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Comment argumenter à partir d’images ?

How to argument from images onwards
Georges Roque

Résumés

Ce texte traite de l’argumentation visuelle, qui étudie la manière dont on peut argumenter au travers d’images. Il s’agit d’un domaine récent encore peu connu des sémioticiens visuels. Je me propose de présenter quelques-unes des idées directrices qui guident ce domaine, lequel permet aussi d’aborder les relations entre image et connaissance. En effet, si l’on conçoit l’argumentation comme le fait de donner des raisons pour appuyer ou critiquer un point de vue, alors une forme d’argumentation visuelle est possible, qui implique bien évidemment une production de connaissance. On discutera du lien entre argumentation visuelle et propositions, ce qui nous conduira à conclure qu’il n’est pas nécessaire que l’image soit de nature propositionnelle pour qu’elle soit argumentative. L’articulation entre argumentation visuelle et sémiotique visuelle se fera à partir des excellentes intuitions d’Eco dans La Structure absente, lesquelles seront prolongées, notamment en direction de l’importance des topoï et des enthymèmes, à partir de l’analyse de gravures politiques.

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Notes de l’auteur

Je tiens à remercier les rapporteurs pour leurs observations. Par ailleurs, François Provenzano a également relu ce texte et m’a fait part d’utiles commentaires. Toutes ces remarques m’ont beaucoup aidé à améliorer une première version de ce texte.

Texte intégral

  • 1 Sur ce sujet, voir différents numéros de la revue Visible à partir du no 5, 2010, où ont été publié (...)
  • 2 Dans une perspective sémiotique, voir les contributions au no 4 de Visible, 2008.

1Il existe de nombreuses manières de comprendre la relation entre images et cognition. L’image scientifique constitue évidemment une voie royale pour analyser leurs rapports, étant donné la relation étroite qui existe entre image scientifique et connaissance1. On en dirait autant des diagrammes qui sont également une manière privilégiée de penser à partir d’images2. Comme il s’agit en plus d’une catégorie peircienne, elle est évidemment d’autant plus bienvenue... Aussi est-il tout à fait justifié que le Congrès de Liège de l’Association Internationale de Sémiotique Visuelle ait consacré plusieurs sessions à ces questions.

2En revanche, la situation des images artistiques et en particulier picturales est différente, car il existe un préjugé dont il est difficile de se défaire, au sens où ces images produiraient non de la connaissance mais seulement une forme de plaisir visuel. On connaît l’adage de Duchamp : « bête comme un peintre ». Dans la mesure où les peintres rechercheraient avant tout le plaisir des belles formes et des belles couleurs, on comprend la condamnation sans appel par Duchamp de ce qu’il appelait le « frisson rétinien » (Cabanne, 1967, p. 74). Il existe à cet égard une longue histoire du dédain vis-à-vis des images visuelles pour leur séduction ou leur force persuasive qui n’aurait rien de rationnel ni de cognitif. Je reviendrai sur ce point.

  • 3 Voir en particulier les numéros spéciaux de revues Argumentation and Advocacy (Birdsell & Groarke 1 (...)

3Le domaine auquel je me limiterai a aussi souffert de ce type de préjugé : il s’agit de l’argumentation visuelle, une branche assez jeune au sein des théories de l’argumentation, et qui s’est beaucoup développée durant les vingt dernières années3. Dans la mesure où ces travaux se déroulent presque exclusivement en langue anglaise, il n’est peut-être pas inutile d’en présenter une synthèse au public francophone.

4L’étude de l’argumentation verbale a pour objet l’analyse de la façon dont on peut argumenter au moyen des mots et des textes. L’argumentation visuelle, en revanche, étudie la manière dont on peut argumenter au travers d’images. Il s’agit d’un domaine encore peu connu des sémioticiens visuels, malgré les efforts de Jean-Marie Klinkenberg pour penser les relations entre les deux rhétoriques, la rhétorique des figures et la rhétorique de l’argumentation (Klinkenberg 1991, 2000).

5Je me propose par conséquent de présenter quelques-uns des progrès faits dans ce domaine ces dernières années puis d’examiner en quoi cette approche permet de mieux comprendre les relations entre image et connaissance. En effet, parler d’argumentation visuelle signifie qu’il est possible, à partir d’images, de donner des raisons pour appuyer ou critiquer un point de vue, ce qui implique bien évidemment une production de connaissance.

6Cependant, comme tel est souvent le cas quand se constituent de nouveaux champs de réflexion, il n’existe pas jusqu’à présent de consensus concernant le fait de savoir si les images peuvent argumenter. Certains soutiennent que c’est impossible (Fleming 2016 ; Johnson 2003), d’autres au contraire que c’est parfaitement possible (Groarke 1996 ; Birdsell & Groarke 2006), et entre les deux peu adoptent une position équilibrée (Blair 1996 ; Blair 2004).

7Mais avant d’aller plus loin, il convient de se demander quel type d’image permet d’argumenter ? De la même façon que pour les textes, seules certaines d’entre elles ont une finalité argumentative. Ruth Amossy a proposé à ce titre une distinction très utile entre visée argumentative (par exemple la plaidoirie d’un avocat) et dimension argumentative, que l’on trouve notamment dans les romans à thèse, lesquels cherchent à nous faire réfléchir, et parfois à nous faire changer d’opinion sur un sujet donné (Amossy 2006, p. 32-34). Un bon exemple en est le livre de Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné (Micheli 2008). Il s’agit bien d’un roman, mais un roman présentant une dimension argumentative tout à fait manifeste, l’auteur s’opposant clairement à la peine de mort.

8Il en va de même pour les images. Peu d’entre elles ont une finalité directement argumentative : ce sont surtout les publicités, les affiches politiques ou de campagnes de sensibilisation à la guerre, à la faim, aux problèmes d’environnement, etc. C’est beaucoup moins fréquent concernant la peinture, bien qu’on ait pu montrer de façon convaincante qu’une toile de David comme La Mort de Marat contient bien une argumentation visuelle (Groarke 1996, p. 119-123).

