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Quelques éléments pour une approche discursive de la pensée effondriste en France

« Faire peur », un acte de langage salvateur ?
Pascale Delormas

Résumés

Les discours collapsologiques sont abordés à trois niveaux discursifs : celui de leur édition et des controverses qui constituent en collectif les tenants de ce mouvement de pensée, celui des implications pragmatiques de l’appel à la peur qui met en cause la capacité des individus à agir et enfin celui des pratiques langagières qui engagent pleinement les locuteurs dans une révolution cognitive dont les institutions tardent à tenir compte en dépit de l’urgence proclamée.

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Texte intégral

1Le philosophe Bernard Stiegler fondateur de l’association Ars Indutrialis voyait dans la disruption une barbarie « soft » incompatible avec la socialisation ; il désignait ainsi « la fuite en avant technologique [qui] produit une perte de repères et une désespérance qu’il est impératif d’assumer afin de repenser l’élaboration des savoirs et la macroéconomie1 ». Mais c’est plutôt dans le sens métaphorique que Bergson lui donne que le terme de disruption qualifiera ici les discours qui marquent un bouleversement dans la pensée écologiste : longtemps, en France, elle ne s’est préoccupée que du seul environnement et c’est récemment qu’elle aborde la question de la survie de l’espèce humaine2. Une approche discursive peut aider à en décrire certaines manifestations — bien loin de la pensée survivaliste, souvent revendiquée par des groupes d’extrême droite.

2On peut proposer une description du dispositif énonciatif dont émergent des discours qui s’inscrivent dans le paradigme de l’anthropocène lequel, selon la définition de Bourg et Papaux (2015), est « alternatif à la modernité, et à ce qui la caractérise éminemment, à savoir la séparation de l’homme et de la nature ». Quoique marginaux parmi les courants de l’écologie, les discours collapsologiques auxquels nous nous intéresserons touchent un lectorat plus large que ceux de l’écologie profonde, ou deep ecology, ce mouvement de pensée introduit par Arne Naess, mal perçu dans le champ philosophique en France et tant discrédité3 que les écologistes de cette mouvance ne sont pas encore très nombreux en France4.

3Nous aborderons à un niveau macro des positionnements dans le champ philosophique qui s’actualisent dans le débat autour du concept de « collapsologie » et qui donnent lieu à la constitution d’une communauté et à la visibilité d’un courant écologique minoritaire à laquelle contribue l’argument très souvent mis en avant de l’appel à la peur.

  • 5 La dimension locutoire suppose que l’on s’intéresse aux choix discursifs des acteurs, la dimension (...)
  • 6 Selon l’hypothèse ascriptiviste, le sens de l’énoncé relève d’une sémantique instructionnelle. L’hy (...)
  • 7 Cf. le concept d’« anticipation perlocutoire » développé dans Anquetil (2014 : 258).

4À un niveau meso, nous nous intéresserons aux caractéristiques pragmatiques de ces discours5. Sur le plan théorique, nous nous appuyons donc sur l’hypothèse ascriptiviste6, selon laquelle « les énoncés ne communiquent pas des états de fait mais des actions » (Ducrot et Anscombre1983). Nous cherchons à analyser la dimension illocutoire qui renvoie à l’intention de susciter des actions individuelles ou collectives sur le terrain, en d’autres termes à sa force de suggestion et à la visée perlocutoire qui la fonde7. Quant à l’effet perlocutoire, il renvoie aux effets de l’action du langage, du moins telle qu’on l’observe dans l’expression langagière des affects. Un moyen de lutter contre les effets émotionnels incapacitants de l’argument de la peur résiderait dans l’incitation à contribuer collectivement à l’écriture d’un grand récit — dont Lyotard (1979) prétendait qu’il était devenu impossible à l’époque postmoderne. Ce grand récit reposerait sur la nécessité de développer le sentiment du pouvoir agir et il supposerait la mobilisation cognitive et langagière des individus. C’est ce que je vais tenter de montrer dans la deuxième partie de cette analyse.

5Au niveau micro, c’est la problématique langagière qui est centrale — la question qui se pose étant celle de la désignation des nouvelles réalités que nous serions en mesure d’observer et de leur mise en récit. Mais les initiatives individuelles ou collectives s’avèrent de peu de poids dans la construction d’un nouveau mode de pensée tant qu’elles ne sont pas soutenues par les institutions.

1. Positionnements dans le champ philosophique des collapsologues et des anti-collapsologues

6Ainsi, plutôt que d’approcher la dimension doctrinale des discours philosophiques qui s’emparent de la pensée collapsologique, on verra comment se configure le champ de la philosophie environnementale à partir des interactions et des positionnements que les discours collapsollogiques provoquent étant donné leur visée perlocutoire et dans quelle mesure leurs effets perlocutoires constituent un facteur majeur de division.

1.1. Débat autour de la notion de collapsologie

  • 8 L’éditeur revendique, début janvier 2019, la vente de 45000 exemplaires du livre. Lui assure un cer (...)

7Suite au choc de la lecture du livre Comment tout peut s’effondrer, Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, paru en 20158, dans la collection « Anthropocène » au Seuil, les discours collapsologiques suscitent de nombreux débats. On voit se déployer deux camps qui s’opposent par l’argumentation et surtout des points de vue incompatibles comme le montre le livre de Bruno Villalba paru en février 2021, Les collapsologues et leurs ennemis, dans lequel il recense les critiques qui leur sont faites pour en proposer une réfutation point par point. Parmi celles-là, un argument est récurrent : les discours collapsologiques seraient incapacitants. C’est sur cette prétendue incapacité à agir des individus sensibles aux discours collapsologiques que je vais m’attarder dans un second temps.

8Il est possible d’observer les positionnements qui opposent les collapsologues et leurs ennemis à partir du rapport serré que les différents auteurs établissent entre leurs écrits en manifestant — comme le montrent déjà les titres des ouvrages — qu’ils se répondent les uns aux autres, cette interaction renforçant naturellement la visibilité de la collapsologie dans l’espace public.

9La parution du livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens qui vient d’être évoqué a constitué un événement éditorial majeur si l’on considère l’engouement qu’il a suscité et, comme pour réparer les dégâts psychologiques qu’ils auraient occasionnés, paraît en 2018, signé par les mêmes auteurs et Chapelle, Une autre fin du monde est possible. Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre). En 2020, dans cette même ligne et préfacé par Servigne paraît N’ayez pas peur du collapse de Sutter et Steffan.

