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Dossier
2. Énonciation

L’énonciation à la croisée des approches. Comment faire dialoguer la linguistique et la sémiotique ?

Marion Colas-Blaise
p. 39-89

Résumés

Dans cette étude, il s’agit de faire dialoguer la sémiotique et la linguistique autour de la vaste question de l’énonciation. Prenant appui sur des textes majeurs en linguistique et en sémiotique de ces dix dernières années, on focalisera l’attention successivement sur la deixis, la prise en charge énonciative ainsi que sur le discours rapporté/représenté, le dialogisme et la polyphonie. Finalement, on montrera à quel point la réflexion contemporaine sur les pratiques, le style ou la figuralité met à profit la confrontation des points de vue.

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Mots-clés :

énonciation, style, pratiques
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Texte intégral

Introduction

1Denis Bertrand qualifie les relations que la sémiotique entretient avec la linguistique de « complexes, parfois méfiantes, parfois ombrageuses » (2009a, p. 1). Plaçant au centre de l’intérêt la problématique de l’énonciation, ses avatars et les migrations du concept, on se propose, ici, de dégager des zones de rencontre, d’esquisser des convergences et des divergences. Dans tous les cas, l’hypothèse à vérifier sera celle non seulement de la possibilité, mais de la fécondité du dialogue. Quel éclairage la sémiotique peut-elle apporter aux travaux linguistiques ? Dans quelle mesure ces derniers incitent-ils à des questionnements sémiotiques inédits, à de nouveaux développements théoriques ou à des ajustements méthodologiques ? « La vie des disciplines est comparable à celle des organismes vivants », écrit Denis Bertrand, avant d’ajouter « Se sachant mortelles, elles luttent pour l’existence et tentent de se reproduire pour assurer leur pérennité » (ibid.). Interroger les frontières qui contribuent à fonder une théorie ou une discipline, c’est alors d’un même tenant cerner les points de passage et confirmer leur spécificité.

  • 1 Il faut souligner le cadre restrictif de cette étude, forcément partielle : les limites imparties r (...)

2Il ne s’agira pas, en l’occurrence, d’embrasser la totalité des recherches linguistiques et sémiotiques qui instituent l’énonciation en champ de questionnement, ni de les passer en revue de manière exhaustive. En raison de la diversité théorique, méthodologique, voire terminologique qui caractérise les linguistiques de l’énonciation et, dans une certaine mesure, les travaux en sémiotique, la tâche serait malaisée. On arpentera le paysage énonciatif à grands pas, focalisant l’attention sur les quinze dernières années et traçant un parcours personnel, balisé de proche en proche par des événements et des publications jugés particulièrement aptes à alimenter le débat interdisciplinaire1. On cherchera à circonscrire dans chacune des parties un champ de questionnement particulier, pour lequel on proposera des éclairages multiples.

  • 2 Cf. la phrase liminaire de l’ouvrage L’Énonciation de C. Kerbrat-Orecchioni, qui s’interroge sur le (...)

3Du Dictionnaire de linguistique (Dubois et alii, 1973) au Dictionnaire des sciences du langage (Neveu, 2004), en passant par l’ouvrage Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique (Détrie, Siblot & Vérine, 2001) et le Dictionnaire d’analyse du discours (Charaudeau & Maingueneau, 2002), le noyau définitionnel de l’énonciation, fourni, à sa base, par Bally et Benveniste, paraît relativement stable. Renvoyant à des ouvrages de synthèse pour une visée plus « archéologique »2, on se contentera, dans l’immédiat, de rappeler quelques-unes des stations majeures qui ont marqué le développement de la notion. On s’en autorisera pour décrire cavalièrement certains de ses constituants.

4D’abord, le locuteur, l’interlocuteur, l’acte d’énonciation et l’« attitude » face à l’énoncé.

  • 3 Au sujet de la distinction entre le locuteur et l’énonciateur, cf. Rabatel (2010c).
  • 4 On notera qu’en 1984, O. Ducrot se distingue de Benveniste en supprimant toute référence extra-ling (...)

5Déjà en 1932, Bally souligne l’importance de l’émetteur : « La parole est un déictique général, qui identifie l’expression à la pensée du parleur. Il suffit de dire Il pleut pour que l’entendeur comprenne qu’il s’agit d’une constatation faite par le parleur » (1965 [1932], p. 51). Il fait également état d’un triple « conditionnement », logique, psychologique et linguistique, de l’énonciation de la pensée. À leur tour, Anscombre et Ducrot se placent du côté du locuteur3, tout en mettant en avant l’activité énonciative : « L’énonciation sera pour nous l’activité langagière exercée par celui qui parle au moment où il parle » (1976, p. 18). Entre-temps, Benveniste aura lui-même attiré l’attention sur le mécanisme de la production : « L’énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation » (1970, p. 12). À la même époque, Dubois aura démêlé les fils des définitions en pointant dans les analyses des linguistes européens un double déplacement d’accent, en direction de l’interlocuteur et en termes d’« attitude » adoptée face à l’énoncé : « L’énonciation est présentée soit comme le surgissement du sujet dans l’énoncé, soit comme la relation que le locuteur entretient par le texte avec l’interlocuteur, ou comme l’attitude du sujet parlant à l’égard de son énoncé » (1969, p. 100)4.

6Ensuite, le continu et le discontinu.

  • 5 Au sujet de la distinction entre l’énonciation « énoncée » et l’énonciation « rapportée », cf. égal (...)

7Discutant les concepts de distance et de modalisation (du côté du locuteur), celui de transparence et d’opacité (du côté du récepteur ; cf. T. Todorov, 1981) ou celui de tension, qui concerne le rapport entre le sujet parlant et l’interlocuteur, Dubois fait de l’ambiguïté la pierre de touche d’une conception « transformationnelle » de l’énonciation. D’une part, faute de pouvoir rendre compte directement de l’acte de production, les linguistes en guettent les traces intratextuelles, les lieux de l’inscription dans l’énoncé de l’émetteur du message (cf., en particulier, Kerbrat-Orecchioni (1999 [1980]) ; semblablement, Greimas & Courtés (1979) s’intéressent à ce « simulacre » que constitue l’énonciation « énoncée » ou « rapportée »)5. D’autre part, Dubois met dans la balance, face à ces unités discrètes, l’énonciation comme « flux », soulignant l’urgence d’une appréhension du « continu ». Il écrit ainsi au sujet de la « linguistique transformationnelle » :

8Sans doute fallait-il qu’une théorie linguistique modifie entièrement les modes d’analyse en renversant certains des axiomes les mieux établis : celui des niveaux et des rangs, des unités discrètes et de la combinatoire, pour lui substituer l’ordonnancement, la suite des transformations et que place soit laissée à une continuelle intervention du sujet dans l’objet en voie de réalisation, pour que l’énonciation retrouve une place fondamentale dans l’étude linguistique (Dubois, 1969, p. 110).

9Ce continu qui, en sémiotique, suscitera des débats nourris et qui, après sa forclusion du champ des investigations, apparaîtra, selon J. Fontanille, « comme un simple effet de sens d’un “retour du refoulé” théorique ou méthodologique » (2003b, p. 15). C’est, plus particulièrement, à travers l’attention portée à l’acte d’énonciation en prise sur la réalité — J.-C. Coquet invoque le patronage de Benveniste et Merleau-Ponty — que le « geste “continuiste” » peut « installer l’être de langage sur un “horizon” ou dans un “bain” […] constitué par l’horizon indistinct mais efficient de la présence sensible et diffuse […] » (ibid., p. 18). La « sémiotique du continu » constitue pour J.-C. Coquet une « sémiotique de deuxième génération », « discursive et subjectale » : s’appuyant sur le tournant épistémologique des années 1970, il lie la réintégration du devenir à la conception du discours « comme une organisation transphrastique rapportée à une ou plusieurs instances énonçantes » (1991, pp. 198, 200–201 ; cf. aussi 1984).

  • 6 Dans une perspective « restreinte », il s’agit de considérer comme « faits énonciatifs les traces l (...)

10Sans doute ce « type de réalisme » (Fontanille, 2003b, p. 14) énonciatif constitue-t-il une troisième voie, à côté des conceptions « restreinte » et « étendue » de la linguistique de l’énonciation selon C. Kerbrat-Orecchioni6. On sait par ailleurs la fortune que connaît la version étendue, qui, dans le cadre de l’analyse du discours, repousse les limites des explorations jusqu’à décrire la scène d’énonciation, la situation de communication et ses composantes (les protagonistes du discours, les circonstances spatio-temporelles, les conditions de production/réception, le contexte historique et culturel, les déterminations génériques et sociolectales). Il faudra la mettre en regard avec le développement récent de la notion de « pratique » (Fontanille, not. 2008a) : on verra que cette dernière permet de dégager la canonicité d’une « scène » en deçà même du contexte ad hoc.

11En troisième lieu, le langage comme système et le retour du sujet.

  • 7 Il faut avancer avec circonspection, tant il est vrai que nous savons désormais que la phrase qui c (...)

12Revenons d’abord au tournant énonciatif. En 1969, J. Dubois épingle la position structuraliste d’A.J. Greimas : « rendre compte structurellement de l’énonciation », considérer que les « structures sont analysables exhaustivement par les éléments discrets, repérables aux différents niveaux » et que la structure du texte se dévoile par « l’étude immanente des énoncés », c’est faire peu de cas de l’ambiguïté, ramenée à un « cas extrême » ; c’est, ajoute J. Dubois, assimiler l’énonciation à « la substance continue sur laquelle des formes tracent leurs structurations » (1969, pp. 100–102). La comparaison avec les demandes que Greimas et Courtés adressent à l’énonciation une dizaine d’années plus tard, dans Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage (1979), n’en a que plus d’intérêt pour nous. En effet, on y trouve esquissées ou en germe certaines des voies que la sémiotique empruntera ultérieurement ; on y découvre surtout des fidélités, à Saussure ou Hjelmslev, des prudences aussi, qui peuvent expliquer le souci affiché d’intégrer « la nouvelle problématique [l’apport novateur de Benveniste] dans ce cadre plus général que constitue l’héritage saussurien » (1979, p. 126)7. Se profilant sur ce fond, les apports de l’approche tensive de l’énonciation (Fontanille & Zilberberg, 1998) ou d’une sémiotique des instances se dotant d’un soubassement phénoménologique et conférant au sujet énonçant un ancrage dans le monde n’en ressortiront que davantage.

  • 8 Le deuxième tome de Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage (dirigé par A.J. Gre (...)

13Dans l’immédiat, mettons le Dictionnaire de Greimas et Courtés8 en regard avec des études linguistiques de la même époque, jugées déterminantes : on y retrouve d’entrée des points de convergence manifestes, mais aussi des déplacements significatifs. On en retiendra trois.

  1. Mettre en vedette la réflexivité — l’énonciation apparaît « comme une instance linguistique, logiquement présupposée par l’existence même de l’énoncé (qui en comporte des traces ou marques) » (Greimas & Courtés, 1979, p. 126) —, c’est revendiquer une certaine tradition, dans la perspective tracée par Bally.

  2. Parallèlement, il est remarquable que si Greimas et Courtés prennent leurs distances par rapport à une conception « référentielle » de l’énonciation, qui mobilise le concept d’acte de langage « considéré, chaque fois dans sa singularité », c’est, au moins partiellement, pour éviter le risque de la « dispers[ion] dans une infinité de paroles particulières », qui échapperaient à toute saisie scientifique. L’accent se trouve mis, plutôt, sur l’énonciation comme « instance aménag[eant] le passage entre la compétence et la performance (linguistiques), entre les structures sémiotiques virtuelles qu’elle aura pour tâche d’actualiser et les structures réalisées sous forme de discours » (ibid.). Cette prise de position, qui se fait l’écho des interrogations des saussuriens et structuralistes de la première heure, d’une part, et des exégètes « d’ordre métaphysique ou psychanalytique » (ibid.), de l’autre, inscrit en creux les réflexions ultérieures qui porteront sur l’opposition entre le système et l’usage qui le met à flot et sur la praxis énonciative : introduit par A.J. Greimas à la fin des années 1980, le concept de praxis énonciative est repris dans Sémiotique des passions (Greimas & Fontanille, 1991) et développé par D. Bertrand (1993) à travers la mise en tension de l’« impersonnel » et du « personnel de l’énonciation » : la résolution de cette tension se négocie au fil des échanges qui, sous la houlette d’un sujet énonçant collectif ou individuel, créent une dynamique de schématisation, de figement et de stockage dans la mémoire, mais aussi de défigement, voire d’innovation et de singularisation.

  3. Par ailleurs, le couple système/usage dirige dans le Dictionnaire trois des « modes d’existence » — des structures virtuelles à leur actualisation et à leur réalisation sous forme de discours — qu’il incombera, plus tard, à la praxis énonciative de gérer (ensemble avec le mode potentiel ; cf. Fontanille, 2003 [1998], p. 287). Le couple compétence/performance — qui fait émerger la notion de « compétence sémiotique du sujet de l’énonciation » — peut cristalliser, enfin, les efforts pour rendre compte d’une pluralisation d’« instances », disposées aux différentes strates de profondeur du parcours génératif. On rappellera avec profit l’éclairage de J. Dubois (1969) qui, dans le cadre d’une linguistique transformationnelle, définit le « procès d’énonciation » comme « un processus d’engendrement des phrases », à partir d’une « théorie qui prend pour base non une combinatoire à des niveaux successifs, impliquant un isomorphisme de la méthodologie et des emboîtements, mais un ordonnancement des règles » (1969, p. 108). On le voit, des points de friction affleurent, mais aussi des convergences : parmi elles, on soulignera l’idée que la « réalisation » consomme une succession d’« opérations » ; on retiendra aussi la mise en cause du modèle standard de la linguistique générative, qui table sur une équivalence sémantique entre la forme de surface et la forme profonde : pour J. Dubois, les transformations « modalisent l’énoncé » (ibid.) ; selon Greimas et Courtés (1979), toute conversion préserve un fond d’équivalence et produit un enrichissement.

14Enfin, les opérations du débrayage et de l’embrayage.

  • 9 Cf., toutefois, le Dictionnaire d’analyse du discours qui propose une entrée « débrayage/embrayage  (...)

15L’opération du débrayage, qui canalise « l’ensemble des procédures susceptibles d’instituer le discours comme un espace et un temps, peuplé de sujets autres que l’énonciateur » (Greimas & Courtés, 1979, p. 127), retient l’attention d’autant plus aisément qu’aucun des dictionnaires de linguistique mentionnés supra n’en tient vraiment compte9. Ce point sera creusé dans la première partie.

16Après cette remontée rapide vers les premiers tâtonnements préparant les changements épistémologiques, vers les premières certitudes aussi, on prendra le parti, désormais, de privilégier les développements qui ont impulsé les recherches au cours de ces quinze dernières années. Globalement, la réflexion sera déclinée en trois temps. Dans une première partie, deux points seront soumis à des éclairages croisés : d’abord, la présupposition logique, en sémiotique greimassienne, de l’opération énonciative du débrayage par rapport à celle de l’embrayage ; ensuite, l’énonciation comme geste. Dans une deuxième partie, on proposera pour la question de la prise en charge et de l’assomption un éclairage tant linguistique que sémiotique ; on esquissera une typologie des régimes de la prise en charge en sémiotique, avant de pointer l’intérêt que présente la distinction entre instances. Dans une troisième partie, on montrera que la question de la prise en charge par un sujet d’énonciation est étroitement liée à celle de l’hétérogénéité énonciative, constitutive ou montrée, au dialogisme au sens large, à la polyphonie et au discours rapporté ou représenté. Enfin, une quatrième partie sera consacrée aux formes actuelles que revêt le dialogue des disciplines. On montrera, plus particulièrement, que le style réclame des perspectives complémentaires.

1. Questions autour de la deixis

1.1. Un « paradoxe » déictique ?

17Le primat du débrayage objectivant sur l’embrayage subjectivant se résume, selon les termes de D. Bertrand (2005), en un « paradoxe » déictique. En effet, si pour la sémiotique greimassienne le débrayage fonde l’énoncé (comprenant un non-je ou « il », un non-ici ou « ailleurs » et un non-maintenant ou « alors ») et rend possible, par rétrojection, l’embrayage sur le sujet avec ses coordonnées personnelles et spatio-temporelles, le caractère secondaire, des points de vue logique et chronologique, de l’opération déictique semble aller à l’encontre des définitions usuelles de la deixis, liée à une prise directe du sujet d’énonciation sur le monde.

  • 10 Le « non-embrayage » est caractéristique des énoncés qui sont « en rupture » avec la situation d’én (...)

18Celles-ci inspirent en tout cas la réflexion linguistique qui focalise son attention sur les marques déictiques renvoyant au ego, hic et nunc : de manière significative, l’antécédence de l’embrayage sur le débrayage (ou du moins le non-embrayage)10 est présupposée par les travaux sur l’« effacement énonciatif ». R. Vion écrit ainsi :

19[L’effacement énonciatif] constitue une stratégie, pas nécessairement consciente, permettant au locuteur de donner l’impression qu’il se retire de l’énonciation, qu’il « objectivise » son discours en « gommant » non seulement les marques les plus manifestes de sa présence (les embrayeurs) mais également le marquage de toute source énonciative identifiable (2001, p. 334).

  • 11 Le locuteur (L) est l’instance qui profère un énoncé. L’énonciateur (E) est l’instance qui assume l (...)
  • 12 Dans le détail, la « désinscription énonciative » objectivante peut se traduire par des « points de (...)

