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Dossier
5. Spatialité et matérialité

Textes et textures numériques

Le passage de la matérialité graphique à la matérialité numérique
Rossana De Angelis
p. 459-484

Résumés

Le texte imprimé ne met jamais en suspens la matérialité de son support, c’est-à-dire qu’il ne permet jamais au lecteur de l’oublier. Le texte numérique, en revanche, dès qu’on le soustrait à ses dispositifs de lecture, met cette matérialité en suspens au point qu’on le qualifie souvent de « virtuel ». Les textes numériques possèdent pourtant une dimension matérielle qui entraîne des pratiques d’exploration inédites, qui ont un impact important sur nos habitudes culturelles et cognitives, car elles demandent un transfert de compétences de la culture des textes imprimés à la culture des textes numériques. En effet, alors que le concept de literacy identifie les compétences spécifiques demandées par le « savoir lire » et le « savoir écrire » ayant pour objet des textes manuscrits et/ou imprimés, le nouveau concept de digital literacy identifie les compétences spécifiques demandées par la culture des textes numériques. Et pour la plupart, ces compétences sont encore à explorer. Pour mener cette réflexion à son terme, il est donc indispensable de prendre en compte « la matérialité propre du numérique » (Doueihi, 2011) afin de comprendre son impact sur les nouvelles pratiques de production et d’interprétation des textes. Par exemple, la possibilité d’exploiter les textes à travers une analyse automatique des données dépend strictement de la nature particulière de la matière numérique : c’est ici que l’on peut constater l’impact que la matière peut avoir dans toute approche du texte. En outre, en considérant l’interaction entre la matière du support et les pratiques de l’exploitation, les textes numériques rendent visible l’ensemble des liens intra- et inter-textuels dont se compose un texte, c’est-à-dire leur propre textualité, ce qui permet de parler de textures numériques. Nos réflexions sur la matérialité des supports, ses transformations et ses enjeux lors du passage de la culture des textes imprimés à la culture des textes numériques, s’appuient sur l’article de Louis Hjelmslev intitulé La stratification du langage (1954). En proposant un modèle stratifié du texte issu de cette réflexion, et en l’appliquant à l’analyse des textes traditionnels et numériques, on pourra enfin replacer les pratiques dont les textes font l’objet et les matières dont ils sont constitués au sein même de l’objet textuel.

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Texte intégral

1. Introduction

1Le texte imprimé ne met jamais en suspens la matérialité de son support, c’est-à-dire qu’il ne permet jamais au lecteur de l’oublier. Le texte numérique, en revanche, dès qu’on le soustrait de ses dispositifs de lecture, met cette matérialité en suspens au point qu’on le qualifie souvent de « virtuel ».

2Les textes numériques possèdent pourtant une dimension matérielle qui entraîne des pratiques d’exploration inédites. Ces nouvelles pratiques ont un impact important sur nos habitudes culturelles et cognitives, car elles demandent un transfert de compétences de la culture des textes imprimés vers la culture des textes numériques.

3Les prochaines pages traiteront un seul aspect du passage de l’imprimé au numérique, sûrement le plus évident, et pour cela le plus négligé : le changement de support, qui entraîne le changement des pratiques, ainsi que l’impact de sa matérialité sur la conception et l’interprétation des textes.

4Pour mener cette réflexion à son terme, il est donc indispensable de prendre en compte « la matérialité propre du numérique » (Doueihi, 2011) afin de comprendre son impact sur les nouvelles pratiques de production et d’interprétation des textes.

5Par exemple, la possibilité d’exploiter les textes à travers une analyse automatique des données dépend strictement de la nature particulière de la matière numérique : c’est ici que l’on peut constater l’impact que la matière peut avoir dans toute approche du texte. En outre, en considérant l’interaction entre la matière du support et les pratiques de l’exploitation, les textes numériques rendent visible l’ensemble des liens intra- et inter-textuels dont se compose un texte, c’est-à-dire leur propre textualité, ce qui permet de parler de textures numériques (cf. infra).

6Nos réflexions sur la matérialité des supports, ses transformations et ses enjeux lors du passage de la culture des textes imprimés à la culture des textes numériques, s’appuient sur l’article de Louis Hjelmslev intitulé La stratification du langage (1954). En proposant un modèle stratifié du texte issu de cette réflexion, et en l’appliquant à l’analyse des textes traditionnels et numériques, on pourra enfin replacer les pratiques dont les textes font l’objet et les matières dont ils sont constitués au sein même de l’objet textuel.

2. Le support dans la culture traditionnelle

7Comme l’écrit Thérenty dans son article Pour une poétique historique du support, « le support, la forme matérielle sous laquelle se présente l’écrit, le medium participe de l’expérience d’appréhension du texte par le lecteur » (Thérenty, 2009, p. 110).

  • 1 Pour un développement de cette question, cf. De Angelis (2016).

8En étudiant « les conditions générales d’existence des textes », la textologie représente la première tentative d’analyse de l’interaction entre le texte et le support, prenant sa place entre les domaines linguistique et littéraire au début des années 1970. Roger Laufer introduit le terme de textologie au sein des disciplines du langage, en proposant ainsi un nouveau point de vue dans l’étude des textes. Selon cette approche, le texte est toujours porté par un objet. Et si le texte est porté par un objet produit d’une pratique d’écriture, il suppose un support et peut alors occuper un espace. « L’espace du texte est graphique » (Laufer, 1972, p. 9). Au sein de la textologie on voit ainsi naître un le concept d’« espace graphique », que l’on retrouve ensuite au sein des théories linguistiques (Anis, 1988) et anthropologiques (Christin, 1995) sur l’écriture1.

9De la même manière, Lucien Febvre et Henri-Jean Martin (1958), ainsi que Roger Chartier et Daniel Roche (1974), ouvrent une perspective nouvelle dans le domaine des études littéraires. L’attention portée sur la matérialité des supports s’affirme en particulier au passage des années 1980 et 1990. Donald F. Mckenzie (1986) propose notamment une étude critique des textes à partir de l’analyse des formes matérielles dans lesquelles ils se présentent dans le marché éditorial afin de montrer que « la forme matérielle des livres, les éléments non verbaux que constituent les signes typographiques et la disposition même de l’espace de la page ont une fonction expressive et contribuent à la production du sens » (Mckenzie, [1986] 1991, p. 36).

10Cette nouvelle perspective de recherche mène Chartier vers une nouvelle perspective qui envisage le texte sous l’angle de ses manifestations matérielles.

Un texte […] est toujours inscrit dans une matérialité : celle de l’objet écrit qui le porte, celle de la voix qui le lit ou le récite, celle de la représentation qui le donne à entendre. Chacune de ses formes est organisée selon des structures propres qui jouent un rôle essentiel dans le processus de production du sens. Pour s’en tenir à l’écrit imprimé, le format du livre, les dispositifs de la mise en page, les modes de découpage du texte, les conventions typographiques sont investis d’une « fonction expressive » et portent la construction de la signification. Organisés par une intention, celle de l’auteur ou de l’éditeur, ces dispositifs formels visent à contraindre la réception, à contrôler l’interprétation, à qualifier le texte. Ils sont les supports du travail de l’interprétation. L’imposition comme l’appropriation du sens d’un texte sont donc dépendantes de formes matérielles dont les modalités et les agencements, longtemps tenus pour insignifiants, délimitent les compréhensions voulues ou possibles. (Chartier, [1998] 2009, pp. 306-307 ; nous soulignons.)

11à la suite de la publication de l’ouvrage de Mckenzie, une nouvelle approche aux textes voit le jour et de nouveaux travaux commencent à paraître (Martin, 1990, 2000), visant à montrer comment l’analyse de la mise en page permet de faire une corrélation entre les modalités de lecture et les interprétations du texte.

Chercher, par exemple, comment l’usage de la couleur facilitait, dans les manuscrits médiévaux, la fragmentation de pages souvent pleines en unités de lecture et parfois aussi de raisonnement, et discerner par quoi ce système fut peu à peu remplacé après l’apparition de l’imprimerie. Analyser, en leurs différentes phases et dans leurs péripéties, les étapes qui conduisirent de cette page pleine des manuscrits et des premiers livres imprimés à un nouveau balisage utilisant les espaces blancs. Examiner aussi avec le plus grand soin l’histoire de la division des textes en chapitres ainsi que tout ce qui constitue le péritexte — donc le titre, les manchettes et les tables. Déterminer enfin, à travers tous ces indices, comment évolua la lecture — de la lecture à haute voix, essentiellement auditive, à la lecture visuelle que de multiples conventions s’efforçaient de rendre plus facile, donc plus rapide. (Martin, 2000, pp. VI-VII ; nous soulignons.)

