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Objet et pratiques sémiotiques :
quelques enjeux médiatiques du support photographique

Cédric Honba Honba
p. 551-574

Résumés

Si les premières réflexions sur la photographie se sont limitées à définir l’essence du médium ainsi que son aspect discursif, l’approche sémiotique s’est progressivement intéressée aux usages de l’image photographique et à sa fonction parmi les pratiques sociales et culturelles. Cet article vise à reparcourir l’évolution de la méthodologie sémiotique, en passant par l’expérience du corps de l’observateur et par l’analyse de l’intersubjectivité en images (théorie de l’énonciation), en les considérant comme des niveaux de pertinence médiateurs entre l’énoncé et la pratique. Ainsi, le support photographique peut-être considéré comme un niveau intermédiaire entre celui de l’organisation de l’énoncé photographique, et l’expérience d’un « objet-photographie » contenant et présentant cette image au public. En rapportant ces différents éléments théoriques et méthodologiques au cas des archives, nous affirmons que ces recherches sur l’énonciation, l’objet et le support apportent un éclairage nouveau sur la question plus spécifique de l’analyse des archives photographiques. Prenant acte de la portée historique et documentaire de ce type d’archives, la sémiotique peut élucider la communication et les finalités discursives de l’archivage photographique dans un contexte médiatique qui est actuellement en pleine transformation technologique.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Benjamin (1931) ; Brunet (2000) ; Newhall (1964) ; Rouillé (2005).
  • 2 Freund (1936) ; Bourdieu, (1965) ; Garrigues (2000).
  • 3 Kracauer (1927 ; 1951) ; Bazin, (1945) ; Vauday (2001).

1L’objectif de cet article est d’aborder quelques enjeux théoriques et méthodologiques relatifs au support de l’image photographique selon les approches sémiotiques. D’autres disciplines ont proposé des explications historiques1, sociologiques2 ou encore esthétiques3 mais parmi ces différentes approches, nous pouvons remarquer que l’approche sémiotique propose récemment des solutions intéressantes à la question de la matérialité de la photographie.

  • 4 Pour un résumé détaillé des premières réflexions sémiotiques sur la photographie, voir Baetens (200 (...)

2Ce travail a pour ambition de revenir sur les principales approches sémiotiques de la photographie ayant progressivement convergé vers les questions de l’objet et des pratiques de la photographie. Il conviendrait de revenir plus en détail sur l’évolution des théories sémiotiques de la photographie, afin de mieux situer toute la complexité des explications qui vont suivre4. Nous n’aborderons toutefois que quelques considérations de cette perspective sémiotique, pour arriver ensuite à ce que cette évolution théorique implique dans les recherches actuelles sur le support.

1. Les premières théories sémiotiques de la photographie : l’analogie, l’empreinte et l’indice

3L’approche sémiotique de la photographie forme un véritable champ de recherche théorique, dont l’évolution a permis d’engager un débat théorique assez large. Nous ne souhaitons pas revenir encore une fois sur l’ensemble des contributions sémiotiques, qui ont certes déjà été discutées de nombreuses fois par ailleurs, mais seulement sur les propositions de trois sémioticiens. Les premières réflexions sémiologique ou sémiotique de Roland Barthes (1980), de Philippe Dubois (1983) et Jean-Marie Schaeffer (1987) ont apporté une contribution importante aux théories de la photographie, en présentant le fonctionnement fondamental et la structure théorique de ce type particulier d’image. Il s’est agi d’établir une connaissance générale du processus photographique concernant « les modalités de genèse de l’image », en ce sens que l’enregistrement photographique est compris comme l’inscription des données (les rayons lumineux) sur un support matériel qui en garde la trace automatique. En tant qu’empreinte à valeur à la fois iconique et indiciaire, l’image photographique exprime et désigne à la fois que le référent était là et à quoi il ressemblait. Cependant, cette définition de la photographie reste en définitive ambiguë, car l’impression que l’émanation lumineuse impose au support photosensible n’est analogique à la situation réelle à laquelle l’image se réfère qu’à condition de se rapporter à des codes culturels plus généraux, et uniquement sous ce rapport. Pour ces trois auteurs, c’est ce rapport qu’il faut d’abord d’élucider.

  • 5 L’auteur affirme que ce référent photographique n’est pas le même que celui d’autres systèmes de re (...)
  • 6 Voir Barthes (2002a, pp. 1120-1133) et Barthes (2002b, pp. 573-588).

4Dans La chambre claire, Barthes (1980) explique que l’essence de la photographie se rapporte à une certitude irréductible : l’image photographique atteste que le référent a nécessairement été là, présent devant le photographe et son appareil5. En quelque sorte, l’auteur poursuit les points de vue théoriques qu’il défendait déjà dans deux textes antérieurs, concernant la rhétorique de l’image et le message photographique6. Barthes retient surtout que la correspondance analogique entre les aspects que présentent des photographies et les phénomènes qui sont présents au sein de notre perception favorise un sentiment illusoire de ressemblance. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une équivalence, et la question du support de l’image est laissée sans véritable explication : la photographie, en tant que telle, se réduit au moyen de rendre présente une émanation passée. Si l’on considère une photographie selon sa manifestation et sa réception effective, elle semble analogique au référent photographique ; mieux que les autres systèmes de représentation, une image photographique conserve une physionomie, abstraite et minutieuse, mais qui n’est pas absolument comparable à la situation de référence telle qu’elle serait perçue.

  • 7 Selon la formule de l’auteur : « La peinture peut feindre la réalité sans l’avoir vue », ibid. En e (...)
  • 8 D’après Barthes, le référent s’impose : « Dans l’image, l’objet se livre en bloc et la vue en est c (...)

5Pour Barthes, « dans la Photographie, je ne puis jamais nier que la chose a été là » (Ibid., p. 120), tandis qu’une peinture, par exemple, configure des signes auxquels on peut attribuer des référents, mais qui peuvent aussi se révéler comme imaginaires7. Il s’agit de faire un constat fondamental : celui de la nécessité d’une situation d’existence préalable à la photographie, à savoir d’un moment vécu, qui devient la référence d’une photographie. Ainsi, ce référent photographique se rapporte à une réalité antérieure, qui est manifestée au moyen d’un processus d’enregistrement des rayons lumineux qui émanent des choses et des corps visibles. L’efficacité du médium photographique réside donc dans son lien avec l’apparence visible, puisque l’image est comprise comme une vision décalée temporellement parce qu’elle rapporte analogiquement l’émanation des choses visibles qui ont réellement été disposées devant un appareil photographique8. Ces propos ont posé une première approche à la fois sémiologique et phénoménologique de la photographie, et dont certains principes vont perdurer longtemps au sein des théories de la photographie.

  • 9 Dubois s’inspire en partie des travaux de Barthes, et surtout ceux de Van Lier (1983). Ce changemen (...)

6Peu de temps après Barthes, Dubois (1983) redéfinit le processus photographique comme un dispositif pragmatique, et rapporte ainsi l’image photographique à des notions issues de la sémiotique peircienne : l’indice et l’index9. Le sentiment de connexité qui concilie la photographie et la vision, et qu’aucune autre espèce d’image ne réalise à tel point, est le résultat d’un geste décisif qui active le processus d’impression objective de la lumière sur une surface d’inscription. De l’essentiel « ça a été », on glisse vers une notion d’empreinte photographique qui concerne plutôt la « genèse de l’image » : une situation pragmatique, associée à un acte décisif, qui rend possible la réalisation de l’image. Comme l’affirme Dubois (1983, pp. 76-77) :

Cette autonomie et cette plénitude de signification ne s’instituent que de venir habiller, transformer, remplir après coup, au titre d’effets, une singularité existentielle première qui, à un moment et un lieu donnés, est venue s’inscrire sur un papier si bien qualifié de « sensible ». C’est cette nécessité absolue d’une dimension pragmatique préalable à la constitution de toute sémantique qui distingue radicalement la photographie de tous les autres moyens de représentation.

  • 10 Dubois considère que l’enregistrement de l’empreinte n’implique pas nécessairement la correspondanc (...)

7Selon Dubois, la photographie, comme les autres formes indicielles, est le résultat d’une « connexion physique avec son référent » qui constitue une trace singulière, à savoir une attestation de « l’existence de son objet en la désignant du doigt par sa puissance d’extension métonymique ». Pour l’auteur, la photographie est « par nature un objet pragmatique, inséparable de sa situation référentielle » (Ibid., p. 93) ; néanmoins, l’image photographique n’est pas nécessairement ressemblante ni à première vue signifiante, mais elle se rapporte nécessairement à la situation existentielle dont elle a enregistré l’image10. Ainsi, la photographie est un médium à la fois complexe, parce qu’on le rapporte à l’existence des individus et des choses, et spécifique, parce qu’il est difficile de voir dans sa configuration une codification discursive.

  • 11 Schaeffer (Ibid., p. 20) explique que : « en tant qu’empreinte chimique, l’image photographique est (...)