20Le débrayage énonciatif se signalant, globalement, par l’absence des marques du centre déictique (passage du je/ici/maintenant au il/alors/là-bas), l’énonciation « apparemment objective » est « déliée » de la subjectivité du locuteur (Charaudeau, 1992, p. 650). Poussant la réflexion plus avant, A. Rabatel ne se contente pas de ramener l’opération du débrayage à un décrochage de plans, à une déhiscence entre le premier plan d’un texte narratif, avec des verbes au passé simple, et le deuxième plan, à l’imparfait (2003a, pp. 38–39). Est particulièrement révélateur le « gradient d’effacement énonciatif » (ibid., p. 44) qui décline quatre étapes, clairement ordonnancées : l’effacement de la nature embrayée de l’énoncé de l’énonciateur enchâssé (e2)11, celui de l’origine énonciative du discours du locuteur enchâssé (l2), celui du dire de l2 et, enfin, celui des dit/dire « “originels” » de l2. Dans un contexte dialogal ou dialogique, le gradient permet à A. Rabatel de rendre compte du vaste mouvement d’objectivation dans lequel est pris l’énonciateur enchâssé et de reconstruction possible des dit/dire propres au locuteur enchâssé12.

  • 13 Du côté de la sémiotique, on rapprochera de la notion d’« effacement énonciatif » celle de « déséno (...)

21Dans quelle mesure la réflexion sémiotique13 affiche-t-elle sa spécificité ? En quoi fait-elle avancer les débats ? On s’attardera sur deux points.

22D’une part, en deçà d’une conception « restreinte » des phénomènes de l’énonciation, qui porte à statuer sur la présence ou l’absence de traces et de marques, l’accent est davantage mis sur les opérations sous-jacentes à toute sémiotisation du monde, sur ce qui en fonde la possibilité même : la « schizie créatrice, d’une part, du sujet, du lieu et du temps de l’énonciation, et, de l’autre, de la représentation actantielle, spatiale et temporelle de l’énoncé » (Greimas & Courtés, 1979, p. 79 ; cf. également Bertrand, 2000).

  • 14 On notera la centralité du concept d’actualisation, dans son acception linguistique, dès le début d (...)
  • 15 Au sujet des textualisations en même et en soi-même, cf. plus particulièrement Détrie (2010).

23On a vu que la problématique n’est pas étrangère aux linguistes. Plus particulièrement, la praxématique épingle les limites du concept d’énonciation en y substituant celui d’actualisation pour rendre compte « non seulement d’une dynamique constructive, mais aussi des opérations qui la sous-tendent » (Barbéris, 2001, p. 328 ; cf. aussi Barbéris, Bres & Siblot (éds, 1998))14. Ainsi, se moulant sur les moments clefs du schéma de l’actualisation, la topo- et la chronogénèse de ego mettent à contribution les images de réalité virtuelle (in posse), de réalité émergente (in fieri) et de réalité achevée (in esse) (Barbéris, 2001, p. 330). Aux trois moments de la topogénèse — manifestés i) par le déterminant zéro (arbre), ii) par le déterminant et l’article indéfinis ou par l’article défini (un arbre, l’arbre) et iii) par le déterminant démonstratif ou possessif (cet arbre, mon arbre) — correspond du point de vue de la chronogénèse un processus de réalisation qui parcourt la gamme des modes verbaux : les modes quasi nominaux (marcher, marchant, marché) traduisent une image de réalité virtuelle ; le subjonctif (que je marche), qui fournit une image de réalité émergente, tend vers l’indicatif (je marchais, je marche, je marcherai), qui représente une image de réalité achevée (ibid., p. 331). Semblablement, ego correspond au stade 3 (sujet en soi-même ; ipse, image de réalité achevée), les stades 1 et 2 étant dits en même (idem) (ibid., pp. 332333). En un sens, ego constitue « le comble de la subjectivité » ; en un autre sens, il résulte d’une « objectivation de soi. Le sujet se conçoit comme autre de l’autre [...]. Cette relativité du je et l’objectivation de soi qu’elle implique conduisent à une organisation stricte de la sphère interpersonnelle et déictique » (ibid., p. 332 ; cf. également Barbéris, 2005)15.

24On est tenté de convoquer, pour une mise en regard, le modèle tensif (Fontanille & Zilberberg, 1998) et de scruter la corrélation, en raison converse ou inverse, entre les gradients de l’intensité (affective, sensible) et de l’étendue (qui concerne les manifestations des processus cognitifs, la distance spatio-temporelle). On dégagera ainsi le mouvement tensionnel sous-tendant l’émergence de l’énonciateur. Qu’une intensification progressive puisse se doubler d’une concentration de la force intersubjective, J. Fontanille le souligne dans un chapitre consacré au genre : des formules modales à l’infinitif, au subjonctif et à l’impératif, on assiste à une personnalisation, une subjectivation graduelles, qui accompagnent un embrayage de plus en plus sensible, jusqu’au pic d’intensité, là où la cofondation du je et du tu donne lieu à une intersubjectivité maximale (1999, pp. 178181).

25D’autre part, les recherches de J.-F. Bordron et de D. Bertrand exemplifient avec force la volonté d’éclairer l’amont de la réalisation linguistique, en renouant, notamment, avec l’atavisme aristotélicien des théories de l’énonciation (Valette, 2004). Significativement, J.-F. Bordron adosse sa réflexion aux notions de puissance et d’acte au sens aristotélicien pour distendre les contours de la notion d’énonciation et englober la perception énonciative et la sensation : « […] la sensation correspond au déploiement en présence d’une force qui s’exprime d’elle-même du fait de la seule rencontre de deux corps. […] La perception quant à elle se situe dans le rapport intentionnel qui va d’un sujet à un objet » (2002, p. 657). Un des apports les plus considérables de cette réflexion concerne les « prises » de sens — « L’énonciation est l’art de la prise » (ibid., p. 642) — qui cristallisent les expériences énonciative et perceptive. Repousser les limites de l’énonciation et considérer l’en deçà de la mise en fonctionnement de la langue, c’est interroger ces états « anté-subjectifs » et « anté-objectifs » caractéristiques d’une expérience sensible, pour mieux cerner ensuite la sémiose perceptive qui est énonciation. Du point de vue qui est ici le nôtre, l’essentiel se résume en ce lieu fragile que se disputent l’« événement perceptif », tel qu’il se « déploie selon les procès contraires (comme matière et forme) de l’exfoliation et de l’iconisation », et la perception qui « culmine dans la forme prédicative du jugement (2002, pp. 656657) ».

  • 16 Cf. Fontanille (2003 [1998], p. 97) : « Le premier acte est donc celui de la prise de position : en (...)

26De son côté, affirmant le primat du débrayage sur l’embrayage, D. Bertrand sollicite les analyses sémiotiques de l’expérience perceptive du « réel » selon J.‑F. Bordron — « je ne perçois pas l’objet, j’en perçois des icônes », écrit D. Bertrand (2005, p. 178) — ainsi que la phénoménologie herméneutique de Ricœur (1995) pour montrer comment la combinaison de la dimension phénoménologique avec celle de l’herméneutique ou l’« “entre-expression du sujet et de l’objet” » engagent une « médiation qui fait éclater l’inhérence du sujet au monde et rend possible le partage déictique » (ibid., p. 179). En même temps, il introduit une notion clé, celle du « sur-embrayage » ou, plutôt, du « proto-embrayage », qui se profile, sans doute, sur le fond de la « prise de position » que décrit J. Fontanille (2003 [1998], p. 99)16. C’est ouvrir l’accès à une « instance antérieure, plus originaire, plus “génitive”, se tenant au plus près de l’engendrement, au plus près de la présence corporelle à partir de l’impression sensible » (Bertrand, 2005, p. 180). L’expérience déictique serait-elle double ? J. Fontanille distingue l’expérience immédiate, primitive — la deixis est d’entrée liée à une « expérience sensible de la présence, une expérience perceptive et affective » (2003 [1998], p. 98) — de la « représentation simulée du moment (maintenant), du lieu (ici) et des personnes de l’énonciation (Je/Tu) » (ibid., p. 99), qui est l’effet de l’embrayage se greffant sur le débrayage.

  • 17 A. Rabatel (2004b) écrit ainsi : « En effet, lorsqu’on détermine les traces énonciatives du sujet p (...)

27Généralement, les linguistiques de l’énonciation ne se préoccupent ni de dégager une analogie entre l’énonciation et la perception (cf. toutefois Rabatel, not. 2004b)17, ni a fortiori de retracer les étapes de la « prise » de sens à partir d’une expérience sensible. Il semblerait que la deixis telle que la conçoivent les linguistes et les subjectivèmes au sens large soient seuls appelés à rendre compte de l’immédiateté de l’expression énonciative dont, pour D. Bertrand (2011), le semi-symbolisme est un garant possible. Traçant la voie vers ce stade anté-subjectif et anté-objectif, il écrit en effet : « Il [le semi-symbolisme] affaiblit la médiation obligée du stade symbolique. Il atteste l’immersion du sujet dans le sensible et lui fait en ré-éprouver l’expérience esthésique » (2011).

  • 18 Voir également Ducrot (1993), que R. Vion commente en ces termes : « Le locuteur met en scène une r (...)

28Sans doute la question resurgit-elle, en linguistique et en sémiotique, sous une forme différente, à travers la distinction entre montrer et dire, qu’il est possible de rapprocher de l’opposition entre le dictum et le modus selon Bally (1932)18. On se risquera à dire qu’elle invite à aborder les questions du « proto-embrayage » et de l’articulation du débrayage (de l’assertion débrayante au sens large) avec l’embrayage (du geste énonciatif, en tant qu’il se calque sur l’ensemble mimo-gestuel) à nouveaux frais. On s’attardera d’autant plus volontiers sur cette distinction que, drainant avec elle les analyses de Wittgenstein (1921 [1980 ; trad. fr. 1961, 1993]), d’une part, de Récanati (1979), de Berrendonner (1981) ou de Ducrot (1984), d’autre part, elle suscite, actuellement, un regain d’intérêt.

1.2. L’énonciation comme « geste »

29Adoptant une perspective pragmatico-énonciative, L. Perrin résume la problématique en ces termes : « Bien entendu, ce qui est dit, dénoté, n’est pas montré, ni réciproquement ; et bien entendu, le fait de dire n’est pas dit puisqu’il est montré » ; rappelant la formulation de Berrendonner — « L’énonciation est geste, c’est-à-dire qu’elle a le statut sémiotique de symptôme : sa valeur signifiée s’exhibe sans se dire, sans s’autodésigner » (1981, p. 121) —, il vise à reconsidérer la « part générale de ce qui est montré à l’intérieur du sens » (2008, p. 158).

  • 19 Sur la monstration chez Wittgenstein, on se permet de renvoyer à Colas-Blaise (2011).

30Il n’est pas anodin que la sémiotique s’empare de la distinction en des termes similaires. P. Ouellet écrit ainsi : « Si, me promenant dans un verger, je m’exclame : Quel magnifique pommier !, je ne fais pas que me référer à un état de choses transcendant ni non plus qu’exprimer un état mental me concernant, mais je montre (au sens précisément où Wittgenstein disait que le sens se montre dans la proposition), c’est-à-dire que j’exhibe ou fais voir, dans un donné sémio-linguistique perceptible, une relation elle-même sensible entre un acte noétique et son contenu noématique » (1992, p. 135). Dans ce cas, la forme propositionnelle est dite montrer comment un acte de perception ou de sensation relie un état de choses à une instance sensible19. Ou encore, elle donne à voir l’émotion au cœur de l’appréhension sensible d’une « forme de réalité », donc non seulement l’état de fait faisant l’objet d’une représentation, mais sa mise en perspective subjective en fonction du point de vue d’une instance-corps qui prend position et transforme l’état de fait en événement sensible. Il ne suffit point de rendre compte du contenu de l’état de choses proprement dit et des « modes de perception des états de choses » qui y sont indissolublement liés : plutôt que de le « désigner », il s’agit d’exhiber l’acte de représentation à travers certaines catégories morpho-lexicales et morpho-syntaxiques. Quelques années plus tôt, H. Parret s’employait à articuler la monstration (dans la lignée de Wittgenstein) avec la dé-monstration, qui est présentée comme seconde : « le sujet qui dé-montre ou le sujet qui se soumet à l’objectivité représentée par un langage qui ne se compose que de noms », c’est « un sujet se retirant de son discours » (1983, p. 89) ; il spécifie même le couple sous plusieurs aspects, dont celui de la stratégie énonciative du brayage : la monstration se caractérise alors par l’embrayage (mis en relation, ensuite, avec la « subjectivation », la performativisation et la symbolisation) et la dé-monstration par le débrayage (mis en relation avec l’« objectivation », la déperformativisation et l’ana/cataphorisation).

31Mais revenons à l’étude de L. Perrin, dont l’apport est au moins double.

  • 20 En même temps, tout inventaire soulève la question délicate des choix et des limites. D’une part, o (...)
  • 21 On soulignera l’intérêt d’une pragmatique intégrée selon Ducrot et Anscombre : la valeur indicielle (...)

32C’est bien un inventaire des catégories morpho-lexicales et morpho‑syntaxiques que l’auteur nous propose20. Il élargit l’éventail des éléments à considérer au point d’englober, outre les interjections et autres formules (ouf, enfin, tant mieux…), les adverbes de phrase (naturellement, certainement, probablement…), différents modalisateurs de proposition centrés sur des verbes de parole et d’attitude propositionnelle à la première personne (je dis que, je dois dire que, je veux dire que, je peux te dire que, disons que, mais aussi on peut dire que), certains connecteurs (c’est-à-dire, pour ainsi dire, on a beau dire), les emplois performatifs de verbes (j’hésite, j’avoue, j’y renonce). Il cite également Ducrot & Schaeffer (1995) au sujet de l’adjectif « bon » : selon eux, « on ne saurait décrire le sens de l’adjectif bon sans dire qu’il sert à accomplir, par rapport à l’objet auquel on l’applique, un acte de recommandation […] »21.

  • 22 Selon L. Perrin (2008), les faces symbolique et indicielle, descriptive et énonciative, peuvent l’e (...)

33Ensuite, le cadre ayant été tracé, L. Perrin cherche à distribuer les éléments sur un continuum borné par les pôles du dit et du montré, en fonction de combinaisons et de dosages variables : entrent ainsi en compétition le contenu objectif (de l’ordre du dit) et l’attitude subjective (montrée), les parts réservées à la force descriptive et à la force monstrative. Le renforcement des effets « symptomatiques » (de l’ordre du montré) va de pair avec la neutralisation de la force descriptive, et inversement. La monstration emprunte alors la voie du figement qui ressortit à un processus diachronique de lexicalisation progressive, de « grammaticalisation », selon Traugott (1991), « fondé sur l’intégration sémantique d’une routine interprétative ». Il comprend, selon L. Perrin, trois stades avec deux étapes de « conversion » (2008, pp. 165166) : le premier stade caractérise les mots qui n’ont que leur sens descriptif ordinaire ; le deuxième niveau correspond à l’installation d’un « rituel », la force descriptive étant peu à peu reléguée au second plan ; L. Perrin y rattache notamment les formules tant mieux, chic, bonjour, dont la force descriptive est encore active ; enfin, le troisième niveau concerne l’aboutissement d’une dynamique de constitution de la formule, dont la valeur de symptôme est entièrement conventionnelle (il en va ainsi de svp, de enfin, ouf, qui marquent, écrit L. Perrin, le soulagement de celui qui les énonce)22.

  • 23 On notera que l’inverse est également vrai, du moins en diachronie : la signification des « délocut (...)

34D’où, en termes sémiotiques, un mouvement de potentialisation par désactivation et mise à l’arrière-plan, voire de virtualisation de la valeur descriptive aux stades respectivement 2 et 3, qui peut être saisi, discursivement, dans sa gradualité, ou aspectualisé23.

35Sur ces bases, quatre questions semblent s’imposer.

    • 24 La praxis énonciative présuppose « le système de la langue, mais aussi l’ensemble des genres et des (...)

    D’abord, dira-t-on que la praxis énonciative, telle qu’elle est envisagée par A.J. Greimas, D. Bertrand ou J. Fontanille, intègre une part « monstrative » ou indicielle ? Si la praxis énonciative, plutôt que d’être « l’origine première du discours », « présuppose autre chose que l’activité discursive »24 (Fontanille, 2003 [1998], p. 285), ceci pourrait valoir également pour les expressions dont la valeur descriptive s’estompe : ainsi, la convocation, pour traduire le soulagement, des formules ouf, enfin, tant mieux — de formes sédimentées par l’usage et alimentant un répertoire « impersonnel » (Bertrand, 1993) ou trans-personnel — draine avec elle l’épaisseur des praxis antérieures, entreposées dans la mémoire collective.

    • 25 Rappelant que selon les sciences cognitives et la psycho-neurologie, l’émotion est intégrée dans le (...)
    • 26 À moins, bien sûr, que l’intensification ne soit l’effet de la répétition.
    • 27 B. Richet note ainsi que « plus il y a codification orthographique, plus il y a intégration (phono- (...)

