La part de l’histoire dans les éloges de la nation
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- 1 Jean-Yves Guiomar, « Patrie, nation, État », dans Langages de la Révolution française (1770-1815), (...)
1L’idée de nation est promue au début du xviiie siècle par les partisans d’un renforcement du rôle de la noblesse, Saint-Simon ou Boulainvilliers, qui retrouvent pour les besoins de leur cause les racines franques de l’aristocratie française. « Dans cette vision, remarque Jean-Yves Guiomar, la nation a d’emblée, d’origine et de nature deux versants : elle est à la fois la source de légitimité, donc origine du pouvoir et base de sa constitution, et être historique, organisme ethnique et culturel1 ». Sans volonté émancipatrice explicite mais avec un provincialisme certain, perdurent parallèlement les tentatives de diverses académies, recherchant, en-deçà de la période des invasions, l’originalité politique et culturelle de la Gaule, tenue pour le berceau de la liberté nationale. Dans un cas comme dans l’autre transparaît plus ou moins sourdement un mal d’être imputable à une monarchie absolue niant par trop l’identité des élites sociales et intellectuelles.
- 2 J. Godechot, « Nation, patrie, nationalisme et patriotisme en France au xviiie siècle », Actes du c (...)
2Les écrits du siècle plus généralement font émerger les thèmes de nation et de patrie. La première est citée cinquante fois, la seconde quatorze dans les Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains, de Montesquieu (1740), associées à la liberté, au bonheur, à la vertu. Et la controverse fait rage entre Voltaire et Rousseau, le premier insistant sur la disparition de l’idée de nation (qu’il emploie dans un sens banal et neutre : « nation juive », « nation anglaise », etc.), le second sur le caractère national de chaque peuple, la beauté à s’accomplir dans le don de soi à la nation2.
3Les révolutionnaires sont bon gré mal gré héritiers de ces discours et de ces discordances, eux qui vont rendre vivante (ou revivifier) la nation. Le rapport à l’histoire de ces anciens élèves des collèges jésuites ou oratoriens n’en est que plus complexe. Il leur faut se réapproprier une science humaine dont la monarchie française a fait l’une de ses armes, composer avec le mythe des origines auquel renvoie leur volonté régénératrice. Et ce dans le moment même où ils ont quotidiennement conscience d’écrire par leurs actes l’histoire contemporaine, de la mettre en scène, de créer de nouveaux héros.
Héritages du Grand Siècle
- 3 Colloque des 26-27 mai 1986 (Paris IV-Sorbonne), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, (...)
- 4 P. Vidal-Naquet, introduction à La monarchie absolutiste et l’histoire en France…, p. 15-16.
4Depuis Louis XIV, la monarchie française, pour des besoins politiques intrinsèques et par souci de propagande, s’est approprié l’histoire nationale. Il y a dix ans, un colloque en Sorbonne, La monarchie absolutiste et l’histoire en France : théories du pouvoir, propagandes monarchiques et mythologies nationales, en a décrit le processus3. Chantal Grell le fait débuter au xviie siècle, reprenant les thèses d’Orest Ranum (Artisans of Glory, Writers and Historical Thought in Seventeenth-Century France, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1980). La connaissance de l’histoire est alors considérée comme une initiation au pouvoir ; ainsi l’écrit explicitement Louis XIV dans ses Mémoires. La mise en place du monde académique, une politique de collation des textes législatifs et des ordonnances vont servir cette connaissance indispensable. Au plan européen, l’histoire va autoriser toutes les ambitions et prétentions françaises, les conquêtes d’un nouvel Alexandre, Louis XIV qui abandonnera bientôt la référence à son modèle, étant à son tour devenu « grand » et trouvant « dans son lignage la gloire qu’il lui renvoie avec plus ou moins de générosité4 ». En matière de politique intérieure, l’histoire devra permettre de légitimer les renforcements des pouvoirs du roi et la construction de l’État absolutiste. En particulier, l’argumentation juridique, fondée sur l’interprétation du droit romain, donnera au pouvoir monarchique les moyens de contester les prétentions des grands féodaux : au chaos féodal sera opposée l’idée de « nation », l’unité d’un peuple autour de son souverain (cf. O. Ranum, National Conciousness. History and Political Culture in Early-Modern Europe, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1975).
- 5 Ch. Grell, ibid., présentation du sujet, p. 19-27.
- 6 Ibid.
5Ainsi que le note Colette Beaune (Naissance de la nation France, Paris, Gallimard, 1985), l’origine de cette « nation » est recherchée dans une antiquité présumée, troyenne ou gauloise, et son attachement au souverain rendu d’autant plus logique que celui-ci descend de Clovis. « Plus les héros fondateurs sont anciens, plus les droits du roi et de son peuple semblent incontestables : de là cette manie des généalogies et cette quête effrénée d’ancêtres et d’origines qui a conduit les divers États européens à s’approprier les Troyens, mais aussi Isis ou Hercule, pour ne citer que les plus célèbres5 ». Au fur et à mesure que s’affirme cependant l’absolutisme, les modèles antiques sont abandonnés (adieu Alexandre, César ou Auguste !) au profit de la glorification exclusive des grands ancêtres « français » de la monarchie : Pharamond, Clovis, Saint-Louis, Henri IV puis Louis-le-Grand. Le mouvement est achevé au xviiie siècle : « La monarchie n’a plus alors besoin de légitimation historique, son existence suffit à prouver ses droits » ; ce sont au contraire les opposants qui recourent à de telles argumentations pour dénoncer les « usurpations de l’État absolutiste « et revendiquer le retour à un ancien ordre idéal6. Et Ch. Grell d’évoquer les oppositions des parlementaires, de l’aristocratie qui « fait appel aux Francs pour justifier ses prétentions au partage du pouvoir ». Ce recours peut aller jusqu’à un rejet à peine voilé des origines gauloises, trop multiples, trop confuses, trop prisonnières du mythe. Capitaine de cavalerie, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Bourdon de Sigrais s’y emploie dans ses Considérations sur l’esprit militaire des Gaulois, publiées à Paris en 1774.
6À travers un « tableau synoptique du caractère militaire des Gaulois (…), suite historique d’environ 2067 ans », il règle successivement leur compte aux compagnons de Bellovèse puis à ceux de Sigovèse. Les qualités des premiers, passionnés par la guerre, se limitaient au courage mis à défendre leur honneur personnel. Leurs défauts les accablaient : grossièreté, rudesse de leurs mœurs, fainéantise, vanité, ostentation de leurs parures, ignorance des arts d’utilité ou d’agrément, pauvreté des techniques agricoles, privilégiant l’élevage au détriment des cultures. À ces faiblesses, d’autant plus remarquables que la population était surabondante, s’ajoutaient « les défauts d’une constitution politique qui partageoit la Colonie en petits États libres et discordans ». Autrement dit, la nation n’existait qu’en discours : « ils étaient plus soldats que cultivateurs et que citoyens, plus jaloux de leur honneur personnel, et de celui de leur Nation, qu’attachés à la Nation » (p. 605-606). Tous ces vices étaient accentués chez les Gaulois de Sigovèse, amollis au contact des Grecs asiatiques (sic). Les descendants de ces tribus primitives, qui affrontèrent César, portaient donc une hérédité trop lourde, malgré leurs progrès dans les lettres et les arts, dans l’armement. Sans réelles références politiques, ils avaient de surcroît perdu la force de leur religion, mélangée avec « des cultes moins graves et moins guerriers » (p. 614). Bref, défaite et avilissement étaient inscrits dans leur histoire. Consternation et mépris doivent donc s’ensuivre chez le lecteur, auquel Bourdon de Sigrais a dès sa préface présenté le modèle politique enviable, celui d’une nation construite par assimilation ethnique, syncrétisme religieux et nécessités défensives :
- 7 Bourdon de Sigrais, Considérations sur l’esprit militaire des Gaulois, Paris, 1774, p. XVI à XVIII.