8Au reste, dans les propos de Barthes et de Dubois, la question de l’essence du procédé photographique prévaut encore sur celles du support et de ses implications dans les pratiques propres à la photographie. Quelques années plus tard, Schaeffer (1987) affirme dans son livre L’image précaire qu’il est cependant compliqué d’affirmer que ce sont le caractère « de trace » et sa capacité de « ressemblance » qui définissent la photographie. C’est dans cette perspective que Schaeffer revient sur la notion d’empreinte photographique, ainsi que sur l’ambiguïté de son statut et de sa définition sémiotique. Pour l’auteur, il faut d’abord « distinguer la production du visible et le problème de sa reproduction »11. L’image produite par le dispositif photographique se rapporte autant à des principes propres à l’indice qu’à ceux de l’icône, et l’auteur propose alors que c’est d’après ses usages culturels qu’on peut comprendre le fonctionnement sémiotique de ce dispositif.

  • 12 L’auteur affirme que l’examen du statut de l’empreinte rappelle « la pertinence de la matérialité d (...)
  • 13 (Ibid., pp. 56-57).

9Schaeffer (Ibid., p. 41 sq.) préconise que l’interprétation des signes, qu’ils soient naturels ou conventionnels, n’est possible qu’en rapport à un certain savoir qui les concerne : « Une photographie fonctionne comme image indicielle à condition qu’on sache qu’il s’agit d’une photographie et ce que ce fait implique. » Ainsi, il faut accepter que la reconnaissance des signes dépende de principes graphiques (ou plastiques) qui se rapportent cependant à différentes modalités ; comme l’affirme l’auteur (Ibid., p. 45), « notre capacité de reconnaissance ne se limite pas à un seul schéma analogique », et si la représentation graphique est généralement « accessible à notre compétence analogique, il en va a fortiori de même pour l’icône photographique »12. En revenant lui aussi à la définition de l’indice que propose Peirce, Schaeffer rappelle que tous les types d’indice ne se fondent pas nécessairement sur un principe de ressemblance, mais seulement ceux qui résultent de la formation d’une empreinte par « contact direct ». Par contre, l’auteur affirme que c’est une « empreinte à distance » qui fonde matériellement l’image photographique. De sorte que, s’il y a effectivement analogie dans le cas de l’image photographique, cette analogie est cependant « indirecte »13.

  • 14 Schaeffer (Ibid., p. 52) remarque que « toute image photographique est reçue comme image indicielle (...)
  • 15 « Du point de vue de la pragmatique de l’image, il suffit de noter que l’horizon du vraisemblable e (...)

10Schaeffer esquisse une problématique à propos de la matérialité des photographies, mais il s’en tient à peu près au même constat que les théoriciens précédents : « l’image photographique, écrit-il, est un indice non codé qui fonctionne comme signe d’existence ». Si bien que pour mieux cerner le statut sémiotique de la photographie, l’auteur recommande une distinction qui concerne sa matérialité et un certain savoir culturel sur l’image, une arché. Comme le souligne Schaeffer (Ibid., p. 49), « il vaudrait mieux dire qu’au niveau de la matérialité de l’arché, la photographie est une empreinte, et qu’au niveau sémiotique elle est un indice »14. Ainsi, si les photographies sont à la fois empreintes et indices, il faut clairement différencier le niveau de « la réception de l’image comme indice » de celui de « la réalisation de l’identification référentielle » ; mais cette distinction n’est pas catégorique, elle dépend « du niveau d’analyse auquel on se place »15 :

En l’absence de tout contexte de légitimation matérielle ou contextuelle, le choix entre considérer une image comme étant une image photographique et refuser cette identification est motivé en grande partie par la loi de vraisemblance. Si l’objet empreint est référable à une entité ou à un événement dont l’existence me paraît vraisemblable, j’admets le caractère photographique de l’image et je la regarde donc dans le cadre de la thèse d’existence. À l’inverse, si l’imprégnant ne fait pas partie de l’horizon du vraisemblable ou du possible empirique qui est le mien, j’aurais tendance à nier le caractère photographique de l’image. (Ibid., p. 127.)

  • 16 Voir Basso Fossali & Dondero (2011, p. 256 sq.) : « […] s’il est vrai qu’il aurait été possible de (...)
  • 17 L’argumentation de Basso Fossali (Basso Fossali & Dondero 2011, p. 287) se fonde « sur la tentative (...)

11Les premières réflexions sémiotiques sur la photographie ont amendé de nombreuses considérations, mais la plupart conservent la perspective selon laquelle l’image photographique se rapporte au principe d’analogie et à la notion d’empreinte, ainsi qu’à la notion d’indice. Barthes, Dubois et surtout Schaeffer reconnaissent que la photographie s’intègre dans un régime sémiotique (donc de production et de réception de signes). Cependant, leurs propos visent avant tout à définir un processus de signification et sa classification théorique dans une théorie du signe : celle de Saussure ou celle de Peirce. Toutefois l’application des sémiotiques saussurienne ou peircienne aux théories de la photographie soulève quelques réserves16. Si on veut en effet les appliquer au cas de la photographie, une telle application oblige à prendre des précautions épistémologiques. Car, à titre d’exemple, on peut regretter que les premiers théoriciens réduisent l’apport du sémioticien américain à seulement trois catégories : l’icône, l’indice et le symbole, afin de souligner que la photographie est catégoriquement indicielle. La théorie de Peirce est cependant beaucoup plus riche et complexe17.

  • 18 Dans cet article, Baetens (2008) résume aussi l’évolution des théories sémiotiques de la photograph (...)

12La photographie n’est donc pas à proprement parler un signe ni une empreinte qui représenterait analogiquement la perception visuelle. Et les définitions trop systématiques posent des problèmes, en ce sens qu’il est souvent difficile de savoir dans quelle catégorie ranger le médium photographique. Mais plus récemment, les perspectives d’études théoriques se sont transformées. À l’instar de Basso Fossali (Basso Fossali & Dondero, pp. 281-287), nous pouvons remarquer avec Jan Baetens (2008, p. 15 sq.) que « l’intérêt des sémioticiens se déplace vers les usages de la photographie », tandis qu’au départ les recherches théoriques sont largement restées tributaires des problématiques sémiologiques et sémiotiques, de leurs visées théoriques essentielles18.

2. Évolution des théories de la photographie : l’apport de l’École sémiotique de Paris

2.1. Pratiques sémiotiques et pratiques photographiques

  • 19 Greimas & Courtés (1979, pp. 6-7) ; entrée : « acte de langage ».

13Pour comprendre les raisons de ce changement, il faut en revenir à des considérations sémiotiques plus générales qui se rapportent principalement à l’évolution d’une approche sémiotique en particulier : celle de l’École sémiotique de Paris. En revenant aux propositions théoriques d’Algirdas Julien Greimas et de Joseph Courtés (1979), rappelons qu’un acte de langage est entendu par ces auteurs comme « un faire gestuel signifiant ». Autrement dit : le langage implique un sens dynamique, qui peut s’inscrire dans différentes structures signifiantes. Dans la communication intersubjective, les « propriétés générales de l’organisation discursive » sont donc reconnues comme « des formes particulières de programmation discursive », mais aussi comme des « formes implicites et présupposées »19. Rappelons le point de vue de Greimas et Courtés (Ibid.) :

  • 20 À ce propos, nous pouvons préciser deux notions théoriques de la sémiotique du texte : l’énonciatio (...)

Il suffit de postuler que les sujets participant à la communication […] sont dotés d’une compétence modale, pour que les actes de langage qu’ils produisent comme des performances puissent être interprétés comme des performances modales d’ordre cognitif, susceptibles de constituer l’objet d’une sémiotique de la manipulation20.

  • 21 C’est que, pour l’auteur, la « praxis énonciative constitue patiemment les cultures », en réunissan (...)

14Dans Pratiques sémiotiques, Jacques Fontanille (2008, p. 17 sq.) reprend notamment les réflexions de Greimas concernant les « niveaux de pertinence » de l’analyse d’un texte sémiotique. L’auteur remarque que la perspective théorique mise en place par l’École sémiotique de Paris concerne davantage la problématique du plan du contenu, et de ce fait ne prend pas en compte la dimension pratique du parcours de l’expression. Fontanille met en évidence un manque de clarté quant à l’étude des niveaux pertinents du plan de l’expression, qui d’après lui relèvent des « modalités sensibles de l’apparence »21.

  • 22 Le tableau est reproduit d’après celui de Fontanille (Pratiques sémiotiques, Paris, PUF, coll. « Fo (...)
  • 23 Fontanille (Ibid., p. 34) souligne que : « Les différents niveaux pertinents de l’expérience étant (...)

15Fontanille propose un système d’intégrations progressives qui détaille le plan d’immanence, à savoir les relations entre les différents « niveaux de pertinence du parcours de l’expression ». Sous forme de tableau22 (cf. tab. 1), l’auteur propose une manière opératoire de stratifier le parcours génératif de l’expression, en détaillant ces différents niveaux de pertinence. Il défend principalement une conception dynamique de l’expression du sens, où le niveau des pratiques occupe « une position intermédiaire ; en ce sens, elles peuvent d’un côté accueillir comme composants des unités des niveaux inférieurs, des signes, des textes et des objets, et, de l’autre, participer à la composition des niveaux supérieurs, celui des stratégies et des formes de vies »23 (Ibid., pp. 18-25). De sorte que c’est par le truchement des pratiques que les moyens d’énonciation prennent leurs sens sémiotiques.