12La notion de texte qui circule dans la culture imprimée renvoie à un objet bien précis : le livre. Et ce qui fait d’un texte un livre est tout un système d’éléments — linguistiques et non-linguistiques — qu’on appelle paratexte, en entendant par paratextualité (Genette 1979, 1982, 1987) une relation transtextuelle par laquelle le texte se porte au-delà de ses propres limites linguistiques (Genette, 1982, p. 9). Cette relation permet de discerner un texte « proprement dit » et un complexe système d’objets linguistiques et non linguistiques qui l’accompagne : le paratexte, décrit par Genette en utilisant des critères spatiaux, temporels, matériels, pragmatiques et fonctionnels (Lane, 1992). En adoptant comme critère, par exemple, la localisation de ses éléments, Genette distingue un « péritexte » d’un « épitexte » : ce qui est respectivement proche et loin par rapport au texte « proprement dit ». Les éléments liminaires tels que les titres, les sous-titres, les bibliographies, etc. font également partie du paratexte qui se présente ainsi comme un « accompagnement, d’ampleur et d’allure variables » (Genette 1987, p. 7), un ensemble d’éléments linguistiques et non-linguistiques qui se joignent au texte « proprement dit ».

13Le statut ambigu du paratexte est déjà suggéré par son préfixe, introduisant à la fois la proximité et la distance, la similarité et la différence, l’intériorité et l’extériorité, c’est-à-dire une ambiguïté et une sorte d’instabilité dans la relation avec le texte. Le paratexte représente donc une dimension de transition entre le texte « proprement dit » et le contexte communicatif dans lequel il est produit et/ou compris. Il n’est donc pas un objet empirique séparé du texte « proprement dit », mais l’ensemble des éléments qui rendent possible, au moment de sa (re)production, la (ré)introduction du texte dans des contextes communicatifs spécifiques, en lui attribuant ainsi une consistance réelle, matérielle. Le paratexte assure en somme au texte sa permanence et sa circulation. Plutôt qu’un lieu de transition entre un texte « proprement dit » et un contexte communicatif dans lequel il est compris, le paratexte représente donc un lieu de transaction (Genette, 1987, p. 8), c’est-à-dire un lieu où le lecteur entreprend son action sur le texte.

3. Le support dans la culture numérique

14Pour pouvoir envisager la relation entre textes et supports au sein de la culture numérique, il faut d’abord rappeler ses différentes phases de développement :

  • la première, développée autour des années 1990, correspond au Web 1.0, le « web statique ». Dans ce cadre, le contenu des pages (signes graphiques, linguistiques et non linguistiques, animations, etc.) est figé, à l’exception des liens hypertextuels qui offre une certaine liberté de navigation. Il s’agit donc d’un « web passif » : l’usager accède à l’information comme on pourrait le faire dans un bibliothèque, c’est-à-dire sans pouvoir modifier le contenu ;

  • la deuxième, développée autour des années 2000, correspond au Web 2.0, le « web dynamique ». Désormais, le contenu des pages change selon la demande des usagers de manière à rendre celles-ci différentes selon l’interaction établie entre le visiteur, formulant la demande, et le serveur, traitant cette demande afin d’afficher une page correspondant au résultat du traitement (i.e., les sites e-commerce dont les pages présentent les articles triés par fonctions, couleurs, prix, etc.). Par ailleurs, l’usager est invité à modifier ou enrichir le contenu (i.e., dans les blogs, forums, « wiki », etc.). Il s’agit donc d’un « web participatif », dont l’achèvement est représenté par le développement des réseaux sociaux ;

    • 2 Le Web 3.0 est un « Web sémantique » d’un côté, parce qu’il comprend des procédures nouvelles d’ext (...)

    enfin, la troisième correspond au Web 3.0, faisant référence, d’un côté, à l’extension de l’Internet aux objets par des applications (smartphones, tablettes, etc.) et, de l’autre, au « web sémantique »2 dont la caractéristique est l’exploitation des données sur une large échelle (les big data). Le contenu des pages s’adapte désormais au profil personnel de l’usager. Le traitement automatique des données les rend exploitables sous une nouvelle forme. La possibilité de les analyser et de les rediffuser permet ainsi à ces données de devenir à leur tour des outils à exploiter (i.e., la géolocalisation, les préférences de recherche, etc.), ou bien d’être intégrés dans le fonctionnement des nouveaux objets technologiques (i.e., les appareils connectés).

15Ces trois étapes impliquent différentes conceptions du « texte » dont les aspects saillants (structure, contenu, utilisation) changent d’une phase d’évolution à l’autre.

16Pendant une première phase, la production des « textes » s’inspirait généralement d’une conception traditionnelle de ceux-ci, empruntée à la culture des textes imprimés.

Les nouveaux outils […] sont des “éditeurs de textes” produisant des “pages Web” qui se lisent avec des browsers. Le graphisme et la maquette d’Internet à ses débuts s’efforçaient de reproduire à l’identique les caractéristiques de la page imprimée. (Doueihi, 2011, p. 41.)

17Ensuite, pendant la phase du Web « participatif » ou « collaboratif », les textes sont devenus de plus en plus brefs et de plus en plus inter-connectés par des liens hyper-textuels. Finalement, pendant la phase du web « sémantique », les textes sont soumis au traitement automatique des données, et ils deviennent autre chose de ce qu’ils étaient au départ. Ils deviennent ainsi des textures (cf. infra).

18En outre, comme le propose Bouchardon (2009, 2014), il faut aussi différencier la « littérature numérisée » et la « littérature numérique » :

  • la première suppose une écriture conçue pour le support papier et ensuite numérisée, passage qui n’atteint pas le sens du texte, car le modèle reproduit est celui du « texte-livre » ;

  • la deuxième suppose une écriture conçue pour le support numérique, c’est-à-dire une écriture qui exploite directement les contraintes et les possibilités offertes par ce support, dont le sens serait fortement atteint au passage d’un support à l’autre, par exemple du numérique au papier.

19La conversion d’un même texte d’une modalité d’expression à l’autre, à savoir de l’imprimé au numérique, suppose la reconversion des caractéristiques textuelles pour garantir son exploitation selon deux approches différentes : l’une déterminée par les contraintes physiques du texte imprimé ; l’autre déterminée par les contraintes physiques du texte numérique. Comme le dit Gauquié (2012, p. 305), « la transposition médiatique s’opère effectivement dans un mouvement éditorial à la fois différentiel et intégrateur ».

20La transposition est différentielle dans le sens où, par exemple, la conversion d’un livre papier en livre numérique se fait tout d’abord par des modifications concernant les pratiques d’exploitations du texte qui prennent la forme du « passage d’une expérience de la lecture à celle de l’exploration » (Gauquié, 2012, p. 305). De plus, le web des « objets connectés » déplace les textes sur d’autres supports tels que les smartphones, ce qui suppose un réajustement de la relation entre texte (inscrit), format (modalité d’inscription) et support (surface d’inscription). Le web « sémantique », en revanche, les intègre dans des corpus comprenant un nombre illimité (par principe) de textes potentiellement disponibles au traitement automatique des données : dans ce cas, la relation entre texte, format et support devient presque insaisissable, car le texte est réduit à un ensemble d’éléments linguistiques afin d’être soumis à l’extraction automatique des données (cf. infra).

  • 3 « En effet, la lecture sur iBooks amène du différentiel dans la lecture linéaire du livre papier en (...)

21La transposition consiste aussi en un processus intégrateur dans le sens où n’importe quel objet connecté (tablette, smartphone, etc.) développe sa propre sémiotique grâce à la convergence de pratiques différentes : celles déjà acquises (par exemple, la lecture comme nous la pratiquons habituellement) et des pratiques nouvelles nées d’un processus d’ajustement entre les contraintes imposées par la nature du support et les contraintes imposées par la nature du texte3.