9Reste maintenant à définir l’argumentation ; il s’agit là d’un thème très débattu. Si on la conçoit comme un dialogue entre deux personnes échangeant à tour de rôle des arguments (Walton 1998, p. 30), l’argumentation visuelle n’est évidemment pas possible, bien qu’on ait pu montrer qu’il peut exister une forme de dialogue entre les images (Roque, 2008). En revanche, si on la définit, comme le font Johnson et Blair, comme le fait de donner des raisons pour ou contre un point de vue (Johnson & Blair 2006, p. 10), alors on peut appliquer, comme nous le ferons, une telle définition aux arguments visuels.

Argumentation visuelle et propositions

10Un critère qui mérite d’être discuté est celui de la relation entre argumentation et propositions. En effet, une critique fréquente contre l’idée d’argumentation visuelle est que les images ne seraient pas propositionnelles et de ce fait ne pourraient pas transmettre d’arguments. Pour de nombreux théoriciens de l’argumentation, en effet, celle-ci reste étroitement liée au contenu propositionnel, et donc à des propositions verbales. Par exemple pour un auteur qui a un peu vieilli, mais reste très souvent cité (et réimprimé), Copi, « un argument est formé par un groupe de propositions dont l’une est considérée comme suivant les autres, lesquelles sont considérées comme fournissant un fondement pour la vérité de la première » (Copi & Cohen 2002, p. 7).

11Par ailleurs, pour que les propositions forment un argument, il ne suffit pas d’une simple collection de propositions ; il faut qu’elles aient une structure. Là, Copi reprend l’idée classique (et souvent mise en question de nos jours) suivant laquelle il est nécessaire d’avoir deux propositions : la première, qui fournit les raisons, est la prémisse ; la seconde, qui en tire les conséquences, est la conclusion (ibid.).

12Notons que le terme « proposition » se réfère clairement au contenu d’une phrase ; ainsi, de ce point de vue, si les images n’ont pas de contenu propositionnel, elles seraient donc incapables d’argumenter. Cette conception repose sur deux présupposés qui en marquent les limites : 1) le contenu sémantique d’une phrase est identifié à la proposition ; et 2) le langage verbal est considéré comme la norme pour penser l’argumentation en général. Enfin, une autre caractéristique fondamentale des propositions est leur condition de vérité, puisqu’elles doivent être vraies ou fausses. Une peinture représentant une montagne près d’Aix-en-Provence est-elle vraie ou fausse ? Il est bien difficile de répondre à une pareille question, sauf si l’on élargit le rapport de l’image à la vérité, comme a proposé de le faire Bordron (Bordron 2007 ; 2013), en ne le limitant pas à l’accord entre une proposition et un état de choses ou un événement.

13Mais par-delà la difficulté que présente le fait de déterminer si une image particulière est capable d’exprimer un contenu de vérité, il me semble qu’il n’y a aucune raison a priori qui empêcherait les images de proposer un énoncé qui soit vrai ou faux. Dans l’analyse d’une affiche d’un groupe s’opposant à la construction d’une usine de ciment aux États-Unis, j’avais comparé pour ce faire les parties verbales et iconiques de cette affiche assez simple (Roque 2015).

Fig. 1

Fig. 1

Woody Pirtle, Stop the Plant, affiche, 2009.

14D’après une classification que j’ai proposée ailleurs des relations entre texte et image dans des énoncés mixtes, c’est-à-dire qui contiennent à la fois des images et des textes (et qu’on appelle plus volontiers aujourd’hui multimodaux) (Roque 2012), il y aurait dans cette affiche ce que j’ai appelé un argument combiné, lorsque chacune des deux parties de cet énoncé visuel mixte (verbal et visuel) contribue à la production d’un argument visuel. Dans ce cas-ci, l’argument est bien visuel, en suggérant que la fumée de la cheminée d’usine est dangereuse pour la santé : des raisons sont données visuellement pour s’opposer à la construction de cette usine, par l’interpénétration de la fumée et d’une tête de mort. En ce sens, il y a bien un argument, au sens de donner des raisons pour appuyer un point de vue, puisque l’affiche vise à s’opposer à la construction d’une usine, du fait du danger qu’elle représente pour la santé des riverains. Le texte, en revanche, ne présente aucun argument, mais tire la conclusion de l’argument visuel : il faut arrêter la construction de l’usine.

15Si l’on s’interroge à présent sur les relations entre ces deux parties de l’affiche et l’idée de proposition, on peut dire que l’image contient bien une proposition, si l’on veut à tout prix chercher dans l’image une proposition, et qui repose sur l’association entre la fumée et la tête de mort. Cette association est rendue possible par la fusion visuelle entre les deux éléments, qui correspond à un trope iconique que le Groupe µ a appelé « interpénétration » (Groupe µ 1992, p. 274). En effet, la fumée, qui devrait sortir de la cheminée de façon informe, est façonnée par la tête de mort et en épouse la silhouette. Or cette figure de rhétorique iconique, du fait de l’association produite, a bien un sens, que l’on pourrait énoncer comme suit : « la fumée qui se dégage de la cheminée d’une usine de ciment est dangereuse pour la santé », une proposition qui peut être vraie ou fausse, tandis que la phrase « Stop the plant » est un impératif, qui, comme tel, n’a pas de valeur de vérité et ne peut être considéré comme étant vrai ou faux. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’État de New York a considéré que la proposition visuelle contenue dans l’affiche était vraie, puisqu’ils ont donné raison aux opposants au projet et l’usine de ciment n’a jamais vu le jour…

16Cet exemple montre que, s’il faut s’opposer à l’analyse de la sémantique de l’image à partir de l’idée de proposition, ce n’est certainement pas parce que les images seraient comme telles incapables d’être vraies ou fausses, à la différence des textes, puisqu’ici, c’est tout le contraire qui se produit ! Il ne faut donc pas concéder trop vite aux détracteurs de l’argumentation visuelle que l’image serait incapable de véhiculer un contenu de vérité, ce dont seul le langage verbal serait capable.