10Il ne s’agit pas de passer en revue la littérature abondante qui s’oppose au discours effondriste. La critique émane de chercheurs de renom dans de très nombreux domaines, philosophie, économie, sociologie, psychologie, littérature comparée, géographie, histoire, science politique, mathématique, climatologie, agronomie, anthropologie. Une illustration des modalités énonciatives qui renvoient une image souvent caricaturale de la collapsologie est celle que fournissent les philosophe et agronome Larrère et Larrère, lorsqu’ils contestent pied à pied les thèses des collapsologues et en particulier celles de Servigne et ses co-auteurs, ce qui contribue à polariser le débat. Ils leur répondent explicitement dès le titre de leur livre Le pire n’est pas certain : essai sur l’aveuglement catastrophiste, paru en 2020, et l’on peut lire sur la quatrième de couverture les propos suivants :

  • 9 Les arguments essentiels que développent les auteurs sont les suivants :
    - le propos des collapsolog (...)

La chose est entendue : nous ne vivons plus dans un système climatique stable, la biodiversité s’érode, les océans s’acidifient. En entrant dans l’ère de l’Anthropocène, nous avons perdu le contrôle de notre monde.
La science de l’effondrement, ou collapsologie, affirme que la catastrophe est inévitable et qu’il ne nous reste plus qu’à nous y préparer. Il nous faut accepter la chute, que l’on s’en désespère ou que l’on y trouve une jouissance coupable. Autrement dit, « il n’y a pas d’alternative » — comme le disait en son temps Margaret Thatcher.
Or il y a une alternative. Il y en a même de très nombreuses, car ailleurs la catastrophe est déjà arrivée et a déjà donné naissance à des mobilisations politiques et écologiques. Le catastrophisme, cette construction récente qui touche les classes moyennes occidentales, c’est un « récit du Tout », un récit dépolitisé qui nous encourage à nous prendre en charge de manière privée. Or, c’est en politisant l’écologie et en adoptant un point de vue local que nous verrons se rouvrir les possibilités d’action, dans leur pluralité. C’est ainsi que nous éviterons la catastrophe — car elle est évitable9.

11Cette présentation du livre montre une rhétorique fondée sur une évaluation négative qui prend la forme d’un rejet sans nuance que l’on pourrait appeler une négation passionnelle — pour reprendre les termes de Bordron (2014) : à la formule négative « il n’y a pas d’alternative » est opposée l’affirmation « or il y a une alternative » ; « inévitable » est repris par « évitable ». On note la reprise anaphorique de « science de l’effondrement », auquel est apposé « collapsologie », par le terme marqué axiologiquement de « catastrophisme », qu’annoncent dans la phrase précédente le verbe « désespérer » et l’expression « jouissance coupable ». Quant aux arguments eux-mêmes, outre le défaut de conscience historique et celui d’européocentrisme — puisque la catastrophe aurait déjà eu lieu par le passé et dans d’autres régions du monde —, les auteurs les déploient en dénonçant frontalement l’impact démobilisateur des discours collapsologiques ; face au « récit dépolitisé » les auteurs préconisent l’action politique d’une écologie qu’il faudrait « politiser » pour, disent-ils, « mobiliser », « ouvrir des possibilités d’action » en écho aux « mobilisations politiques et écologiques » déjà là. Cette dernière isotopie sémantique de l’action soutient l’argument majeur de leur offensive.

  • 10 In Defense of the Land Ethic (1989).

12Pour renforcer leur positionnement politique tout en reconnaissant l’urgence, Larrère et Larrère se reconnaissent des alliés en l’américain Callicott, auteur de L’éthique de la nature10 — que Catherine Larrère contribue à faire connaître par sa traduction parue en 2010, préfacée par Philippe Descola — et en Jean-Pierre Dupuy : le titre Le Pire n’est pas certain : essai sur l’aveuglement catastrophiste se situe en effet dans le prolongement de la réflexion que Dupuy mène dans Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, paru en 2002. Pourtant la présentation qu’en fait l’éditeur semble s’opposer à leurs convictions. Voici en effet ce que l’on peut lire en quatrième de couverture du livre de Dupuy :

Le temps est venu de mener une réflexion sur le destin apocalyptique de l’humanité : nous avons en effet acquis la certitude que l’humanité était devenue capable de s’anéantir elle-même, soit directement par les armes de destruction massive, soit indirectement par l’altération des conditions nécessaires à sa survie. Le pire n’est plus à venir mais déjà advenu, et ce que nous considérions comme impossible est désormais certain. Et pourtant nous refusons de croire à la réalité du danger, même si nous en constatons tous les jours la présence. Face à cette situation inédite, la théorie du risque ne suffit plus : c’est à l’inévitabilité de la catastrophe et non à sa simple possibilité que nous devons désormais nous confronter.

  • 11 Ses analyses relèveraient également de l’écologie arcadienne qui va de la critique des techniques v (...)

13Ce ne sont là que quelques exemples du flou sémantique qui entoure la notion de « catastrophisme » qu’il faudrait distinguer du « catastrophisme éclairé ». Pour Dupuy (2002), il s’agit de faire comme si la catastrophe était certaine, « à un epsilon près, et de mettre à profit le peu qui nous en sépare encore pour tenter de l’éviter » (Bourg et Whiteside 2017). Dans leur proposition d’une typologie des écologies politiques les deux auteurs considèrent que son approche relève de l’écologie catastrophiste, inspirée par Jonas11.

14La radicalité des oppositions ne pouvait qu’encourager la constitution d’un courant collapsologique et en soutenir la visibilité. En effet, depuis les récents soubresauts que vit la planète terre (sécheresse, manque d’eau potable, tempêtes, températures en hausse, alerte à la pollution), les populations éprouvent dans leur chair les problèmes qui leur étaient annoncés et prêtent une oreille de plus en plus attentive aux messages d’alerte que des media nationaux comme Le Monde se chargent dorénavant de diffuser sans nécessairement établir un lien cohérent entre les événements et l’effondrement prédit.

1.2. Constitution d’une identité collective et visibilité du courant collapsologique

  • 12 La référence à de nombreuses quelques figures tutélaires dont la réputation n’est plus à faire comm (...)
  • 13 https://wildproject.org/ ; « Des livres qui parlent des 4 coins du monde, réalisés à Marseille par (...)