    Dans la foulée, une deuxième question se fait insistante : dans quelle mesure l’énonciation verbale de l’émotion est-elle soumise à l’« impersonnel » de l’énonciation ? Met-elle nécessairement à contribution le stock des formules — par exemple, interjectives — stabilisées ? Si les formules se sont « vidées » de leur force descriptive, leur valeur « symptomatique » n’en est que plus stabilisée. En d’autres termes, la manifestation linguistique de la participation du corps à la fonction sémiotique et, notamment, des parcours passionnels, porte-t-elle nécessairement les marques d’une mise à distance énonciative de l’éprouvé, par exemple à travers la convocation, pour des réappropriations ponctuelles, des expressions de l’Autre ? L’argument pourrait être reversé au compte de l’antécédence du débrayage par rapport à l’embrayage. Un certain nombre de linguistes visent ainsi à répertorier les procédés de la verbalisation de l’émotion, en relevant plus particulièrement la modulation, l’amadouage, l’hypocorrection, l’humour, la modalisation, le guidage discursif (Maury-Rouan & Priego-Valverde, 2003). Ces procédés supposeraient un « décentrement » du sujet qui, pour s’énoncer et proférer l’émotion, est obligé de « s’écarter » de lui-même (cf. Fontanille, 2007).
    On en entrevoit, d’emblée, une conséquence majeure : à travers la langue comme symbolisation, l’émotion est « jouée », selon l’expression de B. Richet (2000). « Coincée entre la spontanéité de l’émotion et le codifié du langage », l’interjection permet au locuteur de montrer « qu’il reprend l’initiative après une perte momentanée de contrôle. Ce n’est donc plus d’émotion réelle qu’il s’agit, mais d’une représentation de l’émotion, et d’une utilisation contrôlée de cette représentation par le locuteur : nous passons du cri au signe linguistique » (ibid., pp. 56).
    En même temps, si l’on peut considérer que la force symptomatique est fonction du degré de conventionnalisation de l’expression, qui va elle-même de concert avec l’affaiblissement graduel, voire la neutralisation de la force descriptive, l’émotion dite « incontrôlée » (Fontanille, 2007, p. 2), qui échappe à la « mise en mots », emprunte-t-elle les voies du cri ? Pour rendre compte des variétés de l’expression verbale de l’émotion, on peut croiser entre eux les degrés de l’intensité avec ceux de l’étendue (Fontanille & Zilberberg, 1998). Une modélisation tensive peut alors attribuer le cri non articulé à une zone forte sur l’axe de l’intensité (affective, sensible) et une zone faible sur celui de l’étendue (cognitive) : l’émotion « perturbante » (Fontanille, 2007, pp. 12)25, qui éprouve les limites du faire sens, court-circuite d’une certaine façon les codes verbaux qui, convertissant l’émotion partiellement en comportement et l’intégrant en partie aux processus cognitifs, règlent la communication intersubjective. À l’inverse, il appartient à la formule « circulante », stabilisée dans le temps et dans l’espace, de manifester la position extrême sur l’axe de l’étendue (étendue forte corrélée avec une intensité faible)26 : sans s’épuiser totalement, l’émotion se moule sur les cadres d’un stock d’expressions (fût-il vidé de sa force descriptive) et sur des constructions morpho-syntaxiques27. Enfin, la re-sensibilisation de la formule à travers sa réinvention rendrait compte d’une émotion vive qui, sans aller jusqu’à l’irruption anarchique, interroge la régulation des comportements et le maintien de la communication : il en irait ainsi, par exemple, de la singularisation des interjections à travers, par exemple, un étirement de la graphie (« Nooon ! » ou « Ouêéée » pour « Ouais ! »…).

    • 28 P. Wahl (2011) étudie « le style comme geste » en partant de Bally. Globalement, la question centra (...)
    • 29 Pour la notion de « discours en acte », cf. surtout Fontanille (not. 2003 [1998]).

    Une troisième question surgit : dans quelle mesure l’énonciation verbale — mais aussi sensible et perceptive — est-elle un « geste » ? Dans quelle mesure le « geste » constitue-t-il, comme le propose C. Metz (1991, p. 159), le « signal plus ou moins isolable » par lequel les marques d’énonciation « désignent l’activité discursive »28 ? Ces questions en suscitent nécessairement une autre, qui porte sur la dimension énonciative de l’ensemble mimo-gestuel. Les travaux de J. Cosnier et J. Vaysse (1997) ou encore ceux de H. Constantin de Chanay (2005) illustrent la complémentarité entre les études en linguistique de l’énonciation et en pragmatique, d’une part, en sémiotique/sémiologie, d’autre part. Ainsi, quelles que soient les difficultés théoriques et méthodologiques auxquelles se heurte la sémiotique gestuelle, l’« étayage corporel énonciatif » selon J. Cosnier et J. Vaysse révèle les dimensions figurative, sensible, émotionnelle et énonciative du discours en acte29. Quant à H. Constantin de Chanay (2005, p. 235), il croise la question du geste avec celle, très débattue en linguistique, du modus : en somme, citer D. Bouvet (2001, p. 127) — « le mouvement peut marquer soit une opération logico-argumentative liée à la construction du récit, soit une opposition modale révélatrice du point de vue d’un énonciateur » —, c’est confirmer en sous-main la pertinence de l’opposition de Wittgenstein entre le « dire » et le « montrer ».

    • 30 Benveniste met en parallèle les actes « pleurer, crier » et « ne pas savoir ce qu’on dit, ne pouvoi (...)

    Une quatrième question s’ajoute : dans quelle mesure la « monstration », en son immédiateté (relative), est-elle le fait du sujet d’énonciation ? La question est épineuse : si « montrer », c’est ne pas asserter — on l’a vu, pour L. Perrin, qui s’appuie entre autres sur les travaux de Nølke, l’interjection ou l’adverbe de phrase montrent, mais n’assertent pas —, faut-il multiplier les instances d’énonciation ? Si Benveniste met en relation étroite le « caractère involontaire » des actes tels que « pleurer, crier »30 et la « nature irrésistible de la pulsion qui meut le sujet » (1974, p. 140), J.-C. Coquet écrit pour sa part :
    Dans le cas de l’acte fonctionnel comme dans celui du juron ou généralement de l’action involontaire, le jugement est absent. Cette absence, je propose d’en faire le trait définitoire du non-sujet (où le préfixe non – marque l’opposition privative). Pour bien souligner la distinction indispensable à mes yeux si l’on veut constituer une typologie instancielle, je dirai que le sujet asserte et que le non-sujet, exclu de cette opération, n’a besoin pour signifier que de prédiquer. (2007, pp. 118199).

  • 31 Cf. l’article consacré à « Modalité » dans l’encyclopédie généraliste Alpha (Culioli, 1971, p. 4031 (...)

36C’est pointer un nouveau nœud de problèmes, sur lequel on s’attardera d’autant plus volontiers qu’il est à la fois au cœur des travaux de J.-C. Coquet (2007) ou de D. Bertrand (notamment 2003) et de l’actualité linguistique, qui vient de consacrer un numéro thématique de Langue française à la prise en charge, que Culioli, pionnier de la notion, rattache à l’énonciation et à l’assertion31. Ce « tout premier recueil d’articles consacré spécifiquement à la notion » (Coltier, Dendale & De Brabanter, 2009, p. 4) lie la question des instances énonciatives — « le type d’être (ou d’entité) qui est dit (avoir la capacité de) prendre en charge (qu’on pourrait appeler le sujet de la prise en charge) » — à celle d’une « conception graduée de la prise en charge » et à la « possibilité qu’existe, face à la notion de prise en charge, celle de non-prise en charge, sous l’une ou l’autre variante (par exemple refus de prise en charge) » (ibid., p. 7).

37C’est cette complexité que nous nous proposons maintenant de dénouer.

2. Énonciation et prise en charge

38Notre réflexion se développera autour de trois points majeurs : tout d’abord, focalisant l’attention sur une conception graduée de la prise en charge, nous explorerons le versant linguistique des recherches. Comme ils facilitent le dialogue avec la sémiotique, ce sont les travaux de P. Laurendeau (2009) qui retiendront d’abord notre attention. Ensuite, basculant du côté de la sémiotique, nous bâtirons une typologie des régimes de la prise en charge sur la gradation des modes d’existence ou degrés de présence des contenus dans le champ du discours (Fontanille (2003 [1998]). Enfin, nous montrerons que la typologie place dans sa dépendance la pluralisation des instances énonciatives.

2.1. Prise en charge et linguistique descriptive : la théorie de P. Laurendeau

  • 32 Cf. les distinctions suivantes : « So seul prend en compte. Je crois vraiment qu’il pleut — Asserti (...)

39P. Laurendeau se réclame de Culioli — prendre en charge, c’est « dire ce qu’on croit (être vrai). Toute assertion (affirmative ou négative) est une prise en charge par un énonciateur » (2009, p. 58) — et de Grize ; il cite aussi de Vogüé, à laquelle il emprunte la notion d’engagement, et Berrendonner (1981), qui établit un lien avec l’énonciation. Il engage ainsi sa réflexion dans une double direction. D’une part, il répartit les « valeurs assertives » sur un « domaine topologique » : « So seul prend en compte (arrêt au centre du domaine) ; So prend en charge (passage de la frontière au centre) ; So prend en compte (passage de l’extérieur à la frontière) ; So ne prend qu’en compte (arrêt à la frontière du domaine » (2009, p. 57). D’autre part, pour la prise en charge procédant de l’explicite, il distingue entre « l’appropriation d’un contenu validé, la réassertion, la désassertion, l’imputation d’un contenu invalidé » ; pour la prise en charge procédant de l’implicite, il ajoute la « préassertion » (Ibid., p. 68). Enfin, mettant au fondement de ses analyses l’échange interactionnel, il retient les dimensions constative et polémique, opposant les portées « logogène (susceptible de susciter du discours : Il pleut. Pas vrai ?) » et « logolytique (susceptible de faire taire : Il pleut. La paix !) (ibid., pp. 5556). Privilégiant ensuite le calcul logique hypothético-déductif, il multiplie les cas de figure et les combinaisons32.

  • 33 D’autres linguistes proposent une conception graduée de la prise en charge. Voir notamment J.‑P. De (...)

40L’intérêt de cette théorie, résumée de manière cavalière, est au moins triple : i) affinées, les notions de prise en charge, prise en compte, assertion33 permettent de décrire/expliquer la variété des échanges ; ainsi se dégagent des tendances qui sous-tendent et rendent prévisibles, du moins jusqu’à un certain point, les glissements qui s’opèrent (par exemple, de prendre en compte vers prendre en charge ou ne prendre qu’en compte (ibid., p. 59)) ; la valeur heuristique du point de vue théorique semble ainsi garantie ; ii) délimitant un domaine topologique avec un centre et des frontières et exploitant les tensions qui se nouent entre une prise en charge, sa réitération, la non-reprise en charge, la théorie prend en considération la dynamique interactive qui implique un énonciateur et un co-énonciateur dans un espace social ; elle pose ainsi indirectement la question des instances responsables de la prise en charge ; iii) les dimensions constative et polémique sont censées rendre compte de certains des « ressentis interactionnels » (ibid., p. 56).

41Quel est l’apport de la sémiotique sur ces points ? On esquissera quelques points.

2.2. Pour une typologie des régimes de la prise en charge en sémiotique

  • 34 Pour une analyse approfondie, on se permet de renvoyer à Colas-Blaise (2010c).

42C’est en appuyant la réflexion aux travaux de J. Fontanille sur la prédication existentielle et la prédication assomptive, considérées comme des actes métadiscursifs (2003 [1998], p. 283) qu’on propose la construction d’une typologie des régimes de la prise en charge à partir des modes d’existence (réalisé, actualisé, potentialisé, virtualisé) qui sont attribués aux énoncés dans le champ de présence du discours. On distinguera entre34 :

  1. la « prise de position », obtenue par débrayage à partir de la prise de position élémentaire, uniquement sensible : elle est mise en relation avec le mode virtuel, celui, écrit J. Fontanille, « des structures d’un système sous-jacent, d’une compétence formelle disponible au moment de la production du sens » (ibid., p. 289) ; dans ce cas, la visée, qui ouvre le champ de présence et est liée à l’investissement affectif, à l’acuité perceptive de l’instance énonçante, est affaiblie et la saisie, qui dépend de la position, plus proche ou plus lointaine, que l’instance attribue aux grandeurs par rapport à sa propre position, est restreinte ;

  2. la « pré-prise en charge », de l’ordre de l’actualisation ou préassertion : est alors concernée l’advenue dans le champ de présence de grandeurs qui franchissent la frontière en direction du centre ; la visée est intense, alors que la saisie est restreinte ;

  3. la prise en charge assertive réalisante : la visée est intense et la saisie est étendue ;

  4. la « dé-prise en charge » potentialisante : le franchissement de la frontière dans l’autre sens correspond à la désassertion ou prise en compte des grandeurs entrées dans l’usage et mises à disposition pour d’autres convocations ; la visée est affaiblie et la saisie étendue ; on verra que la stabilisation dans l’espace et le temps va de pair avec le croire en tant qu’il présuppose l’assertion et porte sur le discours qui vient d’être tenu.

43La réassertion signifie alors une nouvelle montée vers la réalisation.

44Croisant les modalités dont J. Fontanille établit la typologie (2003 [1998], pp. 178179) avec les régimes de la prise en charge, on se risque à considérer que, dans le cas de la « prise de position », telle qu’on la conçoit ici, la relation entre le sujet et l’objet est modifiée par la modalité du vouloir, celle entre le sujet et un tiers actant par la modalité du devoir ; la « pré-prise en charge » impliquerait, quant à elle, une relation placée sous le signe respectivement du savoir et du pouvoir ; alors que la prise en charge proprement dite correspondrait aux énoncés du faire et de l’être, la « dé-prise en charge » concernerait une relation modifiée respectivement par le croire ou l’adhérer.

  • 35 Définissant la syntaxe du discours, J. Fontanille note que la « profondeur du champ positionnel […] (...)
  • 36 Voir J. Fontanille au sujet, par exemple, de l’ironie, de la métaphore ou de la métonymie (ibid., p (...)
  • 37 Sur les logiques implicative et concessive, cf. Zilberberg (2006).
  • 38 Le prolongement peut être dû au volume du décroché et à sa nature (par exemple narrative) et/ou à u (...)

45Ensuite, une des retombées les plus intéressantes de la théorie de la tensivité concerne le phénomène de la coexistence, au sein d’un même énoncé, de grandeurs concurrentes logées à des couches de « profondeur » différentes35. Le principe organisateur de la stratification en « couches » de profondeur est celui de la rhétorique36. Sa fécondité en dehors de ce domaine est confirmée, entre autres, par l’analyse du détachement ou décrochage de segments placés entre tirets : comme on a pu le montrer ailleurs (Colas-Blaise, 2009a), l’« insertion » (Gardes-Tamine, 2004) ou l’« ajout » (Authier-Revuz & Lala (éds, 2002)) sous forme propositionnelle fait entrer en interaction deux espaces sémanticosyntaxiques — la base insérante et le décroché inséré —, qui se voient attribuer des « modes d’existence » différents et mettent en œuvre des régimes de la prise en charge distincts ; ainsi, la prise en charge réalisante à hauteur de l’élément inséré est liée, pour un temps, à la « dé-prise en charge » potentialisante de la base ; la « pré-prise en charge » de celle-ci, qui est actualisante, prépare et annonce sa réalisation après le tiret de clôture, quand, en vertu d’une dynamique enchaînant les moments concessif — le segment enserré par les tirets se développe malgré la rupture matérialisée par le tiret ouvrant — et implicatif, la base se redéploie dans l’espace-temps37. On peut même envisager qu’en se prolongeant38, le mouvement de virtualisation de la base bloque provisoirement la montée vers la réalisation au-delà du tiret fermant, ou du moins fait peser sur elle une menace.

2.3. Les instances énonciatives

46Se tournant d’abord du côté de la sémiotique, on rappellera, en ce point, le caractère heuristique des distinctions établies par J.-C. Coquet entre, plus particulièrement, le sujet et le non-sujet. Elles reposent d’abord sur l’identité modale des actants, le nombre des modalités et la nature des combinaisons traçant une ligne de partage : le non- sujet correspond à un actant non modalisé (actant Mo), un actant unimodalisé (actant M1, selon le vouloir) ou bimodalisé (actant M2, selon le pouvoir et une autre modalité), par opposition à l’actant trimodalisé (M3) et à l’actant défini par quatre modalités (M4) ; enfin, le sujet est caractérisé par la modalité d’assomption, le méta-vouloir selon Coquet, auquel J. Fontanille (2003 [1998], p. 183) propose d’ajouter le croire.

  • 39 Le « non-sujet » correspond, également, à l’instance dont l’identité se réduit à un rôle social (Co (...)

47C’est précisément l’articulation entre l’assertion et l’assomption que J.-C. Coquet examine dans Phusis et logos : l’assomption, qui, écrit J.-C. Coquet en se référant à Aristote, « consiste à ne pas séparer la vérité de la réalité, le dire de l’être », est cette opération seconde qui présuppose l’assertion (2007, pp. 3335). Si l’assertion ou l’assomption associent le langage au « jugement » du sujet, elles se distinguent de la prédication, qui peut être envisagée sous deux angles : en immanence, quand le « sujet » est privé de sa dimension de réalité ; d’un point de vue « fonctionnel », quand « parler pour parler » devient un trait caractéristique du « non-sujet ». La distinction entre le « sujet » et le « non-sujet » est fondée sur la présence ou l’absence de jugement : le corps est une forme de « non-sujet » en tant qu’il correspond, du point de vue phénoménologique, à une instance pré-judicative39.

48La prise en considération du corps donne lieu à une nouvelle distension de la notion d’énonciation, qui abrite l’acte sous sa forme réflexive et non réflexive. Ainsi, le « privilège » du corps, « et aussi sa fonction, est d’énoncer en premier son rapport du monde », écrit J.-C. Coquet (nous soulignons). Au contraire, le sujet et le quasi-sujet — cette instance charnière introduite par J.-C. Coquet, qui est caractérisée par un « affaiblissement réversible du jugement » (ibid., p. 36) — « s’énoncent » (nous soulignons) ; « s’énoncer » peut alors être rapproché de « s’affirmer » (cf. Port-Royal), qui renvoie lui-même à un acte fondateur antérieur à la communication : « je m’affirme à mes yeux et à ceux d’autrui sans qu’il y ait véritablement désir de rien communiquer » (Martinet, 1960, p. 13 ; cité par Coquet, 2007, p. 38).