17En réalité, il y a de bien meilleures raisons de s’opposer à l’application du concept de proposition aux images. L’une d’entre elles provient de la psychologie cognitive qui a beaucoup débattu cette question au sein de ce qui a été appelé « le débat des images ». Les « non-propositionnalistes » considèrent ainsi que le concept de proposition est inadéquat pour penser les images. Pour Kosslyn, les images contiennent des représentations « dépictives » (depictive) qui leur donnent des propriétés particulières dont ne rend pas compte l’idée de proposition (Kosslyn 1996, p. 5-9). Pour la même raison, Paivio a proposé l’idée d’un double système de codification (DCT = Dual Code Theory), l’un pour le langage verbal, l’autre pour le langage visuel (Paivio 2007). Pour lui, la cognition implique l’activité de deux sous-systèmes, l’un, verbal, chargé de traiter le langage verbal et basé sur les propositions ; l’autre, non-verbal et s’occupant de l’imagerie, spécialisé dans le traitement des objets et événements non linguistiques. Plus récemment, Bermúdez a proposé de réfléchir à une alternative non-propositionnelle pour prendre en compte la pensée non linguistique (Bermúdez 2007, p. 38).

18Un autre défaut de la théorie propositionnelle est qu’elle repose sur une conception assez rigide de la sémantique. Copi, par exemple, considère que les deux énoncés :

Jean aime Marie

et

Marie est aimée par Jean

19ont le même contenu propositionnel, à savoir l’amour de Jean pour Marie. Or, on a fait remarquer que les deux énoncés n’ont pas exactement le même sens, sauf si on laisse complètement de côté la structure de l’énoncé, la syntaxe et la voix (passive ou active). Il s’agit là d’un modèle somme toute assez primitif de relation entre expression et contenu, dans la mesure où la phrase est considérée comme un signifiant dont il faut extraire un signifié, appelé « proposition », sans prendre en compte la façon dont se présente ce signifiant.

20Une telle conception est encore plus délicate si l’on prend en compte la spécificité du visuel. Dans l’exemple bien connu que donne Searle d’un sens littéral : « The cat is on the mat » (Searle 1978), on a bien une proposition, puisque le chat est ou n’est pas sur le tapis, mais quand on a affaire à des images, il existe des milliers de façons différentes de représenter un chat sur le tapis, qui sont complètement laissées pour compte si on réduit le sens de l’image au niveau sémantique d’une proposition.

21Arrivés à ce point, il faut faire face à une objection possible. S’il est vrai que les manières de représenter visuellement un chat sur un tapis sont très nombreuses, on pourrait cependant se demander si toutes ces différences sont pertinentes lorsqu’il s’agit d’analyser un énoncé visuel en termes d’argumentation ? Autrement dit, ne devons-nous pas dans ce cas nous situer à un niveau purement sémantique ?

22Une réponse a été donnée par Ducrot dans sa théorie de l’argumentation dans la langue en analysant le sens de deux adverbes assez proches, « peu » et « un peu ». Les deux énoncés :

Pierre a peu travaillé
Pierre a un peu travaillé

  • 4 Eco a souvent attiré l’attention sur le fait que la sémantique des conditions de vérité recouvre en (...)

23ont exactement le même contenu propositionnel, à savoir que Pierre a travaillé ; mais ils ont une orientation argumentative complètement opposée. L’énoncé « Pierre a peu travaillé » oriente l’énoncé vers la conclusion : « il va sans doute redoubler », tandis que l’énoncé « Pierre a un peu travaillé » l’oriente vers la conclusion « il devrait réussir ses examens » (Ducrot 2004, p. 24-25). Un exemple de ce type montre que les propositions, considérées en termes de valeur de vérité de leur contenu propositionnel, ne constituent pas un critère suffisant, ni définitif, pour penser l’argumentation. De plus, ce paradigme des conditions de vérité d’une proposition pose de redoutables problèmes qu’il n’est pas possible d’aborder ici4. Même si ces réflexions portent sur l’argumentation verbale, elles offrent une piste intéressante pour tenter de penser de manière analogique l’existence d’une orientation argumentative dans les images.

Eco : une approche sémiotique de l’argumentation visuelle

24Dans tout ce qui précède, on aura remarqué une caractéristique frappante : les études d’argumentation visuelle sont dues principalement à des spécialistes de la communication, ou de la rhétorique, ou encore de la théorie de l’argumentation (qui relève un peu des deux), de sorte qu’il y a eu jusqu’à présent peu d’intersections entre argumentation visuelle et sémiotique visuelle. Une exception notable est constituée par les analyses d’Umberto Eco dans La Structure absente concernant la façon dont fonctionnent les messages publicitaires et qui contiennent d’utiles intuitions, si on laisse de côté ce qui est un peu daté dans ses propos de la fin des années 1960. Pour les raisons qui viennent d’être indiquées et qui tiennent au cloisonnement des disciplines, ce texte n’a jamais été cité, que je sache, dans les études d’argumentation visuelle.

  • 5 Eco propose deux classifications légèrement différentes à deux endroits du livre (Eco 1972, p. 215- (...)

25Eco distingue quatre types de codes5 :

1) Codes iconiques

26Il en distingue trois sortes :

  1. les figures, qui sont les conditions de la perception (rapports figure-fond, etc.) ;

  2. les signes qui dénotent des unités de reconnaissance (nez, œil, ciel, nuage) ;

  3. des « signes iconiques » (un homme, un cheval, etc.), lesquels constituent en fait des énoncés iconiques complexes et culturalisés, comme « ceci est un cheval debout ». Ceux-ci correspondent à ce que Panofsky appelle codes pré-iconographiques (Panofsky 1967, p. 24). Les sémioticiens parlent souvent à ce propos d’énoncés, et je suis cette tradition, dans la mesure où un énoncé combine différents signes visuels (Groupe µ 1992, p. 54-56).

2) Codes iconographiques

27Ces codes prennent comme signifiants les signifiés des codes iconiques afin de connoter des énoncés plus complexes et culturalisés : non plus « homme », mais « cet homme est un roi ». Ils produisent des configurations syntagmatiques complexes, mais aisément identifiables, du type « Nativité », « Jugement dernier », etc. Eco a puisé ici à deux sources qu’il a combinées. La première est évidemment Panofsky, qui parle précisément d’un niveau d’analyse iconographique (Panofsky 1967, p. 25). Et la seconde est Barthes, lequel, s’appuyant sur Hjelmslev, a repris l’idée d’un système de connotation qu’il a utilisé pour analyser ce qu’il appelait les « mythes » de la société moderne, puis appliqué à l’analyse d’une publicité pour les pâtes Panzani (Barthes 1964).