Tableau 1

Type d’expérience

Instances formelles

Interfaces

Figurativité

Signesa

Formants récurrents

Cohérence et cohésion interprétatives

Textes-énoncésb

Isotopies figuratives de l’expression

Dispositif d’énonciation/inscription

Corporéité

Objetsc

Support formel de l’inscription

Morphologie praxique

Pratique

Scènes pratiquesd

Scène prédicative

Processus d’accommodation

Conjoncture

Stratégiese

Gestion stratégique des pratiques

Iconisation des comportements stratégiques

Éthos et comportement

Formes de vief

Styles stratégiques

Jacques Fontanille (2008), Pratiques sémiotiques, Paris, PUF, coll. « Formes sémiotiques », p. 34.

  • 24 Et, comme l’affirme Fontanille (Ibid., p. 12) : « Toute énonciation pratique est une exploration ré (...)

16Tout en restant dans une perspective sémiotique « textualiste », Fontanille (2014, pp. 5-7) propose d’ailleurs de distinguer trois étapes en ce qui concerne la conception de l’énonciation : (i) l’énonciation énoncée (« marques ou traces dans l’énoncé et ayant fonction de simulacres des instances de l’acte énonciatif »), (ii) les simulacres énonciatifs (« des sortes de représentations dissociées de ce qu’elles sont censées représenter, qui sont échangées au cours des interactions ») et (iii) la praxis énonciative (« chaque énonciation particulière est considérée comme l’une des occurrences d’une praxis énonciative plus vaste, plus diffuse, et impersonnelle »)24. En situation, ce ne sont donc pas uniquement l’usage textuel et la prise de l’objet qui sont « modalisés », mais bien tout le « parcours de l’énonciation ». Et si l’on suit le raisonnement de Fontanille (Ibid., pp. 4-5), en ce qui concerne le plan de l’expression ou d’immanence, la question des pratiques peut ainsi se poser selon un autre rapport, celui d’une expérience impersonnelle et présupposée :

D’un point de vue sémiotique, la signification des pratiques et des stratégies fait donc nécessairement l’objet d’« énonciations » […], c’est-à-dire d’un ensemble d’actes et d’opérations signifiantes grâce auxquels le sens en cours de déploiement est assumé (ou pas), reconfiguré (ou pas), transposé (ou pas), proposé (ou pas). Il nous faut donc disposer d’une conception de l’énonciation qui soit en mesure de prendre en charge ce préalable : une énonciation impersonnelle — sans objet ni sujet —, diffuse — sans identités posées a priori —, et en mouvement.

17Ce changement de perspective a eu des incidences sur l’approche sémiotique de la photographie ; en effet, cette prise de position a permis de nuancer l’importance que les premières théories sémiotiques accordent à la dimension de toute image photographique, définie comme empreinte indicielle et analogique (cf. supra). Dans la première partie d’un ouvrage coécrit avec Pierluigi Basso Fossali, Maria Giulia Dondero (Basso Fossali & Dondero 2011) passe en revue les principales approches (historique, sociologique, esthétique, sémiotique, pragmatique) de la photographie, ainsi qu’elle revient sur différentes enjeux et problématiques la concernant, pour remarquer comment ces théoriciens définissent le médium photographique. Il ne s’agit pas, pour elle, de trancher les débats théoriques, mais plutôt de mettre en lumière les inconvénients d’un statut et d’une définition uniques de la photographie.

  • 25 Ibid., p. 63 sq. & passim. Sur cette question l’auteure reprend notamment les considérations de Sch (...)

18Pour Dondero (Ibid., p. 21), au départ, le fonctionnement du médium dépend « des définitions de spécificité, d’essences médiatiques qui réduisent la photographie à une icône, ou à un indice, ou bien à symbole du réel ». En relisant les théories de la photographie, l’auteure rappelle que si la photographie se rapporte à un régime de production et de réception, elle prend son sens au sein de diverses pratiques culturelles25. En s’appuyant sur la méthodologie de Fontanille (2008), Dondero (Basso & Dondero, 2011, pp. 63-72) propose de réengager l’étude du médium photographique comme un objet sémiotique relatif à des « pratiques photographiques ». Dondero affirme que ce sont donc des pratiques photographiques « qui construisent tour à tour la textualité et les parcours possibles du sens en son sein », de sorte que chaque pratique modifie « l’objectivité des configurations textuelles » en déformant ces configurations à travers les différents degrés de pertinence sémiotique du « parcours du plan de l’expression » :

  • 26 Basso Fossali & Dondero (2011, pp. 63-64). Dans chaque cas, c’est la relation de sens, entre les fo (...)

La textualité photographique est à considérer en tant qu’énoncé-résultat des pratiques d’énonciation. Pourtant, elle est analysable non pas « en soi », mais à partir de ses pratiques de réception qui se stabilisent en des statuts divers […] et qui lui permettent d’acquérir une identité à l’intérieur non seulement d’une généalogie d’images du même genre […], mais aussi à l’intérieur d’une série de fonctions liées à des domaines sociaux26.

19Les recherches théoriques de Dondero permettent de comprendre la problématique de l’objet-photographie en concordance avec celles du texte photographique et de pratiques photographiques. Il s’agit pour elle d’étudier de façon approfondie chaque niveau de pertinence sémiotique se rapportant à la photographie comme étroitement lié et rapporté l’un à l’autre. À chaque niveau, ce sont les relations d’intégration entre les différents niveaux sémiotiques qui permettent d’établir des degrés de pertinence de l’analyse. L’auteure souligne surtout l’intérêt épistémologique de ne pas réduire les pratiques photographiques à leurs dispositifs technologiques et à des définitions ontologisantes, en précisant également qu’il ne faut pas considérer les pratiques comme étant sans aucune relation avec la notion de texte (Ibid., p. 117) :

Ce qui nous semble intéressant de remarquer, c’est surtout la nécessité de porter un regard sur le texte photographique qui ne fasse pas abstraction de son histoire productive et réceptive, mais qui en même temps ne se résolve pas en elle ; il paraît nécessaire d’analyser comment les pratiques réceptives parcourent une même image en en focalisant des sens et des directions diverses, qu’il faut mettre en comparaison. Du reste, une fois établi le statut selon lequel on aborde une certaine photographie pour la faire signifier, l’analyse des formes de la textualité reste l’unique mode pour objectiver et contractualiser la validité d’un parcours de sens.

20Rappelant que : « la photo en tant qu’impression assume dès lors une importance considérable dans la théorisation du champ de la photographie », Dondero précise qu’il est « nécessaire d’étudier le rapport du niveau textuel avec le niveau objectuel de la photographie », car le support matériel du texte photographique permet d’évaluer « comment la biographie des images est valorisée quand les institutions et les pratiques qui les englobent et les font signifier changent » (Ibid., p. 121). L’auteure aborde ainsi le problème qui nous intéresse, en posant la question de la pertinence du « support de l’objet », et affirme qu’il ne faut pas confondre l’énonciation énoncée par la photographie (au niveau du texte), d’une part, son support et son dispositif de présentation (au niveau de l’objet), d’autre part. Elle reprend pour ce faire deux points de vue, différents de celui de la sémiotique : une approche esthétique et une approche anthropologique.

  • 27 « Désignons une œuvre comme autographique si et seulement si la distinction entre l’original et une (...)

21D’abord, partant de la distinction entre « art allographique » et « art autographique » proposée par Nelson Goodman27 (1980) — distinction selon laquelle la peinture est un art autographique, et a fortiori la photographie — Dondero (Basso Fossali & Dondero 2011, pp. 122-124) rappelle que l’image photographique, à l’instar de l’image picturale, résulte d’un « acte de production », auquel se rapporte l’authenticité de l’image. En ce qui concerne la photographie, l’auteure affirme aussi que : « l’authentification s’obtient grâce au choix du “cadrage”, qui résulte de la prise de position du corps du photographe, du papier, du calibrage du tirage, du format, de la résolution de l’impression, etc. » L’auteure remarque pourtant que la classification de Goodman ne convient pas tout à fait à la photographie. Étant donné qu’un « art autographique » comporte une seule phase et qu’un « art allographique » en comporte deux, dans quelles catégories devrait-on ranger la photographie ? Dondero (Ibid., p. 124) explique plus précisément :

  • 28 C’est nous qui soulignons. Dondero (Basso Fossali & Dondero, 2011, pp. 125-126) précise ensuite que (...)

Goodman distingue entre art autographique et art allographique non seulement par le biais de la pertinence du faux, mais également par les différents stades productifs des arts : la peinture, art autographique, possède un seul stade et la musique, allographique, en a deux (partition et exécution). Il existe des exceptions à cette distinction ; ainsi la photographie s’articule en deux moments, celui de la « prise » et celui de son développement, mais ne peut pas être considérée comme un art allographique tout court […]. Le fonctionnement du cliché gravé, de la photographie imprimée et du tableau sont comparables : dans les trois cas la certitude de leur authenticité dépend de l’identification de l’objet matériellement produit par l’artiste28.