49En fournissant à l’énonciation un ancrage dans la sensation et la perception, en deçà, précisément, de la construction symbolique médiatisée par le langage, la sémiotique franchit un pas décisif : le débat se trouve recentré autour de l’expérience (noétique) qu’un sujet fait d’un donné phénoménal (noématique). Les limites mêmes de la notion d’énonciation s’en trouvent repoussées au maximum : l’énonciation sensible concerne l’amont de toute structure intentionnelle, la zone mouvante pré-subjective et pré-objective où quelque chose affleure et où s’annonce la possibilité même de l’énonciation perceptive et d’un « cela est maintenant ! » aristotélicien, qui suppose un jugement d’existence (ibid., p. 27).

  • 40 Cf. la distinction benvenistienne entre les plans d’énonciation du discours et du récit.

50On y ajoutera que l’« instance d’origine », à opposer notamment à l’« instance de réception », accueille quatre composantes : l’instance corporelle et l’instance judicative, qui ensemble définissent la « personne », que ce soit dans le régime de l’autonomie ou de l’hétéronomie (dans le cas d’une dépendance au tiers immanent ou au tiers transcendant) (ibid., p. 74). Quant à la « non-personne » et à l’« absence de personne », elles se situent uniquement au niveau du logos ; l’« absence de personne » fait l’économie du sujet narratif, qui sert au contraire de relais au tiers transcendant dans le cas de la « non-personne » (ibid., pp. 8191)40.

51Toujours dans la perspective large d’une phénoménologie du langage, c’est la pluralisation interne à la personne que D. Bertrand (notamment 2003) se propose de serrer de plus près en esquissant une théorie des instances énonciatives. Il rend attentif à une démultiplication des instances de prise en charge du discours qui, entre virtualisation, actualisation et réalisation, se disputent la préséance à l’intérieur de l’espace énonciatif. La « scénographie de l’intériorité », qui intègre la dimension sensible, permet concrètement de mettre au jour les tensions que l’unité illusoire du sujet ne fait que masquer. Les « esquisses de subjectivité », telles qu’on peut les observer chez Montaigne, donnent à voir une caractéristique de l’énonciation : la « tentative, écrit D. Bertrand (2003), de faire entrer l’ordre du corps sensible dans celui du discours ».

52Quant à J.-F. Bordron, il se voit adresser au moins trois demandes : celle de proposer de l’énonciation une définition qui autorise l’extension de la notion au contexte de la perception ; celle de montrer que la conception de la perception comme un acte énonciatif est étroitement liée à la prise en compte de la sémiose perceptive ; enfin, celle d’envisager une énonciation antérieure à une structure intentionnelle. C’est en pensant une théorie de la présence qu’il se donne les moyens de comprendre comment l’énonciation sensitive se déploie dans un champ défini par des intensités, des extensions, des relations, des permanences et des changements (2002).

53Adoptant de tout autres présupposés théoriques, on peut être tenté d’appuyer cette orchestration interne à une conception post-psychanalytique du sujet clivé. La faille de l’« un » renvoie à ces autres « lieux de non-coïncidence » que J. Authier-Revuz pointe dans ses travaux (not. 1991, pp. 146148) : d’abord, une non-coïncidence « interlocutive » irréductible, qui maintient la scission entre l’énonciateur et le destinateur et déclare comme illusoire une communication promouvant de l’« un » ; ensuite, une non-coïncidence du « discours à lui-même », tout mot étant habité et traversé, en vertu du dialogisme bakhtinien, par de l’autre discursif ; puis, la non-coïncidence de « l’ordre symbolique du système de la langue et des choses », la quête du « mot juste » alimentant le fantasme de l’adéquation du mot à la chose ; enfin, la non-coïncidence des « mots à eux-mêmes », qui génère des faits de polysémie, d’homonymie, de calembour, etc.

54Le détour par les lieux d’une faille qui, d’être simplement reconnue comme telle, véhicule l’imaginaire d’une coïncidence à (re)conquérir vaut ici par l’une des perspectives qu’il ouvre : le passage de la prise en charge au discours rapporté (désormais DR). De l’une à l’autre, il n’y a, en effet, qu’un pas : le marquage de la prise en charge en français recourt lui-même à des modalités spécifiques (le conditionnel, le subjonctif, des introducteurs tels que prétendre, des locutions telles que il paraît que…), mais aussi à des formes proches du DR (selon X, d’après X) (Rosier, 2008, p. 7).

55Or, ce dernier est actuellement au cœur des préoccupations en linguistique. On s’y attardera d’autant plus volontiers que l’on assiste à un renouvellement des approches à travers leur inscription dans un cadre énonciatif. Celui-ci se traduit, pour le moins, i) par une extension de la notion de discours rapporté ou discours représenté qui intègre celle de point de vue (cf. not. Rabatel), ii) par un élargissement de l’éventail des formes décrites, au-delà même du verbal (cf. le colloque Discours rapporté, citation et pratiques sémiotiques, Université de Nice-Sophia Antipolis, 2009), iii) par leur réexamen à la lumière de la réflexion, particulièrement nourrie depuis une vingtaine d’années, sur les concepts de polyphonie et de dialogisme et par la prise en considération de la dimension discursive et sociale.

56On s’engagera dans cette voie avec l’espoir, non pas de se faire l’écho de la richesse de travaux qui mobilisent, au delà de la grammaire traditionnelle et de l’analyse phrastique, le bagage conceptuel des linguistiques de l’énonciation, de la linguistique textuelle, de la pragmatique, de l’analyse conversationnelle et argumentative, mais de poser quelques jalons indispensables et d’entrevoir des rapprochements inter- ou transdisciplinaires. Ainsi, on étudiera la pression plus ou moins souterraine exercée par des instances concurrentes en confrontant le discours rapporté au discours représenté et différentes approches linguistiques du dédoublement énonciatif à une sémiotique soucieuse de fouiller la profondeur tensive du discours.

3. Discours rapporté/représenté, dialogisme et polyphonie

3.1. Discours rapporté et discours représenté

57L’étiquette de discours représenté s’applique dans le cas d’un discours « inventé » dans l’interaction (Rosier, 2008, p. 19). Plus fondamentalement, il importe à A. Rabatel de mettre en avant « l’orientation pragmatique du discours représenté, qui est tel non seulement du fait de transpositions grammaticales pour articuler les dires d’autrui aux repères énonciatifs du locuteur citant, mais encore, et surtout, du fait de la dimension argumentative qui est conférée aux dires représentés, dans le hic et nunc de la représentation » (2008, p. 355). La notion de discours représenté signale une différence au niveau de l’appréhension même de la réalité et de son découpage : « […] avec la notion de discours représenté, l’empan des faits qui entrent dans le prisme de l’analyse dialogique est plus large qu’avec le discours rapporté, et les phénomènes y sont envisagés sous une optique moins strictement grammairienne […], et davantage pragmatique et philosophique » (ibid.). L’intérêt de la notion de discours représenté en est largement fonction.

58Là-dessus se greffe la dissociation, particulièrement prometteuse, entre la représentation du point de vue de l’autre et le rapport de la parole qu’elle précède. On peut demander à la sémiotique de procurer à la réflexion un cadre théorique et méthodologique complémentaire : tout acte de parole se fonde sur l’activité présupposée d’un « observateur », selon J. Fontanille, soit d’un sujet qui n’est plus « un délégué ancillaire de l’énonciateur », mais « qui acquiert la compétence pour accomplir le parcours depuis le flux des sensations jusqu’à la cognition narrative et discursive » (1996, p. 174).

  • 41 Dans un tel cadre auto-dialogique, on assiste à l’évolution de l’image de Soi dans le temps, comme (...)
  • 42 Cf. Ducrot (1984) au sujet de la distinction entre le locuteur producteur physique de l’énoncé et l (...)
  • 43 Comme le rappelle A. Rabatel (2009, p. 72), on constate une évolution de la pensée de Ducrot sur ce (...)
  • 44 On distingue différents cas de figure, en fonction des visées purement informative ou argumentative (...)

59Ce trajet, A. Rabatel entreprend de le baliser depuis l’horizon théorique et méthodologique qui est le sien, en proposant une forme de gestion de la pluralisation des instances concurrentes dans un cadre (auto-)dialogique41. Arrêtons-nous sur une de ses publications récentes (2009), qui lui permet d’approfondir et de différencier la notion de prise en charge. Il y étudie la manifestation linguistique des relations tensionnelles qui se nouent entre Soi et Autrui, entre le locuteur/énonciateur premier (L1/E1) et le locuteur/énonciateur second (l2/e2)42. Plus précisément, il s’écarte de Ducrot (1984)43 en se donnant les moyens de rendre compte de l’« imputation » à un énonciateur second (e2) de contenus propositionnels (d’un « point de vue » (PDV)) que le locuteur/énonciateur premier (L1/E1) ne prend d’abord pas en charge. D’une part, « l’imputation est donc une PEC [prise en charge] à responsabilité limitée, parce que construite par le locuteur premier, attribuée par lui à un locuteur/énonciateur second qui peut toujours alléguer qu’il n’est pas responsable d’un PDV que L1/E1 lui a imputé à tort » (ibid., p. 74). D’autre part, ce n’est qu’ultérieurement que L1/E1 se situe par rapport au PDV imputé. Ainsi, une différenciation fine de trois étapes permet à A. Rabatel d’articuler l’« imputation » avec la « prise en compte par imputation », qui peut déboucher elle-même sur la « prise en charge ». L1/E1 se positionne par rapport aux points de vue (PDV) de e2, en occupant l’une des positions qui s’échelonnent sur un continuum entre la prise de distance et l’approbation44.

  • 45 On se permet de renvoyer aussi à Colas-Blaise (2010c).
  • 46 Cf. Culioli (1971, p. 4031) ; voir aussi Coquet (2007).

60Comment suggérer davantage la convergence des questionnements de la linguistique de l’énonciation et de la sémiotique, qui manifeste, on l’a vu, un intérêt accru pour la pluralisation des instances (cf. déjà Fontanille, 1989, p. 20) ? Il est symptomatique qu’A. Rabatel (2004) cite P. Ouellet et alii (1994), quand il souligne l’interdépendance de la construction linguistique des « objets perçus » et de celle du sujet percevant. Faire correspondre le point de vue sans acte de parole à une forme de prise en charge (« quasi-prise en charge », selon A. Rabatel)45, c’est interroger les frontières du concept d’énonciation selon Benveniste ou Culioli46 ; c’est également se tourner vers cet en deçà de l’énonciation linguistique, perceptif et sensible, dont les sémioticiens cherchent à rendre compte.

3.2. Approches linguistique et sémiotique du dédoublement énonciatif

61Le discours rapporté suscite en linguistique des travaux d’autant plus intéressants que tout en consolidant les fonds théoriques, les chercheurs explorent de nouveaux continents (en incluant, par exemple, la composante visuelle) et misent sur la fécondité des interrogations disciplinaires conjointes.

62L’élargissement de la palette des formes de discours rapporté, exigée notamment par la prise en considération des discours « interprété » et « en circulation », réclame l’entrée en dialogue de la théorie de L. Rosier (not. 1999, 2008) avec celle de J. Authier-Revuz (not. 1995). L’organisation en continuum selon l’actualisation progressive vers l’énonciation directe permet à la première de mettre le critère fondamental de la distinction entre deux espaces énonciatifs, entre un discours citant et un discours cité, au service d’une vision graduelle des formes que revêtent en contexte les dédoublements énonciatifs. Au-delà du couple canonique discours direct/discours indirect et des formes libres discours indirect libre et discours direct libre, L. Rosier envisage des formes hybrides : le discours direct avec que, le discours indirect sans que, le discours rapporté neutre, le discours indirect avec marqueurs graphiques ; elle y ajoute les formes « aux confins » : le discours narrativisé, le conditionnel, d’autres formes de mise à distance ainsi que le paradigme des formes en selon X (2008, p. 138).

63Quant à la théorie de J. Authier-Revuz, si elle interpelle le sémioticien, c’est parce qu’une conception différente des formes de DR — ainsi la dissociation entre, d’une part, les formes discours direct et discours indirect et, d’autre part, les formes discours indirect libre et discours direct libre — est étayée par la distinction entre faire mention et faire usage. D’un côté, le discours rapporté au sens strict qui, écrit J. Authier-Revuz (1996, p. 92), fait « l’objet de l’assertion » de l’énoncé — il s’agit d’une « prédication concernant le discours autre » (2004, p. 41) — se situe soit au plan du contenu, à travers les mots dont il est fait usage (« image du discours autre construite par paraphrase ou description : zone du discours indirect au sens large »), soit au plan de l’expression, à travers des mots dont il est fait mention (« image du discours autre construite avec monstration de mots, zone du discours direct »). De l’autre, dans le cas d’une « modalisation du dire par le discours autre », l’énoncé est ce par quoi passe une modalisation comme discours second : l’image par paraphrase comprend une « zone de modalisation du dire comme discours second » (selon l [locuteur], pour l, d’après l, paraît-il) ; l’image exhibant les mots de l’autre fait intervenir une « modalisation autonymique d’emprunt » (« X », pour parler comme l, selon le mot de l, comme dirait l…).

64Là-dessus, à quelles fins mobiliser le bagage conceptuel de la sémiotique et les outils d’analyse qu’elle a forgés ? Trois aspects méritent considération.

65Conformément aux régimes de la prise en charge mis en évidence plus haut, on conçoit l’intérêt, pour rendre compte du dédoublement énonciatif lié au rapport discursif, de la distinction entre modes d’existence et degrés de présence (Fontanille, 2003 [1998]). On a pu suggérer (Colas-Blaise, 2004, pp. 164167) que dans le cas du discours direct, le dit de l’autre s’expose, faisant valoir le statut d’interface du segment placé entre guillemets, maintenu entre provenance et destination. Le cité apparaît dès lors comme l’élément étranger qui fait irruption dans le champ discursif d’accueil : il est à la fois paré de l’ambivalence de l’éclat et empêché, de par ses bornes matérialisées typographiquement, à s’étendre dans l’espace de la phrase. Quel que soit le degré de l’adhésion du locuteur citant, le guillemetage met en scène, en exhibant le discours autre, l’énonciation en tant que rapportante. Finalement, ce qui bénéficie de la présence discursive la plus forte par rapport à la position du locuteur-rapporteur (l’intensité intense et la saisie étendue caractérisent le mode de la réalisation), ce n’est pas le dit de l’autre, dont l’actualisation et la pré-prise en charge se soldent pour le locuteur-rapporteur par la potentialisation provisoire de son propre discours, qui s’efface momentanément devant le dit de l’autre et se trouve relégué à l’arrière-plan. Ce qui frappe particulièrement, c’est l’énonciation rapportante comme geste : Il y a du dire/dit autre est traité par le locuteur citant comme réalisé. Ce même entre-jeu de la potentialisation, de l’actualisation et de la réalisation de grandeurs concurrentes s’observe dans le cas de la « modalisation du dire comme discours second sur le contenu » (du type selon l…), de la « modalisation autonymique d’emprunt » (du type selon l…, « X ») et, plus particulièrement, de l’« îlot textuel en discours indirect » (du type l dit que… « X ») (Authier-Revuz, 1996).

  • 47 On place au fondement de la discussion sur les relations intersémiotiques la définition de G. Molin (...)
  • 48 Cf. la zone de la modalisation autonymique comme discours second (par exemple : « “X”, pour parler (...)

66Ensuite, le récent renouvellement du phénomène linguistique du discours rapporté et de la citation par une dimension intersémiotique47 a permis de tester sur un matériau non verbal — en l’occurrence pictural — l’efficacité heuristique de l’opposition développée par J. Authier-Revuz entre la configuration « où l’on parle des mots des autres » — dont relève notamment le discours direct — et celle « où l’on parle avec les mots des autres » (2000, p. 212)48. Non seulement elle sous-tend différents « régimes citationnels » intramédiatiques, mais, comme nous avons essayé de le montrer (Colas-Blaise, 2010a), une conception élargie de la citation permet de rapprocher ceux-ci de différents régimes de la translation intermédiatique (rapports texte verbal/image). Sans méconnaître les transformations et réajustements occasionnés par le changement de registre sémiotique, on a pu constater les mêmes types de rapport à la réalité : « parler de » ou « peindre au sujet de », « parler/peindre avec », « parler/peindre selon, d’après » et, enfin, l’expérience du simulacre d’une « coïncidence » énonciative, quand la « picturalité » du verbal — ainsi, une « iconosyntaxe » selon J.M. Klinkenberg (1996, p. 119) — se veut la conséquence d’une (illusoire) reproduction « mimétique » de la composition de l’image. C’est relancer, par un autre biais, les investigations sur le couple « montrer » et « dire » et interroger, en vue d’une possible homologation, l’opposition entre la « présentation » et la « représentation ».

  • 49 On peut comparer cette analyse au commentaire de J.-C. Coquet : « Au terme du processus d’objectiva (...)