15Les discours collapsologiques ont bénéficié très tôt d’une communication exotérique [que Regent (1992) oppose à la communication ésotérique]. La forte médiatisation de penseurs respectés dans leur milieu et convaincus de l’imminence de l’effondrement est telle que le sérieux scientifique de Servigne et de ses co-auteurs n’est plus aussi souvent mis en cause qu’au moment de leurs premiers écrits. Étant donné son caractère transdisciplinaire, elle a contraint les spécialistes de disciplines très diverses à faire œuvre de pédagogie en vue d’informer le public et de l’éduquer à une sensibilité aux différents milieux et aux modes d’existence de ceux qui y vivent. Ainsi, la collapsologie a su creuser son sillon et, petit à petit, se constitue une nébuleuse de courants convergents12. Témoignent de l’ambition d’une révolution culturelle la tonalité didactique des ouvrages collectifs, l’émergence de nouvelles collections et de nouvelles maisons d’édition comme Wildprojekt13 et surtout la parution de manuels — la manuelisation peut être en effet considérée comme l’expression de la consécration d’une pensée ou d’un mouvement qui aura diffusé au-delà de cercles restreints.

16Avec le titre Collapsus, changer ou disparaître ? Le vrai bilan de notre planète, les éditeurs Testot et Aillet (2020), reconnaissent une filiation avec Jared Diamond, auteur de Collapse (2005). Il s’agit d’insister sur l’imminence de la catastrophe à venir, non pour l’éviter mais bien pour s’y préparer. Le titre est explicite : la question purement rhétorique signifie que l’idée d’une alternative n’est pas recevable ; un changement de mode de vie s’impose si l’on veut éviter la disparition pure et simple de l’espèce humaine. La « quarantaine d’auteurs experts et militants pour l’ouvrage de référence sur la collapsologie », dont la longue liste des noms figure dans l’annonce du livre et la mention de leur qualification constituent un argument d’autorité massif. La volonté de frapper un grand coup pour déciller les yeux des sceptiques se manifeste ici : l’aide cognitive proposée — il est question d’« aider à comprendre » — engage les lecteurs potentiels à agir et se situe dans une actualité politique (« afin d’engager nos choix citoyens »).

17Les caractéristiques textuelles de la présentation de cet ouvrage sont intéressantes. On sera particulièrement sensible au procédé stylistique de l’accumulation et aux dimensions sémiotiques de « l’effet-liste » dont on peut dire ici qu’il obéit « à une logique progressive et ouverte sur l’à venir » (Colas-Blaise 2015). La non-exhaustivité affichée des références est comme un appel à contribution.

  • 14 Les indices sémiotiques et textuels abondent comme les titres des chapitres en capitales, la répéti (...)

18Un autre ouvrage collectif, Aux origines de la catastrophe. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? paru en novembre 2020, obéit à la même stratégie avec naturellement des spécificités. L’introduction comme la dernière section, considérés en narratologie comme les seuils du texte sont pris en charge par Servigne, dont la signature permet à elle seule de connaître l’orientation de l’ensemble. L’interdisciplinarité sur laquelle se fonde la pensée collapsologique est particulièrement mise en avant (on relève le terme d’« arborescence ») et le « tissage final » propose un aboutissement de la réflexion, entendu comme nécessaire étant donné le foisonnement des analyses et la démesure de la tâche à accomplir. La présentation contribue également à la prise de conscience de l’urgence de la mobilisation14.

19Les pensées de l’écologie. Un manuel de poche, paru début 202115, n’est pas consacré particulièrement à la pensée collapsologique mais il ouvre sur des problématiques que les collapsologues abordent aussi. La visée didactique de cette anthologie se manifeste à travers le découpage des problématiques abordées sous la forme d’une liste de questions à laquelle on prétend répondre et la dimension collective du manuel est mise en avant comme le montre une auctorialité minorée : le nom du concepteur de cette anthologie n’apparaît qu’en 4e de couverture et ceux des contributeurs ne sont fournis que dans la table des matières. En outre, à la fin du livre, une critique virulente, quoiqu’ implicite, peut être inférée de la coexistence de deux index : l’index des notions du programme de philosophie de terminale imposé en France dans lequel n’apparaît aucune des notions explorées dans l’ouvrage et l’index des notions abordées dans l’ouvrage.

  • 16 Le projet éditorial de la revue Yggdrasil, fondée par Yvan Saint-Jours, Pablo Servigne et Denys Cha (...)

20On peut voir que l’opposition frontale à la collapsologie contribue à la forte polarisation du champ philosophique académique et qu’elle stimule une production éditoriale importante qui concourt au développement et à la visibilité de ce courant. La littérature collapsologique touche en effet un public toujours plus large16 si bien que sont au centre du débat la visée et les effets perlocutoires des discours de l’effondrement, et en particulier les effets de l’appel à la peur.

1.3. L’appel à la peur

21La question se pose du bien-fondé de la diffusion du discours collapsologique étant donné les réactions émotionnelles qu’il provoque. La distinction s’impose entre la « pédagogie des catastrophes » que prônent les collapsologues et le « catastrophisme éclairé » de Jean-Pierre Dupuy dont se réclament pourtant les auteurs de Comment tout peut s’effondrer.

1.3.1. « Catastrophisme éclairé » ou « pédagogie des catastrophes » ?

22Comme le pensent certains philosophes qui promeuvent la « Pédagogie de la peur », les discours catastrophistes peuvent s’avérer utiles : Karl Jaspers parle, lorsqu’il milite contre la bombe atomique, d’« angoisse créatrice » ; Günther Anders, « semeur de panique », met en scène dans une parabole dans Temps de la fin et fin des temps (Endzeit und Zeitende) le personnage de Noé, prophétisant l’anéantissement qui va advenir. « Si je suis venu devant vous, c’est pour inverser le temps, dit-il, c’est pour pleurer aujourd’hui les morts de demain ». Noé parvient à ce que les uns et les autres prennent au sérieux sa prédiction de leur mort prochaine, si bien qu’ils se présentent à lui et cherchent à l’aider « pour que cela devienne faux ».

23Dupuy, redoutant les effets délétères de la peur, déplore dans les media le contre-sens dont sa pensée aurait été victime au point qu’il déclare qu’il n’utilise plus lui-même le concept de « catastrophe ». Il se situe dans la filiation de Jonas (1995) qui met en avant dans le « Principe responsabilité » l’idée reformulée par Greisch (2006) selon laquelle il s’agit d’« apprendre à avoir peur au double sens des représentations et du ressenti correspondant ».