« Soit que la fable fasse descendre les Francs des Troyens, comme les fondateurs de Rome ; soit qu’ils fussent venus de l’Illyrie, ou de la Pannonie, ou des bords de la mer Baltique, ou de ceux de la mer Caspienne ; soit que ce fussent d’anciens Gaulois Tectosages qui, après avoir couru une partie de l’Europe revenoient à leurs premiers foyers, il suffît de scavoir certainement qu’avant leurs conquêtes dans les Gaules ils habitoient depuis longtems en Germanie, et qu’ils étoient véritablement Germains de langage, de mœurs, de caractère. Ils se mêlèrent dans la suite avec les Peuples conquis, par les Alliances du sang, par toutes les affinités sociales qu’établissent l’hospitalité, la religion, la défense d’une patrie devenue commune, et formèrent avec eux une Nation mixte, laquelle, réunissant les traits de sa double origine, laissoit à ses descendons le choix de se dire également Gaulois ou Germains7 ».
- 8 Cf. note 4.
- 9 J. Ehrard, « Les Gaulois dans l’Encyclopédie », dans Paul Viallaneix et Jean Ehrard (dir.), Nos Anc (...)
7Le siècle des Lumières, souvent répandues à travers les exemples de la Grèce et de Rome (qui nourrissent dans les collèges les imaginations des futurs révolutionnaires) n’étouffe donc pas le débat sur les origines. Pierre Vidal-Naquet considère qu’« il les a même multipliées, démultipliées, devrait-on dire plus précisément, tant il a mis d’ardeur à répartir entre d’autres dieux l’héritage classique et biblique ». Mais c’est pour remarquer aussitôt les coups nombreux et redoutables portés aux légendes fondatrices par les héritiers de Bayle, tel Louis de Beaufort (Dissertation sur l’incertitude des cinq premiers siècles de l’histoire romaine, Utrecht, E. Neaulme, 1738), par Voltaire8. Et l’on chercherait en vain dans l’Encyclopédie, sous la plume de Jaucourt, une quelconque référence au mythe gaulois des origines nationales – ni les Arvernes ni Vercingétorix n’ont du reste droit au moindre article, à la moindre mention. Pour Jaucourt comme pour Voltaire, nous rappelle Jean Ehrard, la France est une création récente, produit moderne d’un long travail effectué au cours des siècles, à partir des invasions franques et de la décomposition de l’Empire romain9.
- 10 Ph. Bourdin, Des lieux, des mots, les révolutionnaires. Le Puy-de-Dôme entre 1789 et 1799, Clermont (...)
- 11 M. Goncalvès, Conscience historique et pratiques historiographiques à l’académie de Clermont– Ferra (...)
8Dans ces perspectives temporelles et spirituelles, l’académie de Clermont-Ferrand frappe encore une fois par son conservatisme. On sait son hostilité aux idées de Newton. Mais l’on mesure aussi, à travers les discours fournis qu’elle va offrir sur le mythe arverne, les conséquences d’un appui trop longtemps cherché à la Cour pour l’obtention des nécessaires lettres patentes (obtenues en 1780 seulement, quand la Société littéraire existe depuis 1747)10. Si ce savant cénacle s’ingénie en effet, pour arriver à ses fins, à accueillir en son sein la fine fleur des agents royaux de la province, il développe par ses mémoires un régionalisme étroit, contraire parfois à la « nation » revendiquée par le pouvoir monarchique. Sur les 409 travaux qui demeurent, 131 sont des études historiques, ainsi réparties chronologiquement : 59 % portent sur une période allant de l’Antiquité au vie siècle, 26 % sur le Moyen Âge, 15 % sur l’histoire de la France depuis le xve siècle. La répartition thématique n’est pas moins éclairante sur la recherche assidue des origines de l’Auvergne et de son peuple : 18 % des textes sont consacrés aux temps mythiques, 30 % à l’archéologie (que Pélissier de Féligonde ou Dufraisse de Vernines encouragent sur le site de Gergovie), 9 % à l’établissement régional du christianisme, 31 % aux événements politiques et militaires, 12 % à des monographies locales11.
- 12 M. Toquant, La société des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont-Ferrand, DES, Clermont-Ferr (...)
9Notons toutefois le déclin de ces travaux historiques, affectant notamment l’Antiquité, dans les dix dernières années de l’Ancien Régime12.
- 13 B.M.I.U. (Bibliothèque municipale et interuniversitaire de Clermont– Ferrand), Ms 785 à 787.
- 14 M. Goncalvès, « Entre gallicité et arvernité. Provincialisme et mythologie des origines à l’Académi (...)
10Trente-cinq manuscrits sont entièrement ou partiellement consacrés aux Gaulois, c’est-à-dire aux Arvernes, qui à eux seuls représentent sous la plume des érudits locaux l’ensemble du peuple celte13. Ils sont érigés en modèles anthropologiques et religieux : « affublés d’une ascendance biblique et troyenne, leur légende nourrit sa propre théorie des translations humaines post-diluviennes et des origines de la nation française, sa propre idéologie du pouvoir monarchique, tout cela pour la plus grande gloire du royaume, mais aussi de la province14 ». Le chanoine Cortigier affirme que les Gaulois descendent de Japhet, le fils de Noé : embarqués sur l’Hellespont, ils auraient directement abordé les côtes méridionales françaises puis auraient colonisé l’Europe au vie siècle avant Jésus-Christ, sous la houlette de Bellovèse au Sud, de Sigovèse au Nord. Et dom Martinon de préciser, martial :
- 15 B.M.I.U., Ms 785. Dissertation sur les deux premières époques de l’histoire d’Auvergne, 1764.
« Ce fut sous le même nom d’un peuple libre ou de francs qu’ils revinrent 800 ans après habiter de nouveau le séjour des Gaules que leurs ayeux n’avaient quitté qu’avec le doux espoir d’y revenir un jour, et de s’y fixer meme pour toujours. Telle est l’origine de la Monarchie française15 ».
- 16 M. Goncalves, art. cit., note 14.
11Ainsi se trouve élégamment effacée de la chronologie la conquête franque de la Gaule, sur laquelle dissertaient à la même époque les tenants des théories germanistes emmenés par Boulainvilliers. Tombent du même coup les prétentions de la noblesse, désireuse de participer aux affaires de l’État au nom du droit de conquête de ses prétendus ancêtres francs16.
- 17 B.M.I.U., Ms 785. Dissertation sur la langue originaire des Gaulois, 1752.
- 18 B.M.I.U., Ms 787. Dufraisse de Vernines, Mémoire sur les mœurs et le gouvernement des Auvergnats av (...)