3) Niveau tropologique

28Il s’agit des équivalents visuels des tropes verbaux. Les chercheurs considéraient en effet à l’époque, c’est-à-dire dans les années 1960, que la rhétorique ne devait pas être limitée au langage verbal, de sorte que les mêmes tropes et figures pouvaient également être retrouvés dans les images (Barthes 1964 ; Bonsiepe 1965 ; Durand 1970). Cette idée ne faisait pas l’unanimité, car d’autres pensaient que le transfert des tropes langagiers aux images posait des problèmes redoutables et était loin d’être évident (Groupe µ 1976). Il s’agit toujours d’une question controversée, opposant deux camps, qu’on a pu nommer « transpositionnistes » et « anti-transpositionnistes » (Bonhomme 2008, p. 215-216). Je n’entrerai pas ici dans ce débat car j’y suis intervenu ailleurs (Roque 2017, p. 38-41).

29Au sein de ce niveau, Eco insiste à juste titre sur une figure importante : l’antonomase, au sens où dans une annonce publicitaire, une jeune femme, par exemple, vaut pour toutes les jeunes femmes, de sorte que « la citation du cas isolé prend valeur d’exemple, d’argument autoritaire et […] il est précédé idéalement par ce signe logique qui s’appelle quantificateur universel et qui, mis devant un symbole “x”, le fait signifier “tous les X” » (Eco 1972, p. 241). Il s’agit là d’une idée importante, car elle va à l’encontre de celle suivant laquelle une image est toujours particulière, singulière, et ne saurait avoir de valeur universelle (Bougnoux 1991, p. 274).

30Ce transfert du particulier au général joue un rôle important dans l’argumentation visuelle, car si une jeune fille vaut pour « toutes les jeunes filles », elle peut facilement donner lieu à un argument par l’exemple, ou à un argument d’autorité. Eco contribuait ainsi à la question difficile des rapports entre rhétorique et argumentation.

4) Niveau topique

31Il s’agit de la transformation d’un code iconographique quand il connote l’équivalent d’une prémisse. Par exemple, deux adultes de sexe différent regardant de façon amoureuse un bébé connotent une famille. Une telle image peut du coup devenir une prémisse argumentative du type : « une famille est quelque chose qui vaut la peine ». Eco ne donne cependant pas d’explication au sujet de ce qui peut favoriser la transformation d’un code iconographique, par exemple celui signifiant « famille » en une prémisse argumentative. On peut facilement imaginer que cela a beaucoup à voir avec l’attitude de la famille en question, et tous les éléments (gestes, sourires) qui suggèrent que cette famille est heureuse et que ce bonheur constitue une valeur qui mérite d’être promue.

32On notera que dans la première élaboration de sa classification, Eco séparait « prémisses rhétoriques visuelles » et « arguments rhétoriques visuels » (Eco 1972, p. 217). Mais par la suite, il pose que tant les prémisses que les lieux (les topoï) participent à la même catégorie de « niveau topique », et il explique que cette distinction, déjà floue chez Aristote, avait été supprimée de nombreux manuels postérieurs. C’est pourquoi il considère qu’il suffit d’admettre que des blocs d’opinions acquises « constituent soit la prémisse pour un enthymème, soit le schéma général qui regroupe des enthymèmes similaires » (Eco, 1972, p. 241). Eco lie ainsi étroitement codes iconographiques, prémisses argumentatives et topoï en insistant sur le rôle des enthymèmes. Il donne un exemple fictif, mais qui correspond à des exemples réels, celui d’une mère souriante qui tend les bras vers son bébé couché dans son berceau. Au niveau iconographique, cette image connote « jeune mère », mais elle évoque en même temps une série de prémisses argumentatives, comme « les mères aiment leurs enfants » ou « tous les enfants aiment leur mère ».

33Outre ces connotations qui constituent des prémisses, Eco suggère qu’elles renvoient aussi à des groupes argumentatifs qui sont également connotés, et qui sont des topoï, comme « si toutes les mères sont ainsi, pourquoi ne le seriez-vous pas aussi ? », d’où une série de syllogismes tronqués, c’est-à-dire des enthymèmes, du type : « toutes les mamans ne font que ce qui est bon pour leurs enfants ; toutes les mamans nourrissent leurs enfants avec le produit X ». D’où la conclusion (implicite) : « pourquoi ne le nourririez-vous pas de la même manière ? » (Eco 1972, p. 242). Eco pose ainsi les bases d’un lien entre topos et enthymème, déjà esquissé par Aristote (Rhétorique 1358 a 10-15) et développé depuis (Dyck 2002). Le lien entre topos et argumentation, à peine ébauché par Eco, a également donné lieu à de nombreux travaux dans des directions assez différentes (Plantin [éd.] 1993 ; Anscombre [éd.] 1995). Nous reviendrons par la suite sur l’une de ces théories, qui n’est pas incompatible avec celle qu’esquisse Eco.

34Dans ses conclusions, ce dernier insiste sur le fait que 1) il est probable que la plupart des publicités visuelles ont à faire, non tant, de façon directe, avec des prémisses et des topoï, qu’avec un « iconogramme » dont la prémisse, qui reste souvent implicite, est évoquée par la connotation d’un champ topique ; et que 2) les champs enthymématiques sont parfois si complexes qu’il est peu probable qu’ils puissent tous être déchiffrés par le destinataire de l’annonce publicitaire, de sorte qu’ils sont souvent reçus comme des signes conventionnels. De ce fait, il s’agirait moins d’argumentation que d’emblématique.