22Dans une première phase d’évolution de la culture numérique, reproduire les caractéristiques des textes imprimés dans des textes numériques ne suppose pas une conception différente du texte. Prenons, encore une fois, le cas des livres électroniques. Un livre électronique (e-book, ebook) est une publication dans laquelle différents langages — verbal, visuel, acoustique… — s’articulent dans le respect des contraintes du dispositif, et donc du support, utilisé. Ce qui suppose, bien sûr, une conception différente de l’objet « livre » dès le moment où il peut être constitué d’éléments linguistiques, visuels, acoustiques, etc. (Bolter & Grusin, 1999). Néanmoins, les pratiques de production et d’utilisation des livres électroniques reprennent pour la plupart une conception traditionnelle du texte (cf. supra). Dans ce contexte, il est ainsi difficile de remplacer le « texte-livre » par un autre modèle textuel (Guilet, 2012).

  • 4 « Encoding an electronic text is an act of interpretation, presenting intellectual challenges which (...)

23Évidemment, les possibilités offertes par la numérisation ont un impact important sur les différentes approches aux textes (Hokey, 2000), en passant de la modalité « lecture » à la modalité « exploration ». La pratique de conversion des textes imprimés dans des textes numériques selon les modalités du livre électronique (Suarez & Woudhuysen, 2013) permet de matérialiser à la fois le système paratextuel qui fait d’un texte un livre, et le système intertextuel au sein duquel le texte est toujours situé4. La mise à jour des liens extra-textuels s’affiche sur les écrans de ces dispositifs, ce qui renvoie ainsi à une conception plus large du texte comprenant l’ensemble des relations extra-textuelles mises en exergue par Genette (cf. supra).

  • 5 Sur les exemples de livres hybrides voir notamment les vooks (video+books), les livres hypermédiati (...)

24Puisque les livres électroniques transforment des éléments extra-textuels en éléments intra-textuels dont le texte se sert pour s’offrir au lecteur dans toute sa complexité5, il faut alors remettre en question les distinctions traditionnellement acquises entre texte, paratexte, intertexte, etc. (Kanellos, 1999).

En effet, l’hypertexte se caractérisant par le fragment, c’est-à-dire la page-écran comme unité textuelle, il est alors impossible de tenir et de percevoir l’œuvre dans sa totalité matérielle. Le numérique fait exploser les frontières de la matière textuelle dans son extension spatio-temporelle […] Le statut flou du texte sur l’iBooks, entre matérialité simulée et matérialité sumérienne, est troublant en cela qu’elle touche à la mythographie du littéraire.
L’iBooks marque par ailleurs la victoire de la tabularité sur le linéaire, qui se caractérise par le texte du roman enrichi par les données iconographiques en bandeau au-dessus du texte, telles qu’une loupe, un marque-page, etc. que le lecteur peut activer. La fragmentation et la tabularité provoquent ainsi une lecture du discontinu dans le continu, le lecteur gardant une lecture linéaire de page en page, mais pouvant également avoir recours au furetage par la présence du bandeau et les possibilités tactiles de l’écran. Ainsi, si le lien est ténu, le lecteur a néanmoins la sensation d’une lecture non linéaire où l’écrit bascule d’un espace d’écran à un autre, et où il a la possibilité de choisir et de construire son parcours. (Gauquié, 2012, pp. 306-307.)

25Il faut préciser que la tabularité (Klinkenberg, 2009) est une prérogative de l’écriture en tant que telle : comme le montrait déjà Goody (1977) dans son essai consacré à la « raison graphique », les listes permettaient déjà une exploitation tabulaire du texte. L’exploitation du texte écrit, en effet, n’est jamais strictement linéaire, car les éléments graphiques qui l’accompagnent, et qui constituent l’« espace graphique » (Christin, 1995), supposent la possibilité de l’explorer selon plusieurs parcours de lecture. Les livres électroniques mettent en évidence cette tabularité en la matérialisant, en l’exposant, en la rendant visible à l’écran.

26Une question cruciale dans l’analyse de l’espace graphique au passage de la culture des textes imprimés à la culture des textes numériques concerne donc leur propre (im)matérialité caractéristique.

Le document numérique, lorsqu’il est affiché sur un écran, est un document virtuel, présenté par l’intermédiaire d’un dispositif technique. L’inscription sur le support est limitée dans le temps. Le document numérique est relativement indépendant du dispositif matériel d’affichage utilisé au sens où il est distinct du matériel et des logiciels ou protocoles qui permettent l’affichage. On peut considérer que les « moments d’incarnation » temporaire du document à la surface de l’écran ou sur un support de stockage (cédérom, clé USB) en font un objet matériel. Toutefois, « …la majeure partie de sa réalité concrète demeure souterraine, dissimulée à l’usager au cœur inaccessible d’une machine (Leleu-Merviel) ». (Caro Dambreville, 2007, p. 46.)

27Le passage d’une culture du texte à l’autre, et encore plus particulièrement l’exploitation automatique des données textuelles, remettent cette matérialité en question. « Le document papier, lui, porte l’information de manière indissociable, support de présentation et information ne faisant qu’un pour le lecteur, l’information étant en quelque sorte “incrustée dans le support” » (Caro Dambreville, 2007, p. 46). Sur le support d’enregistrement numérique, les signes ne sont pas directement lisibles (on sait bien qu’ils répondent à un code binaire : 0 ou 1), ce qui rend leur existence « virtuelle » en l’absence de dispositif de décodage (Balpe, 1990). Cette caractéristique est à double tranchant : d’un côté, elle permet de négliger cette matérialité spécifiquement numérique ; de l’autre côté, elle rend les documents numériques accessibles à des traitements automatiques — comme la recherche d’un mot dans un texte, par exemple — en dégageant le traitement du texte de toute action interprétative préalable liée justement à la présentation du texte inscrit sur son support. La différence entre les textes traditionnels — conçus dans une culture des textes imprimés — et les textes numériques réside donc premièrement, mais non exclusivement, dans une relation différente à leur support : le texte imprimé ne met jamais en suspens la matérialité de son support, c’est-à-dire qu’il ne permet jamais au lecteur de l’oublier, car — comme le disait Genette — le support présente le texte dans le double sens de le rendre présent et le montrer au lecteur ; en revanche, le texte numérique met en suspens la matérialité du support dès qu’on soustrait le texte au dispositif, ce qui rend le texte numérique « virtuel ». Et c’est donc sur cette matérialité numérique que nous allons porter notre attention dans les pages suivantes.

4. Matières et pratiques : un point de vue sémiotique

La conséquence directe de la prise en charge du support est l’introduction d’une relation entre deux matières de l’expression : celle de l’écriture [Zinna 2004] et celle du support. (Zinna, 2016, p. 351.)

28Plus particulièrement, la prise en charge du support suppose de prendre en compte la relation entre les trois niveaux constituant le plan de l’expression : la forme, la substance et la matière.

Par cette matière, d’ailleurs, le support est doté de propriétés de permanence, résistance, de flexibilité, consistance et poids. C’est cette substance physique qui fait de toute écriture un objet. (Zinna, 2016, p. 351.)

29De cette manière, en assumant un point de vue intégrationniste (Harris, 1993, 2001 ; Zinna, 2004, 2016 ; Fontanille, 2005, 2008 ; Zaganelli, 2008), l’interdépendance entre le texte (linguistique) et le support (graphique), permet d’envisager le texte en tant qu’objet d’écriture complexe.

4.1. Un modèle stratifié de l’objet sémiotique

  • 6 Pour une réflexion sur la relation entre ce modèle est l’analyse du sens, nous renvoyons à De Angel (...)

30Pour réfléchir sur le support, sa propre matérialité, ses transformations et ses enjeux lors du passage de la culture des textes imprimés à la culture des textes numériques, on fait appel à l’article de Louis Hjelmslev intitulé La stratification du langage (1954). Selon le modèle d’analyse ici proposé6, la matière conçue d’un point de vue sémiotique a un caractère à la fois physique et social.

31Dans cet article, l’auteur propose d’ajouter à la distinction entre les plans de l’expression et du contenu, une distinction entre ce qu’il appelle des strata : en supposant une homologie entre les niveaux de la forme et de la substance, niveaux différenciés au sein des deux plans, il cherche à identifier les principes qui gèrent les rapports entre ces grandeurs différentes.