12L’acculturation du peuple gaulois, induite par la conquête romaine, est pareillement niée dans les écrits de l’académie clermontoise. Les Gaulois n’auraient pas été les sauvages incultes décrits par l’envahisseur mais, selon Pélissier de Féligonde, c’est au contraire chez eux que les Grecs seraient venus emprunter l’élégance de leur langue et de leur civilisation17. Une académie n’existait-elle pas déjà avant l’arrivée des légions romaines, où les bardes enseignaient les belles-lettres et surtout l’histoire de la nation18 ? Quant à l’idolâtrie sanglante que les auteurs latins comme les Encyclopédistes prêtent aux Arvernes, c’est là justement l’une des conséquences de l’occupation du territoire par César. Car, affirme Dufraisse de Vernines, « primitivement dans l’Auvergne on ne connoissoit et on n’adoroit que le vrai dieu » – à peine même si le respect qu’on lui portait permettait de le représenter, d’où l’extrême pauvreté de la statuaire gauloise :
- 19 Ibid.
« Le culte religieux des Auvergnats estoit épuré. Ils n’adoroient aucunes idolles et du moins s’ils n ’estoient pas de véritables adorateurs, ils n’étoient pas payens comme plusieurs autres peuples de la terre (…). Ils adressaient leur culte (à) un être spirituel, quoy qu’on puisse leur reprocher d’avoir mélé quelques superstitions dans ce culte 19».
- 20 M. Goncalvès, art. cit., note 14.
Cette préfiguration du christianisme fait de l’Auvergne le berceau de la religiosité française20.
- 21 B.M.I.U., Ms 787. De Vernines, Discours sur la généalogie des rois de France de la seconde et de la (...)
- 22 M. Goncalves, art. cit. note 11, p. 174.
- 23 B.M.I.U., Ms 785. Ribaud de la Chapelle, Mémoire historique et politique sur le caractère et les ac (...)
- 24 Ibid., et Pélissier de Féligonde, Extraits des pièces de littérature lues à l’assemblée publique de (...)
- 25 P. Zobermann, Les panégyriques du roi prononcés dans l’Académie française, Paris, Presses de l’Univ (...)
13La France doit aussi à cette province l’origine de la monarchie. Du moins le veut ainsi un discours académique local orthodoxe dans ses buts (la recherche des ascendants royaux), non dans ses conclusions. Donc, la « maison France » descend en ligne directe et masculine de l’empereur Avitus, natif de Clermont, issu de la famille des Avits, dont personne « n’a jamais douté qu’ils ne fussent d’Auvergne et qu’ils n’eussent pas leurs possessions en Auvergne21 ». Le huitième successeur d’Avitus, Pépin Héristel, est le fondateur de deux lignées fameuses : Charles Martel, Pépin le Bref et Charlemagne d’un côté ; Childebert, Nébelon, Thierbert, les Robert I, II et III, Hugues le Grand et Hugues Capet de l’autre. Les Académiciens clermontois reprennent ainsi à leur compte les travaux que le chanoine auvergnat Pierre Audigier avait un siècle plus tôt dédiés à Louis XIV (Traité de l’origine des François, 1671)22. Mais leur engagement intéressé et subjectif pour la défense du trône, leurs lourds appels à la reconnaissance royale ne les empêchent pas de privilégier le héros local, symbole des vertus militaires et politiques, du génie auvergnat : Vercingétorix, mythe oublié en ce siècle des Lumières, « Vercingétorix, animé de cet amour de la liberté héréditaire dans sa patrie, (qui) fut le fléau de Caesar dans les Gaules23 ». À lui les qualités que les meilleurs panégyristes s’accordent à reconnaître aux plus grands des souverains : charisme, courage, sévérité, vigilance, imagination, suractivité – qui confine cependant à la précipitation, et par là conduit à la défaite24. Cette réserve mise à part, on retrouve dans ces éloges les vertus codifiées des panégyriques à Louis XIV, le primat donné à l’action militaire, « la plus forte passion des grands princes », prétendait Tallemant des Réaux25. Au-delà de l’exercice de style, demeure le mal d’être des lettrés, souvent membres de l’aristocratie ou de l’Église, partagés entre le respect du souverain et l’attachement à une identité régionale forte. Le « modèle arverne » est là pour rappeler que la nation demeure avant tout une association de provinces. Cette perspective sera-t-elle totalement absente du fédéralisme, une fois la Révolution venue ?
14Ces travaux, pour l’heure, sont en tout cas précautionneusement repris à son compte par le futur Conventionnel auvergnat Dulaure, que la Montagne n’acceptera jamais sur ses bancs en 1793. Il publie à Paris, en 1789, la cinquième partie de sa Description des principaux lieux de France, exclusivement consacrée à l’Auvergne. Il demeure prudent quant à l’origine troyenne des Auvergnats, moquée par Lucain, défendue par Sidoine Apollinaire. Et, après l’inévitable évocation de Bellovèse et Sigovèse, il vante surtout l’extension progressive des frontières favorisée par les rois successifs de la province : Luerius, prodigue de pièces d’or et d’argent ; Bituitus, qui étend son royaume auvergnat de la Loire à l’Océan et des Pyrénées jusqu’au Rhin, et s’allie bientôt aux Allobroges pour défendre les Saliens des invasions romaines, en vain. Suit le récit événementiel de l’épopée de Vercingétorix, à peine entrecoupé de notes morales limitées pour se conformer sans excès aux usages : sa haute naissance, son courage prédisposaient donc Vercingétorix à être élu « chef de tous les peuples de la Gaule », à rallier cette nation oppressée contre le joug romain (p. 13) ; la défaite venue, « et quoique dans les fers, il donnoit de l’ombrage à la République romaine, qui le fit égorger dans sa prison » (p. 15). Dulaure raconte l’occupation romaine, l’invasion des Visigoths, la conquête franque. Mais la vraie leçon de son récit est donnée dans la synthèse qui clôt cette longue évocation :
[Les Auvergnats] « dans l’histoire de l’ancienne Gaule ont joué le rôle le plus brillant ; ils furent les protecteurs de la colonie des Grecs fondateurs de Marseille ; ils s’allièrent aux Carthaginois et traitèrent avec Asdrubal. Ils fondèrent un royaume riche et puissant, et dont l’étendue embrassoit presque toute la France ; ils combattirent longtems les Romains, et ne purent être vaincus que par eux ; dans les combats, ils firent voir que si les Romains les surpassoient par la ruse et la discipline, ils leur étoient peut-être supérieurs en courage ; et quoique vaincus par ces vainqueurs du monde, ils conservèrent encore leur liberté, et se gouvernèrent en République. Ils fournirent ensuite aux Gaulois confédérés contre les Romains, un chef digne d’être opposé à Jules César ; ce conquérant ne put jamais les vaincre chez eux, lui-même y fut battu : enfin, en se soumettant à la République Romaine, les Auvergnats furent honorablement distingués des autres peuples ; ils obtinrent les plus belles prérogatives dont jouissaient alors le petit nombre des villes de l’Europe favorisées par la République. L’Auvergne fournit aux Romains, des Guerriers, des Magistrats, des Littérateurs distingués et un Empereur. Sous la première race de nos Rois, elle a produit le plus ancien des Historiens de la Monarchie. Elle fut la seule province qui résista vigoureusement aux armes des Visigoths, et la dernière qui fut soumise à ces peuples.