24C’est ainsi que Dupuy (2020) avance l’argument de la responsabilité éthique du chercheur qui doit prendre en compte les affects de ceux qui l’écoutent :

Il ne faut pas clore l’avenir. Il faut certes annoncer le malheur mais pour faire en sorte que celui-ci ne se produise pas. Pour cela, il faut tenir compte de l’effet de cette parole sur les gens eux-mêmes. Si on dit aux gens que quoi qu’ils fassent l’effondrement est certain et se produira avant 2030, c’est condamner l’avenir. Au point que de nombreuses personnes sont influencées par les collapsologues qui s’expriment de la sorte et renoncent à faire des enfants, en estimant que ça ne sert à rien au vu de l’effondrement climatique… Les collapsologues tiennent le malheur pour certain alors qu’il faut plutôt le nuancer pour donner aux gens la capacité, l’intelligence, l’énergie de faire en sorte que la situation s’améliore17.

25On voit donc ce qui est en cause ici n’est pas le caractère vériconditionnel du discours collapsologique mais bien les conséquences de sa diffusion dans la population.

1.3.2. Une rhétorique des émotions

26Les effets anxiogènes des discours effondristes des collapsologues sont en effet attestés comme le montrent l’approche empirique des média et l’analyse systématique de Sutter et Steffan. On verra que la rhétorique des émotions permet de décrire les types de rhétoriques affectives que révèlent leurs observations.

27Des témoignages verbatims recueillis dans l’édition du Monde en ligne du 21 juin 2019 font état de la crise que traversent les individus qui prennent au sérieux le discours de l’effondrement et des décisions qui s’imposent à eux18 :

Eco-anxiété, dépression verte ou « solastalgie » : les Français gagnés par l’angoisse climatique.
Le dérèglement climatique ne va plus affecter les générations futures mais celles d’aujourd’hui, analyse Luc Semal, maître de conférences en sciences politiques au Muséum national d’histoire naturelle. Ce sujet est tellement écrasant, d’un point de vue émotionnel, qu’il peut phagocyter la vie personnelle.

28Après la lecture du best-seller de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, qui prévoit l’issue de notre civilisation thermo-industrielle, de nombreux lecteurs du Monde ont témoigné sur le site de leur « abattement complet », d’une « sidération », du « coup de massue » reçu… Dans le prolongement de ce dernier témoignage, un changement de mode de vie peut accompagner une profonde déstabilisation. Ainsi, Hervé Gardette, chroniqueur de France Culture, écrit-il dans Ma transition écologique :

Je ne peux plus regarder s’envoler un avion sans mauvaise pensée, ni regarder une vidéo en ligne sans mauvaise conscience. Pour rester crédible et intègre, j’ai renoncé aux soldes d’hiver, au foie gras, aux taxis, aux enceintes connectées, au Thermomix, à la 5G. Faire les courses au supermarché est devenu un calvaire. Un voyage au pays des infidèles. Comme aurait dit Mac Mahon : que de plastique, que de plastique. Tout y est sous blister. La littérature n’est même plus un refuge. Pour peu qu’on y croise un petit coin de nature, le moindre roman devient visionnaire. « Germinal » n’est plus un livre sur la condition ouvrière, mais une prophétie sur la fin du charbon. J’ai expulsé « Le Rouge et le Noir » de ma bibliothèque : ça manquait de vert.

29Comme le montre ce texte ironique marqué par l’isotopie religieuse de la souffrance et par celle de la culpabilité, la cohérence des convictions et des actes est questionnée. Les habitudes des citadins du monde occidental urbanisé et hyper-connecté sont remises en cause sans qu’une alternative soit proposée.

30Comme le rapporte le même article du Monde, des issues radicales ont pu être trouvées par certains : renforcement des réseaux, engagement politique ou gestes écologiques du quotidien.

Le vidéaste Vincent Verzat a choisi la « sobriété heureuse » et rassemble mensuellement des amis pour « digérer les infos », « sentir un réseau d’entraide », « se projeter dans un monde sans argent ». Emma, 19 ans, a trouvé son sas de décompression en rejoignant Extinction Rebellion, ce mouvement de désobéissance civile né en octobre 2018 au Royaume-Uni. D’autres s’attaquent aux ennemis d’un quotidien plus vert : viande, plastiques, produits ménagers, déchets ou grandes surfaces. Changement de vie, changement d’idées.

31Quant à l’analyse quantitative multicritériée que présentent Sutter et Steffan en janvier 2020 sur le site Obveco.com (Observatoire des vécus du collapse), elle fait apparaître de grandes tendances dans la population française, en fonction du genre, du lieu d’habitation, du régime de croyances des individus (optimistes/actifs/pessimistes/passifs), de la catégorie socio-professionnelle pour aboutir à une cartographie des « vécus du collapse ».

32L’analyse sémantique de leurs données fait apparaître que le « terme “fin” est plébiscité par la très grande majorité d’entre eux pour la caractériser. À ce mot central (comme le montre la carte sémantique) les termes les plus cités sont guerre, catastrophe, mort, crise »19.

33Ces deux approches de l’effet perlocutoire des discours des collapsologues renvoient aux différents types de rhétorique affective dont fait état le tableau que propose Ballet (2014).

Figure 1

Figure 1

Types de rhétorique affective

Ballet 2014

34- la première approche, celle du Monde, témoigne de la contagion d’affects et de l’adhésion au récit pathémique — il s’agit d’émotions « dites » dans les témoignages et d’émotion « montrée » dans les commentaires.

35- l’approche de Sutter et Steffan est attribuée à un tiers et elle rend compte de l’induction d’affects des discours collapsologiques avec l’objectif explicite de « faire agir avec la plus grande pertinence ».

36De telles informations, qu’elles soient diffuses et parcellaires ou chiffrées et fondées scientifiquement, sont révélatrices de la réalité de la peur du collapse. Dans le premier cas le constat indique à un niveau local ce que la peur de l’effondrement fait éprouver et fait faire aux individus. Dans le second cas, le constat est censé faire faire à un niveau global, politique. En termes sémiotiques on peut dire que l’intervention de Sutter et Steffan consiste à tenter de faire obstacle à la possibilité pour l’état de ne pas agir, pour le réduire à agir sur les causes de la peur, dès lors que les résultats de l’analyse auraient été portés à la connaissance des décideurs.

2. Faire agir

37Des études en psychologie sociale (Allen et Witte 2004) montrent que « provoquer la peur s’avère […] pertinent à certaines conditions : le message doit présenter de manière crédible une menace associée à des recommandations efficaces et faciles à suivre, afin que le sujet se sente capable de les réaliser ». C’est ainsi que de nombreuses initiatives contribuent au développement du « sentiment de pouvoir agir » et parviennent à légitimer le nouveau rapport au vivant que les collapsologues appellent de leur vœu à travers des actes langagiers décisifs.

2.1. Le concept de sentiment de pouvoir agir

  • 20 Chez Amartya Sen, la notion prend racine dans la théorie du choix social ainsi que dans la philosop (...)

