Nation et contre-révolution dans l’Espagne de la fin du xviiie siècle
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- 1 Joseph Pérez, Histoire de l’Espagne, Paris, Fayard, 1996, p. 591-592.
1Mettre en avant l’idée de nation en Espagne est à coup sûr le meilleur moyen d’être perçu comme conservateur. La dernière campagne pour les élections législatives en 1996 en a encore fourni l’illustration. José Maria Aznar et le Partido Popular rappelaient à Felipe González et au PSOE qu’entre les autonomies régionales et l’Europe il existait une identité incontournable : l’Espagne. La Guerre civile et la longue dictature de Franco pèsent lourd pour expliquer cette cristallisation du nationalisme à droite. Rappelons simplement le slogan de la Phalange, « Arriba España », ou les propos de l’évêque de Tuy en 1937 : « ce n’est pas une guerre civile mais une croisade patriotique et religieuse ». Cet attachement de l’idée nationale au conservatisme est cependant beaucoup plus ancien. La première histoire nationale de l’Espagne écrite depuis la fin du xvie siècle date de 1850. Son auteur, Modesto Lafuente, est un homme de lettres qui entend faire de son œuvre un instrument de la construction d’une identité nationale1. Constamment rééditée, elle sert pendant un siècle de source à l’enseignement de l’Histoire dans le système scolaire. La vision de l’Espagne qui y est développée est celle du libéralisme très conservateur des moderados au pouvoir à partir des années 1840. Dans la vaste mouvance conservatrice, seuls les carlistes rejettent le thème de la nation quand ce dernier équivaut à la centralisation.
- 2 Borja de Riquer, « La débil nacionalización española del siglo XIX », Historia social, n° 20, 1994, (...)
2Comment expliquer la force de ce lien entre nationalisme et conservatisme ? La responsabilité en incombe tout d’abord aux insuffisances de la révolution libérale du xixe siècle. Des études récentes ont montré que le libéralisme espagnol a été incapable de créer un État susceptible d’imposer une unification culturelle et linguistique, incapable aussi d’intégrer politiquement la majorité des citoyens à la vie de la nation2. L’Espagne n’a pas eu ses jacobins. L’émergence des mouvements nationalistes régionaux à la fin du xixe siècle en est la conséquence.
3Néanmoins, l’ancrage d’une identité nationale espagnole dans les rangs conservateurs est antérieur à cette période. Il faut en rechercher l’origine à la fin du siècle précédent. Des années 1770 à la fin de la Guerre d’indépendance (1814), deux idéologies s’affrontent en Espagne : d’une part l’idéologie des Lumières (la Ilustración) puis le libéralisme, d’autre part une idéologie que l’on peut désigner sous le terme de contre-révolutionnaire. L’idée de nation existe dans les deux camps, mais elle s’exprime plus fermement, à partir de la Révolution française, dans les rangs conservateurs. Ceci tient à la faiblesse et aux ambiguïtés de la Ilustración mais aussi à une réalité sociale et culturelle représentant un handicap à l’émergence d’un nationalisme sur le modèle de la France.
Entre le pueblo et l’Empire
- 3 Avec une exception notable : l’intégration de fait du Portugal de 1580 à 1640.
- 4 Jean-Marc Pelorson, Les letrados juristes castillans sous Philippe III, Poitiers, L’éveil de la Hau (...)
4A priori, l’Espagne avait au xviiie siècle toutes les caractéristiques pour voir émerger progressivement un sentiment national puissant et suivre la même évolution que l’Angleterre, l’Allemagne ou la France. Depuis les Rois catholiques, la monarchie s’était solidement imposée en unifiant les anciens royaumes sous une seule tête couronnée. À partir du xvie siècle, l’Espagne s’était dotée d’un État centralisé exerçant son pouvoir sur un territoire national clairement défini3, par l’intermédiaire d’une bureaucratie puissante qui, la première en Europe, acquiert certaines caractéristiques du modèle bureaucratique wébérien4.
- 5 Jean-Pierre Dedieu, L’Espagne de 1492 à 1808, Paris, Belin, 1994, p. 77-82.
5Pointant, ces facteurs n’ont pas été suffisants pour favoriser une évolution sur le modèle français. En France, l’État crée la Nation. Malgré ses efforts, l’État reste en Espagne toujours trop faible. Les responsables ne sont pas les régionalismes qui semblent à peu près inexistants au xviiie siècle, sauf peut-être en Navarre. La Guerre de Succession et les décrets de Nueva Planta ont brisé l’autonomie de l’ancien royaume d’Aragon. Il faut descendre à un échelon inférieur pour observer des dissonances. En effet, malgré tous ses efforts de rationalisation, de centralisation, l’État espagnol ne parvient pas à briser les corps intermédiaires de la société, ce que l’absolutisme français avait réussi pour l’essentiel. Même les Bourbons sont contraints à la négociation avec les détenteurs du pouvoir local : les oligarchies urbaines. Ce patriciat qui correspond à la noblesse moyenne possède la terre, contrôle les conseils municipaux et la répartition des impôts, assure localement l’ordre social et envoie des députés aux Cortes. Le contrôle étatique sur le corps social ne se fait ainsi qu’en surface5. En schématisant, l’Espagne serait une addition de petits pays à la personnalité forte en perpétuelle négociation avec le pouvoir central. Prenons deux exemples significatifs. Nombre de hauts fonctionnaires, en particulier parmi les magistrats, préfèrent achever leur carrière dans leur région d’origine et non pas dans les grandes institutions de l’État central. En mai 1808, la première déclaration de guerre aux Français vient d’un village de la région de Burgos, la deuxième de la Junte de la Principauté des Asturies. La politique réformatrice des hommes des Lumières s’est ainsi heurtée fondamentalement à la force du système social local et au patriciat qui le contrôle.