32Hjelmslev appelle manifestation le rapport spécifique entre la forme et la substance à l’intérieur de chaque plan. Ensuite, la valeur — concept analogue à celui de valeur d’échange dans les sciences économiques, comme le dit l’auteur lui-même — identifie la correspondance entre une grandeur spécifique au stratum de la forme (invariable) et la grandeur spécifique par laquelle elle se manifeste dans le stratum de la substance (variable).

  • 7 Il ne faut pas oublier que, dans la terminologie hjelmslevienne, la notion de relation intervient d (...)

33Cette idée de valeur permet de concevoir la correspondance7 régissant le rapport entre les strata à l’intérieur de chaque plan, plus précisément :

  • la manifestation d’une forme sémiotique dans une substance sémiotique ;

  • la sélection opérée par une matière/substance sémiotique sur substance/forme sémiotique.

34La valeur représente ainsi une relation d’échange agissant entre les niveaux dont se composent les deux plans (expression et contenu) à l’intérieur de la dimension du texte.

35Alors que l’interdépendance entre les deux plans représente ce qu’on appelle la fonction sémiotique, la relation qui réunit les deux plans — expression et contenu — est une solidarité tandis que la relation entre les deux strata — forme et substance — est une manifestation, dans un sens, et une sélection, dans l’autre.

36Hjelmslev suppose plusieurs niveaux de description du stratum de la substance. Ces niveaux de description sont valables à la fois pour les deux plans, celui de l’expression et celui du contenu. Par exemple, on peut analyser la substance de l’expression des énoncés linguistiques oraux et du point de vue physiologique (production, réception des sons) et du point de vue physique (acoustique des sons) ; on peut aussi analyser la substance du contenu et du point de vue des acceptions attestées (i.e., les définitions des termes utilisés) et du point de vue des usages particuliers (i.e., les nuances de sens que les termes acquièrent dans les cultures de référence). Selon Hjelmslev, le stratum de la substance se compose de plusieurs niveaux qui représentent plusieurs points de vue à partir desquels mener la description de l’objet sémiotique.

37Toutefois, toujours au sein de l’analyse de ce stratum, Hjelmslev suppose un niveau de description fondamental qu’il appelle « substance immédiate ». Ce niveau concerne les « aperceptions » et les « appréciations collectives » qui permettent au sujet appartenant à une certaine culture de saisir respectivement la substance de l’expression et la substance du contenu. Autrement dit, Hjelmslev suppose un niveau fondamental de la description représenté par les aspects perceptifs et sociaux fondamentaux qui permettent à leur tour de saisir les valeurs, c’est-à-dire les correspondances entre formes et substances de l’expression et du contenu.

38Plus particulièrement, pour ce qui concerne les « aperceptions », par exemple, il s’agit des aspects perceptifs qui nous permettent de reconnaître le mot « château » en pouvant le différencier du mot « chapeau » sans rentrer dans l’analyse physiologique ou physique des sons ; pour ce qui concerne les « appréciations collectives », il s’agit des aspects sémantiques dépendant directement des cultures d’appartenance permettant de comprendre, par exemple, les usages métaphoriques du mot « lion ». Tout particulièrement, les « appréciations collectives » représentent les connaissances et les opinions adoptées grâce aux traditions et aux usages vivant dans les sociétés d’appartenance.

39Cela dit, l’idée de stratification du langage, transposée à l’analyse de l’objet sémiotique, à savoir le texte, permettrait de concevoir à la fois une place pour la dimension matérielle des objets sémiotiques (voir des textes) et une place pour les pratiques dont ils sont issus. Toutefois, alors que la place de la matière a été bien identifiée au sein de cette idée de stratification, la place des pratiques peut être reconnue au niveau de la « substance immédiate » car c’est en raison des habitudes perceptives et interprétatives construites à partir de pratiques réitérées au sein d’une même société que, par exemple, l’on peut saisir les sons et les sens dans les communauté linguistiques.

40En effet, pour décrire le niveau de la « substance immédiate » il faudra

envisager également une étude des conditions socio-biologiques et du mécanisme psycho-physiologique qui, grâce à des dispositions naturelles et à des habitudes acquises, valables pour les expériences sensorielles et autres, permettent aux sujets parlants, appartenant à la communauté linguistique dont il s’agit, de créer, de reproduire, d’évoquer et de manier de diverses façons les éléments d’appréciation dont nous venons de parler, et les unités qui peuvent être informées. (Hjelmslev, 1954, p. 177.)

41Les dispositions naturelles et les habitudes acquises permettent aux sujets de reconnaître, reproduire, recréer les éléments saillants dont se compose le niveau de la substance immédiate. Plus particulièrement, les pratiques représentent le « niveau socio-biologique », c’est-à-dire à la fois sociale et biologique, ce qui permet ainsi de les réintégrer à l’intérieur de l’objet sémiotique. En effet, les pratiques comme, par exemple, parler, écrire, lire, etc. sont soumises à la fois à des contraintes sociales (héritées au sein de la communauté) et biologiques (héritées au sein de l’espèce).

42Pour résumer, et en suivant Hjelmslev, toute substance sémiotique suppose plusieurs niveaux en relation entre eux selon des dépendances spécifiques et un ordre hiérarchique : tout d’abord, le niveau de la substance immédiate où on peut retrouver les appréciations collectives qui rendent ce stratum immédiatement pertinent du point de vue de l’analyse sémiotique : c’est en fait à ce niveau fondamental que la substance sélectionne la forme qu’elle manifeste. Ce niveau est à son tour « sélectionné » par deux autres niveaux : un niveau « socio-biologique », où l’on propose de situer les pratiques par lesquelles on produit et/ou on perçoit l’objet sémiotique, et le niveau « physique », qui est celui propre à la matière considérée. Finalement, le niveau « socio-biologique » est lui-même « sélectionné » par le niveau physique.

43Ainsi, conçues au sein de cette vision stratifiée de l’objet sémiotique, la matérialité et la pratique sont intégrées dans l’objet sémiotique et trouvent leur propre place dans les niveaux composant les strata.

4.2. Application du modèle à l’analyse de l’objet textuel

44Comme l’écrit Fontanille, au début du xxie siècle, on observe un nouveau déplacement de la sémiotique : après avoir déplacé son attention du signe au texte (De Angelis, 2014a), dépassé le seuil de la seule problématique linguistique, et notamment de l’asservissement de l’écrit à l’oral, on a finalement porté l’attention sur les aspects matériels du texte lui-même, en le considérant non seulement du point de vue de l’analyse du contenu, mais aussi du point de vue de l’analyse de l’expression.

Du texte, on passe ainsi à l’objet [cf. Deni, 2002] : le livre, le parchemin, la tablette, l’enveloppe et le packaging… Ce déplacement s’explique par deux raisons complémentaires : (i) l’attention portée à la dimension sensible, polysensorielle et multimodale de toute sémiotique-objet, et (ii) la prise en compte des propriétés sémantiques associées aux effets « pragmatiques » et « énonciatifs » de toute écriture. (Fontanille 2005, p. 185.)

45Une approche sémiotique ayant comme objet d’analyse le(s) support(s), et par conséquent la matière dont il se compose ainsi que la pratique dans laquelle il est intégré, permet de renouer les différentes acceptions de la notion de texte (De Angelis, 2016, 2018a). Autrement dit, étant donné que tout texte linguistique est produit et interprété au sein d’un contexte linguistique particulier, en rapport avec un contexte historique et social particulier, il porte sur lui des traces de ces contextes. Et ces traces restent visibles : c’est en fait le support qui fait la relation entre la matière dont il se compose, le format par lequel le texte se présente, le texte linguistique lui-même, et la pratique dans laquelle est intégré.

46En s’inspirant du précédent (cf. § 4.1), un modèle stratifié de l’objet textuel qui prend en compte les relations réciproques entre ces éléments constituants pourrait se présenter de cette manière :

47Le « niveau socio-biologique » représente celui des pratiques de
1. manipulation et
2. interprétation,
selon qu’il est considéré du point de vue de l’expression ou du contenu.

48L’ensemble de ces pratiques détermine en même temps
1. le modus operandi et
2. le modus interpretandi
de l’objet textuel.