Après tant de titres d’illustration, les Auvergnats, successivement, subirent le joug des différentes Puissances, gémirent ensuite sous les chaînes du gouvernement féodal, ne jouèrent plus qu’un rôle secondaire, et virent insensiblement leur gloire et leur énergie disparoitre avec leur liberté » (p. 22-23).
- 26 D. Nordmann, « Des limites d’État aux frontières nationales », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux d (...)
Cette apologie d’une province, forte d’une critique contemporaine de la féodalité, paraît moins un reniement de l’État, de la France qu’une préfiguration de ce qu’elle pourrait être. Car elle porte en germe les notions de nation et de patrie. La nation gauloise, fut-elle dirigée par un Auvergnat, a existé par l’union des tribus, des talents (militaires, intellectuels, artistiques), la conscience d’un passé commun, la capacité d’assimilation des mœurs des premiers conquérants. Elle n’a vécu qu’autant qu’elle était libre (mieux encore, en République) et riche d’une vaste étendue territoriale. Le « vivre libre ou mourir » des premiers volontaires de la Révolution, la théorie des frontières naturelles, identifiant la France à l’ancienne Gaule26, puisent aussi leur source dans ces leçons d’histoire publiées aux dernières heures de l’Ancien Régime.
La Nation servie par le mythe
- 27 Texte cité par Y. Bosc et S. Wahnich, Les voix de la Révolution. Projets pour la démocratie, Paris, (...)
- 28 Ibid., p. 72.
15Peut-être parce que 1789 est conçu par bien des Français comme l’avènement d’une ère nouvelle, les références aux origines de la France sourdent dans plusieurs écrits, dans de multiples débats. « Si l’on excepte le règne de Charlemagne, nous avons été successivement soumis aux tyrannies les plus avilissantes » s’écriera le 1er août 1789 en pleine Assemblée nationale, le comte de Castellane, nostalgique de la cour aulique27. « L’anarchie a régné en France depuis Clovis jusqu’au dernier des Capet », renchérira Robespierre le 10 mai 1793 dans son discours sur le gouvernement représentatif28. Dédaignés par les Encyclopédistes, les Gaulois paraissent bien absents des débats que mènent les lecteurs des Lumières. Seul Sieyès dans son célèbre Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? (1789) aborde le problème des conséquences de la conquête et des prétendues origines franques de la noblesse, pour vanter l’unité historique du Tiers-Etat français. Elle légitime le renvoi « dans les forêts de la Franconie (de) toutes ces familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des conquérants et d’avoir succédé à des droits de conquête ».
- 29 E. Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, Paris, Flammarion, rééd. 1988, p. 44.
« La nation, alors épurée, pourra se consoler, je pense, d’être réduite à ne se plus croire composée que des descendants des Gaulois et des Romains. En vérité, si l’on tient à vouloir distinguer naissance et naissance, ne pourrait-on pas révéler à nos pauvres concitoyens que celle qu’on tire des Gaulois et des Romains vaut au moins autant que celle qui viendrait des Sicambres, des Welches et autres sauvages sortis des bois et des marais de l’ancienne Germanie ? Oui, dira-t-on ; mais la conquête a dérangé tous les rapports, et la noblesse de naissance a passé du côté des conquérants. Eh bien ! il faut la faire repasser de l’autre côté ; le Tiers redeviendra noble en devenant conquérant à son tour29. »
16Cette réponse forte et sans fard aux théories défendues par Boulainvilliers et Saint-Simon ne doit cependant pas faire illusion. J.-Y. Guiomar le martèle dans un bel article sur « La Révolution française et les origines celtiques de la France » :
- 30 J.-Y. Guiomar, « La Révolution française et les origines celtiques de la France », A.H.R.F (Annales (...)
« Ce n’est pas en réaction à cette vision ethnique et historiographique que les révolutionnaires vont libérer la nation. En 1789 aucune Gaule ne se soulève contre treize siècles d’oppression germanique. La réponse révolutionnaire aux prétentions réformatrices de la noblesse porte uniquement sur le versant politique de ses théories30 ».
- 31 A.D. P.-de-D. (Archives départementales du Puy-de-Dôme), L 6391.
Pourtant, l’on trouve localement des arrangements avec cette règle générale, ne serait-ce que sous la plume de l’avocat riomois Beaulaton. Homme de réflexion, fin lettré, ce futur républicain qui refusera en 1792 la place de maire de Riom n’en mène pas moins dès 1789 et toute la Révolution durant une importante action politique, ponctuée par de nombreux discours consignés dans ses Mémoires31. Ainsi, dans une adresse du 11 avril 1790 aux gardes nationaux du Puy-de-Dôme réunis en fédération à Grenoble, bannit-il tout provincialisme contraire à l’unité nationale proclamée, sans renier pour autant les qualités morales des Arvernes vantées par les Académiciens clermontois :
- 32 Idem.
« Citoyens d’une province dont les habitans ont semblé faire jusqu’à présent un peuple étranger au milieu du peuple français, nous ne nous souviendrons désormais que nous sommes auvergnats que pour nous rappeler que nous sommes français, et nous pénétrer des sentimens de nos ancêtres, lorsqu’ennemis de l’oppression et de la tirannie, ils scurent résister au vainceur des Gaules32 ».
- 33 A.D. Puy-de-Dôme, L 6389. Numéro du 8 janvier 1791.
17C’est là bien sûr nourrir le sentiment national des vertus à la fois civiles et militaires que sont supposées honorer les gardes nationales. La nation s’affirme, au besoin par les armes contre toute force hostile, qui pour l’heure n’est pas définie. Plus profondément, Beaulaton plaide en faveur des riches leçons de l’histoire : « c’est dans ces retours sur sa conduite passée que l’homme, que le peuple trouvent des leçons pour l’avenir », certifie-t-il dans le premier numéro de son journal, Le citoyen surveillant33. Mais, durant cinq pages, seule le retiennent l’histoire de la province et ce passé brillant qui la virent s’étendre « jusqu’à Narbonne et Marseille d’un côté, et de l’autre, jusqu’à l’Océan, les Pyrénées et le Rhin ». Occasion de rappeler le souvenir de Bituitus, davantage encore « la valeur héroïque de Vercingétorix », puis, prosaïquement et sans aucun superlatif, les différents envahisseurs qui soumirent l’Auvergne. « Une chose importante à observer, c’est que, malgré ces révolutions, elle a conservé jusqu’au milieu du siècle dernier des traces de son antique liberté », précise Beaulaton. Sa chronologie bien entendu n’est pas fortuite : il faut trouver des causes à la Révolution, qui est d’abord libératrice. Donc :
- 34 Ibid., p. 4.
« Dans la suite, la dépravation des mœurs de la cour, portée à son comble, les citoyens devinrent le jouet continuel des intrigues des femmes perdues, secondées par des ministres fripons, des courtisans adroits, et des prêtres ambitieux. Cet état malheureux a duré jusqu’à nous, et n’a cessé que lorsque la liberté politique nous a été rendue34 ».
18Si, par contre, un mois plus tard, un lecteur du Citoyen surveillant assiste au discours public de Barbat Duclosel, membre de la Société des Amis de la Constitution de Clermont-Ferrand, il risque de perdre ses repères chronologiques. Barbat parle lui de dix-huit siècles d’oppression, pendant lesquels « le germe de la liberté (…) perdu dans toutes les autres parties de la France » se retrouvait en Auvergne et dans le cœur des Auvergnats. L’orateur partage cependant avec Beaulaton les mêmes espoirs, emphatiquement exprimés :
- 35 B.M.I.U., A 10556 (69). Discours du 21 février 1791 devant le Directoire du Département.