- 6 Les exportations vers l’Amérique ont fortement augmenté durant le dernier quart du xviiie siècle : (...)
- 7 La plupart sont des Galiciens. Une commission d’envoi des familles à destination des deux rives du (...)
6L’homme espagnol, attaché à son petit pays, a de ce fait du mal à concevoir qu’il peut appartenir à une communauté homogène vivant sur le territoire de la péninsule Ibérique. D’autant plus que son horizon mental est plus vaste : au-delà des mers, il y a l’Empire. L’Empire contrarie l’avènement d’une nation, car les terres d’Empire sont conçues comme parties intégrantes de l’Espagne. Le xviiie siècle connaît même un renouveau des liens entre la métropole et son Empire. Ce dernier redevient une « bonne affaire ». La découverte de nouveaux gisements et des innovations techniques relancent les arrivages de métal précieux (avant tout de l’argent) ; la forte demande européenne mais aussi espagnole stimule les cultures et les exportations de produits agricoles exotiques, la fin du monopole de Cadix en 1778 et la progressive liberté du commerce entre la Péninsule et ses colonies favorisent les exportations de produits espagnols6. Outre ces liens commerciaux, l’Empire est une réalité vivante pour des milliers d’Espagnols qui migrent outre-Atlantique. L’établissement d’une population essentiellement originaire des régions densément peuplées du nord-ouest de la Péninsule est relancé7. La nouvelle politique de la monarchie, qui choisit de recruter les fonctionnaires des colonies parmi des péninsulaires, contraint de nombreux agents de l’État à commencer leur carrière aux Amériques ou aux Philippines.
7Ainsi, le territoire de la péninsule Ibérique n’est qu’un élément de l’espace mental des Espagnols. L’émergence d’une conscience nationale est contrariée par le sentiment d’appartenir à une communauté locale, et par celui d’être partie intégrante du vaste ensemble impérial. La définition floue de la citoyenneté dans la Constitution libérale de Cadix en 1812 traduit cette difficulté : est espagnol un individu né de parents originaires des domaines espagnols ainsi que tout étranger résidant depuis plus de dix ans en Espagne.
8Cette situation explique en partie l’incapacité du mouvement des Lumières puis du libéralisme à mettre en forme un discours national mobilisateur. Cependant, d’autres éléments interviennent.
Faiblesse et ambiguïté de la Ilustración
Ilustración et despotisme éclairé
- 8 Pierre Vilar a consacré un article sur le sens de ces termes. Pierre Vilar, « Les concepts de « nat (...)
- 9 Miguel Antonio de la Gandara, Apuntes sobre el bien y el mal de España, Madrid, Imprenta de la viud (...)
- 10 Antonio Elorza, La ideología liberal en la ilustración española, Madrid, Technos, 1970.
9Avec l’exemple de José Cadalso, l’article de Danielle Corrado montre que l’idée nationale existe bien dans les rangs de la Ilustración, même si les termes « patrie » ou « citoyen » n’ont pas la signification actuelle8. Plus révélateur, le thème est repris par d’obscurs ilustrados : « je n’ai pas d’autre patrie, d’autre parti, ni d’autre sang que l’Espagne, l’Espagne et l’Espagne9 ». Pourtant, il ne s’agit pas là d’un souci majeur des hommes des Lumières. De plus, la nation est rarement liée à la notion de souveraineté nationale. La critique de l’absolutisme en France a contribué à l’émergence de l’idée nationale. Tout ceci n’apparaît que tardivement, trop tardivement en Espagne. Le mouvement des Lumières ne commence à intégrer timidement les idées de liberté et de souveraineté nationale qu’à partir des années 178010.
- 11 Au Secrétariat d’État aux Affaires d’État, dont le dirigeant est considéré comme le chef du gouvern (...)
10En fait, les Lumières en Espagne se confondent avec le despotisme éclairé. Les ilustrados ne sont pas des Voltaire, Diderot ou Rousseau, mais des fonctionnaires qui ne peuvent se faire entendre que parce qu’ils sont au service de l’État. Parmi les plus célèbres, Campomanes est procureur du Conseil de Castille, Jovellanos est magistrat et devient en 1798 ministre de la Justice (secrétaire d’État de Gracia y Justicia). Le comte d’Aranda est plus atypique dans cette équipe, car il appartient à la haute noblesse, cependant il accède par deux fois à la tête du gouvernement11. L’ordre d’expulsion des jésuites en 1766 lui vaut un prestige important en Europe (Voltaire le compare à Hercule nettoyant les écuries d’Augias).
- 12 Lucienne Domergue, « Les freins à la diffusion des idées nouvelles », dans Bartolomé Bennassar (dir (...)
- 13 Adam Smith est connu en Espagne dès les années 1780.