38Parmi les moyens de parvenir à faire évoluer les consciences et de lutter contre l’effet démobilisant des discours effondristes, Morin, Therriault et Bader (2022) introduisent un concept central, celui de « sentiment de pouvoir agir » dans la perspective de l’éducation des jeunes à l’environnement. Ce concept est articulé aux 3 concepts d’agentivité, de sentiment d’efficacité personnelle et de pouvoir agir, dans le cadre de l’approche des capabilités de Sen (1985)20. Le schéma qui suit et son commentaire en éclaire le principe.

Figure 2

Figure 2

Théorie des capabilités et Émergence du concept de sentiment de pouvoir agir

Morin, Therriault et Bader 2022

L’agentivité […] dépend directement du sentiment d’efficacité personnelle ou collective pour pouvoir se réaliser (Bandura, 2003). Sans ce sentiment, l’agentivité serait moindre, voire nulle, puisqu’il constitue la croyance de l’individu en sa capacité d’agir. Un individu peut difficilement agir s’il ne se croit pas capable d’agir. […]
Le développement du pouvoir agir permettrait de développer à la fois les libertés de bien-être et d’opportunités et les libertés de processus et de réalisation. […] Il signifie à la fois, le processus d’accroissement de l’agentivité et de l’accès aux ressources et commodités, ainsi que le résultat de cet accroissement. Il serait un processus visant à augmenter les capabilités des individus, que celles-ci soient liées directement à une action ou alors qu’elles soient liées à un état. Le développement du pouvoir agir permettrait donc de développer à la fois les libertés de bien-être et d’opportunités et les libertés de processus et de réalisation. […]
Le sentiment de pouvoir agir serait quant à lui le sentiment de l’individu face aux différentes libertés qu’il possède, donc ses libertés de bien-être et d’opportunités et ses libertés de processus et de réalisation (Morin et coll., 2019). En tant que concept pivot, le sentiment de pouvoir agir semble particulièrement pertinent dans le contexte des changements climatiques, contexte vulnérabilisant (encore davantage pour les jeunes).

39Des initiatives de plus en plus nombreuses contribuent à faire émerger ce « sentiment de pouvoir agir » à travers la mobilisation cognitive et sensible des individus et en cela à combattre la peur. Vont dans ce sens de nouvelles pratiques dans le domaine de la protection de l’environnement et dans le recours réflexif à de nouveaux usages langagiers.

2.2. Engagement citoyen et science participative

40Certains énoncés institutionnels aident les individus à accroitre leur « sentiment de pouvoir agir » à travers l’incitation à une action écologique. Ainsi, par exemple, la lettre adressée aux habitants de la région française Auvergne Rhône-Alpes par un Groupement de Défense Sanitaire — une association départementale d’éleveurs — et relayée au niveau communal par les mairies fait la recommandation suivante :

Madame, Monsieur,
Comme à chaque saison, nous vous adressons un mail, concernant la prévention, la surveillance et la lutte contre le frelon asiatique en Auvergne Rhône-Alpes. La campagne 2020, explosive en termes de présence du frelon asiatique sur notre territoire, nous incite à la plus grande vigilance pour cette saison à venir, c’est pourquoi nous vous rappelons qu’il est ESSENTIEL de déclarer toute suspicion sur la plateforme dédiée : https://www.frelonsasiatiques.fr. Ainsi, vous trouverez ci-joint sur le même document, pour rappel :
une affiche, indiquant la démarche pour effectuer un signalement de nid ou d’insecte, pour impression et affichage dans vos locaux,
un flyer pouvant servir de support d’aide à la reconnaissance du Frelon asiatique, à imprimer pour les personnes qui le souhaitent,
un article concernant le Frelon asiatique, pour intégration dans vos bulletins municipaux ou sur votre site internet,
Nous vous remercions pour l’implication dont vous avez déjà fait preuve dans cette surveillance et pour l’aide et le soutien que vous porterez à la poursuite du dispositif, dans l’intérêt de la santé publique, des abeilles et plus largement de l’environnement.

41Il s’agit de faire agir par délégation, de faire-faire, en l’occurrence de faire intervenir les administrés dans un processus de prédation — on note la double énonciation : l’association s’adresse au service de la mairie chargée de diffuser la demande. L’appel à la vigilance repose sur l’activation du niveau mental et émotionnel à travers la dramatisation du message (image, mise en forme typographique, message alarmiste…) pour emporter la décision rationnelle des différents destinataires. La possibilité de ne-pas-agir est affectée par l’intervention d’une autorité qui réduit le destinataire à devoir s’engager. Ainsi,

[…] concernant l’interaction, sur le plan dialogal, référence est faite à des valeurs supposées communes — l’entente est alors tacite — [implication en matière de santé publique, protection des abeilles et de l’environnement] pour soutenir la motivation des acteurs potentiels, et la dimension transitive, c’est-à-dire la programmation de l’action, linguistique et non linguistique, du destinataire-exécutant qui pilote des gestes à travers une ergonomie cognitive peu coûteuse pour l’usager. (Basso 2021)

42L’injonction directe, si on y obéit, implique que l’on se mobilise à travers l’observation, la connaissance et la vigilance face au danger environnemental qui menace. Le matériel joint (une plateforme dédiée, une affiche, un flyer, un article) permet d’outiller chacun pour atteindre l’objet de la requête, bref, le sujet est désigné, l’objet est prescrit, l’action pour y parvenir est dictée sans que soit évoqué le moindre obstacle. Naturellement le récit reste ouvert car l’issue est incertaine, mais si le destinataire ne coopère pas et n’accepte pas d’endosser le rôle qui lui est destiné, la non-actualisation de l’action peut avoir pour conséquence un sentiment de culpabilité et en cela fournir tout de même un aboutissement à la narration, l’intervention de l’« interprétant final » arrêtant de toute façon le processus de la sémiose.

43Certes ce type de discours se déploie sur une scène énonciative socio-politique, mais il participe pleinement à l’émergence éventuelle d’un nouveau grand récit. En effet, pris dans un réseau de discours alarmistes, il amène bel et bien à la conscience de devoir agir et il donne l’opportunité de pouvoir agir, dans le cadre d’une action collective et pour la collectivité. Ici, le sentiment de pouvoir agir à long terme est en quelque sorte actualisé dans une action ponctuelle par un sentiment d’efficacité personnelle.

  • 21 Cf. Garnier (2019) : « L’intérêt grandissant pour l’accès à la connaissance en dehors des formes sc (...)

44Parmi les nombreuses initiatives favorables au sentiment de pouvoir agir, des chercheurs en psychologie positive se font l’écho d’expériences de science participative21.