22Même si le processus photographique comporte deux « moments » (celui de l’enregistrement et celui du développement de l’image), Dondero (Ibid.) estime qu’on ne peut pourtant pas considérer la photographie en tant qu’art allographique, comportant deux stades de production. Au contraire, il est plus judicieux de considérer la photographie en tant qu’elle est un « art autographique à objet multiple au sens où l’artiste décide par exemple combien de et quels tirages doivent être considérés comme originaux ». En comparant les fonctionnements de la peinture, de la gravure et de la photographie, l’auteure remarque la nécessité de situer l’objet matériel dans un contexte « historique » de production ; dans chaque cas, « la certitude de leur authenticité dépend de l’identification de l’objet matériellement produit par l’artiste ». Cependant, il ne faut pas attribuer « le monopole du sens » aux contextes de référence ou de production, mais il faut saisir la photographie comme une pratique qui s’élabore entre les individus dans leurs interactions sociales.

  • 29 (Ibid., pp. 137-138). Voir aussi Edwards & Hart (2004), pp. 1-16. « Il existe de nombreuses voies p (...)
  • 30 Voir également Basso Fossali & Dondero (2011), pp. 126-127 & p. 128.

23Suivant les recherches anthropologiques d’Elizabeth Edwards et de Janice Hart, qui défendent notamment la possibilité d’engager diverses études de « l’idée de la photographie comme une matière culturelle », nous pouvons distinguer trois « formes corrélées » de la matérialité de l’image : (i) la « plasticité de l’image », (ii) les « formes présentationnelles » et (iii) les « traces physiques de l’usage et du temps ». En ce qui concerne les pratiques photographiques, ceci implique qu’il s’agit de les raccorder à « un circuit de signification où matériaux, techniques, usages, conceptions mêmes de l’image font office de relais discursifs »29. Ainsi, Dondero en conclut que parfois ce sont les pratiques qui assignent telle ou telle interprétation de la textualité photographique, mais que dans d’autres situations ou contextes « c’est la forme présentationnelle de la textualité qui peut décider de la pratique »30, autrement dit, que le dispositif photographique influence ses utilisations socioculturelles, et inversement. Tout l’intérêt d’étudier la photographie en tant qu’objet concerne justement l’influence mutuelle qu’exercent les pratiques d’énonciation sur les médias, et vice-versa. L’auteure termine ses réflexions théoriques par une orientation très pragmatique de l’étude du médium photographique :

  • 31 Ibid., pp. 138-139.

Les différentes formes de matérialité de la photographie doivent, d’une part, être ramenées à un scénario de production où elles ne figurent pas seulement comme des effets-résultats, mais comme partie intégrante du processus de transformation du monde ; de l’autre, elles sont saisies comme assumées au sein d’un scénario […] d’implémentation, c’est-à-dire le cadre des modalités selon lesquelles une société met en circulation et organise la réception des artefacts culturels31.

  • 32 Comme Fontanille l’envisage plus généralement en ce qui concerne l’énonciation, Dondero (Ibid., p.  (...)

24L’évolution des recherches sémiotiques confirme l’idée que l’étude et l’analyse des pratiques photographiques doivent donc autant prendre en compte la portée pratique que les dimensions sémiotique et historique de la photographie, mais aussi la dimension de sa matérialité d’objet culturel. Comme le dit Dondero (Ibid., p. 137), il s’agit de ramener la signification au sein de processus culturels, « replacer au sein des examens disciplinaires la réception et les pratiques de production ou de circulation des textes photographiques »32. Les « caractéristiques matérielles » des photographies jouent également un rôle déterminant en ce qui concerne la réception du texte photographique, puisqu’elles permettent à la fois l’authentification et les usages de l’objet-photographie. De sorte que nous pouvons affirmer que l’étude de la photographie en tant que texte tient certes une place importante quant à la compréhension et l’interprétation de l’image photographique. Mais, comme l’envisage Dondero, on ne peut plus omettre la pertinence ni l’importance du « choix du support et d’une forme matérielle ».

2.2. Objet et support de la photographie

  • 33 En plus des réflexions théoriques précédemment citées, qui concernent l’application d’une méthodolo (...)
  • 34 Ibid.

25L’extension de l’analyse sémiotique « aux objets-supports et aux situations d’écriture » a progressivement conduit la sémiotique à s’intéresser de plus près « à la structure matérielle du support, à la manière dont elle offre au destinateur une surface d’inscription, et au destinataire, une surface de déchiffrement ou d’action »33. Ainsi, comme le remarque Fontanille (2005), nous observons un déplacement théorique « qui est indubitablement lié au dépassement de la seule problématique linguistique, et en particulier de la seule considération de la langue à l’oral ». D’après l’auteur, un tel déplacement peut s’expliquer par deux raisons complémentaires : d’une part, « l’attention portée à la dimension sensible, polysensorielle et multimodale de toute sémiotique-objet », et, d’autre part, « la prise en compte des propriétés sémantiques associées aux effets “pragmatiques” et “énonciatifs” de toute écriture ». Si l’on considère le principe d’« ensemble signifiant » comme pertinent quant à une analyse sémiotique, c’est parce qu’il s’intègre dans des objets et des pratiques sémiotiques, autrement dit, dans « un segment hétérogène du monde naturel, configuré par une inscription en site d’énonciation »34.

  • 35 « Le support formel fournit une syntaxe (en général planaire, mais parfois aussi volumétrique) pour (...)

26Rappelons de suite que pour Fontanille, le support formel des objets d’écriture est considéré comme « la structure d’accueil des inscriptions, l’ensemble des règles topologiques d’orientation, de dimension, de proportion et de segmentation […] qui vont contraindre et faire signifier les caractères inscrits » ; structure d’accueil qui participe à une « scène prédicative », surdéterminée par des actes et des modalités lui conférant un caractère à la fois « déictique » et « manipulatoire ». Le support matériel, d’un autre côté, présente les aspects dynamiques de l’objet sémiotique « sous la forme d’une proposition limitée à un ensemble défini de possible ». D’après les formes, les couleurs et les textures constituant cette matérialité, il est possible d’organiser le support par une opération de « tri formel ». Et c’est justement cette organisation formelle qui départit la sélection et la systématisation de certains éléments et caractéristiques du support matériel et de l’objet, lui garantissant ainsi une « syntaxe »35. Par ailleurs, lorsqu’ils proposent d’appliquer ce point de la méthode de Fontanille au cas du support de la photographie et de l’image numérique, Dondero et Everardo Reyes-Garcia (2016, pp. 6-9) affirment encore que l’étude des « formes de l’expression » d’une photographie ne correspond pas à l’étude de « la manière dont fonctionne son dispositif de présentation ». Il faut différencier la manifestation de l’énoncé et son moyen technologique. Si nous revenons au cas de l’objet-photographie, la notion de support permet donc non seulement d’attirer l’attention « sur la disposition des inscriptions sur le support matériel », mais aussi « d’affirmer que le niveau de l’objet est une structure d’accueil des inscriptions qui est composée de deux sous-niveaux, voire de deux formes de médiation, qui sont le support formel et le support matériel » :

  • 36 « Le support formel est la face de l’objet tournée vers le texte tandis que le support matériel est (...)

Le support formel résulte d’une extraction de propriétés émanant du support matériel : le support matériel propose des lignes de force, des tendances substantielles parmi lesquelles le support formel sélectionne et opère un tri ; il occulte certaines propriétés du support matériel et en sélectionne d’autres36.

  • 37 « Le support formel est le véritable médiateur entre les inscriptions/apport et le réceptacle/suppo (...)

27De manière plus précise, on peut concevoir le support comme deux sous-niveaux intermédiaires entre le niveau du texte et celui de l’objet. Ces sous-niveaux sont compris d’après la hiérarchisation des différents niveaux de pertinence du plan de l’expression (proposé par Fontanille, puis repris par Dondero) qui distingue : au niveau du texte, un « dispositif d’énonciation/inscription », et au niveau de l’objet, un « support formel de l’inscription »37. Dondero et Reyes-Garcia (Ibid.) précisent que ce dispositif d’énonciation/inscription reste variable, dans le sens où le processus de médiation auquel il participe dépend parfois d’un réseau complexe d’appareil. À titre d’exemple, les auteurs expliquent qu’il peut s’agir d’une photographie manifestée par « un écran associé à une technologie d’inscription lumineuse » :

Si l’on identifie le papier photochimique ou l’écran comme relevant de la catégorie des supports matériels, eu égard aux formes photographiques entendues comme écritures, il faut aussi prendre en compte une autre médiation, celle de l’organisation de cette écriture, ce qu’on peut appeler support formel.

  • 38 En considérant la médiation photographique selon une triple perspective : (i) la médiation photogra (...)