11Avec ces hommes à sa tête, l’État joue un rôle ambigu : il est en même temps censeur et agent de diffusion des idées des Lumières. La littérature est sous le contrôle direct de l’État grâce à la censure préalable (toute publication est conditionnée à l’obtention d’une autorisation préalable) et grâce à l’inquisition qui contrôle les livres en circulation. Cependant, dans le même temps, l’État est aussi le protecteur de la littérature, car il subventionne les écrivains12. On retrouve un rôle similaire dans la création des Sociétés des Amis du Pays. Ces groupements, souvent d’inspiration physiocratique, se proposaient de diffuser les techniques nouvelles, de faire connaître les ouvrages étrangers13. Ils ne pouvaient exister qu’après autorisation d’un État qui par ailleurs incitait à la multiplication de telles associations.
- 14 « La politique d’homogénéisation des ilustrados est limitée fondamentalement par le strict respect (...)
12De plus, l’idéologie de l’État ne favorise pas l’émergence d’une conscience nationale. Cette idéologie qui se confond avec celle du despotisme éclairé est conservatrice socialement. Jusqu’aux années 1780, les hommes des Lumières ne remettent pas en cause la division de la société d’ordres. Les critiques à l’égard de L’Église ou de la noblesse concernent les abus de ces ordres, non leur existence. Même Jovellanos, qui est à la jonction entre l’équipe groupée autour de Charles III et la nouvelle génération libérale issue la Guerre d’indépendance, reste jusqu’au bout opposé à l’idée d’une égalité en droit14.
- 15 La época de la Ilustración. El Estado y la cultura (1759-1808), (Historia de España dirigida por Ra (...)
13Ces fonctionnaires des Lumières sont d’ailleurs tous des nobles. Les diatribes que l’on rencontre sous leur plume à l’encontre de la noblesse ne visent en fait que la haute noblesse. Le parti pris en faveur de la Ilustración traduit une opposition interne au sein de la noblesse : entre, d’une part, les Grands et les Titrés et, d’autre part, la moyenne noblesse issue des oligarchies urbaines15. De ce fait, la réflexion sur la souveraineté nationale n’apparaît pas dans les préoccupations de la Ilustración.
- 16 Josep Fontana Lázaro, « El alimento del Estado. Política y Hacienda en el “despotismo ilustrado », (...)
- 17 Raúl Morodo Leoncio, « Reformismo y regeneracionismo: el contexto ideológico y político de la Const (...)
14Ce mouvement vise seulement à rationaliser la société et l’État espagnol. Ce dernier est perçu comme l’instrument du progrès économique et social. Nous nous trouvons là face à un projet politique qui se limite à construire une administration puissante pouvant œuvrer sans entrave sur un corps social politiquement inerte. Certains auteurs de référence comme Josep Fontana vont jusqu’à considérer que tout le discours ilustrado des fonctionnaires n’est qu’un vernis ne servant qu’à justifier la volonté de l’État d’accroître les rentrées fiscales pour disposer d’une force armée puissante16. Le despotisme éclairé ne serait que le stade ultime de l’absolutisme. Les ilustrados, des fonctionnaires tentant d’imposer la volonté royale dans de nouveaux secteurs de la vie sociale du pays, seraient paradoxalement les seuls vrais absolutistes. Les arguments en faveur de cette thèse sont solides et permettent de comprendre le succès du modèle napoléonien dans la vie politique espagnole durant la première moitié du xixe siècle17.
15Au-delà de ses propres ambiguïtés et de ses contradictions, le discours de la Ilustración s’exerçait sur une société peu apte à recevoir son message.
L’étroitesse du milieu des Lumières
- 18 Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Le Seuil, 1990.
16Les idées nouvelles se sont largement diffusées en France par la littérature, la presse ou dans des lieux de sociabilité (théâtres, salons, cafés…). Le mouvement est profond et son influence dépasse largement le cercle étroit d’un public mondain et cultivé18. Rien de tel en Espagne. L’analphabétisme massif (70 à 80 %) est un frein structurel à toute propagande passant par l’écrit.
- 19 Lucienne Domergue, Censure et Lumières dans l’Espagne de Charles III, Paris, CNRS Éditions, 1982. P (...)
17La place de la presse dans la société et le public touché sont connus19. La presse officielle est constituée par deux titres : La Gaceta de Madrid et Le Mercurio histórico y político. Le premier tire à 11 000 exemplaires et dispose de 300 abonnés (50 % sont des membres du clergé, 30 % sont des nobles, 20 % des fonctionnaires). Dans la presse non officielle, on trouve El Pensador (500 exemplaires de 1762 à 1767) et surtout El Censor, figure de proue de la Ilustración. Ce dernier paraît irrégulièrement (25 numéros mis à l’index sur les 165 ayant été publiés de 1781 à 1788) et tire à 500 exemplaires, ce qui correspondrait à environ 10 000 lecteurs. Ainsi, dans les années 1780, l’Espagne aurait compté de 40 000 à 50 000 lecteurs, soit 0,5 % de la population.
- 20 Jean Sarrailh, L’Espagne éclairée de la seconde moitié du xviiie siècle, Paris, Klincksieck, 1964.
- 21 La démonstration est déjà ancienne. Marcelin Defourneaux, L’Inquisition espagnole et les livres fra (...)