67Une question centrale pour qui cherche, tel G. Molinié, à déterminer les régimes du sens et, plus particulièrement, celui de l’art : si « montrer », c’est à la fois montrer le monde et se montrer en tant qu’instance d’énonciation montrant le monde, le « montrer » ne serait-il pas de l’ordre de l’« indication » selon G. Molinié ? Ce dernier reprend dans Hermès mutilé (2005, pp. 116s.) une distinction faite dans Sémiostylistique entre « dire », « exprimer » et « indiquer » : la posture de l’« indiquer » ne demande pas que soit pris en considération le jeu des composantes noétique, thymique et éthique qui dominent, la première, lorsque le langage verbal « dit » du monde, les deux autres, quand le langage non verbal « exprime » du mondain. Ce qui est « indiqué », c’est le mélange du monde et du mondain, c’est la sémiotisation en tant qu’inaboutie : nous remontons en quelque sorte vers du « pro-sémiotique » ; l’indiquer, c’est « le geste qu’il y a du monde » : « […] peut-être l’indiquer ne se joue-t-il qu’à la place de l’exprimer et du dire, quand il n’y a plus ni dire ni exprimer, mais seule tension, seule tentative, seul désir de sémiose, en vue d’apprivoiser l’inapprivoisable » (Ibid., p. 121), par respect, précisément, pour le « il y a » selon Lévinas49.

  • 50 Si la structure tensive est composée de deux valences — la visée, qui va de la congruence à la cohé (...)

68Enfin, l’apport de la sémiotique concerne un troisième point : certes, la modélisation analysée par J. Fontanille, c’est-à-dire les régimes énonciatifs « subjectif », « connotatif », « traductif » et « tensivo-conflictuel » dont les traces sont décelables en immanence, à l’intérieur du texte50, se distingue de la polyphonie par la forme particulière développée pour la « “résolution de la tension” (déhiscence, hiérarchie et réflexivité) » (2003a, p. 130). Cependant, l’activité modélisante peut fournir aux études polyphoniques des cas d’analyse fréquents, même s’ils sont rarement pris en considération : « […] le commentaire méta-discursif, le dégagement des règles et les discussions sur les genres sont […] souvent confiés à des personnages différents, qui ne se confondent pas avec le sujet de l’énonciation » (ibid.).

3.3. Dialogisme, polyphonie et inscription sociale

  • 51 Pour la polyphonie, Birkelund et alii ((éds, 2009), p. 4) distinguent trois « positionnements » : c (...)

69Concentrons-nous sur les problématiques dialogique et polyphonique, qui se trouvent sur le devant de la scène française au moins depuis l’ouvrage de T. Todorov, Mikhaïl Bakhtine. Le principe dialogique, suivi d’Écrits du cercle Bakhtine (1981) et l’utilisation du mot « polyphonie » par O. Ducrot (surtout 1984). Si les linguistes optent pour l’une des deux approches51, on confiera à J. Bres et à S. Mellet le soin de commenter la dualité terminologique. Alors que l’approche polyphonique met en avant une « conception théâtrale de l’énonciation » (2009, p. 7), l’approche dialogique mise sur la « négociation » du sujet avec une hétérogénéité discursive à laquelle il ne saurait se soustraire ; si l’approche polyphonique privilégie les cadres de la pragmatique, les études dialogiques instituent le discours et l’interdiscours en notions nodales. En même temps, opposer la « mise en scène » à « une conception interactive du discours » (Rosier, 2008, p. 40) ne saurait masquer les convergences au moins ponctuelles : les linguistes scrutent souvent les mêmes faits linguistiques. À l’inverse, se profilant sur un fond commun, des divergences, voire des « incompatibilités » (Birkelund et alii (éds, 2009), p. 5) se font jour : l’hétérogénéité énonciative ressortit-elle à des entrecroisements de discours, d’énonciations ou de points de vue ? Quel rôle attribuer à la référence ? Secondaire et accessoire (Anscombre et Ducrot) ou central (ScaPoLine) (ibid., p. 5) ? Mais aussi, optera-t-on pour une approche interprétative ou plus strictement grammaticale ? Les formes grammaticales comportent-elles un « signifié dialogique » (Bres & Mellet, 2009, p. 69) ? Distinguera-t-on, de surcroît, les niveaux rhétorique et lexical ? Enfin, les approches dialogique et polyphonique sont mises en regard l’une avec l’autre et interrogées de concert, comme en témoignent au moins trois ouvrages collectifs récents : Dialogisme et polyphonie. Approches linguistiques (Bres et alii (éds, 2005)), Le Sens et ses voix. Dialogisme et polyphonie en langue et en discours (Perrin (éd., 2006)) et La Question polyphonique ou dialogique en sciences du langage (Colas-Blaise et alii (éds, 2010)).

70Au-delà d’analyses très pointues, on retiendra pour notre propos la dimension socio-historique et critique des approches du discours rapporté, du dialogisme et de la polyphonie. D’entrée, la question croise celle de la distribution souvent variable et vacillante, en fonction des codifications génériques et à l’intérieur d’un même discours, des postures du surénonciateur, du coénonciateur et du sousénonciateur (pour cette distinction très importante, cf. Rabatel, 2004a). La quête d’une légitimation discursive et d’un façonnement identitaire ou la confirmation d’une autorité éprouvent la lisière entre le linguistique et l’extra-linguistique. Qu’elles favorisent la circonscription d’une communauté avec son dehors ou soudent entre eux les membres d’un groupe, les « particitations » (sentencieuses, scripturaires, de groupe) étudiées par D. Maingueneau (2004b) mettent en œuvre une forme particulière de coénonciation qui rend superflues d’autres marques d’adhésion au point de vue. Il distingue deux grands types d’« hyperénonciateur » : individué ou correspondant à un ON doxique, celui-ci assume la responsabilité de contenus propositionnels ; garant d’une « mémoire », il est au contraire cette instance « innommable » qui soutient le « patrimoine artistique, culturel… d’une communauté » (ibid., p. 125).

  • 52 On se permet de renvoyer à Colas-Blaise (2009b).
  • 53 Le devenir du fragment est également au cœur des travaux du Congrès de l’Association Française de S (...)
  • 54 Les travaux récents de D. Maingueneau ont au moins un double mérite : celui de distinguer la surass (...)

71La circulation des discours peut être appréhendée à partir de la récursivité appliquée au rapport de discours, qui en constitue une de ses formes primaires. Comme le notent J.M. López Muñoz, S. Marnette et L. Rosier (2009), elle donne à penser les médiations et filiations énonciatives, qui trouvent leur ancrage dans des pratiques discursives intersubjectives et sociales (p. ex. celle de la médisance)52 : celles-ci leur procurent leur thématique, leurs enjeux et valeurs dans des lieux matériels emblématiques, des circonstances sociohistoriques précises (p.ex. les pratiques de délation), à travers des scénographies particulières (tracts, affiches…), et mobilisent des figures énonciatives prototypiques. D. Maingueneau (2006a, 2006b, 2010a, 2010b) invite à faire un pas de plus en opposant l’« énonciation aphorisante » à l’énonciation textualisante qui la domine : portée à son comble, la « détachabilité » du fragment53 « [met] en cause, écrit-il, l’idée communément admise que toute énonciation se fait dans l’orbite du texte et du genre de discours, entendu comme dispositif de communication socio-historiquement défini » (2010a). Les discours balanceraient-ils entre inféodation au contexte socio‑historique de production et autonomisation relative ? Certains fragments, tels le slogan, le proverbe ou la devise, seraient amenés, par le biais d’une « surassertion […] qui formate un fragment comme détachable », à manifester la « prétention » d’être « une parole ab-solue, sans contexte » (ibid.)54.

  • 55 On proposera deux exemples, qui paraissent révélateurs : J.-M. Adam écrit dans Le Style dans la lan (...)

72De ces investigations se dégage une première ligne de force : la volonté de mettre l’ancrage énonciatif en relation avec une « mise en parcours des discours » (López Muñoz, Marnette & Rosier, 2009, p. 20), d’éclairer ces derniers à la lumière de pratiques sociales plus ou moins ritualisées, fût-ce en pointant le phénomène de la « dé-textualisation » et de la retextualisation par le texte d’accueil (ibid.). Dans ce cas, la mise sous l’accent dans La circulation des discours, mais également ailleurs, de la pratique discursive ou langagière55 serait-elle l’indice d’une attention accrue portée à l’intrication d’un mode d’énonciation et d’un cadre socialement et historiquement situé ? D’une part, on se demandera, plus loin, dans quelle mesure il y a convergence entre la définition de la pratique telle qu’elle est conçue en pragmatique ou en analyse du discours et celle que propose J. Fontanille (2008a). D’autre part, sachant que le style est considéré traditionnellement comme un facteur de singularisation et d’individuation, on s’attachera à serrer de plus près la remise en perspective dont il peut bénéficier.

73Une troisième ligne de force s’ajoute aussitôt : en appelant en retour des approches et points de vue (diachronique, rhétorique, argumentatif, pragmatique, stylistique…) variés, les questionnements communs à plusieurs disciplines incitent à jeter des passerelles entre les théories, voire à redistribuer les disciplines dans le champ des sciences du langage, ou du moins à mettre à profit la complémentarité des analyses.

74Ces points seront examinés dans la dernière partie.

4. Le dialogue des disciplines

4.1. Du texte au discours et à la pratique

75Les tentatives pour arracher un écrit à l’isolement consenti par la linguistique structurale des années 1960 ne sont pas récentes. On sait que dans le sillage de l’« École française d’Analyse du discours », une différenciation entre le texte et le discours — « discours = texte + conditions de production ; texte = discours — conditions de production » (Adam, 1990, p. 23 ; 1999, p. 39) — fait apparaître le premier comme un objet abstrait du contexte sociohistorique de production et le deuxième comme un objet concret, contraint par des déterminations extra-linguistiques. On rappellera aussi la fortune que connaît la notion de « scène d’énonciation », qui se décline en « scène englobante » (« type de discours »), « scène générique (genre de discours) et « scénographie » (scène de parole) (Maingueneau, not. 2004a, pp. 190s.). Approchée comme discours, et dans la perspective de l’analyse du discours, l’œuvre littéraire elle-même noue au dit une légitimation des conditions de son dire : « Sortir de l’œuvre “en soi”, c’est d’abord restituer les œuvres à l’espace qui les rend possibles, où elles sont produites, évaluées, gérées » (Maingueneau, 2003, p. 23).

76C’est en croisant la notion de « scène » (telle qu’elle est utilisée dans la linguistique des années 1960) avec celle de « pratique » que J. Fontanille (2008a) en renouvelle l’analyse à travers non seulement « une sémiotisation du contexte », selon l’expression d’É. Landowski, mais aussi une ouverture sur la situation qui dépasse l’environnement du texte. Au-delà de l’approche énonciative et pragmatique, et se démarquant implicitement de l’analyse du discours, il appelle « scène » le « noyau prédicatif » caractéristique d’une pratique :

77[…] une « scène » est alors organisée autour d’un « acte », au sens où, dans la linguistique des années 1960, on parlait de la prédication verbale comme d’une « petite scène ». Cette scène se compose d’un ou plusieurs procès, environné par les actants propres au macro-prédicat de la pratique. Ces rôles actantiels propres à ce macro-prédicat peuvent être joués entre autres : par le texte ou l’image eux-mêmes, par leur support, par des éléments de l’environnement, par l’usager ou l’observateur […]. La scène de la pratique consiste également en relations entre ces différents rôles, des relations modales et passionnelles, pour l’essentiel. (Ibid., pp. 2627).

78Définie comme un palier d’intégration d’un parcours de l’expression et logée en une strate intermédiaire entre, d’une part, l’objet support de manipulations qu’elle héberge — l’objet intégrant lui-même le texte dont il manifeste les structures énonciatives — et, d’autre part, les stratégies où se décident et prennent forme des usages sociaux, des comportements complexes plus ou moins ritualisés, la pratique renvoie à l’expérience d’une situation sémiotique : celle-ci est comprise comme une « configuration hétérogène qui rassemble tous les éléments nécessaires à la production et à l’interprétation de la signification d’une interaction communicative » (ibid., p. 25). On assiste ainsi à une extension de la notion d’énonciation, les structures énonciatives servant d’intermédiaire à l’intégration qui, de proche en proche, ménage le passage entre les strates du parcours de l’expression.

  • 56 J. Fontanille note que la patine résulte des usages successifs et de la participation de l’objet à (...)

79Élargie de la sorte, l’énonciation englobe des formes de manifestation que les linguistes ne prennent pas toujours en considération : les propriétés de l’objet-support sont elles-mêmes proposées à l’analyse. Enfin, interpréter comme « énonciatifs » les usages mêmes des pratiques auxquelles l’objet est promis, c’est confirmer les bases de la sémiotique de la trace (inscriptions, usure, patine) ou, mieux, de l’« “empreinte” » dont J. Fontanille esquisse les grandes lignes à la fin de Soma et séma (2004). L’important, pour nous, c’est que la patine invite à réinterroger la notion même d’« énonciation impersonnelle », d’un « impersonnel qui précède le sujet et dans lequel celui-ci prend place » (Bertrand, 1993, p. 30). La discussion entamée par J. Fontanille sur ce point est éclairante : apte à enclore des énonciations successives qui creusent la profondeur temporelle, mais aussi, lors d’un embrayage réactualisant, à restituer le feuilleté des énonciations révolues à une nouvelle présence, la patine ou l’empreinte serait plutôt l’indice d’une praxis énonciative « neutre quant à la personne ». Et J. Fontanille d’ajouter en tenant compte de l’action exercée par l’environnement : de manière privilégiée, il s’agit d’un « indice non-subjectif d’énonciation » (2004, p. 248)56.

80On sait que la présente étude vise à isoler des points de dialogue entre la linguistique et la sémiotique et des échangeurs qui ménagent le passage, à dresser un bilan des recherches, fût-il incomplet, et à capter certaines des tendances contemporaines. Deux remarques semblent alors s’imposer ici.

81D’une part, une même volonté de ne pas abstraire le texte de la matérialité de l’objet conduit J.-M. Adam à appréhender le texte à travers ses relations avec l’objet livre. Dans un article consacré à la stylistique, il propose de « dissoudre » celle-ci « dans les disciplines de la variation des textes » : les « variations de la langue, des textes et des genres. Analyse textuelle des discours » ; les « variations auctoriales. Génétique textuelle » ; les « variations des langues et des textes. Traductions » ; et, enfin, les « variations éditoriales. Philologie matérielle, histoire du livre et de l’édition ». « La génétique textuelle […] et l’histoire du livre et de la lecture […] convergent, écrit-il, pour montrer qu’un texte n’est pas seulement un objet spatial ayant la stabilité de ses trois dimensions (gauche > droite de la page, haut > bas de la page, et épaisseur du volume), il possède également une quatrième dimension, qui fait de lui un objet temporellement changeant, un objet qui parcourt le temps et l’espace socioculturel avant de parvenir au lecteur et à l’analyste » (2010, pp. 2930).

82D’autre part, le projet d’une remise sur le chantier de la notion de texte a réuni des linguistes de toute obédience (de la linguistique textuelle à la pragmatique, à l’analyse du discours, aux théories de l’énonciation et à la stylistique), mais aussi des sémioticiens (cf. Florea et alii (éds, 2010)). La mise en regard de la définition du texte par J. Fontanille (2006) et de la réflexion d’A. Rabatel (2010b), qui semble emblématique d’une approche tablant sur la complémentarité des linguistiques (pragmatique, analyse du discours, voire praxématique…), est particulièrement éclairante.

  • 57 Les objets, note J. Fontanille, « sont des structures matérielles, dotées d’une morphologie, d’une (...)

83D’un côté, en effet, le « texte-énoncé », défini par J. Fontanille comme un « ensemble de figures sémiotiques organisées en un ensemble homogène grâce à leur disposition sur un même support ou véhicule […] » (2006, p. 218), est d’emblée mis en rapport avec les signes (premier niveau du parcours de l’expression) : le texte intègre, écrit J. Fontanille, « tout ou partie de ces éléments sensibles dans une “dimension plastique”, et l’analyse sémiotique de cette dimension textuelle peut alors lui reconnaître ou lui affecter directement des formes de contenu, des axiologies, voire des rôles actantiels » (ibid., pp. 214215) ; par ailleurs, le texte est intégré dans l’objet (le troisième niveau du parcours de l’expression)57.

84De l’autre, la réflexion d’A. Rabatel, qui emprunte à M.-J. Barbéris la notion d’actualisation et convoque la notion de communauté interprétative développée par Stanley Fish, atteste une conception non seulement située du texte, mais mettant en place un « archi-lecteur » qui correspond au « parcours interne à l’œuvre auquel se livre un lecteur qui est à la fois dedans et dehors, fortement ancré dans son temps » (2010b, p. 182). L’entrée en résonance du « monde du texte » et du « monde du lecteur ici et maintenant » rend dès lors possible la prise en compte de l’historicité du processus scriptural, des dimensions intertextuelle et interdiscursive. Plutôt que d’une confrontation entre un texte et un lecteur, il s’agit, selon A. Rabatel, de scruter les activités d’interprétation et de production des « communautés discursives » (ibid., p. 183), envisagées à travers leur socialisation.

85Un dernier point mérite d’être souligné : la textualité, écrit A. Rabatel en renvoyant à Jeandillou (2008), « va […] plus loin que la discursivité » ; elle renferme le pouvoir de secouer et d’outrepasser les modèles stabilisés, qu’ils soient discursifs, génériques ou typiques.

  • 58 Voir aussi Fontanille (1994) : « […] les “styles de vie” sont des déterminations sociales, […] leur (...)

86Le texte constitue-t-il un ferment de renouvellement, voire de réinvention des valeurs ? Pour J. Fontanille, au sein du parcours de l’expression qui l’héberge, il s’intègre en définitive, et après avoir transité par les paliers interposés, dans la forme de vie (1993, 1994, 2003 [1998], 2003a, 2004, 2008a). Déjà en 1993, celle-ci se voit confier par rapport au style de vie une tâche décrite en ces termes : « Les formes de vie procèdent à la fois de la praxis énonciative, car elles se font et se défont par l’usage, elles sont inventées, pratiquées ou dénoncées par des “instances énonçantes”, collectives ou individuelles, et de l’esthétisation de l’éthique, car elles ne parviennent à donner un sens à la vie que dans la mesure où elles obéissent à certains critères de type sensible et esthétique » (pp. 56)58.