49Ensemble, le modus operandi et le modus interpretandi interagissent pour définir la dimension énonciative de l’objet textuel (Fontanille, 2005), en déterminant la disposition des éléments sur l’espace graphique pour qu’ils aient un certain sens.

50Ce lien entre pratiques de manipulation et pratiques d’interprétation représente l’héritage culturel reçu au sein de la communauté d’appartenance : par exemple, la position du titre en haut de la page identifie le sujet dont l’objet textuel correspondant au livre traite au sein de la culture occidentale, et dans laquelle l’axe haut-bas représente une progression de lecture, souvent selon une hiérarchie de valeurs décroissantes.

51Les deux modes, modus operandi et modus interpretandi, doivent être considérés dans les deux directions complémentaires de l’acte de communication : production et réception.

52Les deux aspects entrent en relation à travers le support. Par exemple,

le support matériel fournit […] les éléments nécessaires pour fixer le régime temporel du support formel : ainsi, le caractère sacré des inscriptions hiéroglyphiques est-il déterminé par la pérennité de leur support, et ce régime temporel est la figure de contenu correspondant, au plan de l’expression, à la résistance intrinsèque du matériau utilisé. (Fontanille, 2005, p. 200.)

53Pour clarifier l’exemple, la correspondance des deux figures :
- pérennité du support et
- autorité du message
montre une articulation existante entre les pratiques de manipulation (modus operandi) et le pratiques d’interprétation (modus interpretandi). Cet exemple montre aussi que le choix du support répond à deux raisons concomitantes correspondant à deux valeurs différentes :

  • une valeur physique (on peut choisir entre une matière plus ou moins robuste ou souple, pérenne ou éphémère, etc.) ;

  • une valeur sociale (on peut choisir entre une matière plus ou moins simple ou riche, commune ou rare, etc.).

54Les valeurs (l’axiologie) sélectionnées dans le plan de l’expression rentrent en relation avec les valeurs (l’axiologie) sélectionnées dans le plan du contenu.

4.3. La strate de la matière

55Après ces quelques rappels théoriques, appliquons donc ce modèle à l’analyse des textes envisagés en tant qu’objets sémiotiques complexes. Fontanille parle de « texte-énoncé », notion par laquelle :

On tente de saisir une totalité qui se donne comme un entier composé de figures, sous la forme matérielle de données textuelles (verbales ou non verbales), et on s’efforce d’interpréter : il ne s’agit plus alors d’identifier et de reconnaître, mais d’attribuer une direction signifiante, une intentionnalité. (Fontanille, 2008, p. 19.)

56L’enjeu de l’analyse d’un « texte-énoncé » est ainsi de relever la correspondance (et ensuite la cohérence) entre les isotopies du plan de l’expression et les isotopies du plan du contenu. L’identification des isotopies se fait notamment au sein d’une approche herméneutique au texte, sur lequel on propose de revenir ensuite (cf. infra). Selon cette perspective, un « texte-énoncé » se présente et se donne à saisir, au sein de l’analyse du plan de l’expression, à la fois : 1) comme un réseau d’isotopies inscrites sur un support matériel et 2) comme un dispositif d’inscription.

  • 8 Par exemple, on ne peut pas prendre des notes sur un morceau de soie à la fois parce qu’il est diff (...)

57Cela dit, en intégrant le modèle proposé par Hjelmslev à la réflexion de Fontanille, et en préférant au syntagme « texte-énoncé » seulement le premier terme dont il se compose, ce qu’on appelle « texte » présente trois aspects : (1) une « dimension formelle » correspondant au réseau d’isotopies saisies en raison des règles d’inscriptions sur l’espace graphique du support, considéré dans un cadre culturel spécifique, c’est-à-dire le plan de l’expression saisi au niveau de la forme ; (2) une « dimension substantielle » correspondant à la disposition des éléments inscrits sur l’espace graphique selon les habitudes perceptives, cognitives et interprétatives sélectionnées en raison de l’insertion de l’objet textuel dans un cadre culturel spécifique, c’est-à-dire le plan de l’expression saisi au niveau de la substance ; (3) une « dimension matérielle » correspondant aux contraintes physiques et culturelles8 imposées par la matière dont est constitué le support d’inscription, c’est-à-dire le plan de l’expression saisi au niveau de la matière.

58Selon la perspective adoptée, on peut isoler trois dimensions de l’analyse :

  1. les règles d’inscription d’un texte sur un support selon la culture, le langage, le genre, etc. ;

  2. l’organisation et la disposition des éléments sur l’espace graphique ;

  3. la matière « socio-biologique » dont est composé le support.

59Chacun de ces trois aspects correspond à un, et un seul, niveau dont se compose le plan de l’expression, isolé en vue de l’analyse :

  1. la forme ;

  2. la substance ;

  3. la matière.

  • 9 Pour un développement de cette question, voir De Angelis (2012, 2014b).

60La substance représente le niveau de la rencontre, et donc de l’intégration réciproque des contraintes formelles (provenant de la forme imposée par la tradition, et donc par la simple transmission des règles de production et interprétation des objets sémiotiques) et matérielles (provenant de la matière physique et culturelle dont se compose l’objet sémiotique) par le moyen de l’habitude transmise au sein d’une culture particulière, en assumant ainsi l’idée de culture comme l’ensemble des institutions agissant dans un même lieu et à une même époque, et un langage comme une institution parmi d’autres (par exemple, l’écriture considérée comme institution)9.

  • 10 « À son tour, l’intention de l’acte graphique passe par les contraintes qui règlent l’appartenance (...)

61En ce qui concerne plus particulièrement le choix des matières des supports, elles varient selon différents paramètres : (i) les connaissances et les compétences techniques acquises au sein d’une culture ; (ii) les valeurs sociales attribuées à la fois aux techniques et aux objets produits, et fixées au sein de la communauté considérée ; (iii) la relation socialement établie entre le support portant le texte et le genre au sein duquel le texte s’inscrit10, dont la médiation est assurée par le format.

Le choix [de la matière] du support […] n’est pas tout à fait arbitraire : il est accompli en fonction du genre de discours que l’on veut produire : pour le message éphémère de la déclaration d’amour, le sable ; pour la durée éternelle des épitaphes, le marbre ; pour la mobilité de la forme épistolaire, les fibres végétales ; pour le discours didactique, le recours à des supports simples et rapides à graver et effacer afin de les rendre disponibles pour de nouvelles inscriptions.
D’autre part, l’acte de graver un support peut être produit par le recours à différentes matières : inorganiques, comme la pierre ou le métal, organiques comme la cire ou le bois, humaine, comme les tatouages ou les scarifications sur la surface d’un corps. La taille, le poids, la mobilité, la capacité de stockage, 1’élasticité et la « pliabilité » sont les qualités qui ont permis une variété de supports de mémorisation selon les différents usages. (Zinna, 2016, p. 356.)

62L’« espace graphique » se construit comme l’espace d’inscription produit par une véritable « syntaxe visuelle » (Christin, [1995] 2009, p. 377) qui émerge de l’interaction entre les éléments graphiques inscrits et la surface d’inscription disponible, et que l’on prend en compte (plus ou moins consciemment) pendant la lecture. Cette approche s’accorde aussi à l’analyse de la « page écran » (Souchier, 1996 ; Jeanneret & Souchier, 1999).

63En résumant, les modalités d’inscription dépendent donc des deux sortes de contraintes :

  1. les contraintes physiques imposées par la matière de l’expression, et que l’on peut identifier comme constituant justement la strate physique de la matière, selon le modèle proposé par Hjelmslev, ce qui permet de doter le support des éléments permettant la manipulation de l’objet d’écriture, en l’introduisant ainsi au sein d’une pratique ;

  2. les contraintes sociales imposées par la matière de l’expression selon les habitudes de manipulation de l’objet d’écriture transmises au sein d’une culture particulière, et que l’on peut identifier comme constituant une strate socio-biologique de la matière, selon le modèle proposé par Hjelmslev.

64Le support participe des deux réalités en même temps : celle des objets matériels et celle des objets sociaux. C’est pour cette raison qu’il peut être conçu comme une « interface » entre deux dimensions : le niveau « socio-biologique » où on peut situer les habitudes, et donc les pratiques, par lesquelles on produit et/ou on perçoit l’objet sémiotique, justement par le biais de son support ; et le niveau « physique » qui est celui propre à la matière propre au support lui-même.