18Par ailleurs, la production littéraire espagnole est assez pauvre. La Ilustración est essentiellement un mouvement pragmatique qui ne verse guère dans les spéculations intellectuelles. Campomanes n’hésitait pas à écrire que « l’invention de l’aiguille à coudre est plus utile au genre humain que bien des spéculations brillantes20 ». Les vrais livres novateurs sont des livres étrangers entrés en contrebande ou des ouvrages traduits. La censure et le contrôle de l’inquisition sont bien sûr un frein à la connaissance des idées nouvelles. Cependant, il ne faut pas en exagérer la portée. Le filtre inquisitorial n’était pas toujours à la hauteur de sa fâcheuse réputation21. Ainsi, Les lettres persanes qui ne sont pas particulièrement bienveillantes à l’égard de l’Espagne ne sont mises à l’Index qu’en 1797.
- 22 Jean-Pierre Dedieu, « Responsabilité de l’inquisition dans le retard économique de l’Espagne », dan (...)
« Quand bien même eût-on voulu empêcher à toute force l’introduction de livres étrangers dans la péninsule contre le gré des lecteurs, on ne l’aurait pas pu. Entre le manque de personnel compétent, la négligence et la corruption des agents du Saint-Office, les licences de lecture de livres interdits généreusement accordées sous des prétextes divers, le manque d’empressement des libraires, le peu de collaboration des autorités séculières, la fraude générale et les sottises épisodiques d’un tribunal qui a parfois du mal à se tenir au courant de la production européenne, bien des canaux restaient ouverts par où les Lumières pouvaient pénétrer. Ce qui n’a pas été lu ne l’a pas été d’abord parce que les Espagnols n’ont pas voulu le lire22 ».
Reposant sur une base sociale très étroite, la Ilustración a donc impérativement besoin de la protection et du soutien du monarque pour avoir voix au chapitre. Charles III (1759-1788) le lui accorde, car cela sert ses intérêts. Il n’en est plus de même avec son fils qui lui succède à la veille de la tourmente révolutionnaire.
Nation et contre-révolution
L’apparition d’une pensée réactionnaire
19En réaction aux progrès de la Ilustración, une idéologie que l’on appellera contre-révolutionnaire naît en Espagne au sein du Clergé à partir des années 1770. Cette idéologie n’a pas dans un premier temps de discours national. Elle se borne à réfuter les thèses des hommes des Lumières.
- 23 La falsa filosofia, Escrita por fray Fernando de Zeballos, monje jerônimo del Monasterio de San Isi (...)
20Le premier véritable penseur de cette mouvance en Espagne est Fernando de Zeballos, un hiéronymite. On retrouve dans son œuvre principale, La fausse philosophie23, les thèmes récurrents de ce courant de pensée. En s’attaquant à la religion, les Lumières s’attaquent à l’État et aux fondements de la société et sèment ainsi l’anarchie. L’homme éclairé est celui qui se rebelle contre l’ordre établi. D’où le rejet de l’idée de souveraineté nationale. Libérer l’homme signifie le faire revenir à l’état de nature :
- 24 Javier Herrero, Los origenes delpensamiento reaccionario espanol, Saragosse, Prensas de la Universi (...)
« Comme des énergumènes, ils veulent nous réduire à l’état de nature dont ils rêvent, en fait ils souhaitent nous rabaisser au rang des cannibales ou de ces barbares qui errent, nus, pour se pourchasser et se dévorer l’un l’autre24 ».
- 25 Ibid., p. 103.
Pour garantir l’ordre social et le respect dû à la religion, Zeballos fait l’apologie de la violence : « la mort n’est pas une injure quand elle vient de la main de celui qui nous a donné gracieusement la vie ». Il s’en prend en particulier à l’œuvre de Beccaxia qui proposait la suppression de la peine de mort25.
- 26 Ibid., p. 93-94.
- 27 José Antonio Ferrer Benimelli, La masonería española en el siglo XVIII, Madrid, Siglo XXI de España (...)
21Zeballos voit dans les Lumières un mouvement issu du protestantisme qui, le premier, a commis le péché originel : appliquer la raison aux principes religieux. Dans un deuxième temps, « en voulant raisonner les dogmes religieux (…), on remplace la religion révélée par la religion naturelle. Puis, de là on devient déiste ou athée », comme « tous ceux qui vivent sans aucune loi, sans piété, même naturelle ; sans religion ». À ce dernier stade, « ces hommes s’appellent des déistes, ou libertins ou indifférents, ou philosophes. Tous ces termes sont synonymes26 ». La franc-maçonnerie n’est qu’une conséquence de cette hérésie. La deuxième condamnation de ce mouvement en 1751 (la première date de 1738) a d’ailleurs eu un écho important en Espagne27.
- 28 Jean Sarrailh, op. cit., p. 43-56.
- 29 El Philotheo en conversaciones del tiempo, escritas por el R. P. M. Don Antonio Joseph Rodríguez, m (...)
- 30 François López, Juan Pablo Forner et la crise de la conscience espagnole au xviiie siècle, Bordeaux (...)
- 31 Ce personnage est bien connu depuis la biographie que lui a consacrée Marcelin Defourneaux. Olavide (...)