28Ainsi, ce qu’on nomme support de la photographie est une matière qui manifeste le texte-énoncé au moyen d’un objet pratique, en comprenant un processus qui accommode la transmission de cet objet en vue d’une utilisation discursive. Mais qu’est-ce que ceci implique dans l’analyse de la photographie et de ses pratiques ? Bien qu’on s’accorde à dire que le médium photographique n’équivaut pas complètement à un langage, nous pouvons toutefois interroger les fonctions de communication et d’interaction que met en œuvre la photographie, en tant qu’elle est un objet sémiotique complexe qui est à la fois un moyen d’écriture et un moyen d’énonciation. Cette interrogation aurait pour objectif de mettre en lumière, par l’analyse d’un cas pratique, les modalités d’énonciation qui sont sélectionnées par ce dispositif d’inscription et de présentation en vue d’une pratique photographique38 ; mais également de recenser les moyens techniques et les coopérations entre des institutions patrimoniales, qui sont mises en place pour favoriser la valorisation et la circulation des photographies. Plus globalement, il faudrait aussi rendre compte de l’influence de ces deux aspects de la médiation photographique (écriture et énonciation) dans nos pratiques de communication, où l’on sait que l’image occupe une place importante, voire prépondérante, dans la communication intersubjective. D’une manière plus générale encore, l’on pourrait élucider les relations socioculturelles (historiques, idéologiques, anthropologiques, etc.) que la photographie partage avec l’évolution des technologies et des autres médias, ainsi que son impact progressif sur la médiation des connaissances, des savoirs, et d’une certaine mémoire visuelle de la culture.

3. Le cas des archives photographiques

29Somme toute, il semblerait donc que les conclusions les plus récentes dans le domaine de la recherche sémiotique permettent d’approfondir le questionnement sur le support des photographies, et notamment de proposer des pistes de réflexion sur des thématiques qui se rapportent à sa dimension d’objet sémiotique : analyse formelle du support photographique comme objet d’écriture (méthode de description et d’analyse, typologie selon les genres) ; évolution technologique du dispositif d’énonciation et d’inscription du support matériel (plaques métalliques et vitreuses, négatifs et papiers photochimiques, écrans et instruments numériques) ; régimes de conservation, d’archivage et d’indexation des photographies ; espace de circulation et de communication des différentes archives photographiques (gestion des fonds d’archives, numérisation et mise en ligne des photographies du fonds), etc.

30À titre d’exemple, le cas des archives photographiques, ainsi que la pratique d’archivage par le moyen de la photographie, tirerait avantage d’une telle perspective d’étude du discours et des pratiques photographiques, en tant que ceux-ci impliqueraient l’organisation formelle du support et de l’objet de la photographie, à la fois comme dispositif d’inscription et comme moyen de communication. Nous assistons, en fait, depuis quelques années, à l’inauguration de quelques réflexions concernant la question des pratiques d’archivage, en tant que support documentaire hétéroclite (textes, images, sons), mais aussi en tant que vecteur d’institution d’un espace de communication et d’une pratique discursive.

  • 39 Basso Fossali & Dondero (2011, pp. 132-134).
  • 40 « Dans le processus de numérisation, mais surtout de visualisation et d’archivage, on risque de per (...)

31À travers ces recherches théoriques à propos de l’objet et des pratiques photographiques, Dondero différencie spécifiquement les pratiques d’archivage, qui concernent « un ordre des photographies imposé par le temps de production », et les collections photographiques, qui sont le résultat d’une entreprise qui vise à rassembler a posteriori des photographies, sans nécessairement obtempérer à leurs logiques temporelles de production39. Les archives photographiques sont davantage liées à l’histoire culturelle, et son évolution, voire à des situations particulières qui ont motivé des entreprises de photographie, de petite comme de grande envergure (p. ex. : la photographie du patrimoine naturel, artistique et culturel ; les photographies de guerre ; les photographies de presse et de reportage, etc.). Mais surtout, la problématique des archives photographiques est aujourd’hui étroitement liée au « passage du support papier au support numérique ». Dondero rappelle, à propos de l’objet-photographie, que ses « différentes dimensions sont modifiées en faveur d’une forme standard liée au format des écrans d’ordinateur »40.

  • 41 L’image numérique « est supportée par un instrument de production (le logiciel) et de visualisation (...)
  • 42 Comme le souligne par ailleurs Peter Stockinger (1999, p. 141), on peut remarquer que « l’articulat (...)
  • 43 Voir Stockinger (2003 ; 2011).

32Considérant le point de vue de l’auteure sur l’objet et le support de la photographie, on remarque par exemple que, dans le cadre des pratiques d’archivage des photographies par « numérisation », des propriétés de l’objet-photographie risquent d’être perdues (information inscrite sur le verso ; contexte de production, de collection ou de mise en série ; manipulations et retouches possibles sur le support physique original ; etc.) ou alors d’être remplacées par des métadonnées, qui sont uniquement lisibles à l’aide de logiciels et de programmes informatiques. Pour Dondero, la numérisation « est surtout une technologie de visualisation », et la reproduction par la numérisation « risque de ne donner accès qu’au texte de l’image et non à l’image en tant qu’objet ». Pourtant, la numérisation, dont l’objectif est de constituer une archive par voie de visualisation, produit aussi une archive visuelle qui dépend en principe elle aussi d’un objet, ainsi que de pratiques41. Sans doute, la question de la technologie intrique celle des objets et des supports médiatiques, et ne rend pas plus aisée l’application d’une méthodologie sémiotique à la complexité et la diversité actuelles des documents et archives42. Toutefois, si plusieurs études et recherches sur les documents d’archives et les pratiques d’archivage concernent le passage des supports papier aux technologies et supports numériques, ainsi que l’essor des archives audiovisuelles43, force est de constater qu’aucune étude ou méthode d’analyse précises n’ont été élaborées en ce qui concerne les archives photographiques.

33Dès lors, l’on peut considérer l’archive photographique comme une pratique énonciative étroitement liée aux modalités formelles et matérielles d’un support visuel, et les archives photographiques comme une pluralité d’objets dont la circulation dépend des communautés, voire des institutions qui les gèrent et organisent leurs accessibilités. Il s’agirait maintenant d’envisager dans quels contextes et sous quelles contraintes médiatiques ce type de pratique photographique produit du sens et quels en sont les buts : comment des institutions sociales organisent-elles (ou non) de véritables discours autour des archives visuelles ? Comment la photographie documentaire est-elle utilisée comme un moyen de conservation et d’énonciation de notre histoire culturelle. Il faut alors distinguer les archives photographiques, en tant que contenu documentaire organisé par une institution, et l’énonciation des archives, comme instance discursive.

  • 44 « Entre la langue qui définit le système de construction des phrases possibles, et le corpus qui re (...)

34Pour terminer, notons que Michel Foucault définissait déjà l’archive à la fin des années 1960, dans l’Archéologie du savoir, comme un système d’organisation et de mémorisation des discours, qui encadre au sens large la régulation de la production et de la réception de ce qui peut être énoncé et institué comme tel44. Suivant cette définition, Dominique Maingueneau (1991, pp. 9-28) a d’ailleurs proposé d’appliquer une méthode pragmatique de l’analyse du discours au cas de l’archive, afin de « dégager l’importance d’une instance largement occultée, celle des communautés que présuppose l’énonciation d’une archive » :

  • 45 Maingueneau (1991), p. 188.

Plus largement, ce qui est en cause ici, c’est le problème des médiateurs. On doit en effet se demander si la notion d’« intermédiaire » entre un groupe social et un discours est aussi simple qu’il y paraît. Quand on pose la question : « à quelles conditions une archive est-elle possible ? », il ne suffit pas d’évoquer l’existence d’un conflit social, d’une langue, de rites et de lieux d’énonciation institutionnels, il faut encore songer que l’espace d’énonciation lui-même, loin d’être un simple support contingent, un “cadre” extérieur au discours, suppose la présence d’un groupe spécifique, sociologiquement caractérisable, qui n’est pas un assemblage fortuit de « porte-paroles »45.

  • 46 Ibid., p. 190. « La notion de pratique discursive intègre donc ces deux éléments : d’une part l’arc (...)

35D’après Maingueneau « l’institution discursive possède en quelque sorte deux faces, l’une sociale, l’autre langagière », mais l’auteur préfère le terme de « pratique discursive pour désigner cette réversibilité essentielle entre les deux faces, l’une sociale et l’autre textuelle, du discours »46. Du point de vue sémiotique, nous distinguerions alors deux dimensions au sein d’une pratique discursive propre aux archives photographiques : (i) une communauté discursive, qui organise la présentation et la réception de l’objet-photographie selon un espace d’accueil (qui va de la salle de consultation à la photothèque en ligne) ; et (ii) des modalités spécifiques d’énonciation et d’inscription propre à la photographie comportant un support formel et un support matériel, qui sont propre à cet objet d’écriture — et qui ont subi des transformations dans le temps.

  • 47 Voir notamment Odin (2011, p. 123) : « L’objectif de la sémio-pragmatique est de mettre l’“approche (...)

36L’archivage photographique est, bien entendu, une pratique documentaire, puisqu’il contribue à l’élaboration d’un mode de documentation et de transmission de la culture à part entière, mais qui nécessite aussi qu’on la rapporte à l’évolution de l’histoire de l’art et des média visuels, ainsi qu’à la logique sémantique que toute énonciation présuppose. En outre, l’apparition récente de nouvelles technologies transforme les conditions de pérennisation des supports visuels, qui sont désormais en rapport très étroit avec des modalités techniques dépendant de plus en plus d’appareils et d’instruments informatiques. Dans cette perspective, en considérant l’archive photographique en tant qu’elle est un « objet médiatique », qui résulte à la fois des progrès dans le domaine de l’image et des nouvelles technologies, et qui intervient comme un moyen d’énonciation dans un « espace de communication », l’on pourrait aborder la question du devenir de l’archive photographique dans une perspective « sémio-pragmatique »47.