35Que peut-on retenir de cette conception ? Tout d’abord, Eco s’est efforcé de segmenter les images en leurs différentes composantes et a proposé une approche sémiotique de leur fonctionnement compatible avec les analyses iconographiques de Panofsky. Ensuite, il est probablement le premier à avoir attiré l’attention sur la nature enthymématique des arguments visuels, ce qui est maintenant largement reconnu (Smith 2007). Enfin, il a également insisté sur le lien entre niveau iconographique, prémisse, topoï et enthymème, ce qui, à nouveau, n’a seulement été développé que bien plus tard. Ces intuitions sont très utiles pour analyser la dimension argumentative de nombreuses images. Ainsi une affiche montrant un enfant famélique (voir fig. 2).

Fig. 2

Fig. 2

Affiche du Comité français pour la campagne contre la faim, 1976.

36Mais auparavant, il peut être utile de dire un mot des relations entre mots et images telles qu’elles sont construites dans l’argumentation visuelle. De ce point de vue, une affiche comme celle-ci pourrait sembler à première vue un contre–exemple. En effet, les adversaires de l’argumentation visuelle prétendent souvent que dans les énoncés mixtes, l’image sert le plus souvent à attirer l’attention, et qui plus est, en ayant recours à des émotions, tandis que la construction de l’argument reposerait entièrement sur le texte. Il est clair que dans notre affiche (fig. 2), la photo de cet enfant est de ce type, en dépit de sa sobriété : elle vise à frapper et atteint cet objectif en suscitant un sentiment de pitié. (Je reviendrai un peu plus loin sur la question des émotions). Cela ne signifie cependant pas pour autant que toute l’argumentation reposerait sur la partie textuelle.

37Que contiennent en effet les textes qui encadrent la photo de l’enfant ? Celui d’accroche, en lettres rouges indique : « pour un monde solidaire ». Également en lettres rouges, « Journée nationale contre la faim 11 avril 1976 », informe concernant la raison d’être de l’affiche, celle-ci ayant été publiée à l’occasion de cette journée. Enfin, juste en-dessous de la photographie, en lettres plus petites, figure le nom du responsable de la production de l’affiche, son énonciateur, ainsi que son adresse et son numéro de compte chèque postal. Ces indications ne constituent en rien un argument. La partie inférieure du texte est d’ordre informatif. Quant à la partie supérieure, l’énoncé « pour un monde solidaire » ne peut être considéré comme une proposition, au sens traditionnel de la philosophie du langage anglo-saxonne, car il n’est ni assertif ni négatif, mais contient un souhait, qui comme tel n’est pas redevable d’une valeur de vérité.

38Autrement dit, même s’il est vrai que la photographie attire l’attention et fait appel aux émotions du destinataire, l’ensemble des textes ne constituent en rien une argumentation verbale vers laquelle l’image chercherait à attirer le destinataire. S’il y a ici une argumentation visuelle, elle se fait grâce à l’interaction entre mots et images. Comme dans le cas de la première affiche analysée, il s’agit également de ce j’appelle un argument combiné, qui se construit par l’apport des codes visuel et verbal. Comment fonctionne-t-il dans cette affiche-ci ? La photo de l’enfant produit un effet qui va au-delà des émotions qu’elle suscite. Nous retrouvons ici l’antonomase : il vaut pour tous les enfants souffrant de malnutrition, et active des topoï comme : « c’est un scandale de penser qu’il y a encore des enfants qui meurent de faim sur terre ». Et c’est là qu’intervient le texte d’accroche, combiné avec la photo : « pour un monde solidaire » en suggérant la nécessité de se montrer solidaire face à la situation que montre la photo. À son tour, la solidarité suggérée par le texte sert de prémisse à une conclusion comme « je dois faire quelque chose pour aider ces gens » ; « je dois contribuer par un versement au Comité français pour la campagne contre la faim ». Pour cette raison, de nombreuses affiches semblables montrent simplement la photo d’un enfant famélique, avec un texte disant : « Faites une donation à X ». Ici, cependant, une telle suggestion reste implicite, de sorte que nous avons encore une fois à faire à un enthymème.

  • 6 Pour une critique de cette opposition, je me permets de renvoyer à Roque et Nettel (éds) 2015.

39Revenons à présent sur une possible objection : pour la plupart des théoriciens de l’argumentation (verbale), ces énoncés visuels ne contiennent aucun argument, car ils agiraient seulement au niveau des émotions. On répondra que l’un n’empêche pas l’autre, et qu’une réaction émotionnelle peut parfaitement déboucher sur une décision rationnelle, comme celle de se montrer solidaire en effectuant un versement. C’est là un thème qui mérite quelques développements car il est d’une grande importance pour ce qui nous concerne ici. On continue en effet d’opposer le plus souvent rationalité et émotions. Or, comment l’image pourrait-elle être un facteur de connaissance si elle est tout entière du côté des émotions ? Une des modalités que prend cette vieille opposition est celle entre convaincre (qui suppose des moyens rationnels) et persuader (qui reposerait sur le recours aux émotions)6. Curieusement, les spécialistes de l’image semblent plus enclins à tirer celle-ci du côté du pathos que du logos, un phénomène déjà notable à la fin du siècle dernier (pour un bref passage en revue, voir Roque 2004, p. 103), et qui s’est encore accéléré avec les travaux d’historiens d’art et d’esthéticiens mettant en avant le rôle des émotions dans l’art (Elkins 2004 ; Grenier 2008 ; Piwnica 2009). Or une telle tendance se fait au détriment d’une compréhension des facteurs cognitifs qui entrent en jeu dans l’appréhension des images : il ne s’agit pas de nier que certaines images mobilisent les affects et les émotions, mais bien de refuser les conséquences que certains voudraient en tirer, à partir d’une conception manichéiste : « L’analyse réflexive, la position critique et la distanciation de l’artiste qui gouvernaient le radicalisme des avant-gardes, se trouvent débordées de toutes part par la vague de fond de l’émotion. […] La question de l’art, telles que la posent les nouvelles générations d’artistes, n’est plus prioritairement d’informer, d’initier, de questionner le spectateur, mais tout d’abord de le toucher » (Grenier 2008, p. 7). Or le recours au pathos n’est pas incompatible avec le logos (ce qu’au reste Aristote avait déjà indiqué). Il y a bel et bien une rationalité des émotions, comme l’avait clairement établi Ronald De Sousa (De Sousa 1997).