22D’autres auteurs de « livres paratonnerres », pour reprendre l’expression de Jean Sarrailh28, s’inscrivent dans la lignée des idées défendues par Zeballos : le Père Rodríguez, Fernández de Valcarce29 ou Juan Pablo Forner30. Ce mouvement réactionnaire s’impose rapidement à la fin des années 1770 et commence à lutter efficacement contre les hommes des Lumières. Ses penseurs sont relayés auprès de l’opinion analphabète par de remarquables prédicateurs tel le célèbre capucin Diego de Cadix. Il enregistre deux grands succès. Le premier est la condamnation de Pedro de Olavide par l’inquisition en 1778. Ce bouillonnant homme d’action, intendant d’armée d’Andalousie et assistant de Séville est l’une des figures les plus brillantes et les plus dérangeantes de la Ilustración au point de devenir la bête noire de la mouvance conservatrice. L’Inquisition tisse patiemment sa toile et l’emprisonne en novembre 1776. Malgré les appuis dont bénéficie Olavide au plus haut sommet de l’État, elle ne lâche dès lors plus sa proie et veut faire de son procès un exemple. La pensée réactionnaire transparaît clairement dans les minutes du procès : « Olavide est luthérien, est franc-maçon, athée, il est gentil (païen), il est calviniste, il est juif, il est aryen, il est Machiavel ; est-il chrétien31 ? ». Cet épisode est souvent présenté comme le coup d’arrêt à l’essor du mouvement des Lumières.
23Au début des années 1780, la mouvance réactionnaire connaît un nouveau succès avec la fermeture d'El Censor, journal emblématique de la Ilustración. Ces deux cas illustrent la fragilité des Lumières en Espagne : l’échec est consommé quand la monarchie retire son soutien sous la pression conservatrice.
24L’apport essentiel de Javier Herrero est de montrer que les Zeballos et autres Forner ne créent pas une pensée nouvelle. Ils s’inspirent pour l’essentiel des œuvres d’étrangers traduites en Espagnol qui ont connu un grand succès. La source principale est le jésuite Claude-François Nonotte, connu surtout pour sa polémique avec Voltaire (Essai sur l’Histoire générale et Erreurs de Voltaire). Nicolas-Sylvestre Bergier ou Antonio Valsecchi servent aussi de référence. Le premier, chanoine de la cathédrale de Paris et confesseur de la famille royale, avait pour cible favorite Rousseau et d’Holbach. Le deuxième, un dominicain de l’Université de Padoue, était surtout célèbre pour son Dei fondamenti dellla religione e dei fonti dell’empietà (1765).
- 32 Javier Herrero, op. cit., p. 37.
- 33 Ibid., p. 49.
25Les traductions les plus importantes et les plus précoces sont celles de Nonotte : l’Oracle des nouveaux philosophes (1769-70), Les erreurs historiques et dogmatiques de Voltaire (1771-1772). Son traducteur, le Père Pedro Rodríguez Morzo, profitait de longues préfaces pour surenchérir sur les thèmes chers à Nonotte : « Ils (les hommes des Lumières) possèdent l’art de convertir le bien en mal, ils confondent la lumière et les ténèbres et veulent nous abîmer dans l’égarement et dans l’erreur32 ». Valsecchi et Bergier ont été traduits en 177733.
- 34 Le succès fut tel que trois éditions furent nécessaires. Javier Herrero, op. cit., p. 50.
26La publication des œuvres posthumes de Frédéric de Prusse en 1788, date à laquelle on découvrit sa correspondance avec Voltaire, d’Alembert, Diderot ou Condorcet, fournit au futur mouvement contre-révolutionnaire un autre thème : la philosophie des Lumières serait une conspiration machiavélique visant à miner toutes les structures des sociétés établies. Le jésuite italien Luigi Mozzi est le premier à développer cette idée dans un ouvrage publié à Assise en 1791 et immédiatement traduit en Espagne sous le titre Proyectos de los incrèdulos34.
27Les penseurs contre-révolutionnaires en Espagne ne représentent donc pas une tradition nationale. Ils sont l’expression d’un mouvement européen qui reçoit un écho particulièrement favorable dans la péninsule Ibérique. La nation reste un thème mineur dans leur discours. Elle ne passe progressivement au premier plan qu’avec la lutte contre la Révolution française.
Le rôle de la Révolution française et de la guerre des Pyrénées
- 35 La politique étrangère de l’Espagne à cette période est bien connue, en particulier grâce à la corr (...)
28La Révolution française tétanise le mouvement des Lumières et met aussi le doigt sur ses ambiguïtés. Ces hommes sont avant tout des hommes d’ordre qui ne peuvent accepter la remise en cause de l’autorité royale et de la société d’ordres. Le rejet devient presque total à partir de l’avènement de la République. L’Espagne, dirigée jusqu’en 1793 par les ministres ilustrados de Charles III (Floridablanca puis Aranda), adopte une politique de fermeture. Le pays est comme frappé d’autisme. Un cordon sanitaire est mis en place à la frontière. L’État passe un nouveau pacte avec l’inquisition pour pourchasser tout écrit séditieux. On interdit la publication de tout ouvrage évoquant la France, même pour la critiquer. Ainsi, la Gaceta de Madrid (le journal officiel) est-elle contrainte d’augmenter la taille de ses caractères d’imprimerie pour remplir des colonnes consacrées aux nouvelles étrangères désespérément vides si l’on reste muet sur les événements d’outre-Pyrénées35.
- 36 Bartolomé Bennassar, Histoire des Espagnols, t. II, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 123.