  • 48 Voir Lavédrine (2007), Holzer (2012) et Emerling (2012).
  • 49 Voir Wilder (2009) et Demeulenaere-Douyère, Plouvier & Souchon (dirs, 2010). Dans une perspective p (...)
  • 50 Voir Tavares (2016). Pour un point de vue récent de l’histoire de la photographie sur la question d (...)

37L’évolution des pratiques d’archivage au moyen de la photographie reste encore un domaine peu exploré, hormis les réflexions théoriques et historiques sur la photographie documentaire, ou quelques manuels pratiques concernant les techniques de conservation et de restauration des photographies anciennes48. Plus récemment, des recherches en sciences humaines sur la photographie proposent pourtant un regard neuf sur la valeur scientifique de ces pratiques d’archivage49. De telle sorte qu’on tente de mieux définir les enjeux de la documentation visuelle ; enjeux qui sollicitent notamment de nouvelles réflexions afin d’éclaircir le statut culturel de l’archive photographique50. Reste à élucider la dimension documentaire qui tombe sous le sens des archives photographiques, et de proposer une approche qui garantisse des possibilités d’interprétation lucide et perspicace des données qu’elles contiennent. La discipline sémiotique pourrait contribuer à l’élaboration d’un cadre et d’une méthode d’analyse des archives photographiques, en se basant sur l’aspect énonciatif et médiatique du support photographique, ainsi que sur la portée discursive et technologique de l’archive photographique dans la société.

Conclusion

38Pour conclure, faisons d’abord le point en reprenant notre propos dans les grandes lignes. Dans le présent travail, nous avons d’abord constaté que les premières conceptions théoriques sont limitées à des définitions de l’essence du processus photographique (Barthes 1980 ; Dubois 1983). Le médium photographique est considéré comme une empreinte analogique, référentielle. Peu à peu, après une première série d’études sémiotiques, les théories de la photographie s’ouvrent toutefois à d’autres perspectives (Schaeffer, 1987) : elles s’intéressent davantage aux usages de l’image photographique et sa fonction parmi les pratiques culturelles. Par là même, nous avons également montré qu’un questionnement à propos du support médiatique des photographies est un enjeu discret qui est déjà présent au sein des premières théories de la photographie, mais qui est davantage exploré par des recherches plus récentes.

39Ensuite, nous avons succinctement rappelé la hiérarchisation des niveaux de pertinence du parcours du plan de l’expression ou « du parcours du plan d’immanence » (Fontanille, 2008 ; 2014). C’est à partir de cette schématisation que nous avons pu remarquer d’autres explications théoriques à propos du médium photographique ; explications qui définissent à la fois la photographie selon les principes d’une pratique énonciative, mais aussi sur les rôles qu’on attribue à la photographie en tant qu’objet (Basso Fossali & Dondero, 2011). D’après cette approche qui prend en compte la portée pratique de la photographie, nous avons finalement trouvé une résolution méthodologique à la question du support de la photographie. Dans cette perspective, l’approche sémiotique a révélé que l’objet-photographie est un niveau de pertinence intermédiaire entre les textes photographiques et les pratiques photographiques. Cette liaison ne requiert pas seulement l’expérience esthétique d’un support matériel ; elle comprend aussi un support formel, une structure d’agencement et de sélection des propriétés de ce support matériel.

40Plus précisément encore, concernant la question de cette médiation photographique qui est effectuée par le texte et l’objet dans le cadre d’une pratique d’énonciation, d’autres travaux sémiotiques ont apporté une nuance supplémentaire à propos des objets sémiotiques (Fontanille 2005 ; Dondero & Reyes-Garcia, 2016). En distinguant le support formel et le support matériel d’un objet d’écriture, cette nuance nous a finalement permis de comprendre que la matérialité photographique est comme un sous-niveau intermédiaire entre le texte photographique et l’objet-photographie ; sous-niveau qui est une interface, entre le texte et l’objet, étant donné qu’elle est l’intermédiaire qui permet de relier et d’organiser l’un par rapport à l’autre.

41Successivement, plusieurs ouvrages et recherches sémiotiques ont permis de préciser la théorisation de l’image photographique. En somme, ces théories sémiotiques proposent finalement plusieurs niveaux d’explications de l’image photographique : (i) un moyen d’énonciation, autrement dit, un ensemble de signes, qui s’intègrent dans un texte sémiotique. À celui-ci s’adjoint (ii) un objet qui s’intègre à des pratiques principalement photographiques, s’intégrant quant à elles dans des situations sémiotiques, voire un espace de communication, mais aussi (iii) un support propre à cet objet, qui fonctionne comme une interface médiatique, constituée à la fois d’un support formel et d’un support matériel. Pourvu qu’on prenne en considération ces trois niveaux de la photographie (l’énonciation d’un texte visuel, la dimension matérielle d’un objet et ses usages pratiques) on pourrait expliquer davantage le rôle et le statut que tient le support de la photographie ; celui-ci reste, le cas échéant, l’endroit où s’organise l’inscription (matérielle et formelle) et par lequel se manifeste le discours de chaque photographie. En rapportant cette discussion théorique au cas des archives, nous avons finalement souligné que l’élucidation des notions d’objet et de support permet d’apporter aussi un éclairage nouveau sur la question de la médiation photographique, ainsi que sur la question plus spécifique de l’analyse des archives photographiques, en tant que pratique discursive et documentaire (Foucault, 1969 ; Maingueneau, 1991).

42En prenant en compte la portée historique de l’objet et du support de la photographie, la sémiotique pourrait mettre davantage en lumière les finalités documentaires de l’archivage photographique. Le but serait alors de fournir des outils adéquats pour interpréter la valeur de témoignage qu’on a attribué, qu’on attribue ou qu’on attribuera à ce type documentation (photographie documentaire) mais également d’examiner le rôle et les fonctions des dispositifs technologiques d’inscription, ainsi que les moyens de transmission, de conservation et de circulation propres aux images et archives photographiques. Cette étude critique des usages du support de la photographie dans les pratiques d’archivage permettrait non seulement de comprendre plus justement la logique de production et de réception documentaire de la photographie, ainsi que les contextes et contraintes propres aux espaces de communication qui sont associés à cette logique, lorsque la photographie devient une archive visuelle ; mais aussi, de mettre en place une réflexion critique à propos des conséquences techniques, médiatiques et documentaires, que l’évolution historique du support de la photographie implique dans le contexte des pratiques d’archivage, et surtout, dans le contexte du passage des supports papier aux technologies numériques.

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Wilder, Kelley (2009), « Photography and the Archive », in Wilder (éd.), Photography and Science, London, Reaktion Books.

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Notes

1 Benjamin (1931) ; Brunet (2000) ; Newhall (1964) ; Rouillé (2005).

2 Freund (1936) ; Bourdieu, (1965) ; Garrigues (2000).

3 Kracauer (1927 ; 1951) ; Bazin, (1945) ; Vauday (2001).

4 Pour un résumé détaillé des premières réflexions sémiotiques sur la photographie, voir Baetens (2008, pp. 15-27) ainsi que les contributions théoriques de Dondero et Basso Fossali qui proposent respectivement des réflexions critiques sur l’application à la photographie des conceptions linguistiques de l’École sémiotique de Paris et de la théorie du signe de Charles S. Peirce. Pour des raisons pratiques, nous nous concentrerons seulement sur les perspectives évoquées par Dondero, bien que celles de Basso Fossali sont tout aussi décisives, et que les points de vue de ces deux auteurs se rejoignent principalement : il s’agit d’expliquer un déplacement de l’intérêt vers des questions propres à la dimension de l’objet-photographie, ainsi qu’à la portée de la médiation et des pratiques photographiques.

5 L’auteur affirme que ce référent photographique n’est pas le même que celui d’autres systèmes de représentation ; Barthes nomme « référent photographique, non pas la chose facultativement réelle à quoi renvoie une image ou un signe, mais la chose nécessairement réelle qui a été placée devant l’objectif, faute de quoi il n’y aurait pas de photographie », ibid., pp. 119-120.

6 Voir Barthes (2002a, pp. 1120-1133) et Barthes (2002b, pp. 573-588).

7 Selon la formule de l’auteur : « La peinture peut feindre la réalité sans l’avoir vue », ibid. En effet, pour Barthes, « le trait inimitable de la Photographie (son noème), c’est que quelqu’un a vu le référent (même s’il s’agit d’objets) en chair et en os, ou encore en personne », (Ibid., pp. 123-124 ; c’est nous qui soulignons).

8 D’après Barthes, le référent s’impose : « Dans l’image, l’objet se livre en bloc et la vue en est certaine […], cette certitude est souveraine parce que j’ai le loisir d’observer la photographie avec intensité ; mais aussi j’ai beau prolonger cette observation, elle ne m’apprend rien. C’est précisément dans cet arrêt de l’interprétation qu’est la certitude de la Photo : je m’épuise à constater que ça a été », ibid., p. 165.