  • 7 En insistant ici sur le lien entre pathos et logos, j’ai laissé de côté l’éthos qui joue évidemment (...)

40Ajoutons que cette rationalité traverse toutes les formes d’expression, de sorte qu’il serait absurde de continuer à penser que le recours aux émotions serait typique des images, alors que la rationalité serait le propre du langage verbal. On sait en effet que le recours aux émotions est tout aussi patent dans l’univers discursif (Rinn 2008), mais encore une fois émotion et argumentation rationnelle sont parfaitement compatibles, comme l’ont montré plusieurs théoriciens de l’argumentation verbale (Plantin 2011 ; Micheli 2014 ; pour une approche sémiotique, voir Hekmat, Micheli et Rabatel 2013). Entre émotions et argumentation, il n’y a pas de disjonction exclusive ; au contraire, il peut exister une complémentarité entre elles. C’est ce qu’un spécialiste de la persuasion a bien établi en montrant que les moyens d’influence basés sur le recours à l’émotion peuvent être parfaitement rationnels ; c’est le cas par exemple pour l’argument par les conséquences ou argument pragmatique. Dire à quelqu’un : « tu devrais accepter l’invitation à sa soirée, sinon elle sera déçue » (O’Keefe 2015, p. 152), c’est certes mettre en œuvre le recours à une émotion, mais il s’agit d’un argument par les conséquences tout à fait rationnel. Il en va évidemment de même concernant les images. J’avais déjà insisté pour ma part sur le rôle de l’argument pragmatique dans les images politiques, en particulier celles contre la guerre. Elles font certes appel aux émotions en mettant en évidence les horreurs de la guerre, mais c’est pour inciter le destinataire à réagir de manière rationnelle en soutenant les mouvements pacifistes afin de protester contre les guerres (Roque 2008). C’est un mécanisme semblable qui régit l’affiche contra la faim qui nous a servi de point de départ pour cette analyse7.

41On peut cependant se demander ce qui nous garantit que ces énoncés produisent de la connaissance et pas seulement de la compassion ? En effet, l’enthymème est la reconstruction d’un raisonnement, mais comme il s’agit d’une reconstruction, un tel raisonnement a-t-il bien lieu dans la tête de ceux qui regardent ces affiches ? On admettra cependant que ce n’est pas là une situation propre aux images : un reportage sur la faim dans le monde que l’on entend à la radio peut aussi produire des effets semblables, même si l’image a bien sûr une présence irremplaçable.

  • 8 Pour un passage en revue des principales critiques adressées à l’argumentation visuelle, je me perm (...)

42Par ailleurs, une autre objection contre l’argumentation visuelle est que l’application d’un topos constituerait la « preuve » de la « faiblesse » de l’image, incapable de raisonner seule, et ayant besoin du langage verbal pour suppléer à ses carences8. On répondra que le même mécanisme fonctionne dans l’argumentation verbale. Pour Toulmin, argumenter consiste à mettre en rapport deux énoncés, un point de départ (datum ou ground) et la revendication d’une position (claim) par l’intermédiaire d’un autre énoncé (warrant) qui garantit le passage du premier au second, généralement par le biais d’un soutien (backing) (Toulmin 1958).

43La théorie de l’argumentation dans la langue d’Anscombre et Ducrot fonctionne de façon assez proche : pour eux, l’argumentation consiste à mettre en relation deux énoncés, un énoncé-argument et un énoncé-conclusion, par l’intermédiaire de ce qu’ils nomment topoï : « L’enchaînement discursif d’un énoncé-argument à un énoncé-conclusion se fait toujours par application de principes généraux que nous appelons, en reprenant de façon peut-être abusive l’expression aristotélicienne, des topoï ». (Anscombre & Ducrot 1988, p. 207). Ailleurs, Ducrot se réfère d’ailleurs explicitement à l’idée de « garant » sans toutefois citer directement Toulmin : « les enchaînements de deux segments A et C, dont l’un est présenté comme argument justifiant l’autre donné comme conclusion […] mettent généralement en jeu un troisième terme, un ‘garant’, qui autorise le passage de A à C. C’est ce garant des enchaînements argumentatifs que j’appelle ‘topos’ » (Ducrot 1995, p. 85).

44Une telle conception me semble d’une grande utilité, pour plusieurs raisons. D’une part, elle permet d’éviter les difficultés que pose l’idée d’inférence, puisqu’il s’agit plutôt d’enchaînements argumentatifs (Anscombre et Ducrot 1988, p. 9‑14), ce qui est d’autant plus utile que les images n’ont généralement pas de connecteurs d’inférence ; or cette caractéristique a été brandie pour nier toute possibilité argumentative à l’image. Aussi, si l’on peut montrer que l’image utilise des mécanismes cognitifs semblables à ceux qui sont à l’œuvre dans l’argumentation dans la langue, on peut aisément réfuter les critiques faites à l’argumentation visuelle. En effet, cette théorie peut être facilement appliquée aux arguments visuels, comme nous le verrons. Prenons le cas d’une gravure faite par l’artiste mexicain Leopoldo Méndez, le fondateur du TGP (Taller de Gráfica Popular), intitulée La protesta (La Révolte), et qui m’avait déjà intéressé antérieurement (Roque 2004).

Fig. 3

Fig. 3

Leopoldo Méndez, La protesta, gravure au linoléum, pour la couverture du livre de Miguel Otero Silva, Agua y Cauce (Poemas revolucionarios), ediciones LEAR, Mexico, 1937.

45Il faut cependant formuler d’abord deux remarques préalables. Premièrement, il s’agit d’une image sans texte, sauf le titre, redondant par rapport à ce que l’image montre. Ce point est évidemment important pour éviter les critiques traditionnelles adressées aux arguments visuels et selon lesquelles, dès qu’un énoncé est mixte, l’argumentation reposerait sur la partie verbale, la partie iconique ne servant qu’à attirer l’attention. Choisir une gravure sans texte permet de couper court à ce type de préjugé. Deuxièmement, c’est évidemment une image avec une intention politique claire, conformément aux principes du TGP. Il est donc plus facile d’y déceler une argumentation.