4.4. Les supports : entre matières et pratiques

  • 11 « On voit alors apparaître ici un autre niveau de pertinence, qui est lui-même appelé par certaines (...)

65Les objets textuels sont tout d’abord des « corps-objets » (Fontanille, 2008, p. 23) dont la matérialité est exploitée pour deux usages complémentaires : (1) la construction d’un espace graphique (dimension textuelle) ; (2) la construction d’un espace d’expérience (dimension praxique). Les deux usages mentionnés constituent, selon l’approche de Fontanille (2005, 2008), les deux « faces » de l’objet textuel : l’une, en recevant et présentant les inscriptions signifiantes et constituant l’espace graphique de l’objet textuel, s’inscrit dans le niveau de pertinence des « textes-énoncés » ; l’autre, en affichant les marques des actions que l’objet textuel va susciter, s’inscrit dans le niveau de pertinence des « pratiques »11. Selon cette perspective, « même si les objets se donnent à saisir dans leur autonomie matérielle et sensible, leur fonctionnement sémiotique est inséparable aussi bien du niveau de pertinence inférieur (les textes-énoncés), que du niveau de pertinence supérieur, celui des pratiques » (Fontanille, 2008, p. 23).

  • 12 « Cette élaboration se fait en trois étapes : 1- tout d’abord, on sélectionne une portion de matièr (...)

66Selon cette approche, la structure du support peut être considérée comme le résultat d’un processus de transformation par lequel celui-ci passe de l’état de simple « support matériel » à celui de « support formel »12 : le deuxième représente la face tournée vers le texte alors que le premier représente la face tournée vers la pratique. L’articulation entre les deux faces identifie le lieu de la manifestation sémiotique, qui est « au cœur du processus d’intégration entre plans d’immanence » (Fontanille, 2008, p. 42).

67L’existence du support considéré dans son rôle d’interface formelle/matérielle est indispensable à l’intégration du texte à une pratique : le support agit donc à son tour comme une interface entre les deux. Selon cette approche, le support présente deux faces, ce qui en fait justement une « interface » (Fontanille, 2008, p. 40).

68C’est donc cette structure d’interface qui va permettre son intégration dans le niveau de la pratique : la face « textuelle » permet à l’objet textuel porté par le support d’être analysé justement comme un texte ; la face « praxique » permet à l’objet textuel porté par le support d’être intégré dans une pratique. « Il s’agit alors […] de décrire l’articulation entre le “support formel” (tourné vers le niveau inférieur, celui du texte-énoncé) et le “support matériel” (tourné vers le niveau supérieur [celui de la pratique]) » (Klock-Fontanille, 2014, p. 37). De cette manière,

ce qui fait sens, c’est sa structure d’interface : en tant que support formel, il permet, via l’extériorisation et la conversion, d’accéder au niveau des textes-énoncés ; en tant que support matériel, il est indispensable à l’intégration du texte-énoncé à une pratique. (Klock-Fontanille, 2014, p. 41.)

  • 13 « Dans l’hypothèse qui suit, le concept d’interface occupe ce seuil que François Jullien appellerai (...)

69Cela dit, la pratique se situe en dehors du texte. Différemment, nous proposons de considérer l’interface comme ce qui assure la réunion des deux aspects propre au support, ce que nous proposons de distinguer comme « espace graphique » et « espace praxique ». Ces deux espaces peuvent se superposer, et donc se confondre, comme c’est le cas pour les objets textuels numériques (cf. infra). Considérée de ce point de vue, l’interface est donc issue de la réunion des contraintes physiques et sociales du niveau de la matière informée selon la forme transmise par l’habitude au sein d’une culture particulière13.

70Par exemple, comme nous l’avons vu (cf. supra), le terme paratexte (Genette, 1987 ; Lane, 1992) rassemble à la fois ces deux aspects : « espace graphique » et « espace praxique » se trouvent réunis sous un même concept.

71Les pratiques sont ainsi strictement corrélées à la matière. En effet, « une sémiotique des pratiques ne consiste donc pas à plonger un objet d’analyse quelconque dans son contexte [comme le ferait une approche herméneutique, ajoutons-nous], mais au contraire à intégrer le contexte dans l’objet à analyser » (Fontanille, 2008, p. 14). Cette corrélation montre comment les pratiques elles-mêmes — à la fois de manipulation et d’interprétation — peuvent être considérées comme intégrées dans l’objet textuel.

72Par exemple, les livres sont des objets textuels qui se présentent à la fois comme des objets manipulables selon certaines pratiques de lecture propres à une certaine culture, mais aussi comme des objets interprétables selon certaines traditions de lecture propres à une certaine culture. Les deux aspects se rejoignent dans l’analyse du support.

  • 14 Il s’agit d’un papier électronique de couleur et flexible. Après son premier prototype en noir et b (...)

73En ce qui concerne l’objet textuel conçu en tant qu’objet manipulable, le passage du texte imprimé au texte numérique montre comment le support se charge de cet aspect. En fait, la maniabilité des livres due au format « codex » a été reprise dans la production d’e-book grâce à l’usage d’une matière particulière comme l’e-paper14. Ce nouveau support répond à deux raisons : l’une physique, dépendant de l’utilisation d’un nouveau matériel qui permet une flexibilité du support propre au livre électronique reproduisant la maniabilité du support propre au livre imprimé ; l’autre culturelle, dépendant de l’autorité de l’écrit véhiculée par le format du livre transférée à celui de l’e-book, transfert qui permet de ne pas dé-valoriser la lecture des livres électroniques face à la lecture des livres imprimés.

74En ce qui concerne l’objet textuel conçu en tant qu’objet interprétable, le support expose un ensemble de signes, linguistiques et non linguistiques, constituant le paratexte qui présente le texte : premièrement, il présente le texte physiquement comme un objet d’écriture particulier ; deuxièmement, il le présente culturellement comme un objet intégré dans un contexte culturel particulier.

75Toutefois, cette différenciation n’est pas toujours évidente, notamment dans le cas des textes numériques où les pratiques d’exploitation deviennent constitutives de — et donc intégrées dans — l’objet textuel lui-même (cf. infra).

5. Matières et pratiques dans une approche herméneutique aux textes numériques

76En passant des textes imprimés aux textes numériques, le changement de support implique le changement des habitudes perceptives acquises au sein de la culture héritée. En exploitant les interfaces qui les rendent visibles, les textes numériques supposent non seulement d’adapter nos pratiques de lecture aux changements de support — par exemple, par la conversion d’un livre imprimé dans un livre numérique (Dacos & Mounier, 2010 ; Sinatra & Vitali-Rosati, 2014) —, mais aussi de changer nos habitudes interprétatives selon le nouveau contexte (Tardy & Jeanneret, 2007).

77Face au livre imprimé, la première tâche interprétative découle de la perception visuelle de la page imprimée, du relief, de la disposition et des couleurs des éléments graphiques, et aussi des possibilités de manipulation de l’objet.

78En revanche, face au livre électronique, la première tâche interprétative concerne la perception visuelle de la page écran, à savoir les niveaux d’éclairement, la disposition des sources lumineuses, la température des couleurs, mais aussi les possibilités de manipulation du support sur lequel la page écran s’affiche.

79Les perceptions liées à la manipulation du livre imprimé par lesquelles on suppose, par exemple, la longueur du texte et par conséquent l’effort de mémorisation et de localisation qui accompagne la lecture, ne sont pas immédiatement offertes par la manipulation du livre électronique.

80En quittant le modèle du « texte-livre » au sein du web 3.0, les nouvelles pratiques d’exploitation des textes relèvent de « trois lectures électroniques complémentaires à la lecture oculaire linéaire traditionnelle (Mayaffre 2002a) : une lecture quantitative (complémentaire de la lecture qualitative), une lecture paradigmatique (complémentaire de la lecture syntagmatique), une lecture hypertextuelle (complémentaire de la lecture textuelle) » (Mayaffre, 2007, p. 4). Cette nouvelle approche des textes numériques suppose que la tâche est de combiner une lecture linéaire à des lectures tabulaires et réticulaires (Viprey, 2005).