« S’il faut encore combattre pour défendre les droits imprescriptibles de l’Homme, sans doute qu’il sortira de cet antique sol de Gergovia de nouveaux Vercingétorix, qui, aussi braves et plus heureux que lui, sauront, par leurs exploits, illustrer leur nom et venger leur patrie35 ».
- 36 A.D. Puy-de-Dôme., L 6391. Discours sur le droit à émigrer, 4 novembre 1790.
Cette mémoire revivifiée de la grandeur du premier peuplement (ainsi l’imaginent alors ces lettrés) ne se nourrit pas toutefois des propositions de Sieyès sur l’exclusion du deuxième ordre. Seuls les principes du contrat social motivent Gaspard-Antoine Beaulaton lorsqu’il légitime la fuite des premiers émigrés : en désaccord avec les modifications apportées à l’État, ils ont le droit de s’expatrier pour aller jouir ailleurs des droits dans lesquels ils se reconnaissent, conduits par « la déraison, les préjugés, une sotte vanité ». Il est de ce fait inconcevable que l’Assemblée nationale les contraigne de quelque manière à rentrer, sans violer les principes du contrat social – et Beaulaton devine déjà que les priver de leurs biens conduirait à des « ventes simulées ». Ce serait aussi méconnaître la propagande involontaire pour la constitution française qu’ils feront à l’étranger, où leur présence indisposera nécessairement les populations36.
19Les quelques vestiges du mythe des origines qui encombrent encore la démonstration au début de 1790 disparaissent progressivement, 1791 passé, des écrits de Beaulaton. L’acculturation sera totalement acceptée et évidente en 1793, lorsqu’en mai il rédigera une adresse à la Convention contre la lutte des factions. Son aversion pour les divisions des républicains, son exaltation de la souveraineté populaire ne souffrent plus alors aucun particularisme, fut-il auvergnat, puisqu’il faillirait à l’indivisibilité :
- 37 Ibid.
« Ralliés à un centre commun, les Français n’auront plus la crainte de servir un parti, de favoriser une faction, et l’affreux égoïsme cessant de proclamer partout le cri terrible et désorganisateur de sauve-qui-peut, la nation ne présentera plus à l’univers étonné qu’un peuple de frères et d’amis37 ».
Notons en contrepartie que le débat sur les origines apparemment n’a plus lieu d’être : la République est installée et la nation vit, en armes, pour la soutenir, tournée vers un futur européen incertain – une nation certes réduite numériquement par les révoltes vendéennes, plusieurs vagues d’émigration et, bientôt, la lutte contre les suspects.
- 38 A. Jourdan, « The image of Gaul during the French Revolution: between Charlemagne and Ossian », dan (...)
- 39 art. cit., note 30.
- 40 Nos ancêtres les Gaulois, op. cit., note 9, p. 115.
20Mais la Révolution est trop riche de contradictions pour ne pas créer l’illusion : la réflexion sur le mythe gaulois, si elle demeure secondaire, occultée par l’actualité vivante du phénomène national, par sa transcription en discours enthousiastes, n’en perdure pas moins. Pour preuve, l’interrogation du journal Les Révolutions de Paris, le 6 octobre 1792 : « Nous voilà républicains de droit (…). Allons-nous redevenir aux Lumières près qu’ils n’avaient pas, les francs Gaulois, ces fiers Germains, nos premiers ancêtres ? ». Régénération à laquelle aspire également le Conventionnel J.-F. Baraillon : l’instruction doit selon lui redonner à la « race républicaine » la force et la corpulence de ces colosses d’autrefois, « nos ancêtres les Gaulois ». Absents des salons – si l’on excepte en 1789 le Sabinus et Eponine de Taillasson, peinture morale répondant au style néoclassique de la période –, les Gaulois offrent cependant à la Révolution (après l’avoir donné à la monarchie) leur célèbre coq. Autrefois symbole de l’abondance et de la santé, il devient celui de la vigilance, de l’esprit français puis, après la prise des Tuileries, de la Liberté. On le retrouve alors sur les pièces de monnaie, les médailles, les assignats, les vignettes, les frontons (tel celui d’un arc de triomphe projeté en l’an II par Lequeu). Il surveille, de ses six pieds de haut et en deux angles de leur salle de cours, les élèves de l’École de Mars : « le coq de France, avait prévenu Barère dans son Rapport sur l’éducation révolutionnaire et républicaine, surpassera l’aigle des Romains ». Lorsqu’en l’an IV Grégoire propose trois dessins pour le sceau de l’État, le coq est trois fois présent… Il faut les victoires françaises en Italie et le désir des députés au Conseil des Cinq-Cents de décorer le Palais-Bourbon d’allégories complexes et de scènes historiques pour que réapparaisse la figure d’un chef gaulois, celle de Brennus saccageant Rome38. À en croire J.-Y. Guiomar, « c’est au cours de la Révolution que le caractère originellement celtique de la France a été affirmé comme jamais auparavant39 ». Mais cette affirmation n’est le fait que d’une minorité éclairée. A-t-elle, comme le prétend Mona Ozouf, subi un traumatisme en découvrant le peuple autrement que ne l’avaient voulu les Lumières ? « C’est ainsi que l’on assimile le peuple paysan français au peuple gaulois : assimilation si forte que le peuple français ne peut se comprendre qu’en remontant aux origines gauloises, tandis que réciproquement, retrouver les origines gauloises est impossible sans une régression à partir de ces « reliques précieuses » que sont les paysans ». D’où la multiplication d’enquêtes archéologiques, ethnographiques et linguistiques de la période post-thermidorienne. M. Ozouf y voit « la revanche de la société civile sur l’État « ou celle » d’une vieille nation paysanne sur le jacobinisme urbain40 ».
- 41 J.-Y. Guiomar, art. cit., note 30.
21L’étonnement et la gêne des élites devant un peuple adulte et acteur, et retombant pourtant lors de ses fureurs dans les affres de la « populace » si négativement connotée, est évident. Que ces balancements essentiellement citadins stimulent la redécouverte par ces mêmes élites de l’autre peuple, plus indifférent apparemment (mais avec des nuances régionales extrêmes) aux luttes politiques nationales, est plausible, et conséquent avec l’esprit du siècle et la dénonciation des vices de la ville. Mais l’interprétation stimulante de M. Ozouf trouve ses limites dans la chronologie. Car ceux-là mêmes qui en l’an III et au-delà s’interrogent sur le peuplement celte poursuivent en fait des discussions entamées dès 1790. Le fait qu’ils seront ultérieurement proches des milieux girondins ne les agrège pas systématiquement aux antijacobins : l’unité ethnique et culturelle héritée du premier peuplement de la Gaule les intéresse, non les éventuelles rivalités tribales et provinciales nées de la conquête romaine. Pensons à la devise de La Bouche de fer, journal de l’un des clubs parisiens les plus fréquentés entre octobre 1790 et juillet 1791 : « Galle memento tu regere eloquio populos » (« Gaulois, sache que par l’éloquence tu gouvernes les peuples »). Bonneville, l’un des fondateurs du Cercle avec l’abbé Fauchet, propose dans son Histoire de l’Europe moderne une interprétation renouvelée de la théorie germaniste, retournée dans un sens anti-aristocratique – comme l’avait fait avant lui Mably41. Contrairement à Sieyès, il assimile Celtes et Francs. L’histoire selon lui commence aux peuples du Nord qui, vaincus par les Grecs puis par les Romains, se retirèrent « dans les montagnes avec la liberté ». Ils y fondèrent une sorte de « démocratie militaire », dans laquelle les rois n’étaient que des ministres soumis, pour les grandes affaires, aux assemblées de la nation. Bonneville admire aussi la religion de la nature pratiquée par les Celtes, sans l’intermédiaire d’une « vermine sacerdotale » affidée au pouvoir politique. D’une part, il plaide en 1791 dans De l’esprit des religions pour une filiation entre les mystères celtes, égyptiens et ceux de Jésus : ils « ne sont, à quelques différences près, nécessitées par des causes secondaires, que les mêmes allégories ». D’autre part, il se reconnaît dans cette religion ancestrale qui, « n’adorant d’autres dieux que la nature (…) n’avait à punir d’autres crimes que ceux qui regardaient directement la société » (cette dernière étant naturelle).