29Confrontée à l’exemple français, l’équipe des Lumières se disloque. Certains comme Floridablanca préfèrent l’alliance avec les réactionnaires et avec l’inquisition. Une infime minorité prend parti pour la France. La majorité des ilustrados ne veut pas choisir. Jovellanos condamne : « la secte féroce et ténébreuse » qui a fini par noyer « dans un chaos d’absurdité et de blasphèmes tous les principes de la morale naturelle civile et humaine36 » mais refuse de s’allier avec les conservateurs. Le mouvement des Lumières est d’autant plus affaibli qu’il ne bénéficie plus du soutien de la monarchie. Le Charles IV falot qui apparaît dans les tableaux de Goya correspond au portrait qu’en fait Talleyrand :
- 37 Philippe Loupés, op. cit., p. 235.
« C’est un honnête homme ; toutefois je ne puis lui accorder d’autres notions que celles d’un bon garde-chasse qui sait piquer son lièvre, faire une omelette et quelquefois du boudin. Sortez de là, il ne sait pas dire un mot ; il est sans instruction absolument et ne se mêle jamais des affaires de l’État37 ».
- 38 Richard Herr, The Eighteenth Century Revolution in Spain, Princeton, Princeton University Press, 19 (...)
Dans ce contexte, le mouvement réactionnaire prend progressivement le dessus sur les Lumières. La guerre des Pyrénées contre la France (1793-1795) le fait passer au premier plan et lui fournit un nouveau thème de propagande : la défense de la patrie et de la cause nationale. Depuis les travaux pionniers de Richard Herr, ce conflit sans grand intérêt militaire apparaît comme une rupture idéologique38. À partir de ce moment, la cause nationale se confond avec les thèses contre-révolutionnaires.
- 39 Ibid., p. 308.
- 40 Des sermons ont été analysés dans : Jean-René Aymes, « Le discours clérical contre-révolutionnaire (...)
30La mobilisation populaire contre les Français est indéniable. On assiste à un véritable élan national – repérable par des dons, des engagements volontaires – entretenu par une formidable propagande du clergé qui tente d’instaurer un climat de cataclysme biblique39. Aux thèmes réactionnaires évoqués plus haut s’ajoute la francophobie : Paris est la Babylone corrompue, les Français sont des agents de l’Antéchrist40. La francophobie touche même le clergé français émigré en Espagne. Le comte de Lacy écrivait en 1792 :
- 41 Jean-Philippe Luis, « Le clergé français émigré en Espagne pendant la Révolution française (1791-18 (...)
« Il convient de ne pas perdre de vue même les ecclésiastiques qui ont inondé notre Espagne…, ils sont si légers et courent si inconsidérément après les femmes que ces cascadeurs s’attirent la haine des catalans41 ».
La propagande insiste ensuite sur la lutte pour la défense de la foi : la guerre est une croisade ; une croisade contre la France, un pays sans roi sans Dieu. L’Espagne a une mission purificatrice : elle doit sauver l’Europe les armes à la main.
31Cette guerre des Pyrénées peut en fait être considérée comme une répétition de ce que sera une quinzaine d’années plus tard la guerre d’indépendance. Dès cette époque s’impose une définition de la nation espagnole : d’essence religieuse elle procède du catholicisme. Elle doit donc rejeter les influences étrangères, en particulier l ’afrancesamiento. Un catéchisme célèbre rédigé en 1808 est particulièrement parlant.
- 42 Jean-René Aymes, La Guerre d’indépendance espagnole (1808-1814), Paris, Bordas, 1973, p. 114-115.
« - Dis-moi mon fils, qui es-tu ?
– Je suis Espagnol, par la grâce de Dieu.
– Que veut dire Espagnol ?
– Homme de bien.
– Combien d’obligations a un Espagnol ?
– Trois : être chrétien et défendre la patrie et son roi. (…)
– Qui sont les Français ?
– Des anciens chrétiens et des hérétiques modernes.
– Qui les a menés à un tel esclavage ?
– La fausse philosophie et la corruption des mœurs (…)
– Que doit être la politique des Espagnols ?
– Les maximes de Jésus-Christ42 ».
Il convient cependant de s’interroger sur ce nationalisme. Ne s’agit-il pas d’un nationalisme de reflux, de repli identitaire au moment où l’Espagne cesse d’être une nation qui compte en Europe ? La Révolution française marque une rupture brutale à partir de laquelle l’Espagne, qui était la troisième puissance navale européenne et disposait d’un empire immense, s’effondre et entre dans la dépendance de la France ou de l’Angleterre.
- 43 Je reprends là la célébré distinction établie par que Raoul Girardet entre nationalisme « ouvert » (...)
32L’idéologie contre-révolutionnaire a été incapable de fournir les éléments d’un nationalisme constructif, « ouvert43 », comme le montre l’histoire de l’Espagne au xixe siècle. Le carlisme, un des avatars les plus importants de cette mouvance réactionnaire, devient même le chantre des libertés locales et du refus de la centralisation. Le projet politique qu’il défend est flou : une défense de l’Ancien Régime qui n’est en aucun cas l’absolutisme mais un Ancien Régime fantasmé dont l’âge d’or se situerait au xve siècle. La pensée réactionnaire reste influente tout au long du siècle dernier mais demeure prisonnière de ses contradictions. Finalement, Franco, qui n’était sûrement pas un idéologue, sera le premier à synthétiser et à concrétiser tragiquement les idées d’une pensée née cent cinquante ans plus tôt.
Conclusion
- 44 Certains, comme Antonio Domínguez Ortiz, pensent que la rupture n’intervient qu’au début du xixe si (...)
- 45 Marcelino Menéndez Pelayo, Historia de los heterodoxos españoles, Madrid, 1880.