9 Dubois s’inspire en partie des travaux de Barthes, et surtout ceux de Van Lier (1983). Ce changement importe surtout d’un point de vue théorique, puisqu’on change de paradigme sémiotique ; pour Dubois et Van Lier, c’est plutôt l’approche de C.S. Peirce qui convient pour élucider la spécificité de l’image photographique.

10 Dubois considère que l’enregistrement de l’empreinte n’implique pas nécessairement la correspondance formelle avec l’émanation lumineuse de la situation de référence, « même si, bien entendu, des effets d’analogisme et des effets de sens, plus ou moins codés, finissent le plus souvent par intervenir après coup » (Ibid.).

11 Schaeffer (Ibid., p. 20) explique que : « en tant qu’empreinte chimique, l’image photographique est le résultat d’une interaction purement matérielle entre deux corps physiques, effectuée par l’intermédiaire d’un flux photonique. L’effet de cette interaction est une trace visible pour l’homme […]. Lorsque nous disons qu’une chose est visible, nous sous-entendons toujours qu’elle est visible pour nous. »

12 L’auteur affirme que l’examen du statut de l’empreinte rappelle « la pertinence de la matérialité de l’empreinte pour la constitution pragmatique de l’image photographique » et par conséquent « il est illicite de la rabattre [la photographie] sur une notion d’“image” orientée uniquement selon la problématique de la figuration analogique », (Ibid., p. 20).

13 (Ibid., pp. 56-57).

14 Schaeffer (Ibid., p. 52) remarque que « toute image photographique est reçue comme image indicielle », mais la « nature indicielle de la photographie donne lieu à la thématisation de l’arché lors de la contemplation d’une image photographique. Cette définition exige qu’on admette certaines restrictions concernant ce que l’on considère comme traits définitoires du signe ».

15 « Du point de vue de la pragmatique de l’image, il suffit de noter que l’horizon du vraisemblable est coextensif à la classe des images qu’un récepteur donné accepte de considérer comme photographiques, qu’il réussit à construire en champs quasi perceptifs cohérents, ou encore qu’il accepte d’affecter de la thèse d’existence, ces trois règles constitutives n’étant que les divers aspects d’une seule et même décision fondamentale », (Ibid., p. 127).

16 Voir Basso Fossali & Dondero (2011, p. 256 sq.) : « […] s’il est vrai qu’il aurait été possible de constituer une sémiotique de la photographie indépendamment de la classification des signes peirciens, historiquement le contraire s’est produit, car l’inertie est l’indécision de la reprise de la théorie peircienne pèse sur la possibilité de réagencer globalement la recherche. D’où la nécessité de régler ses comptes avec Peirce », (Ibid., p. 256).

17 L’argumentation de Basso Fossali (Basso Fossali & Dondero 2011, p. 287) se fonde « sur la tentative de montrer comment de tels acquis théoriques deviennent également opératifs sur le plan méthodologique, et ce, en intégrant certains points arrêtés de la sémiotique discursive de dérivation structuraliste avec l’ample hérédité peircienne ». Basso Fossali (Ibid., p. 287) ajoute : « Certes, la comparaison et l’intégration entre des perspectives théoriques tellement différentes, comme celle de Peirce et le structuralisme (en particulier greimassien), peut tenir seulement à condition de reconnaître cet objectif pragmatique, et peut paraître plus faible aux yeux de qui veut prôner une perspective historique et une archéologie conceptuelle spécifique. Cette attitude est naturellement tout aussi légitime et utile pour la discipline […], ne manquant pas de donner, là où c’était possible, dans l’approfondissement philologique et dans la reconstruction complexe de la pensée peircienne. »

18 Dans cet article, Baetens (2008) résume aussi l’évolution des théories sémiotiques de la photographie, d’après les influences des théories structuralistes et peirciennes. Cependant, comme le souligne Baetens (Ibid., p. 24) : « À mesure qu’on cherche à définir l’être de la photographie, on se rend compte que l’objet d’analyse s’évapore […]. De là un double glissement : d’une part, l’image photographique s’efface au profit de l’image en général ; d’autre part, l’image-objet s’efface au profit de ces usages sociaux. »

19 Greimas & Courtés (1979, pp. 6-7) ; entrée : « acte de langage ».

20 À ce propos, nous pouvons préciser deux notions théoriques de la sémiotique du texte : l’énonciation et le débrayage, deux notions qui ont, à l’origine, été élaborées par le linguiste Émile Benveniste (1966, 1974). On peut d’abord rappeler que « l’énonciation, en tant que mécanisme de médiation entre la langue et le discours, exploite les catégories paradigmatiques de la personne, de l’espace et du temps, en vue de la mise en place du discours explicite » (Greimas & Courtés, Ibid., p. 79). D’autre part, « on peut essayer de définir le débrayage comme l’opération par laquelle l’instance de l’énonciation disjoint et projette hors d’elle, lors de l’acte de langage et en vue de la manifestation, certains termes liés à sa structure de base pour constituer ainsi les éléments fondateurs de l’énoncé-discours », ibid.

21 C’est que, pour l’auteur, la « praxis énonciative constitue patiemment les cultures », en réunissant les formes en vigueur du sensible et de l’intelligible » (Fontanille, 1995, p. 198). Comme l’explique par ailleurs Fontanille (2008, pp. 17-18), « on suppose qu’il faut s’appuyer pour commencer sur les modes du sensible, sur l’apparaître phénoménal et sa schématisation en formes sémiotiques […] : on admet ici en quelque sorte que le plan de l’expression présuppose une expérience sémiotique, et la solution qui pourrait en découler consisterait alors à s’interroger sur les niveaux de pertinence de cette expérience, en se demandant sous quelles conditions ils peuvent être convertis en “plan d’immanence” pour l’analyse sémiotique ».

22 Le tableau est reproduit d’après celui de Fontanille (Pratiques sémiotiques, Paris, PUF, coll. « Formes sémiotiques », p. 34). En suivant les explications de l’auteur (Ibid., p. 17 sq.), nous pouvons brièvement résumer ce schéma. À un premier stade, les (a) signes et les figures qui sont les « unités signifiantes élémentaires » permettant la constitution des (b) textes-énoncés, qui forment chacun un « ensemble de figures sémiotiques organisées en un ensemble homogène ». Ces figures sémiotiques sont comprises dans des (c) objets, qui peuvent être définis comme « une structure matérielle, dotée d’une morphologie, d’une fonctionnalité et d’une forme extérieure identifiable, dont l’ensemble est “destiné” à un usage ou une pratique plus ou moins spécialisés ». On peut également considérer les objets sémiotiques selon l’approche du support, qui est à la fois l’interface entre un support formel (en rapport avec les règles de configuration des textes-énoncés) et un support matériel (en rapport avec la constitution de l’objet pratique). Ensuite, au niveau suivant, et plus généralement, on peut distinguer des (d) scènes pratiques, c’est-à-dire « des actes d’énonciation qui impliquent des rôles actantiels, joués entre autres par le texte ou l’image eux-mêmes, par leur support, par des éléments de l’environnement, par le passant, l’usager ou l’observateur, tout ce qui forme la “scène” typique d’une pratique ». Fontanille en déduit, par conséquent, que la « configuration hétérogène qui rassemble tous les éléments nécessaires à la production et à l’interprétation de la signification d’une interaction communicative » peut donc être comprise comme relevant de situations qui impliquent des (e) stratégies, dans le sens où « la situation sémiotique est plus ou moins prévisible, ou même programmable, et, plus généralement, que chaque scène prédicative doit s’ajuster, dans l’espace et dans le temps, aux autres scènes et pratiques, concomitantes ou non concomitantes ». Finalement, toutes ces situations et ces stratégies s’intègrent dans des (f) formes de vie, « qui subsument les stratégies elles-mêmes », et auxquelles l’on pourrait attribuer un sens culturel, voire anthropologique.

23 Fontanille (Ibid., p. 34) souligne que : « Les différents niveaux pertinents de l’expérience étant convertis en autant de types de sémiotiques-objets, la question du principe d’immanence se pose alors de toute autre manière : chaque niveau correspond à un plan d’immanence spécifique, et la hiérarchie obtenue est donc celle des plans d’immanence. »

24 Et, comme l’affirme Fontanille (Ibid., p. 12) : « Toute énonciation pratique est une exploration réflexive au cours de laquelle émergent et se constituent un ou plusieurs actant-corps auxquels peuvent être imputés les effets de la mise en procès et de la régulation de ce procès. »

25 Ibid., p. 63 sq. & passim. Sur cette question l’auteure reprend notamment les considérations de Schaeffer (1987).

26 Basso Fossali & Dondero (2011, pp. 63-64). Dans chaque cas, c’est la relation de sens, entre les formes et les substances de l’expression et les formes du contenu, qui se modifie « en accord avec les différents paramètres de sémantisation rendus pertinents par les statuts auxquels la photo appartient », ibid.

27 « Désignons une œuvre comme autographique si et seulement si la distinction entre l’original et une contrefaçon a un sens ; ou mieux, si et seulement si même sa plus exacte reproduction n’a pas, de ce fait, statut d’authenticité. Si une œuvre d’art est autographique, nous pouvons aussi qualifier cet art d’autographique. Ainsi la peinture est autographique, la musique non-autographique ou allographique », Goodman (1980, p. 147).