22Cette exaltation d’un modèle national ancien donne lieu à plusieurs publications à partir de 1795, alors que se réveille le Cercle social tombé en sommeil. J.-Y. Guiomar énumère entre autres le Dictionnaire celtique en trois volumes de Bullet, le Voyage dans les départements de Joseph Lavallée, admirateur de la Bretagne primitive, le Voyage dans le Finistère ou État de ce département en 1794 et 1795 de Jacques Cambry, publié en l’an VII. Cambry s’enthousiasme pour l’activité des druides, la mémoire des bardes transposée dans les romans de chevalerie des xiie et xiiie siècles. Son œuvre, dont Balzac s’inspirera, purement descriptive, révèle sans distance critique les vertus toujours supposées du paganisme :
- 42 J. Cambry, Voyage dans le Finistère, éd. 1835-38, dans J.-M. Goulemot, P. Lidsky et D. Masseau (dir (...)
« Je ne vois, dans toutes les communes, dans toutes les campagnes du Finistère, que des traces du paganisme, que des usages antérieurs à la religion catholique. Quand un individu va cesser d’être, on consulte ici la fumée. S’élève-t-elle avec facilité ? Le mourant doit habiter la demeure des bienheureux. Est-elle épaisse ? Il doit descendre dans les antres du désespoir, dans les cavernes de l’enfer42 ».
- 43 M. Ozouf, « L’invention de l’ethnographie française », dans L’école de la France. Essais sur la Rév (...)
23La Bretagne incontestablement devient l’observatoire du celtisme. De nombreux intellectuels et hommes politiques bretons transmettent leur enthousiasme pour cette culture revivifiée, par l’intermédiaire de leurs réseaux parisiens, dont celui de la Décade philosophique, le journal des Idéologues. Ainsi se retrouvent Le Coz, qui seconde Grégoire à la tête de l’Église constitutionnelle, son élève La Tour d’Auvergne, Éloi Jouhandeau, Mangourit, Ginguené, Amaury Duval, Lanjuinais ou Volney. Les leçons d’histoire que ce dernier prodigue à l’École normale font une large place aux langues celtiques… et sont publiées par l’imprimerie du Cercle social, dernier avatar de la société d’origine. Tous ces érudits se réuniront dans l’Académie celtique, fondée en 1805. Dulaure les y rejoindra43.
- 44 J.-Y. Guiomar, art. cit. note 30.
24Leurs efforts portent en l’an VII, lors du grand débat national – aux Conseils et à l’institut –, sur les cimetières et les enterrements républicains. Les tombeaux celtes deviennent une référence systématique, et la terminologie de ces différents monuments, dolmens, menhirs, galeries, lécavènes, etc., est introduite par Legrand d’Aussy, alors conservateur des manuscrits à la Bibliothèque nationale44. Son Mémoire sur les anciennes sépultures nationales prouve son ralliement tardif à la cause celte. Car ce grand voyageur affichait en 1788 un mépris prononcé pour les travaux de l’Académie de Clermont-Ferrand en général, et les fouilles archéologiques en particulier. Il s’opposait en cela à Dulaure, curieux des cavernes qu’il découvrait dans les Combrailles mais incapable d’envisager une préhistoire de l’humanité en deçà de la civilisation gauloise :
- 45 J.-A. Dulaure, Description de I’Auvergne, Paris, 1789, p. 77.
« Hommes puissans (…), quittez vos palais superbes, dépouillez-vous de vos puériles et embarrassantes décorations ; courbez vos petites têtes orgueilleuses, afin de pénétrer plus facilement dans ces cavernes étroites et obscures qui furent longtems l’habitation des Gaulois dont vous descendez ! Si dans ces travaux leur instinct ne se montre pas fort supérieur à celui des blaireaux, du moins ces habitations souterraines étoient leur ouvrage, et votre gloire et vos palais ne sont pas de vous45 ».
- 46 J.-Y. Guiomar, art. cit., note 30.
25En l’an III, dans la deuxième édition de son Voyage d’Auvergne, Legrand d’Aussy jugeait désormais essentielles les recherches archéologiques à Gergovie, au nom du sentiment national : la ligue gauloise avait su prouver en ce lieu à César qu’il n’était pas invincible46. Victoire posthume des académiciens clermontois…
26Ces mouvements « régionalistes » portés par les tenants des Lumières, et non par la réaction, transforment, enrichissent les termes du débat sur l’unité nationale. Indissociable dans la période antérieure des thèmes de l’égalité politique, de la justice sociale, de la défense de la patrie, cette unité devient, comme le souligne J.-Y. Guiomar, « une affirmation de nature culturelle » :
- 47 Ibid.
« Romanisation et conquête germanique étaient les éléments fondateurs de la structure politique par laquelle la monarchie, l’aristocratie et l’Église avaient édifié leur pouvoir politique et leur domination sociale et culturelle. Exalter la Gaule comme origine du peuple français, c’est donc confirmer par l’ethnologie, la linguistique, l’archéologie, l’histoire, à quel point la Révolution a balayé tout ce qui n’était pas « français » d’origine et permis de fonder une vision entièrement nouvelle du passé national47 ».
27Les guerres révolutionnaires ont à l’évidence encouragé ce réflexe identitaire, lorsque l’idéal de la Grande Nation n’a plus suffi. Est-ce vraiment un hasard si l’une des meilleures illustrations de cette quête culturelle est due au « premier grenadier de la République française », ainsi que le distinguera Bonaparte, La Tour d’Auvergne-Corret, auteur en 1796 des Origines gauloises, celtes des plus anciens peuples de l’Europe, puisées dans leur vraie source ?