33Deux idéologies s’affrontent dans l’Espagne du dernier tiers du xviiie siècle : la Ilustración et la pensée réactionnaire. De là naît le mythe des deux Espagnes irréconciliables44 qui s’est exprimé avec fureur pendant la guerre civile. Au xviiie siècle, la réflexion sur la nation est pauvre et limitée dans les deux camps. Des raisons extérieures (la Révolution française, puis la guerre d’indépendance) accélèrent l’appropriation du thème de la nation par la contre-révolution. Les allures de croisade qu’elle donne à la lutte contre les Français confèrent une dimension nationaliste à une pensée qui ne l’était pas au départ. Cette idéologie réactionnaire qui apparaît en Espagne dans les années 1770 n’est pas espagnole, elle est européenne. L’originalité vient du fait qu’elle a réussi à s’implanter avec force en Espagne alors qu’elle est restée marginale partout ailleurs. Menéndez Pelayo a théorisé avec clarté cette situation dans son Historia de los heterodoxos españoles en qualifiant d’hétérodoxes, donc d’étrangers à la communauté nationale, ceux qui n’acceptent pas que le catholicisme soit consubstantiel à l’Espagne45. Depuis la restauration de la démocratie, la situation s’est encore compliquée avec les statuts d’autonomie et l’affirmation vigoureuse d’un nationalisme basque, catalan ou galicien. Une nouvelle identité nationale débarrassée de l’héritage franquiste reste à forger. L’ancrage d’une démocratie pacifiée qui sait assumer l’alternance, le formidable essor économique des vingt dernières années, le consensus et même l’enthousiasme en faveur de l’intégration européenne pourraient être autant d’atouts pour y parvenir. Cependant, toute reformulation mobilisatrice du concept de nation espagnole est pour le moment bloquée par le poids politique et culturel croissant des nationalismes régionaux.
Notes
1 Joseph Pérez, Histoire de l’Espagne, Paris, Fayard, 1996, p. 591-592.
2 Borja de Riquer, « La débil nacionalización española del siglo XIX », Historia social, n° 20, 1994, p. 99 [En ligne] URL : http://0-www-jstor-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/stable/40340639. Émile Temime et Gérard Chastagnaret, « Le pouvoir central en Espagne au xixe siècle : du modèle de l’État de droit aux réalités de fonctionnement », Cahiers de la Méditerranée, t. II, vol. 42, 1991, p. 81-87 [En ligne] DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/camed.1991.1038.
3 Avec une exception notable : l’intégration de fait du Portugal de 1580 à 1640.
4 Jean-Marc Pelorson, Les letrados juristes castillans sous Philippe III, Poitiers, L’éveil de la Haute-Loire, 1980.
5 Jean-Pierre Dedieu, L’Espagne de 1492 à 1808, Paris, Belin, 1994, p. 77-82.
6 Les exportations vers l’Amérique ont fortement augmenté durant le dernier quart du xviiie siècle : un doublement d’après certaines sources, un quintuplement d’après d’autres. Manuel Tuñon de Lara (dir.) Centralismo, ilustración y agonía del Antiguo régimen (1715-1833), l’Historia de España de, t. VII), Madrid, Labor, 1980, p. 134.
7 La plupart sont des Galiciens. Une commission d’envoi des familles à destination des deux rives du Rio de la Plata et de la Patagonie est créée à La Corogne en 1773. Philippe Loupés, L’Espagne de 1780 à 1802, Paris, SEDES, 1985, p. 51.
8 Pierre Vilar a consacré un article sur le sens de ces termes. Pierre Vilar, « Les concepts de « nation » et de « patrie » chez les Espagnols du temps de la Guerre d’indépendance », Ibérica, n° 4, 1994, p. 75-94.
9 Miguel Antonio de la Gandara, Apuntes sobre el bien y el mal de España, Madrid, Imprenta de la viuda de López, 1820. Cité par Georges Desdevizes du Dézert, Un réformateur espagnol au XVIIIe siècle, D. Miguel Antonio de la Gandara, texte manuscrit, Bibliothèque Municipale et Interuniversitaire de Clermont-Ferrand, Manuscrit 465, p. 9.
10 Antonio Elorza, La ideología liberal en la ilustración española, Madrid, Technos, 1970.
11 Au Secrétariat d’État aux Affaires d’État, dont le dirigeant est considéré comme le chef du gouvernement.
12 Lucienne Domergue, « Les freins à la diffusion des idées nouvelles », dans Bartolomé Bennassar (dir.), L’Espagne, de l’immobilisme à l’essor, Paris, CNRS Éditions, 1989, p. 152.
13 Adam Smith est connu en Espagne dès les années 1780.
14 « La politique d’homogénéisation des ilustrados est limitée fondamentalement par le strict respect de l’ordre hiérarchique de la société d’ordres », Antonio Elorza, op. cit., p. 38.
15 La época de la Ilustración. El Estado y la cultura (1759-1808), (Historia de España dirigida por Ramón Menéndez Pidal t. XXI), Madrid, 1987; Antonio Morales Moya, Reflexiones sobre el estado español del siglo XVIII, Madrid, Instituto Nacional de Administración Pública 1987.
16 Josep Fontana Lázaro, « El alimento del Estado. Política y Hacienda en el “despotismo ilustrado », Hacienda pública española, n° 108-109, 1987, p 157- 168.