  • 22 Cf. https://www.spipoll.org.
  • 23 Il s’agit de distinguer les différentes espèces et à les nommer au-delà des termes génériques en us (...)

45Le processus cognitif qui doit être activé pour tenter de pallier notre incompétence ou pour dépasser notre handicap passe d’abord par l’étape du percept, celle de l’expérience de la rencontre qui touche l’affect ; puis on se met à se documenter et on finit par développer une expertise qui permet d’accéder à un certain niveau de généralisation lequel, de façon spiralaire, rend d’autant plus sensible aux particularismes (c’est-à-dire aux individualités) et susceptible d’émotion. Mais cette acculturation suppose un investissement de tout l’être que l’éducation ne favorise pas. Le corps comme la capacité cognitive sont fortement sollicités dans un projet de sciences participatives comme Spipoll, qui a pour but d’étudier les réseaux de pollinisation, c’est à dire les interactions complexes entre plantes et insectes, mais aussi entre les visiteurs des fleurs eux-mêmes22. Le travail d’observation parfois très lent amène, outre un enrichissement de la connaissance d’un milieu et des compétences encyclopédiques, à développer de nouvelles capacités d’attention aux « autres animaux » (Lestel 2019)23.

3. De nouvelles pratiques langagières

46De nouveaux usages du langage s’imposent comme autant de moyens d’agir pour faire face à l’effondrement. Un encouragement à la pratique de l’écriture collective et une attention soutenue à la dimension sémantique des mots employés s’avèrent nécessaires pour le changement radical de point de vue que réclament les individus convaincus de la catastrophe à venir. Mais la conscience de la responsabilité qui incombe aux humains n’est pas encore partagée jusque dans les conséquences ultimes. Elle relèverait sans doute de décisions institutionnelles particulièrement difficiles à prendre.

3.1. Une auctorialité volontariste

  • 24 La maison de Plumwood est devenue un lieu de résidence d’écrivains. Voir également Plumwood Mountai (...)

47L’efficacité de l’implication dans la narration est reconnue et certains nouveaux récits résultent d’injonctions à endosser une fonction auctoriale. L’éco-féministe australienne, Val Plumwood (2020), voyait dans l’activité d’écriture une façon de « ré-animer la nature » par ce qu’elle appelait « la voix active » : selon sa philosophie animiste, la narration permet d’activer nos différentes agentivités/intentionnalités et de développer ainsi des vertus de communications inter-espèces et contre-hégémoniques24. Citton et Rasmi reprennent cette idée qu’investir des croyances empruntées aux cultures animistes ou panthéistes serait plus efficace que les discours alarmistes des membres du GIEC ; elles auraient le pouvoir de structurer les sociétés occidentales.

  • 25 Berque introduit la notion de la mésologie, une éco-phénoménologie issu de la philosophie développé (...)

48Des initiatives de ce genre sont assez nombreuses en France dans les milieux écologistes, certaines sans doute davantage inspirées du storytelling qui prospère dans le monde marchant et productiviste, d’autres, inspirées par des convictions fondées sur la volonté de faire émerger une subjectité, c’est-à-dire un être-sujet en rapport avec son milieu (Berque 2014)25.

49Qu’il s’agisse de petits récits très vivants qui s’élaborent dans le milieu associatif et les organisations en charge de la question environnementale (Jalenques-Vigouroux 2016) ou de travaux de groupe encadrés dans la perspective d’élaboration de projets, ce sont autant de jalons vers ce meta-récit considéré comme une nécessité pour rendre le futur soutenable26.

3.2. Pour un nouvel usage de la langue

50Les dénominations voire les re-nominations marquées par des opérateurs comme les guillemets signalent la nécessité d’un temps d’adaptation et d’assimilation par le public pour passer de la mention à l’usage (Calabrese 2019). Ainsi les dénominations des délégations de la mairie de Poitiers, dirigée par l’écologiste Moncond’huy, rendent compte de la conscience de l’importance d’un nouveau vocabulaire qu’elle ne veut pas appeler « novlangue militante » lorsqu’elle use de formulations comme « commande publique responsable », « ville accueillante », « droits culturels », « éducation nature », « bientraitance animale ».

51Dans les discussions sur la description la plus juste de notre monde il conviendrait de forger un langage susceptible de rendre compte de nouvelles nécessités, par exemple à travers le recours à des néologismes ; ainsi, le terme de « sentience » emprunté à l’anglais serait seul en mesure de rendre compte de la sensibilité et la conscience animale, d’après Guillaume (2018 : 69-80).

  • 27 C’est précisément ce que résume l’une des formules phares de Leopold : "penser comme une montagne". (...)

52On observe une floraison de titres d’ouvrages en prise avec la question écologique qui tentent de dire l’inouï à travers des formulations syntaxiquement correctes mais jusqu’ici incorrectes sur le plan sémantique. Ainsi les énoncés comme Penser comme un iceberg (Remaud 2020), Habiter en oiseau (Despret 2019), Raviver les braises du vivant (Morizot 2020) visent à induire chez le lecteur un effort de compréhension et ils suggèrent de façon provocatrice la révolution cognitive à accomplir. Mais si le propos frise le canular, l’interpréter comme métaphore risquerait de nuire au projet de rénovation langagière censé donner lieu à une révolution des consciences. Le projet consiste à adopter un point de vue qui ne soit pas anthropomorphique27.

3.3. Une responsabilité institutionnelle

53Les termes de l’anthropologue Mary Douglas, dans son ouvrage Comment pensent les institutions (2004) sont éclairants au sujet de la responsabilité institutionnelle lorsqu’elle écrit (pp. 145-146) :

Attirer l’attention à la sensibilité aux noms a le mérite d’inviter les philosophes à changer de focale. C’est le cas de Foucault, qui, au lieu de s’intéresser à la nomination comme moyen de désigner les choses, dévoile des systèmes complets de connaissances. La relation entre les gens et les choses qu’ils nomment n’est jamais statique […] La nomination ne représente qu’une partie de l’affaire, et elle ne se situe qu’à la surface du processus de classification. L’interaction qu’Hacking décrit est circulaire : les gens font les institutions, les institutions font les classifications, les classifications modèlent les actions, les actions appellent des noms, et les gens, ou d’autres créatures, répondent à ces noms, positivement ou négativement.