4.2. Le singulier et le collectif

87Du style de vie au style : le mot est lâché. Quelle place la linguistique contemporaine réserve-t-elle à cette problématique ? En particulier, le style étant lié, traditionnellement, à un processus de singularisation, quel type d’interrogations le regain d’intérêt dont il bénéficie apporte-t-il avec lui ? La question, plus généralement, concerne le singulier et le collectif ; peut-être, d’un point de vue méta-théorique, la mise en avant de la « communauté discursive » entraîne-t-elle, comme par contrecoup, une remise en perspective de l’« Un ». La problématique se décline sous trois aspects.

88D’abord, l’image d’auteur.

  • 59 Cf. D. Maingueneau (2009) : « Ce n’est ni l’énonciateur, ni le producteur en chair et en os, doué d (...)

89On l’a vu, du discours rapporté aux discours circulants, à la pluralisation interne à l’instance énonciative ou à sa dilution dans une communauté discursive, ce qui s’expose et se risque, c’est le contour plus ou moins stabilisé de la personne ou du (non-)sujet d’énonciation et son « unité » productrice d’effets d’identité. Il est d’autant plus intéressant que D. Maingueneau renouvelle la réflexion sur l’auctorialité à laquelle « la problématique de la polyphonie linguistique, et plus largement tout ce qui tourne autour de l’hétérogénéité ou de la modalisation » a sans doute « fait obstacle » (2009). Ce n’est pas réhabiliter une image désuète : l’image d’auteur proposée est nécessairement multiple et fluctuante. Non seulement D. Maingueneau (2009) distingue entre l’« auteur-répondant » (« l’instance qui répond d’un texte »59), l’« auteur-acteur » (« organisant son existence autour de l’activité de production de textes, [il] doit gérer une trajectoire, une carrière ») et l’« auteur-auctor » (l’« instance douée d’autorité »), mais encore l’image se façonne au carrefour du texte et des représentations publiques que l’auteur et ses textes ne manquent pas de faire surgir. Que R. Amossy (2009) focalise son attention sur l’entrée en résonance de l’« ethos auctorial », projeté par l’auteur dans le discours littéraire, avec les images extratextuelles fabriquées dans les entours, brisant ainsi la frontière entre le texte et le contexte, est révélateur de la volonté — au principe de la revue Argumentation et analyse du discours — de capter la dynamique entre l’organisation textuelle et son inscription dans une situation de communication.

90Ensuite, « un style, du style, le style ».

  • 60 Cf. l’opposition entre le texte (littéraire) dans sa singularité idiolectale et l’ensemble constitu (...)

91Les modes de gestion de la dichotomie texte/contexte, sur laquelle se greffe la dialectique du particulier et du général, du singulier et du social60, sont également au cœur des réflexions que cristallise la notion de style. Le champ notionnel couvre l’éventail des positions qui jalonnent un continuum borné, d’un côté, par la parole singulière et, de l’autre, par des processus de socialisation. A. Jaubert insiste sur le déploiement de la tension entre un « pôle universalisant » et un « pôle singularisant » : « un style, du style, le style » — ou comment à une première « appropriation » par le sujet parlant qui conduit de la langue à un style succède « un particulier en instance d’universalisation » (« du style »), avant une deuxième « appropriation » subjective qui fait émerger une liberté singulière (« le style ») ; combinant l’axe horizontal de la subjectivité avec l’axe vertical d’une création de valeur, A. Jaubert ponctue en ces termes le parcours de la genèse du style (2005, pp. 3940 ; 2007, pp. 5051). Il est impossible, dans le cadre de cette étude, de refléter l’ensemble des travaux particulièrement riches qui témoignent du renouveau de l’intérêt porté au style (et à la stylistique) durant ces dernières années. On choisit de retenir comme emblématique de la réflexion actuelle le travail de clarification notionnelle entrepris par A. Rabatel, qui articule le style avec l’idiolecte et l’ethos. Plus largement, l’approche « moniste » et « continuiste » du style (2007, pp. 2425 ; cf. aussi Adam, 2010, p. 27) met en avant la « dynamique de construction/spécification de soi à travers le retravail des formes sociales et culturelles par lesquelles les individus expriment leurs rapports entre eux, leur rapport au monde et leur rapport au langage » (ibid., p. 25). Cette approche vise le discours dans sa totalité et comme un ensemble doté de sens ; elle appelle à incorporer aux études les « mises en voix/mises en scène des textes », à rendre compte des dimensions singulière et collective, des versants expressif et communicationnel ainsi que de la recherche esthétique. Elle peut ainsi résumer l’essentiel des demandes adressées par la problématique du style.

  • 61 « Tout énoncé implique des choix qu’on opère parmi les disponibilités de la langue, écrit Schaeffer (...)

92Ainsi que le confirme l’ouvrage intitulé Stylistiques ? (Bougault & Wulf (éds, 2010)), celle-ci offre un cadre épistémologique dans lequel peut s’éprouver et se déployer une quadruple dialectique : entre le littéraire et le non littéraire, le singulier et le collectif, la langue et le discours, le verbal et le non verbal (notamment dans la perspective explorée par G. Molinié d’une transsémiotique des arts). « Et si tout texte avait du style ? », demande J.-M. Adam en 1997, citant Genette (1991) ou Schaeffer (1997), qui plaident pour une conception « continuiste »61. En 1992, H. Mitterand propose de réserver le mot « style » au « passage de l’exemplification à la valorisation » (p. 251). En 1993, L. Jenny, dont la réflexion est d’inspiration phénoménologique, s’interroge sur le processus de singularisation en un style des procédures générales de production du sens. J.-M. Adam, pour sa part, prend appui sur les écrits de Bakhtine ou mobilise les linguistiques énonciatives de Benveniste et de Bally : il bat en brèche la dichotomie « stylistique littéraire » vs. « linguistique » et institue une théorie de la « variation stylistique » à l’œuvre autant dans les pratiques discursives littéraires qu’ordinaires (1997, p. 33 ; cf. aussi 2010, p. 27). Conjointement, le style est envisagé dans sa dimension également collective, au-delà des spécificités idiosyncrasiques des œuvres.

  • 62 Il cite Bakhtine : « Là où il y a style il y a genre » (2002, p. 37).

93C’est autour de ces mêmes préoccupations que se nouent les réflexions dans un numéro de Langue française (2002). Tout en reconnaissant aux notions de valeur et de spécificité une fonction distinctive, B. Combettes (2002) souligne, du point de vue de la grammaire de texte, le pouvoir fédérateur de la dimension cognitive et de ce qui la mobilise : la gestion de la cohérence en production et en réception. Il avance l’hypothèse d’un « style cognitif », caractéristique non seulement de chaque langue, mais de tout type de texte. Enfin, le genre constitue le « seul et unique objet » de la stylistique, n’hésite pas à écrire D. Combe62. Sur ce point encore, on constate une certaine permanence. Stylistiques ? en témoigne : les mêmes tensions parcourent le champ des réflexions les plus récentes, donnant forme, entre autres, à une « stylistique des genres ».

94Enfin, les usages quotidiens des lexèmes « style » et « style de vie ».

95Grâce notamment aux travaux d’É. Bordas, qui pense le discours sur le style « comme une mythologie moderne » (2001, p. 133), projetant la vision d’un monde frappé par ce que R. Barthes appelle la « déperdition de la qualité historique des choses », un monde « sans contradictions parce que sans profondeur, un monde étalé dans l’évidence » (1957, pp. 230231), la notion de style est questionnée dans sa composante socio-historique et politique. Retraçant les usages du mot « style » dans une variété de « scénographies sociales » — les discours scolaire, universitaire, médiatique, commercial, politique —, É. Bordas montre à quel point le mot « style » peut incarner emblématiquement la distinction : « le style, c’est la classe » (2008, p. 74). En même temps, une certaine dé-sémantisation, favorable à une évacuation de l’analyse, et un clichage au service d’une standardisation des références en sont des corollaires attendus. Plus sont mises en avant la classification et l’instauration d’une cohérence locale, et plus l’étiquette « style » se prête à une exploitation idéologique, à des discours d’occultation des conflits sociaux, de « naturalisation » et de confirmation de l’ordre établi et des distinctions. Ces mêmes notions sont au cœur d’une réflexion (Colas-Blaise, 2011) sur les « morales du langage » selon Barthes, qui, s’inscrivant dans le sillage des études d’É. Bordas (2008), met au départ les usages « spontanés » des mots « style » et « style de vie » (par exemple « le style Sarkozy ») et les valeurs qu’ils projettent. Confronter le point de vue de Bourdieu, selon lequel les styles de vie forment un système, et celui de la sémiotique, c’est montrer que la forme de vie est en mesure de composer des styles cognitifs et narratifs, tensifs, thymiques ou esthésiques ; on a vu qu’elle signifie la possibilité même de la rupture et de la réouverture spectaculaire du champ des variables comportementales ou axiologiques. Elle peut drainer vers elle et subsumer tous les éléments qui sapent les bases des conformismes, des discours de légitimation de l’ordre établi et de la distinction masquant les conflits socio-historiques.

  • 63 En même temps, ce phénomène n’est pas nouveau : J.-M. Adam écrit en 1997 que l’« opération de moder (...)

96Dans la foulée, le colloque « Style, langue et société », qu’É. Bordas et G. Molinié ont dirigé à Cerisy en 2009, témoigne de ce qui apparaît plus que jamais comme une constante : la volonté de faire bénéficier la notion de style d’éclairages multiples, comme si elle se trouvait au confluent de courants et d’approches différents et complémentaires, de la stylistique à la sociostylistique et à la sémiostylistique, de la sociolinguistique à la socioénonciation, de l’analyse de discours à la pragmatique, la rhétorique ou la sémiotique63. « Style : objet de la stylistique », écrivait G. Molinié en 1994, non sans provocation, puisque c’était pointer les difficultés dont s’entourait la définition de la notion, et peut-être faut-il comprendre surtout que la stylistique a pour objet le style, mais que le style autorise, voire appelle d’autres regards. Au fond, la stylistique serait prédestinée aux échanges, qualifiée tantôt d’« interdiscipline vivante, une interdiscipline en perpétuel dialogue avec ses marges : sémiotique, syntaxe, sémantique, analyse littéraire, rhétorique », tantôt de « véritable science des discours » (Bougault & Wulf, 2010, p. 9). Serait-elle appelée à coiffer d’autres disciplines ? Les stylistiques semblent avoir vocation, sinon à abriter des points de vue différents, du moins à orchestrer des interrogations conjointes ; au-delà de l’objet d’étude, configuré et reconfiguré, c’est la possibilité même d’une mise en commun des outils conceptuels et des schémas d’analyse qui est ainsi explorée.

97Cependant, l’analyse du discours peut elle-même apparaître comme englobante, même si, tout comme la pragmatique, elle ne constitue pas un « domaine unifié dont les visées et les méthodes feraient l’objet d’un consensus » (Amossy & Maingueneau (éds, 2003), p. 11). A. Jaubert définit ainsi un « champ de la stylistique » qu’elle considère comme partie prenante de l’analyse du discours (2003, p. 283) et comme suscitant une « approche sur mesures ». La pluridisciplinarité est au cœur de l’ouvrage L’analyse du discours dans les études littéraires (Amossy & Maingueneau (éds, 2003)) qui, à bien des égards, a marqué un tournant dans les études de la littérature, en ouvrant l’espace de l’analyse du discours, lui-même appréhendé dans sa diversité, au dialogue entre des chercheurs d’horizons théoriques et méthodologiques différents (approche sociocritique de la littérature, analyse du discours à dominante rhétorique, approche interactionnelle, dialogisme et discours rapporté, stylistique, pragmatique…). Les exemples d’une interdisciplinarité féconde se multiplient. On retiendra, globalement, les efforts de (re)positionnement sur l’échiquier des sciences du langage et l’obligation, afin de contrer une « démarche conjoncturelle de récupération et d’intégration-articulation œcuménique » (Adam, 2002, p. 72), de (re)définir à chaque fois le cadre épistémologique en réinterrogeant, au besoin, les catégories d’analyse. L’intégration de perspectives stylistiques ne laisse pas, en effet, d’influer sur l’analyse du discours : « Il est vraisemblable que cette dernière se configurera en fonction de divers sites, écrit D. Maingueneau, tel ou tel aspect passant, selon le site considéré, au premier plan ou à l’arrière-plan : le stylistique pourrait être l’un de ces sites » (2003, p. 25).

98Comment prendre la mesure de l’apport de la sémiotique ? On le résumera, trop succinctement, en trois points majeurs.

  • 64 Voir Fontanille (1999, pp. 196199) au sujet de la distinction entre l’individualité, le tempéramen (...)

99C’est la dynamique de stabilisation et de renouvellement/individuation, mais aussi la mise dans le jeu des valeurs (éthiques, esthétiques, véridictoires…) que cherchent à capter D. Bertrand et J. Fontanille. Ainsi, en 1985, D. Bertrand propose d’ériger le style soit en borne finale, à partir de laquelle se constate la stabilisation d’un discours idiolectal ou sociolectal, soit en borne initiale, qui sert de repère orientant l’évaluation d’un discours-objet en termes de conformité ou de non-conformité. Pour sa part, J. Fontanille (1999) considère que les phénomènes de style, qui concernent tant le texte, comme « espace de distribution des effets », que le discours, comme « domaine des valeurs, des modalités et des actes de langage » (p. 195), illustrent les processus tensifs qui traversent le langage. Ils mobilisent, dans ce cas, les corrélations en sens converse ou inverse entre les deux axes graduables de l’intensité (affective, sensible ; ici : intensité de l’effet stylistique ou innovation) et de l’extensité (distance spatio-temporelle… ; ici : distribution de l’effet stylistique ou stabilité dans le temps)64.

100Ensuite, le « fait de style » est également approché à la lumière de deux des quatre types de « sémiotiques réflexives » (Fontanille, 2003a). D’abord, son identification ressortit à une sémiotique « intuitive » visant une cohérence faible (congruence) et une adéquation limitée à une particularité ou spécificité. Cette conception du « fait de style » vérifie les orientations d’une stylistique soucieuse, hors d’un véritable projet de systématisation, de mettre subjectivement l’accent sur des effets localisables. Il paraît dès lors plus intéressant d’appréhender le style dans le cadre d’une sémiotique « connotative » qui, privilégiant le texte en sa clôture, combine la congruence (cohérence faible) avec une adéquation forte à l’objet d’analyse : la régularité d’une sélection, la corrélation isotopique et la stabilisation intentionnelle donnent forme, écrit J. Fontanille, à un système semi-symbolique caractéristique d’un discours particulier (ibid., p. 115). D. Bertrand (2011) en fournit une démonstration magistrale en prenant appui sur un récit d’Antelme. Plus largement, il montre qu’en solidarisant les plans de l’expression et du contenu, mais aussi en mettant en relation le monde et le corps avec le discours, sa syntaxe et ses figures, le semi-symbolisme propose une forme de résolution de la tension entre une approche centrée sur les réseaux de l’immanence et la prise en compte de ce qui la déborde : en l’occurrence, le continu de l’expérience vive, qui atteste une « sorte de proto-embrayage archaïque que l’événement semi-symbolique viendrait en quelque sorte inscrire dans la chair ».

  • 65 Nous nous permettons de renvoyer à Colas-Blaise (2008). Défini comme un champ tensif, le « champ st (...)
  • 66 Cf. l’« instance supplémentaire qui, dit D. Bertrand, subsume [le texte] et qui s’identifie à trave (...)

101Ailleurs, la notion de « champ stylistique »65, conçue dans une perspective tensive (pour le versant stylistique, voir aussi Herschberg Pierrot, 2005), invite à explorer davantage la zone de transition et de transit entre le texte et son entour66. Ainsi, les « régimes stylistiques » se façonnent au gré des échanges plus ou moins continus et diffus avec l’interdiscours et l’intertextualité, avec les cadres politiques et sociaux, au principe de la circulation du sens. La prise en considération de l’innovation ou de l’invention stylistiques met à contribution une modélisation « méta-stylistique » qui fait la part belle à la notion sémiotique de forme de vie, dont on peut scruter les manifestations textuelles (également à travers la forme matérielle de l’écrit : tiret, italique, organisation du champ graphique…).

4.3. La figure, à la croisée des disciplines

102Au terme de ce parcours, on se penchera sur la figuralité, qui produit un « effet‑sujet », tout en mobilisant l’éventail des positions entre l’individuation et le collectif. De surcroît, en suscitant des éclairages variés, non seulement stylistiques et rhétoriques, mais pragmatico-énonciatifs ou sémiotiques, elle concentre sur elle les traces laissées par les grandes mutations et les questionnements majeurs de ces quarante dernières années — globalement, depuis que le répertoire des figures a été placé sous le signe d’une « rhétorique restreinte » (Genette, 1970). Ainsi que le montre P. Wahl (2010) dans un article synthétique, à travers les composantes qu’elle réunit, la figure est en quelque sorte emblématique de reconceptions et de revirements déterminants.