46On distingue aisément deux parties dans cette gravure : en bas, deux surveillants sont en train de fouetter un groupe de travailleurs (on peut imaginer que la scène a lieu dans un latifundia) ; l’un d’entre eux est tombé et git sur le sol. Dans la partie supérieure, nous voyons un géant, que l’on peut considérer comme une sorte d’hyperbole des travailleurs ; avec l’index de la main gauche, il désigne la scène du bas, et il lève le poing droit.

47La conception de l’enchaînement argumentatif proposée par Ducrot et Anscombre et résumée plus haut peut ici s’avérer utile pour rendre compte de la façon donc fonctionne cette argumentation visuelle, dont un des avantages est qu’elle permet d’éviter l’idée d’inférence logique. La scène du bas apparaît comme « énoncé-argument », celle du haut comme « énoncé-conclusion ». Deux éléments facilitent cette lecture. D’abord, le géant se distingue clairement du groupe de ses compagnons par sa taille. On pourrait d’ailleurs ajouter que cette taille aide à le transformer en antonomase, au sens que lui donne Eco : il vaut pour tous les travailleurs. Ensuite, l’articulation entre les deux se fait par l’intermédiaire du doigt, un déictique qui est une marque clairement énonciative et permet de subordonner la scène du bas à celle du haut. La syntaxe visuelle dispose donc bien aussi de déictiques (Klinkenberg 2008, p. 37-42).

48Maintenant, quelle est le topos ou « loi de passage » permettant d’articuler les deux scènes ? Quelque chose comme « il est scandaleux de traiter de cette façon les travailleurs ». On peut imaginer, derrière cette loi de passage et l’appuyant, différents soutiens, du type : « La loi du travail interdit l’usage de la violence contre les ouvriers ». La conclusion de l’enthymème visuel est donnée par le poing levé, un symbole de la révolte, très présent dans l’iconographie politique (Gourévitch 1980, p. 53) ; il s’agit d’un appel à la révolte, particulièrement marqué par le balancement des bras, du bras droit à l’index pointé désignant la scène du bas au bras gauche replié et le poing tendu, balancement renforcé par l’expression du visage crispé, la bouche entre-ouverte et les cheveux en bataille.

49Cet exemple pourrait donner l’impression que pour trouver un argument visuel, il est nécessaire qu’il y ait deux scènes au sein de l’énoncé visuel. Or ce n’est pas nécessairement le cas. Le dernier exemple que je prendrai pour le montrer est une autre gravure de Méndez, Le Grand Obstacle (1936).

Fig. 4

Fig. 4

Leopoldo Méndez, Le Grand Obstacle (1936).

50Précisons tout d’abord le contexte : cette œuvre prend place durant la lutte entre la gauche et un groupe fasciste, ARM ( = Alianza revolucionaria mexicanista), identifiable à partir de son sigle sur le chapeau d’un des personnages sur le tank ; sur l’autre chapeau, on trouve le svastika et le symbole du dollar. Il faut également dire un mot de la technique, la gravure au linoléum qui est la plus utilisée par le TGP, car ils pensaient qu’il fallait une technique populaire pour s’adresser à un public populaire et faciliter ainsi son identification à la cause soutenue.

51Maintenant, quel est ici l’argument visuel ? Il est directement lié à la narration : la collision entre le tank militaire et un poing géant. Ce dernier joue ici un rôle de pivot d’une grande importance, et le graveur a réussi à condenser en lui différentes significations. Rhétoriquement, ce poing relève de plusieurs figures qui combinent leurs effets. Il s’agit tout d’abord d’une sorte de métaphore, puisqu’il surgit du sol, comme lors d’une secousse tellurique, mais qui produirait, non pas une crevasse, mais un poing dressé. Il est d’ailleurs frappant de noter que ce poing présente les mêmes caractéristiques graphiques que la terre dont il émerge. On pourrait y lire, au travers de la continuité graphique, une isotopie terrienne, signifiant par là que c’est la force de la terre, entendez les paysans, qui se manifeste par cette soudaine poussée. S’y ajoute une synecdoque, le point valant pour le travailleur, ainsi qu’une antonomase, comme le travailleur géant de l’exemple précédent : il vaut pour tous les travailleurs. Enfin, le poing est aussi bien entendu un symbole des luttes populaires, mais Méndez a réussi à en faire un élément qui va au-delà de cette signification codifiée et conventionnelle. De plus, le rôle de l’enthymème, déjà signalé, est également présent ici, couplé à la fonction argumentative de la narration. En effet, comme souvent dans les images politiques, un véhicule en mouvement connote l’idée de progrès. Or ce que met en évidence la gravure est que cette « avancée » du tank peut être stoppée. Ainsi, le signifié général de la gravure est que la force et la détermination des travailleurs peut stopper l’avance du capitalisme au Mexique.

52Le poing dressé convoque aussi un slogan bien connu des manifestations en Amérique latine : « le peuple, uni, ne sera jamais vaincu ». Il peut ainsi fonctionner comme un topos convoqué par le poing dressé. Par ailleurs, précisons que ce sont les deux forces en lutte et le choc du tank contre le poing qui mènent à la prémisse fortement suggérée par la gravure, à savoir, comme il a été dit, que l’avancée d’un tank peut être stoppée. Ainsi, à partir de la prémisse « un seul poing peut arrêter un tank », un argument enthymématique est possible en donnant des raisons aux destinataires de s’unir à la lutte. Nous avons déjà vu le rôle de l’antonomase qui facilite l’identification. Quant au topos qui est ici activé, incitant le destinataire à rejoindre le mouvement, il pourrait être du type « ce qu’un poing seul a obtenu, à plus forte raison les travailleurs en masse l’obtiendront », ce qui reviendrait à mettre en œuvre un lieu de la quantité (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1970, p. 115).