28La préface anonyme d’une édition posthume du livre, à Hambourg en 1801, est à vrai dire aussi éclairante que l’ouvrage lui-même. Le préfacier s’adonne à une biographie de La Tour d’Auvergne, mort le 9 messidor an VIII (28 juin 1800) lors de la bataille d’Oberhauzen, à cinquante-sept ans. C’est pour lui l’occasion de nombreuses digressions sur l’Armorique, lieu de naissance de La Tour, élevé « au milieu d’Aribogènes [sic], se mêlant avec peine aux étrangers, et toujours Gaulois avec les Romains, les Francs et les Français ». Les vertus de l’assimilation vantées par les précédents auteurs sont désormais oubliées ; le conflit européen aidant, les limites du monde celte sont même précisément redessinées. La Tour d’Auvergne met prétendument à profit sa captivité en Angleterre : « ce fut là qu’entendant les Gallois et les Irlandais donner, ainsi que ses compatriotes, le nom de Saxons aux Anglais, il les déposséda du titre usurpé de grands Bretons » (p. 27). L’unité des peuples européens, si elle exclut la « perfide Albion », accepte au contraire l’ouverture vers l’Est européen, berceau du peuplement celte : « Gaulois, Germains, peuples frères ! vous issus des mêmes ayeux, vous adorant les mêmes génies ! quand cesserez-vous de vous exterminer ? » (p. 37).
29L’identité préservée et exemplaire du peuple d’Armorique tient, selon ce préfacier bretonnant, d’une part à un combat éternel pour la liberté (selon une conviction indissolublement liée à l’idée de nation, déjà développée par Dulaure), d’autre part à l’illustration des qualités morales et religieuses des Bretons. Héritée du sénat des Vénètes, mise sous le boisseau par les victoires romaines, l’idée de liberté est réputée s’être transmise de génération en génération « dans le cœur des familles bretonnes », « jusqu’à sa glorieuse réintégration de 1789 dans l’ancien territoire des Gaules » (p. 3). Simple restauration, la Révolution devient donc légitime et rassurante. Elle sanctifie la « fière indépendance », l’horreur de la dissimulation, qui permettent de confondre France et franchise : « il n’est pas de nation qui n’ait adopté le signe de la franchise dans son langage ; mais toutes, sur cette monnaie, ou plutôt sur cette médaille, ont écrit pour exergue : franc comme un Breton » (p. 4). Un peuple heureux, c’est-à-dire libre de ses propos et de ses actes, a donc une histoire, loin de la régénération et de l’homme nouveau rêvés en l’an II. La Bretagne la lui offre, plus ancienne que les plus vieilles civilisations, libérée de toute référence grégorienne. Cette histoire est écrite sur les pierres solaires, les monts artificiels, dans le gui du chêne, les forêts mythiques : « des hiéroglyphes aussi obscurs que ceux de Thèbes et de la Scandinavie ; des inscriptions de la morale druidique, entrelacées de la tradition bretonne ; des racines gauloises, toujours saines, malgré les ravages de l’homme, et le détrit des opinions » (p. 6).
30Dans cet univers recomposé par son thuriféraire, La Tour d’Auvergne a beau jeu de décrire une nouvelle fois les origines, les us et coutumes, le caractère et la religion, la langue surtout des « Celto-Scythes ». Les nombreux glossaires offerts, l’étymologie proposée éclairent d’un jour nouveau, celui des astres gaulois, la mythologie, l’ethnologie, la cosmogonie ou la géographie, sans compter, art nobiliaire oblige, l’histoire du cheval sans lequel ne seraient ni le maréchal, ni le marquis, ni le margraff… Adieu les approximations de la Bible, les mystères chrétiens. L’étude des origines fonde à son tour les origines ; le premier couple de l’imaginaire Création retourne à ses balbutiements :
« Eva et Adam, ces mots paroissent être des mots purement celtiques. Ce sont les premières expressions qui sortent de la bouche des enfans des Bretons pour solliciter les besoins les plus pressons de la nature : par le mot eva nos enfans demandent à boire, et par adam, ils demandent à manger » (p. 104).
31L’irrationnel atteint son comble lorsque Corret s’acharne à démontrer la pureté étymologique des mots « celte » ou « gaulois », trop centraux dans sa démonstration pour n’être qu’une transcription du grec keltoi ou du latin Galli. L’idiome celtique est plus ancien que ces deux-là et goel, qui signifie jaune ou roux, s’accorde parfaitement à la couleur des cheveux des Gaulois ; gualtog, qui désigne la longue chevelure de l’homme libre, pareillement ; galloud, qui veut dire courage, s’amalgame aux précédents d’autant plus spontanément qu’il correspond au portrait mythifié (p. 210– 218).
- 48 J.-Y. Guiomar, art. cit., note 30.
32Avec sa démonstration (qui, sur le thème du peuplement de l’Europe, reprend les a priori des académiciens clermontois et fait des Français les enfants lointains de Sigovèse), La Tour d’Auvergne pousse à son terme l’idéalisation d’un peuple élu, dont la culture préservée a été la matrice de toutes les civilisations européennes ultérieures. Implicitement il fonde donc par cette antériorité les conquêtes contemporaines. L’idée est clairement exprimée par d’autres que lui, pourtant plus précautionneux dans leur démarche historique et critique. Ainsi Jean Picot, professeur d’histoire et de statistique à l’Académie de Genève, dans son Histoire des Gaulois depuis leur origine jusqu’à leur mélange avec les Francs et jusqu’aux commencements de la Monarchie françoise, ouvrage publié en 1804, justifie-t-il ainsi son propos : « quel moment pour en parler que celui où la Gaule a presque recouvré ses anciennes limites, et où elle fixe de nouveau les regards du monde entier ! » (p. X). Aussi, jusqu’aux dernières heures de l’Empire, jusqu’en août 1813 activement, nombre de francs-maçons, de philanthropes, d’anciens Girondins, de savants renommés vont se laisser aller dans les Mémoires de l’Académie celtique à une dérive celtomaniaque de plus en plus marquée. Outre ceux prédémment cités, collaboreront à ce grand œuvre Champollion, Fourrier, Fontanes, Fourcroy, François de Neufchâteau, les frères Humbolt, Lacépède, Lalande, La Révellière-Lépeaux, La Rochefoucauld-Liancourt, Pastoret ou Jakob Grimm48.
La nation fondatrice de mythes
33À trop s’attacher à l’exemple éclairant de l’Antiquité celte revisitée par l’élite intellectuelle, on risque pourtant d’avoir une vision tronquée des fondements historiques de la nation. Au moins sont apparus plusieurs attendus idéologiques communément repris par les révolutionnaires : la nation n’existe pas sans un territoire, une culture, éventuellement une religion, assurément une langue et obligatoirement un idéal de liberté qui garantit son identité, sinon son unicité. Mais ce sont d’autres héros que Vercingétorix qui incarnent aux yeux et aux oreilles du peuple ces valeurs réactualisées. Inscriptions et allégories représentent, sous les traits des divinités grecques et romaines, la Patrie, la Liberté, la Constitution. Dans les discours des tribuns, dans ceux des scènes théâtrales ressurgissent les modèles moraux offerts aux collégiens d’Ancien Régime par les récits expurgés tirés de Tite-Live ou de Plutarque.
- 49 C. Mossé, L’Antiquité dans la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1989, p. 62.
- 50 D’après l’inventaire de M. Carlson, Le théâtre de la Révolution française, Paris, Gallimard, 1970.
- 51 J. Jacquart, Bayard, Paris, Fayard, 1987, p. 351.