54Pour les promoteurs d’une vision du monde selon laquelle l’être humain n’est plus à la place hégémonique qu’il occupait jusqu’alors, la responsabilité des locuteurs est engagée dans l’usage des mots (Kerbrat-Orecchioni 2021). Michel Serres (1990 : 60) nous conjure de changer de modalité discursive, lorsqu’il écrit dans Le contrat naturel « Oubliez donc le mot environnement, usité en ces matières. Il suppose que nous, autres hommes, siégeons au centre d’un système de choses qui gravitent autour de nous, nombrils de l’univers, maîtres et possesseurs de la nature ».

55Si l’on examine la spécificité pragmatique de ces énoncés, on constate que s’ils « ont en commun de dire de faire en prédisant un résultat, d’inciter très directement à l’action » (Adam 2005 : 95), ils supposent une « interaction langagière accomplie dans une situation d’énonciation impliquant des participants, une institution, un lieu, un temps et les contraintes d’une langue donnée […] » (Ibid., p. 36), or l’interaction en l’occurrence est perturbée : étant donné le contexte d’énonciation, le destinataire (toujours) potentiel est particulièrement imprévisible. Les co-énonciateurs ne peuvent pas s’entendre sur la base d’une culture commune étant donné le caractère très déconcertant du message. C’est pourquoi on préfèrera parler à l’instar de Basso Fossali (2021 : 15) de « discours programmateurs » plutôt que de discours injonctifs. Les énoncés des discours programmateurs se proposent en effet

comme un germe de réorganisation du domaine d’application, donc comme une instance hétérogène qui vise à montrer sa consistance sémantique et son caractère prometteur dans un terrain encore plein d’incertitude. Sans user d’arguments, ces titres programmateurs sont perçus comme des énoncés argumentatifs mais, encore une fois, la condition de félicité (Austin, 1962) qui garantirait une réception conforme à l’intention est loin d’être assurée.

56L’éco-anthropologue Marsolier (2020) insiste sur la nécessité de faire intervenir une autorité institutionnelle pour imposer de nouvelles façons de dire la réglementation pouvant précéder les usages pour les faire advenir afin d’éviter que perdure le mépris dans lequel on tient les « bêtes ». Si la « qualification juridique » apparaît comme un recours nécessaire à Angenot (2014) lorsqu’il s’agit de controverses, il est question ici d’un effort collectif pour trouver à décrire un monde inconnu mais proche.

57Parmi les institutions, celle de l’enseignement paraît la mieux à même de faire évoluer les esprits. Cependant force est de constater que l’« hypothèse Gaïa » se fait attendre que Latour cherchait à promouvoir pour une révolution même si la reconnaissance juridique d’instances non humaines mises en scène dans la fiction de la COP21 parallèle que le chercheur avait organisée avec ses étudiants est aujourd’hui une question sérieusement discutée. Ainsi un Parlement de Loire cherche aujourd’hui à faire reconnaître la Loire comme personnalité juridique28. Cela suppose un changement de paradigme dont la dimension langagière tient la première place comme le montrent le type de questionnements et la grande diversité de genres discursifs investis lors des démarches dont un site dédié se fait l’écho29.

58Quant aux enseignements scolaires, quand bien même les acteurs partageraient les convictions des prophètes de l’effondrement, la révision des contenus à enseigner exigerait un travail de révision programmes colossal que l’institution n’est pas prête à accomplir.

Conclusion

59L’approche écologiste qu’est la collapsologie gagne à être comprise à travers l’analyse de deux traits caractéristiques : d’une part la constitution d’une identité collective dans le débat qui anime le champ de la philosophie en lien avec la critique la plus fréquente faite à l’approche effondriste, celle de répandre la peur, qui serait incapacitante. Mais le recours au principe de responsabilité peut conduire à des activités susceptibles de libérer les individus de l’inquiétude redoutée par les ennemis des collapsologues : il les amène à acquérir des compétences sensibles et cognitives qui les rendraient aptes à changer radicalement de vision du monde. Cependant les institutions sont sans doute seules à pouvoir la soutenir.

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Bibliographie

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Notes

1 Cf. https://www.liberation.fr/debats/2016/07/01/bernard-stiegler-l-acceleration-de-l-innovation-court-circuite-tout-ce-qui-contribue-a-l-elaboration_1463430/.

2 Cf. Wikipedia : « le concept d’Anthropocène est lié au courant de pensée qui vise à tisser des liens entre les différents impacts de l’homme sur la Terre (climat, biodiversité, ressources), et à chercher leur cause dans la société capitaliste et anthropocentriste. »

3 Cf. par exemple le pamphlet de Luc Ferry (1992).

4 Cf. http://www.la-bibliotheque-resistante.org/mes_textes/ecologie_profonde.pdf, le site de la Révolution écologique pour le vivant (REV) et Afeissa (2009).

5 La dimension locutoire suppose que l’on s’intéresse aux choix discursifs des acteurs, la dimension illocutoire ou performative renvoie à l’expression de l’intention de susciter des actions sur le terrain, en d’autres termes sa force de suggestion pour une action individuelle ou collective.

6 Selon l’hypothèse ascriptiviste, le sens de l’énoncé relève d’une sémantique instructionnelle. L’hypothèse sui‐référentielle, renvoie au fait que « comprendre un énoncé, c’est comprendre les raisons de son énonciation ».

7 Cf. le concept d’« anticipation perlocutoire » développé dans Anquetil (2014 : 258).

8 L’éditeur revendique, début janvier 2019, la vente de 45000 exemplaires du livre. Lui assure un certain crédit la préface d’Yves Cochet, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement de juillet 2001 à mai 2002 dans le gouvernement Jospin et fondateur de l’Institut Momentum, dont il est président depuis juin 2014. Il est membre du parti politique des Verts puis de celui d’Europe Écologie Les Verts.

9 Les arguments essentiels que développent les auteurs sont les suivants :
- le propos des collapsologues est européo-centré, la catastrophe ayant déjà eu lieu dans de nombreuses régions de la planète. En outre, les populations touchées sont capables d’adaptation en fonction de leurs capabilités, pour reprendre le terme de l’économiste Sen.
- il ne problématise pas les différents niveaux d’intervention : il préconise des actions locales en réponse aux catastrophes qui touchent la planète entière.
- il est totalement dépolitisé, le repli sur des micro-sociétés autarciques ignore le niveau des corps intermédiaires et de l’état dont on ne peut se priver en matière de santé, par exemple.
- il ne questionne pas la question migratoire.
Cependant, à la fin du leur livre, ils reconnaissent un certain mérite à l’appel des collapsologues quant aux valeurs promues, en référence à Kropotkine selon lequel l’entraide devient nécessaire, contre Hobbes, pour lequel l’homme est un loup pour l’homme.