103Ainsi, se concevant dans le cadre d’une sémiotique de la variation, la « saillance structurale » des figures telle que la définit M. Bonhomme combine le local de l’inscription singulière avec le contexte global du texte et du discours. La figure se profile sur un fond où se déploient également les visées herméneutiques et où se détermine l’invention d’un sens nouveau. Elle entre aussi en interaction avec l’intertextuel et l’interdiscursif. Bref, si elle affecte un sujet sensible, elle doit également être rapportée à des « schèmes figuraux » (2010b, pp. 120121), voire discursifs, qui, écrit M. Bonhomme ailleurs, comportent « une dimension matricielle et une orientation dynamique » (2005, p. 38) ; ils fournissent ainsi des bases à l’évaluation du degré de renouvellement ou de conventionnalisation. Pour cette raison même, l’efficacité de la figure se mesure dans un cadre pragmatique et communicationnel, en fonction, entre autres, de la compétence encyclopédique du récepteur (M. Bonhomme détermine les conditions de possibilité de l’« effet-saillance ») ; elle s’évalue aussi en relation avec l’ethos tel qu’il se construit dans le discours (Amossy, 1999) et, plus largement, avec les composantes affective, morale et intellectuelle que P. Wahl envisage dans le cadre d’une possible « éthologie de la figure » (2010, p. 210) ; enfin, jouant sur la codification culturelle, elle peut se charger de velléités idéologiques, véhiculant des morales de la figure.

  • 67 Cf. également le numéro sur les figures de l’à-peu-près qui paraîtra en 2011 (sous la direction d’A (...)

104Le renouvellement de la problématique passe aussi par une analyse de figures peu étudiées en linguistique (oxymore, antimétabole, tautologie, métalepse, énallage) ou revisitées (hyperbole, euphémisme, litote) à partir de la confrontation de points de vue (PDV) conçus par A. Rabatel (2008b) comme des « lieux privilégiés d’une énonciation problématisante, opacifant le dit/dire ». L’intérêt de l’étude du « processus figural » à l’aune du PDV est lié au moins à l’articulation de la dimension expressive et de l’intention significative/communicative dans une perspective pragmatique (et, plus largement, dans le cadre de l’analyse de discours), à la prise en considération des processus dialogiques en production et en réception, en langue et en discours. Enfin, et plus globalement, il repose sur l’examen des tensions intradiscursives (par exemple, entre singularité et régularité, au sens où l’entend M. Bonhomme) à la base de la dynamique figurale, mais aussi sur celles qui sont fonction du dialogisme interdiscursif et interlocutif67.

  • 68 Cf. le jeu des opérations rhétoriques systématiques (Groupe μ, 1970, 1977) et l’entre-jeu de la nor (...)
  • 69 Voir surtout la « séquence rhétorique canonique », qui incarne un « essai d’“opérationalisation” sé (...)

105Dans quelle mesure la figuralité conduit-elle la sémiotique à accoster d’autres continents disciplinaires ? La sémiotique et la rhétorique seraient-elles prises dans un rapport d’émulation réciproque, entretenu par le manque et la surprise ? « Quelque chose dans la rhétorique a toujours résisté à une “sémiotisation” définitive », écrivent S. Badir et J.-M. Klinkenberg (2008, pp. 78) ; et d’ajouter : « […] en retour la sémiotique élabore des objets, et des enjeux, que les rhétoriciens ne sauraient prévoir » (ibid.). Dans un espace scientifique reconfiguré, marqué par les mutations théoriques depuis 1970 et par le devenir d’autres disciplines, les fondements épistémologiques appellent à être réinterrogés en même temps que se redéfinissent les lignes de partage et de passage. Cependant, ce qui facilite, sinon garantit la fécondité du dialogue, c’est que le développement de la rhétorique générale du Groupe μ, avec ses deux étapes clefs68, et l’approche de la « dimension rhétorique » du discours par la sémiotique tensive69 élisent un même cadre ultime : celui d’une théorie générale du langage (également non verbal) (Klinkenberg, 2008 ; Fontanille, 2008b). Pour J. Fontanille, l’enjeu est hautement énonciatif, dans la mesure où la rhétorique apparaît comme une des dimensions du discours « en acte » : plus exactement, comme « la partie codifiée et enregistrée, sous forme de “praxèmes” figuratifs, de la “praxis énonciative” en général » (Fontanille, 2008b, p. 19). L’intérêt découle du rôle définitoire des catégories de l’intensité ou de l’étendue, qui ne se bornent pas à renvoyer à la praxis énonciative comme telle, mais interviennent spécifiquement dans la caractérisation des figures de rhétorique.

106Quand, partant des travaux du Groupe μ (1970) et de J. Fontanille (1999), M. Bonhomme fait valoir le point de vue pragmatique et focalise l’attention spécifiquement sur la réception du discours figural, on voit comment le balancement entre le plan structural, où surgissent des saillances « particulières », le plan cognitif, où le travail de conceptualisation et de schématisation (saillances « remarquables ») prend le relais de l’impressivité infraréflexive, et le plan pragmatique (saillances « fonctionnelles ») affecte à la fois le pôle sémiotique et le pôle stylistique (2010b, p. 123). M. Bonhomme en fait ressortir toute la complémentarité.

107Désormais, questionner les figures de rhétorique, c’est s’ouvrir à une pluralité de points de vue, dont chacun sélectionne un objet partiel, et à des stratégies d’analyse qui aident à en redéfinir les frontières.

108La présente étude ne saurait se clôturer. Elle se termine, plutôt, sur l’impérieuse nécessité d’un prolongement. Tout bilan serait trompeur. Une évolution double, qui se traduit par une extension du concept d’énonciation, se dessine toutefois : on a vu qu’il s’agit, d’une part, de se tourner vers l’amont de l’énonciation verbale pour essayer de rendre compte de l’énonciation perceptive, voire sensible ; on a constaté, d’autre part, que plus que jamais, il importe d’ancrer l’énonciation (verbale, iconique…) dans des pratiques socioculturelles, au point que l’attention est focalisée sur la circulation des discours ; l’étude de fragments de discours aphorisés questionne alors les notions de texte et d’« unité textuelle », puisque le détachement et l’autonomisation de fragments engagent des processus de dé-textualisation et de retextualisation.

109Ce qu’il faut capter enfin, c’est la dynamique de recherche qui se trouve incessamment relancée par de nouveaux défis : plus que jamais, elle éprouve les limites disciplinaires et table sur la complémentarité des points de vue. Globalement, l’« interdisciplinarité » se constitue en objet de questionnement et d’analyse à part entière.

110On sait que la démarche de construction théorique, qu’elle soit linguistique ou sémiotique, est déductive, mais aussi inductive, dès lors que l’économie d’ensemble se nourrit des résistances (du texte objet d’analyse) sur lesquelles elle risque d’achopper et de l’appel qui lui est ainsi lancé. Au terme de ces investigations, on a des raisons de croire que l’attention portée à l’Autre disciplinaire et à l’entre-jeu des disciplines constitue, désormais, un puissant ferment.

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Notes

1 Il faut souligner le cadre restrictif de cette étude, forcément partielle : les limites imparties rendent la sélection indispensable. Notre objectif est, essentiellement, de tracer des voies qui invitent à des explorations plus poussées.

2 Cf. la phrase liminaire de l’ouvrage L’Énonciation de C. Kerbrat-Orecchioni, qui s’interroge sur les raisons du tournant énonciatif et trace les contours d’une réflexion fondamentale : « Pourquoi cette “mutation”, dont les signes sont effectivement de plus en plus nets, et dont le concept trop accueillant peut-être d’“énonciation” fait figure de symbole et de catalyseur à la fois ? » (1999 [1980], p. 7).

3 Au sujet de la distinction entre le locuteur et l’énonciateur, cf. Rabatel (2010c).

4 On notera qu’en 1984, O. Ducrot se distingue de Benveniste en supprimant toute référence extra-linguistique : « C’est cette apparition momentanée [celle d’un énoncé, considérée comme un événement] que j’appelle “énonciation”. On remarquera que je ne fais pas intervenir dans ma caractérisation de l’énonciation la notion d’acte — a fortiori, je n’y introduis pas celle d’un sujet auteur de la parole et des actes de parole. Je ne dis pas que l’énonciation, c’est l’acte de quelqu’un qui produit un énoncé ; pour moi, c’est simplement le fait qu’un énoncé apparaisse, et je ne veux pas prendre position, au niveau de ces définitions préliminaires, par rapport au problème de l’auteur de l’énoncé. Je n’ai pas à décider s’il y a un auteur, et quel il est » (p. 179).

5 Au sujet de la distinction entre l’énonciation « énoncée » et l’énonciation « rapportée », cf. également Courtés (1989, pp. 48–49) : si l’énonciation « énoncée » est « constituée par l’ensemble des marques, identifiables dans le texte, qui renvoient à l’instance de l’énonciation », l’énonciation « “rapportée” » correspond à un « simulacre », dans le discours, de la « relation de communication entre énonciateur et énonciataire ».

6 Dans une perspective « restreinte », il s’agit de considérer comme « faits énonciatifs les traces linguistiques de la présence du locuteur au sein de son énoncé, les lieux d’inscription et les modalités d’existence » de « la subjectivité dans le langage » selon Benveniste. Et C. Kerbrat-Orecchioni de poursuivre : « Nous nous intéresserons donc aux seules unités “subjectives” (qui constituent un sous-ensemble des unités “énonciatives”), porteuses d’un “subjectivème” (cas particulier d’énonciatème) » (1999 [1980], p. 36). Quant à l’énonciation « étendue », elle exige que soient décrites « les relations qui se tissent entre l’énoncé et les différents éléments constitutifs du cadre énonciatif » (ibid., p. 34).

7 Il faut avancer avec circonspection, tant il est vrai que nous savons désormais que la phrase qui clôt le Cours de linguistique générale — « la linguistique a pour unique et véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-même » (Saussure, 1972 [1916], p. 317) — est due à Franz Bopp. Saussure, pour sa part, considère la parole comme un « acte individuel de volonté et d’intelligence » (ibid., p. 30), comme une « force active, et origine véritable des phénomènes qui s’aperçoivent ensuite peu à peu dans l’autre moitié du langage » (2002, p. 273). Dans leur Dictionnaire, Greimas et Courtés consacrent une entrée à la « parole » : elle « apparaît, dès l’origine, comme une sorte de fourre-tout notionnel dont la force de suggestion a été néanmoins considérable lors des développements ultérieurs de la linguistique. La problématique, qui y était sous-jacente, a éclaté par la suite en une série de conceptualisations, variables d’une théorie à l’autre, de sorte que le concept de parole a cessé, aujourd’hui, d’être opératoire » (1979, p. 269). Ils recensent néanmoins les concepts qui « peuvent être considérés comme des réinterprétations partielles de la parole (au sens saussurien) » : le procès (opposé au système, chez Hjelmslev), le message (opposé au code, dans la théorie de la communication), le discours (opposé à la langue, pour Benveniste), la performance (opposée à la compétence, dans la théorie générative), l’usage (opposé au schéma, chez Hjelmslev) (ibid., p. 270).

8 Le deuxième tome de Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage (dirigé par A.J. Greimas et J. Courtés en 1986) consacre au concept d’énonciation un article (pp. 75–77) que se partagent D. Bertrand, J-F. Bordron et M. Hammad. Globalement, on constate de la perplexité devant le concept, à l’origine, selon D. Bertrand, d’une « certaine confusion ». D’où sans doute la volonté de prendre modèle sur l’énoncé (et sa syntaxe) pour fournir un cadre à l’articulation entre l’énoncé et l’énonciation (énoncée). Pour D. Bertrand, la présentation de la « conception énonciative du sens » d’O. Ducrot et de la théorie des « opérations énonciatives » d’A. Culioli débouche sur le constat d’une absence : celle d’une théorie générale du discours. Visant, pour sa part, à sonder les rapports entre les composantes syntaxiques des actants de l’énonciation et de l’énoncé, J.-F. Bordron s’emploie à proposer une « définition protoactantielle » du sujet et de l’objet de l’énonciation. Pour M. Hammad, c’est l’assimilation des éléments relevant de l’énonciation énoncée à un énoncé qui fonde la reconnaissance de « programmes narratifs énonciatifs » (justiciables d’une analyse « générative ») et leur articulation avec les programmes narratifs énoncifs.

9 Cf., toutefois, le Dictionnaire d’analyse du discours qui propose une entrée « débrayage/embrayage » (Charaudeau & Maingueneau, 2002, p. 156) ; significativement, c’est pour mieux renvoyer à l’embrayage, distingué du « non-embrayage ».

10 Le « non-embrayage » est caractéristique des énoncés qui sont « en rupture » avec la situation d’énonciation et « construisent leurs repérages par un jeu de renvois internes au texte » (Charaudeau & Maingueneau, 2002, p. 210).

11 Le locuteur (L) est l’instance qui profère un énoncé. L’énonciateur (E) est l’instance qui assume l’énoncé ; c’est à partir d’elle qu’opèrent les phénomènes de qualification et de modalisation. Enfin, les locuteurs et énonciateurs enchâssés ou cités (l2 et e2) se distinguent des locuteur et énonciateur primaires (L1/E1) ; cf. Rabatel (2003a). Au sujet de la disjonction locuteur-énonciateur, voir Ducrot (1984) : si tout locuteur (à l’origine locutoire d’un énoncé) est énonciateur (en tant qu’il assume le contenu de l’énoncé), tout énonciateur n’est pas locuteur ; ainsi, il se peut que le point de vue de l’énonciateur ne soit pas pris en charge par le locuteur (cf. le cas de l’énoncé ironique).

12 Dans le détail, la « désinscription énonciative » objectivante peut se traduire par des « points de vue » (PDV) comprenant des « évidences perceptuelles », des discours indirects libres illocutoires ; l’effacement de l’origine énonciative du discours peut emprunter les formes du discours représenté anonyme, du discours du on-dit, des rumeurs… ; précédant la « reconstruction de toutes pièces » du dit/dire de l2, l’effacement du dire de l2 peut mettre à profit la forme du discours indirect, du discours narrativisé…, voire la décontextualisation des dires (Rabatel, 2003a, p. 44).

13 Du côté de la sémiotique, on rapprochera de la notion d’« effacement énonciatif » celle de « désénonciation » (ibid., p. 44) : considérant, globalement, que la structure des énoncés rend compte des modes de perception des états de choses par un sujet, P. Ouellet en fait un trait caractéristique du discours scientifique. Il note ainsi : « Cette stratégie énonciative — dont l’effacement des sujets anthropologiques de l’énonciation est le résultat — consiste à déporter la responsabilité énonciative du “je” vers le “nous” […], puis vers le “on” […], et enfin vers le “il” (qui objective et universalise l’instance d’énonciation en l’identifiant à l’univers des objets du discours ou des événements rapportés : les faits parlent) » (1992, p. 407).

14 On notera la centralité du concept d’actualisation, dans son acception linguistique, dès le début du xxe siècle, dans les travaux de Bally (1922) et de Guillaume (1929). Significativement, l’avantage est ainsi donné à une linguistique de la parole et de l’acte individuel de production, avant que les structuralistes n’en réduisent la portée et que le débat ne soit recentré sur les traces du sujet dans le texte-énoncé. D’où l’importance, en 1968, de la « rupture épistémologique » causée par Culioli, qui choisit de s’intéresser aux opérations énonciatives à la base d’un processus de construction du sens de l’énoncé, telles qu’elles ressortissent à la modélisation métalinguistique (à ce sujet, cf. not. de Vogüé, 1992 et Valette, 2004).

15 Au sujet des textualisations en même et en soi-même, cf. plus particulièrement Détrie (2010).

16 Cf. Fontanille (2003 [1998], p. 97) : « Le premier acte est donc celui de la prise de position : en énonçant, l’instance de discours énonce sa propre position ; elle est alors dotée d’une présence (entre autres, d’un présent), qui servira de repère à l’ensemble des autres opérations ». La « prise de position » précède alors le débrayage, d’orientation disjonctive, et l’embrayage, d’orientation conjonctive, qui ne permet pas, toutefois, de retrouver la position originelle.

17 A. Rabatel (2004b) écrit ainsi : « En effet, lorsqu’on détermine les traces énonciatives du sujet percevant des textes de fiction à partir de la référenciation de ce qui est perçu et qu’on s’intéresse à l’articulation de la dimension phénoménologique des perceptions avec son expression linguistique, on constate que “percevoir” n’est pas une source de savoir isolable des autres sources “évidentielles” (emprunt à autrui, inférences à partir d’une perception confrontée à un savoir préexistant) : la perception n’est jamais un donné qui s’impose de lui-même à l’observateur, c’est toujours-déjà une construction intellectualisée, médiatisée par le langage (Vogeleer, 1994) ».

18 Voir également Ducrot (1993), que R. Vion commente en ces termes : « Le locuteur met en scène une représentation subjective d’un aspect du réel vis-à-vis de laquelle il produit une réaction qui justifie sa prise de parole. Il s’agit donc d’une construction paradoxale : de par l’orientation qu’il donne à son dictum le locuteur semble subjectivement se l’approprier mais, dans le même temps, compte tenu de sa réaction modale, ce même dictum est mis à distance et construit comme un élément plus extérieur voire étranger » (2005, p. 144).