De fait, les logiciels d’Analyse de données textuelles, notamment ceux qui privilégient l’approche quantitative, commencent par faire exploser la linéarité du texte pour présenter leurs données en tableaux : tableaux alphabétiques, tableaux de fréquences, tableaux de distances, etc. Ces tableaux ne prétendent certes pas être le texte, mais ils sont une vision systématique et organisée — après l’explosion, le rangement — de la matière textuelle et deviennent les matrices sur lesquelles nos interprétations seront fondées. Plus subtilement, l’enjeu le plus complexe de l’Analyse de données textuelles est de déceler les relations — relations autres que syntaxiques — que les items linguistiques entretiennent entre eux, non dans la phrase, mais dans le texte en sa globalité. Texte, textualité, texture : l’objectif est de renouer avec l’étymologie même de ces mots et de démêler les trames et les entrelacs sous-jacents. (Mayaffre, 2007, pp. 4-5 ; nous soulignons.)

81En effet, « le numérique, en multipliant les mises en forme des textes, propose une autre vision du texte » — comme le dit Mayaffre (2007, p. 17) — et porte au premier plan « le déplacement/complément de la linéarité » (Ibidem). Par exemple, la dé-linéarisation exposée sur la page écran implique l’identification de relations significatives intra-, inter- et archi-textuelles qui se matérialisent devant nos yeux.

  • 15 Pour un approfondissement de cette réflexion, voir De Angelis (2018b).

82Selon cette perspective15, « la philologie et/ou herméneutique numérique révolutionnent non seulement notre rapport aux textes et à la textualité, mais aussi nos pratiques heuristiques quotidiennes, et encore, tout simplement, nos connaissances et notre appréhension de la culture (textuelle) humaine » (Mayaffre, 2007, p. 16). En effet, les nouvelles modalités d’exploitation du texte permettent de relever la connexion existante entre l’identification matérielle des éléments textuels — tels que, par exemple, les (co)occurrences des syntagmes sélectionnés — et l’identification des parcours interprétatifs (Rastier, 1987) à travers l’extraction automatique des données textuelles (De Angelis, 2018b).

L’herméneutique numérique est une herméneutique matérielle ; pas seulement par conviction mais par nécessité. Ou plutôt : avec le numérique l’évidence devient nécessité. […] la machine en effet ne saurait embrasser le texte autrement que par sa matière. Sauf à renverser le procès de la démarche et s’illusionner sur les possibilités de l’intelligence artificielle, l’ordinateur ne peut donner accès au sens d’un texte sans appréhender sa lettre ; il ne saurait aborder son esprit sans traiter (« saisir », « implémenter », « digitaliser », « numériser ») sa matière. (Mayaffre, 2007, p. 8.)

83De cette manière, « chevillée donc à la matière textuelle » (Mayaffre, 2007, p. 9), l’herméneutique numérique (Mayaffre, 2002a, 2002b ; Viprey, 2005) permet de prendre en charge la matérialité spécifique des textes numériques dans les pratiques manipulatives, en évaluant leur impact sur les pratiques interprétatives accomplies pendant la lecture (Rastier, 2001). En effet, comme le lecteur humain saisit les éléments inscrits sur le support papier selon la façon dont ils sont disposés sur l’espace graphique de la page imprimée, le lecteur automatique saisit les éléments inscrits sur le support numérique, afin de les disposer sur l’espace graphique de la page écran. Toutefois, contrairement à ce qui se passe pendant la lecture du texte imprimé, l’exploitation à travers une saisie automatique des données du texte numérique permet de rendre perceptibles les parcours intra- et inter-textuels. Ceci dépend de la nature particulière de la matière numérique : c’est ici que l’on peut constater l’impact que la matière peut avoir dans toute approche du texte (imprimé ou numérique).

Les parcours interprétatifs sont toujours sujets à caution, mais la trajectoire de ceux de la philologie et/ou herméneutique numérique a l’avantage d’être solidement inscrite dans la bonne direction grâce à son décisif et premier mouvement : par la prise en compte nécessaire, systématique et exhaustive, des matériaux linguistiques (lettres et syllabes, formes graphiques et lemmes, code grammaticaux et enchaînements syntaxiques, segments répétés, expressions, co-occurrents, collocations micro-distributionnelles, réseaux lexicaux, concordances phrastiques, contextes paragraphiques, etc.) des textes. (Mayaffre, 2008, p. 94.)

  • 16 http://www.worldofdante.org/.

84Prenons un exemple. Le site The World of Dante16 est un outil de recherche multimédias qui facilite l’étude de la Divina Commedia de Dante Alighieri, chef d’œuvre de la littérature internationale dont l’analyse est particulièrement complexe. Cet outil met à disposition une transcription du texte italien, sa traduction anglaise, des diagrammes explicatifs, une ligne du temps, des galeries d’images, etc. Le texte italien encodé permet « des recherches et des analyses structurées » — comme on peut lire sur le site — et, pour cette même raison, une approche dynamique, en pouvant ainsi intégrer ces différentes composantes pendant l’analyse de l’œuvre.

85Le texte de la Divine Comédie est ainsi exploitable à tout niveau : grâce aux outils de recherche disponibles on peut identifier les éléments textuels comme, par exemple, un mot, un personnage, un lieu, etc. en visualisant ses occurrences dans le texte, en analysant le co-texte et le contexte où ils apparaissent, en faisant le lien entre les éléments textuels saisis par les outils d’exploitation automatique des données textuelles avec les éléments extra-textuels auxquels ils sont en relation dans le site (par exemple, les images représentant les lieux et/ou les personnages présents dans le texte, les musiques de l’époque, et les informations les plus variées).

  • 17 « Le texte graphique n’est guère plus qu’un texte lemmatisé, un texte objectif ou naturel. Grâce à (...)

86En considérant l’interaction entre matières et pratiques dans l’exploitation des textes numériques, en étant eux-mêmes construits par strates au sein desquels ces deux dimensions se rejoignent (Cotte, 2004), une autre conception du texte se rend donc visible à nos yeux : non plus celle du texte-livre selon la conception propre à la culture des textes imprimés, mais celle la textualité conçue comme l’ensemble des liens intra- et inter-textuels présentés à l’écran17. Ainsi, notamment dans la phase du Web 3.0 à laquelle nous participons, nous sommes de plus en plus portés à substituer le concept de texte avec celui de texture (De Angelis, 2016).

87Le concept de texte renoue avec son étymologie : textus du latin texere, « tisser », croiser des fils pour un faire un tissu, un assemblage, un réseau d’éléments inter-connectés selon une certaine disposition, une certaine texture. En passant de la culture des textes imprimés à celle des textes numériques, le texte devient finalement une véritable texture grâce à la visualisation à l’écran du réseau d’éléments intra- et inter-textuels. Au sein de la culture numérique, « la textualité doit résolument être pensée comme la combinaison de parcours linéaires et réticulaires » (Adam, 2006, p. 5). C’est justement la « combinaison » de ces éléments — la texture — qui est visible à l’écran.

6. Conclusions

88Le caractère intangible du support phonique dont on se sert à l’oral nous amène à considérer cette forme de communication comme « immatérielle ». Toutefois, comme on le sait bien, cette immatérialité est seulement apparente, bien qu’elle ait influencé pendant longtemps notre approche du langage : en dé-matérialisant l’étude du langage, on n’a pas encore suffisamment considéré ni analysé l’influence que le support — c’est-à-dire cette matérialité phonique — pouvait avoir sur les caractéristiques formelles de nos productions linguistiques.

89La même chose se produit aujourd’hui par rapport au caractère intangible de la matérialité numérique. Au passage d’une culture du texte imprimé — dont le support matériel est bien visible — à la culture du texte numérique : on ne considère pas encore les retombées que cette matérialité peut avoir sur les caractéristiques formelles des textes linguistiques. Et pourtant, « c’est dans la tension entre le support et l’apport que réside la possibilité de transformation du statut du texte » (Klock-Fontanille, 2005, p. 51).

90En adoptant une conception « stratifiée » à la fois du langage et du texte, telle que proposée par Hjelmslev, la matérialité des textes et les pratiques dont ils font l’objet peuvent être réintégrées dans la définition même de l’objet sémiotique. Cela indépendamment de la nature traditionnelle ou numérique des textes.

