yvana Fechine, Odair José Moreira da Silva, Ana Sílvia Lopes Médola au Brésil) ; le discours publicitaire et du marketing (Paulo Eduardo Lopes, Ricardo Nogueira de Castro Monteiro, Ana Claudia de Oliveira, Diana Luz Pessoa de Barros, Luís Alexandre Grubits Pessôa, Nilton Hernandes au Brésil ; G. Dañino et Óscar Quezada au Pérou ; Lourdes Cabeza et Julian Cabeza au Venezuela) ; le discours des médias et l’esthétique des médias (Kati Eliana Caetano, Nilton Hernandes et Jean Cristtus Portela au Brésil ; Óscar Quezada au Pérou) ; les discours de la cyberculture (Lúcia Teixeira, Renata Mancini, Regina Souza Gomes au Brésil).

Considérations finales

72Les sémioticiens du Brésil et d’autres pays latino-américains ont cherché à s’acquitter de leurs rôles multiples et ont beaucoup contribué à l’avancement de la théorie sémiotique et à la compréhension de la société sud-américaine. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire. Pourquoi seulement les historiens doivent-ils parler des « héros nationaux » ou bien les sociologues des travailleurs ruraux sans terre ? Il existe une autre perspective, un autre point de vue, un autre objet, comme dirait Saussure, construits par les sémioticiens qui examinent les discours des travailleurs ruraux sans terre ou les discours sur le séparatisme ou le racisme. Et seul le sémioticien ou tout autre analyste du discours peut décrire et expliquer ce nouvel objet.

73Dans cet article, nous avons cherché à montrer les directions et les rôles de la sémiotique discursive en Amérique du Sud et en particulier au Brésil. Nous avons rapporté les dialogues avec les autres études du langage qui caractérisent le plus la sémiotique en Amérique du Sud, ainsi que les nouveaux objets auxquels elle s’intéresse et nous avons observé comment elle s’est toujours efforcé de contribuer à la connaissance de la culture et de la société de chaque pays. Les sémioticiens ont réussi : ils assument de nouvelles orientations, ils contribuent au développement théorique et méthodologique de la sémiotique, toujours dans la même « direction », et les études qu’ils développent en Amérique du Sud ont leurs propres spécificités.

74Ainsi, la Sémiotique en Amérique du Sud se caractérise sommairement :

  • par une formation solide en sémiotique des étudiants dans différents domaines, mais surtout en linguistique, en littérature, dans la communication sociale et dans les arts ;

  • par une institutionnalisation de la sémiotique discursive en tant que discipline universitaire, ce qui favorise la recherche et la formation ;

  • par une recherche de développements théoriques et méthodologiques qui peuvent fournir des réponses aux défis d’une société multiculturelle et multilingue, c’est à dire d’une société du « mélange » et non du « tri », d’une société métissée, d’une société où le métissage fait partie de son patrimoine ;

  • par la contribution théorique qui, dans ce va et vient entre la théorie et la pratique, la sémiotique en Amérique du Sud a pu donner à la communauté sémiotique internationale, et qui a permis l’intégration de plein droit de l’Amérique du Sud à cette communauté : les études sémiotiques en Amérique du Sud ne sont plus périphériques mais, au contraire, font partie d’une Sémiotique majuscule ;

  • par un examen des discours sociaux et culturels d’Amérique du Sud, avec un fort développement de l’ethno-sémiotique et de la socio-sémiotique (même si ces noms ne sont pas utilisés), en quête de définitions, d’identité, de formes de représentation, de sens ;

  • par les contributions importantes que la sémiotique discursive a apportées aux études du langage, en recréant des dialogues prometteurs avec d’autres disciplines ou en instaurant de nouveaux dialogues.

75Enfin, les traits les plus marquants de la sémiotique en Amérique du Sud seraient peut-être le fait de ne pas avoir peur d’explorer des chemins différents et peu sûrs, de toujours se soucier de la société et de l’histoire, ainsi que de rester au centre des dialogues qui construisent les études du langage, l’homme et la société, et ce sans jamais perdre sa direction.

76Nous avons seulement mentionné quelques chercheurs, il était impossible de tous les citer dans cet article, au risque de changer de genre de discours et d’élaborer une liste, une sorte d’annuaire téléphonique. Néanmoins, qu’ils aient été clairement cités ou à peine évoqués, tous ont apporté leur contribution aux études sémiotiques en Amérique du Sud.

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Pour citer cet article

Référence papier

Diana Luz Pessoa de Barros, « Directions et rôles de la sémiotique en Amérique du sud : Premières réflexions »Signata, 3 | 2012, 131-160.

Référence électronique

Diana Luz Pessoa de Barros, « Directions et rôles de la sémiotique en Amérique du sud : Premières réflexions »Signata [En ligne], 3 | 2012, mis en ligne le 30 septembre 2016, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/844 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/signata.844

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Auteur

Diana Luz Pessoa de Barros

Diana Luz Pessoa de Barros est professeur des universités à l’Université de São Paulo et à l’Université Presbytérienne Mackenzie, au Brésil. Elle a été le président de l’Association Brésilienne de Linguistique (1991/1993) et le représentant de l’aire de Linguistique auprès du Comité de Lettres et Linguistique du CNPq (1997/1998, 2006/2009), et elle est, actuellement, le Secrétaire Générale de l’Association de Linguistique et Philologie de l’Amérique Latine (2008/2014). Elle a publié des livres et des articles surtout dans les domaines de la théorie et de l’analyse des discours, des études de la langue parlée, de la sémiotique discursive et de l’histoire des idées linguistiques. Quelques-unes de ces publications sont : Teoria do discurso. Fundamentos semióticos ; Teoria semiótica do texto ; Dialogismo, polifonia e intertextualidade : em torno de Bakhtin (avec J.L. Fiorin) ; Os discursos do descobrimento : 500 e mais anos de discursos (org.) ; Greimas en América Latina : bifurcaciones (avec T. Espar) ; A fabricação dos sentidos (avec J.L. Fiorin).

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