19 Sur la monstration chez Wittgenstein, on se permet de renvoyer à Colas-Blaise (2011).

20 En même temps, tout inventaire soulève la question délicate des choix et des limites. D’une part, on notera avec H. Parret que la déictisation et la modalisation d’un énoncé constituent deux « heuristiques » fondées, certes, sur le double mouvement de l’investissement et du désinvestissement du sujet, mais au fond complémentaires : la modalisation est assortie d’une opacification de l’énoncé, alors que l’inverse est vrai pour la déictisation (1983, p. 90). D’autre part, le concept de modalisation pose problème : R. Vion propose ainsi de distinguer les « modalisateurs » (en rapport avec la modalisation conçue comme « commentaire porté dans le cadre d’un dédoublement énonciatif ») et les « modalités », qui expriment « certaines dispositions n’affectant que le sémantisme de l’énoncé » (ainsi, dire « c’est plutôt fruité, une pointe d’agrume, une sorte d’orange amère confite », c’est inscrire l’énoncé dans un « cadre de référence », 2003, pp. 226227). Selon R. Vion, l’inscription d’un énoncé dans un univers du « constat », du « général », du « particulier », du « nécessaire », du « certain », du « souhaitable »… échappe au dédoublement énonciatif. P.A. Brandt, pour sa part, distingue la sémantique référentielle des phrases de la composante pragmatique de la sémantique (pragmatique de la communication) et focalise son attention sur le rapport interactionnel entre l’énonciateur et l’énonciataire. En effet, il met en avant l’autoréférentialité des phrases performatives, des formules de salut, des jurons, des exclamatifs et des vocatifs, des apostrophes et des questions rhétoriques : ce sens autoréférentiel est présent, écrit-il, « dans tous les cas où la parole établit, précise ou change un rapport entre les deux rôles de l’énonciateur et de l’énonciataire […]. On pourrait dire, en généralisant discrètement, que c’est dans la mesure où elle se réfère à elle-même, explicitement ou implicitement, que la parole — ou l’écriture — devient énonciation » (2002, pp. 668669).

21 On soulignera l’intérêt d’une pragmatique intégrée selon Ducrot et Anscombre : la valeur indicielle (de l’ordre du montré) est considérée comme appartenant au sens linguistique des expressions. « Ce qui est montré dans le langage, l’allusion indicielle de l’expression aux propriétés de son énonciation est alors un peu partout, écrit L. Perrin (2010), ou peut être un peu partout derrière la forme syntaxique des phrases et les unités lexicales dont elles se composent […] ».

22 Selon L. Perrin (2008), les faces symbolique et indicielle, descriptive et énonciative, peuvent l’emporter l’une sur l’autre (par exemple, dans le cas de « enfin ») ; cf. Perrin (2010) pour une version partiellement aménagée. Voir également Kleiber (2006, p. 21), selon lequel « il n’y a pas de signe linguistique purement indexical : il s’y ajoute toujours un élément symbolique ».

23 On notera que l’inverse est également vrai, du moins en diachronie : la signification des « délocutifs » (Benveniste, 1966, pp. 277285), tels que remercier ou promettre, se construit à partir de la présence plus ou moins affaiblie, à l’arrière-plan, de je te remercie ou je te promets. Dans ce cas, le processus de la lexicalisation tend vers une virtualisation de l’emploi performatif — au point, écrit L. Perrin, que Paul vous embrasse, à la fin d’une lettre, finira peut-être par engendrer un verbe embrasser signifiant « saluer », au profit, à terme, d’une dénomination descriptive.

24 La praxis énonciative présuppose « le système de la langue, mais aussi l’ensemble des genres et des types de discours, ou des répertoires et des encyclopédies de formes propres à une culture » ; elle suppose aussi « une histoire de la praxis, des usages qui seraient des praxis antérieures, assumées par une collectivité et stockées en mémoire » (Fontanille, 2003 [1998], p. 285).

25 Rappelant que selon les sciences cognitives et la psycho-neurologie, l’émotion est intégrée dans les processus cognitifs, J. Fontanille souligne, pour sa part, que les modes sensoriels, tout comme l’émotion, « peuvent engendrer des formes sémiotiques indépendantes de l’information qu’ils véhiculent » ; il ajoute : « […] la tension entre “participation” et “perturbation” montre bien que l’émotion, au moins d’un point de vue phénoménal (mais déjà plus seulement bio-chimique), n’est pas entièrement (pré-)destinée à la régulation des comportements » (2007, p. 2).

26 À moins, bien sûr, que l’intensification ne soit l’effet de la répétition.

27 B. Richet note ainsi que « plus il y a codification orthographique, plus il y a intégration (phono-)syntaxique » (2000, p. 4).

28 P. Wahl (2011) étudie « le style comme geste » en partant de Bally. Globalement, la question centrale concerne la mise en rapport du « geste » (énonciatif et/ou stylistique) avec la dimension phénoménologique du sens et l’expérience sensible, immédiate.

29 Pour la notion de « discours en acte », cf. surtout Fontanille (not. 2003 [1998]).

30 Benveniste met en parallèle les actes « pleurer, crier » et « ne pas savoir ce qu’on dit, ne pouvoir plus remuer » (1974, p. 140). Au sujet de l’impulsion chez Benveniste, voir aussi P. Dahlet (1996).

31 Cf. l’article consacré à « Modalité » dans l’encyclopédie généraliste Alpha (Culioli, 1971, p. 4031) : « Toute énonciation suppose une prise en charge de l’énoncé par un énonciateur (v. assertion) » (cité par Coltier, Dendale & De Brabanter (éds, 2009), p. 7).

32 Cf. les distinctions suivantes : « So seul prend en compte. Je crois vraiment qu’il pleut — Assertion polémique stricte ; So prend en charge : Il pleut — Assertion constative stricte ; So prend en compte : Il paraît qu’il pleut — Désassertion constative stricte ; So ne prend qu’en compte : Il pleut… c’est toi qui le dis — Désassertion polémique stricte » (ibid., p. 61). L’introduction du co-énonciateur So’ démultiplie les combinaisons : ainsi, par exemple, l’échange A : Il paraît qu’il pleut. B : Oui, c’est bien ce que je dis donne lieu à une « réassertion constative d’appropriation » (« So’ seul prend en charge ce que So prend en compte » (ibid., p. 63)) ; ou encore : A : Je crois vraiment qu’il pleut. B : Tu crois ? correspond à une « désassertion polémique stricte » (« So’ prend en compte ce que So, seul, prend en charge » (ibid., p. 66)).

33 D’autres linguistes proposent une conception graduée de la prise en charge. Voir notamment J.‑P. Desclés au sujet de l’assertion qu’il distingue de la (simple) déclaration (2009). Enfin, on reviendra ultérieurement sur la différence qu’A. Rabatel (2009) introduit entre la prise en charge et l’imputation.

34 Pour une analyse approfondie, on se permet de renvoyer à Colas-Blaise (2010c).

35 Définissant la syntaxe du discours, J. Fontanille note que la « profondeur du champ positionnel […] permet de faire co-exister et de mettre en perspective plusieurs “couches” de signification » (2003, [1998], p. 133).

36 Voir J. Fontanille au sujet, par exemple, de l’ironie, de la métaphore ou de la métonymie (ibid., pp. 141144).

37 Sur les logiques implicative et concessive, cf. Zilberberg (2006).

38 Le prolongement peut être dû au volume du décroché et à sa nature (par exemple narrative) et/ou à un affaiblissement de la solidarité syntaxique entre les constituants de la base, à l’absence de phénomènes lexicaux de reprise-répétition…

39 Le « non-sujet » correspond, également, à l’instance dont l’identité se réduit à un rôle social (Coquet, 2007, p. 36).

40 Cf. la distinction benvenistienne entre les plans d’énonciation du discours et du récit.

41 Dans un tel cadre auto-dialogique, on assiste à l’évolution de l’image de Soi dans le temps, comme le montre cet exemple : « J’ai longtemps pensé que P, aujourd’hui j’ai abandonné cette façon de voir » (Rabatel, 2009, p. 82).

42 Cf. Ducrot (1984) au sujet de la distinction entre le locuteur producteur physique de l’énoncé et l’énonciateur à l’origine d’un « point de vue » (PDV selon A. Rabatel) qui peut ne pas s’exprimer par des paroles.

43 Comme le rappelle A. Rabatel (2009, p. 72), on constate une évolution de la pensée de Ducrot sur ce point : en 1984, et contrairement à 1980, il refuse à l’énonciateur de prendre des énoncés en charge ; alors que le locuteur s’engage dans son énonciation, le PDV n’est pas de l’ordre de l’asserté, mais du montré.

44 On distingue différents cas de figure, en fonction des visées purement informative ou argumentative des imputations, selon que L1/ E1 fait part de son désaccord (non-PEC), qu’il opte pour la désassertion (polémique) ou plutôt pour une PEC zéro (neutralité), voire qu’il marque son accord (PEC), lui-même variable, avec le PDV imputé — la prise à son compte fait franchir un pas supplémentaire ; enfin, selon qu’une PEC soumise, par ailleurs, aux codifications génériques, est indirecte, implicite, par défaut ou explicite (dans le cas, par exemple, d’une coénonciation) (ibid., pp. 8286).

45 On se permet de renvoyer aussi à Colas-Blaise (2010c).

46 Cf. Culioli (1971, p. 4031) ; voir aussi Coquet (2007).

47 On place au fondement de la discussion sur les relations intersémiotiques la définition de G. Molinié : « L’inter-sémiotique, au sens restreint, ce qui veut dire au sens strict, désignerait l’étude des traces du traitement sémiotique d’un art dans la matérialité du traitement sémiotique d’un autre art » (2004, p. 41). Cf. également le texte d’orientation du colloque « Discours rapporté, citation et pratiques sémiotiques » du groupe Ci-dit (Université de Nice, juin 2009) : « […] si des études existent sur les façons de citer d’autres matérialités que textuelles, elles ont rarement été confrontées de façon systématique aux approches linguistiques et discursives. Du point de vue épistémologique des interactions sont-elles possibles ou souhaitables entre la linguistique et la sémiotique dans le cadre du discours rapporté ? Que nous apportent, sur le discours autre, les études menées dans les domaines de la peinture, du cinéma ou de la musique ? Qu’est-ce que la citation d’un geste ou d’un corps autre ? Quels nouveaux paramètres théoriques et pratiques doivent entrer en ligne de compte dans cette conception du “tout sémiotique” ? » On retiendra plus particulièrement l’étude de M. Bonhomme (2010a), qui montre que l’iconicité accroît la force persuasive des citations publicitaires parodiques. A. Rabatel (2010a), pour sa part, appelle « discours rapporté/montré direct » les discours (enregistrements audio ou vidéos) auxquels permet d’accéder le lien du site de presse Arrêt sur images (@si). Le « discours d’escorte » cherche à en optimiser l’interprétation.

48 Cf. la zone de la modalisation autonymique comme discours second (par exemple : « “X”, pour parler comme le locuteur cité »).

49 On peut comparer cette analyse au commentaire de J.-C. Coquet : « Au terme du processus d’objectivation, [en deçà de la non-personne, du “il”], il ne reste plus qu’un abstrait, le “ça”, figure de l’absence de personne, le ça du “ça pense” de Peirce, entre autres » (2007, p. 74).

50 Si la structure tensive est composée de deux valences — la visée, qui va de la congruence à la cohérence, et la saisie, qui va de la spécificité à l’adéquation —, les sémiotiques intuitives, qui correspondent au régime « subjectif », visent une cohérence faible et privilégient un effet de spécificité ; le mouvement de généralisation caractéristique des sémiotiques connotatives (régime « connotatif ») reste limité à la sémiotique-objet et la cohérence est de l’ordre d’une simple congruence ; les sémiotiques méta-sémiotiques (régime « traductif ») se satisfont d’une adéquation faible et visent une cohérence forte ; enfin, les sémiotiques morpho-dynamiques (régime « conflictuel ») combinent l’adéquation forte avec une cohérence forte ; sur tout ceci, cf. Fontanille, 2003a).

51 Pour la polyphonie, Birkelund et alii ((éds, 2009), p. 4) distinguent trois « positionnements » : celui d’O. Ducrot et de M. Carel, celui de J.-C. Anscombre et celui de la ScaPoLine. Parmi les linguistes optant pour le cadre polyphonique, on retiendra notamment H. Constantin de Chanay, M.‑L. Donaire, P. Haillet, H. Kronning, D. Maingueneau, L. Perrin, L. Rosier ou R. Vion. Quant au dialogisme, il regroupe notamment J. Authier-Revuz, J. Bres, S. Mellet, S. Moirand (cf. Bres & Mellet, 2009, p. 7).

52 On se permet de renvoyer à Colas-Blaise (2009b).

53 Le devenir du fragment est également au cœur des travaux du Congrès de l’Association Française de Sémiotique (« Des écritures fragmentaires : questions d’énonciation », Lyon, décembre 2010).

54 Les travaux récents de D. Maingueneau ont au moins un double mérite : celui de distinguer la surassertion (une « opération de mise en relief » opérée par rapport à l’environnement textuel) de la citation et celui de souligner la différence d’« ordre » entre l’énoncé « aphorisé » et le texte.

55 On proposera deux exemples, qui paraissent révélateurs : J.-M. Adam écrit dans Le Style dans la langue (1997, p. 9) que « parmi les objets textuels écrits, les textes littéraires ne représentent qu’un type de pratique discursive parmi d’autres ». Dans Pragmatique des figures du discours, M. Bonhomme étudie « moins les réalisations formelles des figures dans leur finitude, que leur émergence lors du déroulement des pratiques langagières » (2005, p. 8 ; nous soulignons).

56 J. Fontanille note que la patine résulte des usages successifs et de la participation de l’objet à l’environnement (2004, p. 248).

57 Les objets, note J. Fontanille, « sont des structures matérielles, dotées d’une morphologie, d’une fonctionnalité et d’une forme extérieure identifiables, dont l’ensemble est “destiné” à un usage ou une pratique plus ou moins spécialisés » (2006, p. 218).

58 Voir aussi Fontanille (1994) : « […] les “styles de vie” sont des déterminations sociales, […] leur nombre et leur organisation sont à chaque moment finis et imposés par la société. En revanche, les “formes de vie”, quoique socialement et culturellement déterminées, doivent pouvoir à tout moment être inventées et/ou récusées par la praxis » (p. 73).

59 Cf. D. Maingueneau (2009) : « Ce n’est ni l’énonciateur, ni le producteur en chair et en os, doué d’un état-civil, ni même l’écrivain en ce que celui-ci définirait des stratégies de positionnement ».

60 Cf. l’opposition entre le texte (littéraire) dans sa singularité idiolectale et l’ensemble constitué par les structures génériques et les données sociales.

61 « Tout énoncé implique des choix qu’on opère parmi les disponibilités de la langue, écrit Schaeffer, et tout choix linguistique est “signifiant”, donc stylistiquement pertinent. Il en découle a fortiori que tout texte et plus généralement tout discours possède une dimension stylistique » (1997, p. 20 ; cité par Adam, 1997, p. 25).

62 Il cite Bakhtine : « Là où il y a style il y a genre » (2002, p. 37).

63 En même temps, ce phénomène n’est pas nouveau : J.-M. Adam écrit en 1997 que l’« opération de modernisation de la stylistique passe, presque naturellement, par la fusion œcuménique de travaux de linguistique énonciative, pragmatique et textuelle, de sémantique et de sémiotique, de rhétorique et de poétique » (1997, p. 23). Cet éclectisme mérite lui-même d’être questionné.

64 Voir Fontanille (1999, pp. 196199) au sujet de la distinction entre l’individualité, le tempérament, la singularité et l’originalité (« identités textuelles ») et entre l’audace, la persévérance, la tendance et la constance (« identités discursives »).

65 Nous nous permettons de renvoyer à Colas-Blaise (2008). Défini comme un champ tensif, le « champ stylistique » se construit à la faveur d’une interaction entre le sujet récepteur, doté d’une compétence linguistique, encyclopédique et sémiotique, et le texte, pourvu d’une morphologie déterminée, qui contraint plus ou moins sa réception. Plus largement, il prend forme à partir du « champ de discours » constitué par le sujet d’énonciation en production, l’appréhension sensible et cognitive du récepteur devant actualiser les potentialités et dégager la congruence locale de traits structurants (intra-, inter- et contextuels), voire la cohérence globale. Les régimes de la réception permettent de concilier le point de vue des « effets d’identité » produits par les faits de langue convertis en « faits de style » (au niveau du texte) et celui des « styles » d’analyse » (à concevoir dans une perspective sémiopragmatique) propres aux récepteurs.

66 Cf. l’« instance supplémentaire qui, dit D. Bertrand, subsume [le texte] et qui s’identifie à travers lui » (2011), mais aussi le contexte socio-historique et culturel de production.

67 Cf. également le numéro sur les figures de l’à-peu-près qui paraîtra en 2011 (sous la direction d’A. Rabatel).

68 Cf. le jeu des opérations rhétoriques systématiques (Groupe μ, 1970, 1977) et l’entre-jeu de la norme et de l’écart reformulé en « degré conçu » et en « degré perçu » (Klinkenberg, 1996, 1999).

69 Voir surtout la « séquence rhétorique canonique », qui incarne un « essai d’“opérationalisation” sémiotique » (Bordron & Fontanille, 2000 ; Fontanille, 2008b, p. 18).

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Pour citer cet article

Référence papier

Marion Colas-Blaise, « L’énonciation à la croisée des approches. Comment faire dialoguer la linguistique et la sémiotique ?  »Signata, 1 | 2010, 39-89.

Référence électronique

Marion Colas-Blaise, « L’énonciation à la croisée des approches. Comment faire dialoguer la linguistique et la sémiotique ?  »Signata [En ligne], 1 | 2010, mis en ligne le 26 avril 2016, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/283 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/signata.283

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Auteur

Marion Colas-Blaise

Marion Colas-Blaise est professeur à l’Université du Luxembourg, où elle enseigne la linguistique, la sémiotique et la critique littéraire. Auteur d’une thèse en sémiotique sur le discours de la transgression dans des historiettes du xviiie siècle, elle a publié seule ou en collaboration plusieurs ouvrages collectifs et de nombreux articles en sémiotique (notamment littéraire), en linguistique de l’énonciation, en pragmatique et en analyse de discours. Elle a récemment co-dirigé deux ouvrages : Le Sens de la métamorphose (avec A. Beyaert-Geslin ; Limoges, PULIM, 2009) et La Question polyphonique ou dialogique en sciences du langage (avec M. Kara, L. Perrin & A. Petitjean ; Metz, Université Paul Verlaine, 2010).

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