10 In Defense of the Land Ethic (1989).

11 Ses analyses relèveraient également de l’écologie arcadienne qui va de la critique des techniques vers la critique de l’anthropocène alors que l’écologie profonde fait le trajet inverse.

12 La référence à de nombreuses quelques figures tutélaires dont la réputation n’est plus à faire comme Bruno Latour, Philippe Descola, Edgar Morin, Dominique Bourg… permet de garantir le sérieux des propos.

13 https://wildproject.org/ ; « Des livres qui parlent des 4 coins du monde, réalisés à Marseille par une équipe de 4 éditeurs, et imprimés en France sur du papier fabriqué en France issu de forêts FSC »

14 Les indices sémiotiques et textuels abondent comme les titres des chapitres en capitales, la répétition du qualificatif « grande », la référence explicite à l’accélération du phénomène de l’effondrement avec le motif initial de « La grande accélération » et la mention d’une temporalité présentée comme implacable, selon un principe de scansion : « depuis un siècle, deux siècles, plusieurs siècles, depuis plusieurs millénaires, depuis la nuit des temps ».

15 https://lessaisons.fr/livre/18196430-les-pensees-de-l-ecologie-un-manuel-de-poche-baptiste-lanaspeze-wildproject.

16 Le projet éditorial de la revue Yggdrasil, fondée par Yvan Saint-Jours, Pablo Servigne et Denys Chalumeau, série volontairement limitée à douze numéros, manifeste l’existence d’un noyau dur favorable à la deep écology et à la deep adaptation dont s’inspire le mouvement Extinction rébellion. En outre, l’orientation en est nettement ésotérique et franchit un nouveau cap auquel tous les collapsologues français ne sont pas prêts.

17 https://www.franceinter.fr/culture/collapsologie-faut-il-croire-au-catastrophisme-eclaire.

18 https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/06/21/les-francais-gagnes-par-l-angoisse-climatique_5479761_4497916.html.

19 https://obveco.com/2020/01/14/pres-dun-francais-sur-trois-optimistes-actifs-malgre-leurs-preoccupations-pour-lenvironnement/.

20 Chez Amartya Sen, la notion prend racine dans la théorie du choix social ainsi que dans la philosophie morale et dans la philosophie de l’action analytique.

21 Cf. Garnier (2019) : « L’intérêt grandissant pour l’accès à la connaissance en dehors des formes scolaires ou universitaires de transmission s’accompagne de l’accroissement de capacités corporelles et psychiques mais celui-ci relève d’un long apprentissage. »

22 Cf. https://www.spipoll.org.

23 Il s’agit de distinguer les différentes espèces et à les nommer au-delà des termes génériques en usage. De la même façon que les peintures de Tom Uttech réclament que l’on apprenne à discerner des individus dans la nuée des oiseaux ou dans la forêt qui y figurent, l’acte de nomination auquel il s’agit de s’attacher, non pas pour dominer mais pour « être » davantage de son milieu. Cf. Romain Bertrand, Le Détail du monde. L’art perdu de la description de la nature, Pierre Senges, Ruines de Rome.

24 La maison de Plumwood est devenue un lieu de résidence d’écrivains. Voir également Plumwood Mountain: An australian Journal of Ecopoetry and Ecopoetics. (https://plumwoodmountain.com/).

25 Berque introduit la notion de la mésologie, une éco-phénoménologie issu de la philosophie développée par le philosophe japonais Watsuji et il établit un rapport avec la notion d’Umwelt ou « milieu » de Jakob von Uexküll.

26 Cf. trois sites qui déploient tout un arsenal d’outils narratifs pour y parvenir :
http://nature-humaine.fr/wp-content/docs/lettres/LaLettreNH_n6_BD.pdf ; http://www.cerdd.org/Actualites/Territoires-durables/La-mise-en-recit-pour-faciliter-les-projets-de-transitions ; https://www.transitions-economiques.org/apropos.

27 C’est précisément ce que résume l’une des formules phares de Leopold : "penser comme une montagne". S’il faut penser comme une montagne, c’est que la nature n’est pas qu’une machine inerte : elle est un être vivant qui ressent profondément.

28 Tout comme les fleuves Whanganui en Nouvelle Zélande et le Gange en Inde.

29 Cf. https://polau.org/incubations/les-auditions-du-parlement-de-loire/ : « la commission intégrera les questions adressées par les citoyennes et citoyens intéressés·es à son propre guide d’audition afin de faire avancer les points suivants : la nature du mandat (comment représenter un élément non-humain, comment parler pour ou parler depuis le fleuve ?), les modes de désignation et de fonctionnement de ce parlement de Loire ; les causes et les objectifs justifiant la création d’une telle institution ; le répertoire des différents intérêts liés au fleuve, à ses rives et les formes de conflits interspécifiques que le parlement des humains et non-humains aura la charge d’arbitrer ».

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Types de rhétorique affective
Crédits Ballet 2014
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/docannexe/image/4410/img-1.png
Fichier image/png, 129k
Titre Figure 2
Légende Théorie des capabilités et Émergence du concept de sentiment de pouvoir agir
Crédits Morin, Therriault et Bader 2022
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/docannexe/image/4410/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Pascale Delormas, « Quelques éléments pour une approche discursive de la pensée effondriste en France »Signata [En ligne], 14 | 2023, mis en ligne le 06 novembre 2023, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/4410 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/signata.4410

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Auteur

Pascale Delormas

Pascale Delormas est professeure en sciences du langage (analyse du discours) à Sorbonne-Université. Ses travaux renvoient à la fabrique des savoirs et des croyances et aux interactions des représentations. Elle s’intéresse à la circulation et à l’interpénétration des discours et au processus de légitimation institutionnelle selon lequel les identités discursives se construisent à travers la littérature, les media, les écrits scolaires et universitaires, le discours de la santé et de l’écologie. Elle poursuit ses investigations dans ces différents champs en vue de participer à un enrichissement notionnel et dans la perspective de répondre la demande sociale. Quelques références récentes témoignent de la diversité de ses travaux : (2020), « Le concept, un problème de traduction du réel. L’exemple de De l’existence à l’existant de Levinas », in Cossutta (éd.), La Fabrique discursive des concepts philosophiques, Limoges, Lambert-Lucas ; (2021), « Pour une approche méthodologique de l’expression du conflit comme événement discursif », Actes du Congrès de l’Association Française de Sémiotique, (Dés)accords. À la recherche de la différence propice ; (2023) « De la corporéité de groupe et effets pragmatiques de l’argument ‘Faire corps’ », Semen, 53.
Courriel : pascale.delormas[at]sorbonne-universite.fr

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