91« Conscience graphique » (Anne-Marie Christin), « conscience typographique » (Roger Chartier), « conscience médiatique » (Marie-Eve Thérenty) : malgré les différentes façons de nommer une réflexion sur le rôle joué par le support sur la conception du texte, il est encore nécessaire d’approfondir l’étude des enjeux du passage d’une culture de l’imprimé à une culture du numérique.

92En outre, la culture numérique nous renvoie une autre vision du texte : ses limites s’estompent, l’idée de textualité est remise en question, et il nous est demandé de changer nos habitudes perceptives et interprétatives. Le travail d’exploration de ces transformations vient à peine de commencer.

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Notes

1 Pour un développement de cette question, cf. De Angelis (2016).

2 Le Web 3.0 est un « Web sémantique » d’un côté, parce qu’il comprend des procédures nouvelles d’extraction de données travaillant sur une grande échelle, à savoir l’analyse des big data ; de l’autre côté, parce qu’il a permis de découvrir des nouvelles modalités d’étiquetage du sens. À l’ère du Web 3.0, de nouvelles perspectives de recherche sur les textes s’ouvrent. Certaines disciplines intègrent des pratiques savantes dans la production de nouveaux objets numériques — par exemple, HyperNietzsche, les archives Wittgenstein, OpenMilton —, alors qu’une philologie numérique ouvre ses portes à l’exploitation des textes assistée par ordinateur, en portant au premier plan ses similarités et ses différences avec une herméneutique numérique. Cf. infra.

3 « En effet, la lecture sur iBooks amène du différentiel dans la lecture linéaire du livre papier en obligeant à de la discontinuité et ce, malgré un effort intégrateur du livre qui cherche à reproduire une expérience similaire à celle du livre numérique (simulation de la page tournée, reproduction d’un écrit d’écran très proche de la page imprimée) » (Gauquié, 2012, p. 306).

4 « Encoding an electronic text is an act of interpretation, presenting intellectual challenges which themselves bring the researcher closer to the text and thus help to solve other problems as well. The rationale for any particular encoding therefore needs to be recorded in some way » (Hockey, 2000, p. 5).

5 Sur les exemples de livres hybrides voir notamment les vooks (video+books), les livres hypermédiatiques (digi-novel), les blogs ensuite devenus livres (blooks) ; cf. Guilet (2012).

6 Pour une réflexion sur la relation entre ce modèle est l’analyse du sens, nous renvoyons à De Angelis (2014a).

7 Il ne faut pas oublier que, dans la terminologie hjelmslevienne, la notion de relation intervient dans la dimension syntagmatique (le processus) alors que la notion de corrélation intervient dans la dimension paradigmatique (le système). Au sein de cette réflexion, en utilisant le terme de manifestation d’une forme dans une substance (forme → substance), on parle d’une sélection de la forme opérée par la substance (substance → forme). La valeur, en termes hjelmsleviens, est donc la correspondance qui permet la manifestation de la forme dans la substance au sein des deux plans (de l’expression et du contenu).

8 Par exemple, on ne peut pas prendre des notes sur un morceau de soie à la fois parce qu’il est difficile d’écrire sur une matière glissante avec un stylo (contrainte physique) et parce qu’il s’agit d’une matière de luxe destinée normalement à d’autres inscriptions, généralement plus légitimes (contrainte culturelle).

9 Pour un développement de cette question, voir De Angelis (2012, 2014b).

10 « À son tour, l’intention de l’acte graphique passe par les contraintes qui règlent l’appartenance à un genre de discours (religieux, artistique, épistolaire, rituel) et participe à la sélection des substances de l’expression (rochers, argiles, étoffes), les disposant selon le code d’un langage écrit (pictographique, idéographique, syllabique ou alphabétique). Enfin, chaque code d’écriture règle la direction du procès, et nous avons ainsi des écritures qui déterminent l’orientation du support : à l’horizontale, de droite à gauche, ou vice-versa, pour les écritures phonétiques ; à la verticale pour les écritures idéogrammatiques. Outre le choix de la matière, chaque objet d’écriture implique un geste de gravure : pour la surface du sable, la pression d’un doigt suffit ; le marbre, au contraire, a besoin d’un outil dur et d’un instrument de percussion pour être gravé, mais aussi d’une technique d’incision et donc d’un geste que l’encre permet de fluidifier, en laissant glisser l’instrument sur un support de matière dont il imprègne la surface. Dans tous les cas que nous venons d’introduire, la matière du support et le genre de discours, par rapport à l’acte d’écriture, entraînent des contraintes qui leur sont propres. La matière, l’intention du genre qu’on veut produire, ainsi que le geste et la technique de gravure, doivent donc être pensés comme autant de contraintes qui se croisent et se déterminent d’une façon réciproque lors de la production de l’objet écrit » (Zinna, 2016, p. 356).

11 « On voit alors apparaître ici un autre niveau de pertinence, qui est lui-même appelé par certaines des propriétés des corps-objets : celui des pratiques, ici pratiques d’écritures, pratiques commerciales, pratiques de manipulation d’objets » (Fontanille, 2008, p. 23).

12 « Cette élaboration se fait en trois étapes : 1- tout d’abord, on sélectionne une portion de matière ; 2- ensuite, on sélectionne une dimension d’un support (surface) ; 3- enfin, on définit un mode d’organisation de cette surface, une syntaxe qui fait sens (cadres, repères, directions, etc.). Le “support formel”, c’est donc la nature de la “dimension d’inscription”, la sélection des limites et des règles d’inscription (la syntaxe) » (Klock-Fontanille, 2005, p. 33).

13 « Dans l’hypothèse qui suit, le concept d’interface occupe ce seuil que François Jullien appellerait l’entre : un lieu de médiation qui se situe entre le support et l’écriture. Proposer une archéologie de cet entre est la tâche d’une réflexion qui vise à intégrer l’organisation de l’interface des objets écrits dans la sphère plus étendue d’une sémiotique des objets. » (Zinna, 2016, p. 351)

14 Il s’agit d’un papier électronique de couleur et flexible. Après son premier prototype en noir et blanc datant de 2006, celui en couleur a été produit par LG.Philips LCD Co. en 2007. Celui-ci avait la taille d’une feuille de papier A4, en format 14"1, une épaisseur de moins de 300 micromètres, et pouvait afficher 4 096 couleurs tout en assurant un angle de vue à 180°. Ce prototype utilise, à la place du verre classique, des substrats souples faits de métal et de plastique de façon à obtenir une certaine flexibilité.

15 Pour un approfondissement de cette réflexion, voir De Angelis (2018b).

16 http://www.worldofdante.org/.

17 « Le texte graphique n’est guère plus qu’un texte lemmatisé, un texte objectif ou naturel. Grâce à la performance des lemmatiseurs/étiqueteurs, et malgré leurs erreurs résiduelles, la surface lemmatisée ou grammaticalisée du texte n’est, aujourd’hui, guère moins contestable ou arbitraire que celle d’un texte brut » (Mayaffre 2007, p. 8, n. 1).

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Pour citer cet article

Référence papier

Rossana De Angelis, « Textes et textures numériques »Signata, 9 | 2018, 459-484.

Référence électronique

Rossana De Angelis, « Textes et textures numériques »Signata [En ligne], 9 | 2018, mis en ligne le 17 décembre 2018, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/1675 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/signata.1675

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Auteur

Rossana De Angelis

Rossana De Angelis est Maître de Conférences en Sciences du Langage à l’Université Paris-Est Créteil. Membre du Céditec (Centre d’étude des discours, images, textes, écrits, communications), elle enseigne les théories et les pratiques du texte et de l’écriture, au sein de parcours orientés vers la formation de professionnels et chercheurs. Ses recherches, objets de nombreux articles, portent notamment sur : les approches linguistiques et sémiologiques dans l’analyse des textes écrits ; les pratiques de l’écriture et de l’édition, selon les formats traditionnels et numériques ; l’histoire et l’épistémologie des sciences du langage. Elle est lauréate du Prix Vittorio Sainati décerné par les Editions ETS, avec l’adhésion du Président de la République Italienne, pour son travail de thèse de doctorat. Son premier ouvrage, Il testo conteso. Semiotiche ed ermeneutiche nella seconda metà del Novecento (ETS, Pise, 2014), fait le tour des principales théories du texte contemporaines.
Courriel : rossana.de-angelis[at]u-pec.fr

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