17 Raúl Morodo Leoncio, « Reformismo y regeneracionismo: el contexto ideológico y político de la Constitución de Bayona », Revista de Estudios políticos, n° 83, 1994, p. 29-76.
18 Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Le Seuil, 1990.
19 Lucienne Domergue, Censure et Lumières dans l’Espagne de Charles III, Paris, CNRS Éditions, 1982. Paul-Jacques Guinard, La presse espagnole de 1737 à 1791. Formation et signification d’un genre, Paris, Centre de recherches hispaniques, Institut d’études hispaniques, 1973.
20 Jean Sarrailh, L’Espagne éclairée de la seconde moitié du xviiie siècle, Paris, Klincksieck, 1964.
21 La démonstration est déjà ancienne. Marcelin Defourneaux, L’Inquisition espagnole et les livres français au xviiie siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1936.
22 Jean-Pierre Dedieu, « Responsabilité de l’inquisition dans le retard économique de l’Espagne », dans Bartolomé Bennassar (dir.), L’Espagne, de l’immobilisme à l’essor, Paris, CNRS Éditions, 1989, p. 159.
23 La falsa filosofia, Escrita por fray Fernando de Zeballos, monje jerônimo del Monasterio de San Isidoro del Campo, Madrid, 1775-1776. L’œuvre est composée de 6 volumes.
24 Javier Herrero, Los origenes delpensamiento reaccionario espanol, Saragosse, Prensas de la Universidad de Saragoza, 1973, p 100. Il s’agit de l’ouvrage de référence concernant l’émergence de cette pensée réactionnaire.
25 Ibid., p. 103.
26 Ibid., p. 93-94.
27 José Antonio Ferrer Benimelli, La masonería española en el siglo XVIII, Madrid, Siglo XXI de España Editores, S.A., 1974.
28 Jean Sarrailh, op. cit., p. 43-56.
29 El Philotheo en conversaciones del tiempo, escritas por el R. P. M. Don Antonio Joseph Rodríguez, monje cisterciense en el Real Monasterio de Santa María de Buruela, Madrid, 1776. Fernández de Valcarce, Los desengaños filosóficos, 4 volumes publiés de 1787 à 1797. Pour une analyse de ces ouvrages : Javier Herrero, op. cit., p. 104-115.
30 François López, Juan Pablo Forner et la crise de la conscience espagnole au xviiie siècle, Bordeaux, Institut d’études ibériques et ibéro-américaines, 1976.
31 Ce personnage est bien connu depuis la biographie que lui a consacrée Marcelin Defourneaux. Olavide est contraint à l’exil pour échapper à l’inquisition. Marcelin Defourneaux, Olavide ou l’Afrancesado (1725-1803), Paris, Presses universitaires de France, 1959.
32 Javier Herrero, op. cit., p. 37.
33 Ibid., p. 49.
34 Le succès fut tel que trois éditions furent nécessaires. Javier Herrero, op. cit., p. 50.
35 La politique étrangère de l’Espagne à cette période est bien connue, en particulier grâce à la correspondance diplomatique et aux écrits du comte de Fernán Nuñez, ambassadeur à Paris. Une bonne synthèse de cette question se trouve dans : Philippe Loupés, op. cit., p. 225-256.
36 Bartolomé Bennassar, Histoire des Espagnols, t. II, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 123.
37 Philippe Loupés, op. cit., p. 235.
38 Richard Herr, The Eighteenth Century Revolution in Spain, Princeton, Princeton University Press, 1958.
39 Ibid., p. 308.
40 Des sermons ont été analysés dans : Jean-René Aymes, « Le discours clérical contre-révolutionnaire en Espagne (1789-1795) », Les Révolutions ibériques et ibéro-américaines à l’aube du xixe siècle, Paris, CNRS Éditions, 1991, p. 25-44. Lucienne Domergue, « Le serment catalan au service de la contre-révolution (1793-1795) », dans Les Révolutions ibériques et ibéro-américaines à l’aube du xixe siècle […] p. 59-70.
41 Jean-Philippe Luis, « Le clergé français émigré en Espagne pendant la Révolution française (1791-1802) », dans Les Révolutions ibériques et ibéro-américaines à l’aube du xixe siècle […] p. 56.
42 Jean-René Aymes, La Guerre d’indépendance espagnole (1808-1814), Paris, Bordas, 1973, p. 114-115.
43 Je reprends là la célébré distinction établie par que Raoul Girardet entre nationalisme « ouvert » et « fermé » à partir du cas français de la fin du xixe siècle.
44 Certains, comme Antonio Domínguez Ortiz, pensent que la rupture n’intervient qu’au début du xixe siècle. Antonio Domínguez Ortiz, “Reflexiones sobre las dos Españas”, Hechos y figuras del siglo XVIII español, Madrid, Siglo XXI de España Editores, S.A., 1980, p. 345-346.
45 Marcelino Menéndez Pelayo, Historia de los heterodoxos españoles, Madrid, 1880.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Jean-Philippe Luis, « Nation et contre-révolution dans l’Espagne de la fin du xviiie siècle », Siècles, 9 | 1999, 101-114.
Référence électronique
Jean-Philippe Luis, « Nation et contre-révolution dans l’Espagne de la fin du xviiie siècle », Siècles [En ligne], 9 | 1999, mis en ligne le 24 juillet 2024, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/siecles/12178 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/123kr
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