28 C’est nous qui soulignons. Dondero (Basso Fossali & Dondero, 2011, pp. 125-126) précise ensuite que « tant dans le cas de la photographie que dans le cas de la gravure […] le rapprochement entre deux tirages n’est pas plus probant que celui entre deux tableaux, c’est-à-dire impossible à l’œil nu : il est donc nécessaire de renouer avec l’histoire de la production pour la peinture ou de l’autorisation pour les tirages photographiques ». L’auteure, qui s’intéresse à la question de la conservation des photographies, en tant qu’objets, affirme qu’il est nécessaire de « mettre en relation le niveau sémiotique de la textualité avec le niveau objectuel de la photographie et, par conséquent, avec les pratiques institutionnelles de conservations […] », ibid.

29 (Ibid., pp. 137-138). Voir aussi Edwards & Hart (2004), pp. 1-16. « Il existe de nombreuses voies par lesquelles l’idée de la photographie comme une matière culturelle peut être développée ou élucidée — la phénoménologie, la sensation, la psychologie de la perception, à travers le rehaussement de lectures à propos de la subjectivité du spectateur, d’études à propos de la consommation, de l’histoire de la collection, de l’histoire des formes de présentation, de l’étude de l’exposition publique, mais aussi privée des encadrements, de l’ethnographie des pratiques photographiques dans de nombreuses parties du monde », ibid., p. 14 (nous traduisons de l’anglais).

30 Voir également Basso Fossali & Dondero (2011), pp. 126-127 & p. 128.

31 Ibid., pp. 138-139.

32 Comme Fontanille l’envisage plus généralement en ce qui concerne l’énonciation, Dondero (Ibid., p. 128) distingue également trois étapes concernant l’énonciation propre à la photographie : « 1) celui de l’énonciation énoncée du texte photographique, 2) celui présentatif de l’encadrement de la photographie (praxis énonciative de l’objet), 3) celui de la scène prédicative de la pratique (énonciation en acte). »

33 En plus des réflexions théoriques précédemment citées, qui concernent l’application d’une méthodologie sémiotique à l’analyse des textes et des pratiques d’énonciation, Fontanille (2005) a également participé à une réflexion concernant la question des supports d’écriture ; cf. Ibid., pp. 3-4.

34 Ibid.

35 « Le support formel fournit une syntaxe (en général planaire, mais parfois aussi volumétrique) pour le plan de l’expression de l’écrit, qui décidera de la valeur et du fonctionnement syntagmatique des caractères », ibid., p. 7 ; c’est nous qui soulignons. Fontanille (Ibid.) propose alors une « double articulation du support formel » : (i) une macro-syntaxe, qui définit l’espace d’accueil des différents objets d’écriture ; (ii) des micro-syntaxes, qui prédéfinissent la manière d’inscription pour chaque catégorie d’objet d’écriture.

36 « Le support formel est la face de l’objet tournée vers le texte tandis que le support matériel est la face de l’objet tournée vers la pratique. Si l’on se situe au niveau de pertinence de l’objet, ces deux supports fonctionnent comme forme/substance : ce qui fonctionne comme substance au niveau du texte devient forme au niveau de l’objet et ainsi de suite pour les niveaux successifs », ibid., p. 9 ; « le support formel fonctionne ainsi comme médiation, qui ne relève ni des inscriptions, ni de la matérialité de la technologie, mais qui est à entendre comme dispositif d’ajustement entre les deux », ibid.

37 « Le support formel est le véritable médiateur entre les inscriptions/apport et le réceptacle/support matériel, car il concerne des règles d’inscription qui rendent pertinent non pas la technologie de l’écran (ce qu’on appelle « support matériel »), mais un autre type de support, c’est-à-dire, par exemple, le format de la page écran », ibid.

38 En considérant la médiation photographique selon une triple perspective : (i) la médiation photographique comme organisation formelle, en tant qu’elle est un processus d’inscription du sens qui configure l’image photographique en un texte-énoncé, (ii) la médiation photographique comme organisation matérielle, en lien avec une morphologie et des moyens technologiques constituant la photographie en un objet sémiotique, et (iii) la médiation photographique comme pratique discursive, en tant que pratique d’énonciation par l’image.

39 Basso Fossali & Dondero (2011, pp. 132-134).

40 « Dans le processus de numérisation, mais surtout de visualisation et d’archivage, on risque de perdre l’intégrité écologique de la photographie avec son histoire matérielle. Ce sont donc les institutions culturelles, dont celles qui conservent les images, qui détiennent le pouvoir de transformer et d’encadrer notre compréhension des sources historiques des objets et qui créent le discours à l’intérieur duquel les images sont englobées et auquel elles doivent faire référence », (Ibid., p. 133).

41 L’image numérique « est supportée par un instrument de production (le logiciel) et de visualisation, l’écran, qui devient son support matériel et qui en fait un “objet” […]. Mais l’image numérique est également constituée par un support : le support ne renvoie pas à la technique anthropomorphe avec laquelle l’image a été produite, mais renvoie à la manipulation à travers des instruments de médiation […]. Si la traduction n’est pas neutre, il est nécessaire de se demander ce qui survit – ou devrait survivre – de la signification inhérente à l’original, et donc au fait qu’elle ne soit pas qu’une image, mais un objet », ibid., pp. 134-136.

42 Comme le souligne par ailleurs Peter Stockinger (1999, p. 141), on peut remarquer que « l’articulation entre une méthode (sémiotique) de conception d’un produit ou service d’information et les contraintes technologiques propres au développement d’un tel produit […] pose un réel problème ». Ces contraintes sont « liées aux nouveaux environnements de travail, aux langages de programmation et aux logiciels parfois très sophistiqués, ou encore à la multiplicité des standards technologiques à respecter », ibid.

43 Voir Stockinger (2003 ; 2011).

44 « Entre la langue qui définit le système de construction des phrases possibles, et le corpus qui recueille passivement les paroles prononcées, l’archive définit un niveau particulier : celui d’une pratique qui fait surgir une multiplicité d’énoncés comme autant d’événements réguliers, comme autant de choses offertes au traitement et à la manipulation. […] C’est le système général de la formation et de la transformation des énoncés », Foucault (1969, p. 171).

45 Maingueneau (1991), p. 188.

46 Ibid., p. 190. « La notion de pratique discursive intègre donc ces deux éléments : d’une part l’archive, de l’autre ce qu’on dénommera la communauté discursive, c’est-à-dire le groupe ou le réseau de groupes à l’intérieur desquels sont produits, gérés, les textes relevant de cette archive », ibid.

47 Voir notamment Odin (2011, p. 123) : « L’objectif de la sémio-pragmatique est de mettre l’“approche immanentiste dans la perspective pragmatique contextuelle. Une fois reconnues les contraintes contextuelles régissant la construction du texte, l’analyse immanentiste peut être mobilisée. […] S’il est exact que les outils de l’analyse immanentiste restent très utiles, on assiste à une transformation radicale de ce qu’est l’analyse textuelle elle-même : désormais […] il ne s’agit plus d’analyser un texte existant, mais d’analyser l’expérience d’un travail de production textuelle en contexte. » Pour l’auteur, « toute expérience de lecture engage son lecteur dans un mouvement migratoire d’espaces de communication en espaces de communication, des espaces qui impliquent de la part du lecteur un changement de mode de production de sens et d’affects et plus largement un changement de rôle » (Ibid., p. 140).

48 Voir Lavédrine (2007), Holzer (2012) et Emerling (2012).

49 Voir Wilder (2009) et Demeulenaere-Douyère, Plouvier & Souchon (dirs, 2010). Dans une perspective pluridisciplinaire, on remarque aussi des initiatives qui proposent d’étudier différents rôles et statuts de la médiation photographique dans le cadre de pratiques documentaires et patrimoniales (Tardy, 2014).

50 Voir Tavares (2016). Pour un point de vue récent de l’histoire de la photographie sur la question des archives photographiques, voir notamment les pistes de réflexion très pertinentes proposées par Brunet (2017), pp. 337-362.

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Pour citer cet article

Référence papier

Cédric Honba Honba, « Objet et pratiques sémiotiques :
quelques enjeux médiatiques du support photographique
 »
Signata, 9 | 2018, 551-574.

Référence électronique

Cédric Honba Honba, « Objet et pratiques sémiotiques :
quelques enjeux médiatiques du support photographique
 »
Signata [En ligne], 9 | 2018, mis en ligne le 17 décembre 2018, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/1580 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/signata.1580

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Auteur

Cédric Honba Honba

Cédric Honba Honba réalise son doctorat à l’Université de Liège, dans le cadre du PDR-FNRS Les Big Visual Data. Approche sémiotique de l’indexation et de la visualisation des archives d’images. Ses recherches portent principalement sur la sémiotique et la communication visuelle, sur les sciences de l’information et de la documentation, ainsi que sur les théories de la photographie et l’histoire des médias audiovisuels.
Courriel : Cedric.HonbaHonba[at]uliege.be

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