53À partir de ce qui précède, on peut mieux comprendre comment fonctionne ici l’argument visuel. Le point de départ est, comme déjà indiqué, l’opposition narrative poing/tank, jusqu’au choc frontal. Dans ce cas, le titre de la gravure, Le Grand Obstacle, peut être utile, non qu’il constituerait un argument, mais parce qu’il facilite et oriente l’interprétation : les travailleurs sont littéralement le grand obstacle au développement du capitalisme au Mexique. Cependant, sa force va bien au-delà de l’opposition travailleurs/capitalisme. Elle mobilise des oppositions plus générales : liberté/oppression, désarmé/armé, individu/armée, etc.

54C’est ce qu’ont bien compris les étudiants mexicains en 1968, qui ont repris de manière synthétique cette gravure dans leurs affiches contre la répression policière.

Fig. 5

Fig. 5

Anonyme, Pas une minute de plus à genoux, assassins, 1968.

55Cette opposition et la capacité de pouvoir arrêter un tank en marche évoque aussi la fameuse photo de Stuart Franklin qui a fait le tour du monde et qui mobilise exactement les mêmes oppositions, lesquelles suscitent fortement l’imaginaire.

Fig. 6

56http://derfcity.blogspot.com/​2014/​06/​tank-man.html (consulté le 13 février 2019).

Stuart Franklin, Tank Man, photographie, 1989 (https://www.stuartfranklin.com/​tiananmen/​, consulté le 13 février 2019).

57De ce point de vue, la narration de la gravure de Méndez est passionnante, car elle offre humoristiquement une alternative à la domination des riches sur les pauvres, de l’armée sur les individus, etc., en montrant qu’une telle situation n’est pas irréversible, puisqu’un poing peut arrêter un tank. Ajoutons un mot sur le style : ce qui facilite l’effet de cette gravure est le côté un peu caricatural de ce poing géant qui semble surgi des entrailles de la terre et qui arrête le tank lancé à tout allure, produisant un choc brutal ; les passagers sont violemment projetés vers l’avant et tentent tant bien que mal de se protéger du choc imminent en tendant leurs bras ; quant au chauffeur, il grimace de douleur. Cet effet stylistique aide le destinataire à rire de l’ennemi et à admettre la force des faibles, lorsqu’ils sont tous unis contre un ennemi commun.

58On voit donc comment une gravure peut produire de la connaissance (grâce ici à l’humour) et articuler un argument sous forme d’enthymème. Ce sont évidemment là des exemples particuliers, puisqu’ils supposent l’intention de la part de l’artiste de transmettre un message politique au travers de ses gravures. Mais ils nous aident à penser que, dans certains cas au moins, il est possible d’argumenter avec des images…

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Notes

1 Sur ce sujet, voir différents numéros de la revue Visible à partir du no 5, 2010, où ont été publiés les résultats des recherches entreprises dans le cadre de l’ANR Images et dispositifs de visualisation scientifiques.

2 Dans une perspective sémiotique, voir les contributions au no 4 de Visible, 2008.

3 Voir en particulier les numéros spéciaux de revues Argumentation and Advocacy (Birdsell & Groarke 1996 ; Birdsell & Goarke 2006) et Argumentation (Kjeldsen 2015). Voir également Tseronis et Forceville (2017).

4 Eco a souvent attiré l’attention sur le fait que la sémantique des conditions de vérité recouvre en réalité des phénomènes distincts : la manière de définir les conditions de vérité d’une proposition doit être soigneusement distinguée de la manière d’établir si une proposition est vraie (Eco 1994, p. 291-292 ; 2001, p. 357).

5 Eco propose deux classifications légèrement différentes à deux endroits du livre (Eco 1972, p. 215-218 et p. 239-242). C’est la raison pour laquelle j’en propose une synthèse en paraphrasant souvent le texte.

6 Pour une critique de cette opposition, je me permets de renvoyer à Roque et Nettel (éds) 2015.

7 En insistant ici sur le lien entre pathos et logos, j’ai laissé de côté l’éthos qui joue évidemment aussi un rôle dans ces relations et qu’il est important de prendre en compte.

8 Pour un passage en revue des principales critiques adressées à l’argumentation visuelle, je me permets de renvoyer à mon texte (Roque 2010).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1
Légende Woody Pirtle, Stop the Plant, affiche, 2009.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/docannexe/image/2363/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 20M
Titre Fig. 2
Légende Affiche du Comité français pour la campagne contre la faim, 1976.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/docannexe/image/2363/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 344k
Titre Fig. 3
Légende Leopoldo Méndez, La protesta, gravure au linoléum, pour la couverture du livre de Miguel Otero Silva, Agua y Cauce (Poemas revolucionarios), ediciones LEAR, Mexico, 1937.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/docannexe/image/2363/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 2,8M
Titre Fig. 4
Légende Leopoldo Méndez, Le Grand Obstacle (1936).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/docannexe/image/2363/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 3,5M
Titre Fig. 5
Légende Anonyme, Pas une minute de plus à genoux, assassins, 1968.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/docannexe/image/2363/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 2,5M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Georges Roque, « Comment argumenter à partir d’images ? »Signata [En ligne], 10 | 2019, mis en ligne le 30 juin 2019, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/2363 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/signata.2363

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Auteur

Georges Roque

Philosophe et historien d’art, Georges Roque est directeur de recherches honoraire au CNRS. Il travaille sur la théorie des couleurs et sur l’analyse des images fixes. Dans le premier domaine, il s’est notamment intéressé aux relations entre les théories scientifiques de la couleur et la pratique artistique. Dans le second, il a travaillé sur le recyclage des images et sur l’argumentation visuelle, à laquelle il a consacré plusieurs articles. Son intérêt pour ce domaine remonte à son premier livre, Ceci n’est pas un Magritte. Essai sur Magritte et la publicité, Paris, Flammarion, 1983. Il a également organisé un colloque sur les liens entre argumentation et persuasion, qui a donné lieu à deux publications : G. Roque (éd.), Persuasion and Argumentation, no spécial de la revue Argumentation, vol. 26, no 1, 2012, ainsi que G. Roque et A. Nettel (éds), Persuasion et argumentation, Paris, Classiques Garnier, 2015.
Dernier ouvrage publié : Quand la lumière devient couleur, Paris, Gallimard, 2018 ; Prix André Malraux 2018 d’essai sur l’art.
Courriel : roque[at]ehess.fr

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