34Défilent Lycurgue, Solon, Aristide, Phocion, les deux Brutus (le fondateur de la République et le meurtrier de César), César lui-même, Mucius Scaevola, Cincinnatus49. Sans oublier, selon les besoins de la cause, Socrate, Thémistocle, Camille, Horace, Quintus Fabius ou Scipion l’Africain50. Des héros modernes, souvent issus du théâtre classique, viennent compléter cette galerie de portraits : Lear ou Macbeth revus par Ducis, Henri IV tel que le veulent Olympe de Gouges ou Jean– Baptiste Legouvé, incidemment Louis XIV car l’intérêt va au Masque de Fer, davantage des héros guerriers comme Jeanne d’Arc, Bayard ou Turenne. Certes, la Terreur nécessitera des adaptations : le Cid deviendra général républicain et l’on jouera Le Sans-Culotte Othello. Bayard sera proscrit des scènes après le 10 août 1792 : sauf dans le Gaston et Bayard de Pierre du Belloy, il avait surtout intéressé les auteurs pour ses vertus privées (Les Amours de Bayard, de Boutet de Monvel, ou Les Savoyardes ou la continence de Bayard, d’Augustin de Piis, créées en 1789, ne le prouvent que trop). Désireux d’affirmer la continuité de la patrie et de l’Empire, d’honorer ses meilleurs serviteurs (et qui, mieux que Bayard, d’origine modeste, correspond aux volontaires de 1792 devenus maréchaux), Napoléon le réhabilitera lors de la première remise des croix de la Légion d’honneur. À Boulogne, la mise en scène comptera en effet le « fauteuil de Dagobert », le « bouclier de François 1er » et un casque du xvie siècle arbitrairement baptisé « casque de Bayard51 ». De Gaulois, il n’y a point…
35Ceci étant, ce recours fréquent à l’exemple historique se double contradictoirement d’une volonté d’émancipation progressive vis-à-vis de ces références, selon un processus voisin de celui observé par Ch. Grell pour la monarchie absolue. La régénération désirée exemplaire suppose une acculturation radicale et la mise en place de repères nouveaux empreints des conquêtes politiques en cours. Leyrit fils, auteur dramatique sans postérité, rend parfaitement compte de cet affranchissement dans la présentation en septembre 1791, devant les Amis de la Constitution de Riom, de sa tragédie Enée et Turnus ou l’Établissement des Troyens en Italie :
- 52 A.D. P.-de-D., L 6375.
« Ô Rome ! dans les temps de ta gloire, peux-tu te flatter d’avoir égalé les Français ; tu fus, peut-être, notre premier modèle, mais à notre tour nous le sommes de tout l’Univers. Cède-nous l’honneur du triomphe ; tu enfantas Brutus, la France enfanta Mirabeau. Ville orgueilleuse ! Tu voulois être libre et attacher tous les peuples de la terre à ton char de victoire : la France l’est en effet, et veut briser les fers de tous les hommes ; tu voulois des esclaves et nous voulons des frères. Tombe aux pieds de tes vainqueurs, les Français ont surpassé les Romains 52».
36Ce travail de démarquage sera progressivement abandonné pour les besoins de la propagande bonapartiste. La supériorité de la nation française toujours affirmée justifiera seulement que le nouveau César chausse les cothurnes des généraux romains et convie leurs mânes à un banquet illusoirement républicain. Au discours de Leyrit répond donc en écho lointain, le 11 pluviôse an VI (30 janvier 1798), celui du vice-président de l’administration centrale du Puy-de-Dôme, qui reçoit à Clermont– Ferrand les soldats de l’Armée d’Italie :
- 53 Archives nationales, C 524 (249).
« Vous venez de quitter la patrie des Brutus et des Scipion. Depuis des siècles, cette terre ne rappelait plus que leurs marbres insensibles ; leur ame sommeillait dans cet asyle, autrefois le berceau des grands hommes et des héros… Il était dans les destinées de la grande nation d’offrir un modèle aux peuples d’Italie ; il était réservé au courage, à la bravoure des armées de la grande république de relever ces peuples courbés, de ranimer leur foi, d’électriser leur ame, en leur montrant Brutus au capitole, souriant aux projets des Décius français. La cendre de Scipion est redevenue brûlante sous les pas du héros que le général romain eut ambitionné pour le rival de sa gloire : son génie s’est attaché au nom de Buonaparte53 ».
En attendant Bonaparte cependant et cette version nouvelle de la guerre de propagande, la jeune Révolution s’est souciée de réédifier un corpus de modèles nationaux. La porte est donc ouverte dès 1791 – et particulièrement celle des théâtres – à ceux qui incarnent le mieux les nouvelles valeurs. Sortis ou non de l’arène politique avec les honneurs et les pleurs, entrent donc sur les scènes du drame les martyrs de la Révolution (Bara, Marat, Viala, Chalier), mal protégés (contrairement aux héros antiques) par une immortalité limitée à la durée du régime qui les honore. Mirabeau, sur le compte duquel les embaumeurs de 1791 se sont trompés, les a précédés. Suivront les généraux vainqueurs : Dumouriez (nouvelle erreur, même absence de postérité), Hoche et surtout Bonaparte. Les victoires sont pareillement déclinées, l’amphigouri servant l’enthousiasme national. De la cour au jardin retentiront donc les canons de Fleurus, des sièges de Lille et de Thionville, de Jemmapes et plus encore de la prise de Toulon, défaite militaire et morale des tenants de l’Ancien Régime associés aux Anglais. Les seuls moments de paix offerts, si du moins l’on se limite au théâtre patriotique militant, sont ceux des grandes fêtes révolutionnaires, moments obligés du calendrier laïque en gésine. Au Cousin Jacques (Jacques Befïroy de Reigny) d’exalter La Fête de la Fédération ; à Sylvain Maréchal La Fête de la Raison ; à Cuvelier La Fête de l’Être Suprême.
37Si les références historiques varient, les thèmes développés sont les mêmes, l’exaltation de la nation identique : la guerre et en corollaire les vertus individuelles qu’elle exacerbe (le courage surtout), une religion qui anime l’être privé et soude le corps social, la liberté qui distingue la France. Les Gaulois de Dufraisse de Vernines, de Bonneville, de Dulaure ou de La Tour d’Auvergne, comme les martyrs mythifiés de la Révolution, sont porteurs d’un semblable message, ipso facto intemporel et universel. Seulement, dans ses fêtes et sur ses scènes, la République, comme avant elle la monarchie absolue, prend le contrôle d’une histoire édifiante, qui évacuera très vite les épisodes les moins contrôlés, les plus déstabilisants pour le pouvoir en place : que faire, par exemple, des massacres de septembre 1792 ? Cette histoire revisitée concourt toujours aux ambitions de politique intérieure et extérieure que Ch. Grell distinguait pour l’Ancien Régime : elle doit légitimer le pouvoir et bientôt les conquêtes européennes. Ces dernières bien entendu ne sont plus dictées par le syndrome d’Alexandre le Grand, en attendant du moins Bonaparte, mais la paix (et non plus la pacification), qui demeure le but ultime, justifie un gouvernement centralisé et autoritaire.
- 54 Cf. P. Zobermann, op. cit., note 25.
38Le théâtre de propagande comme les fêtes officielles empruntent largement aux anciens panégyriques du roi, dans leur style académique comme dans leurs thèmes54 : exaltation des mérites du martyr, de ses qualités héroïques, de ses vertus intellectuelles et républicaines (au lieu de chrétiennes), des bienfaits du gouvernement qu’il a inspiré, le tout prononcé devant un auditoire de pairs élargi (tous les citoyens et non plus quelques académiciens). Ainsi la justice, la force, la libéralité devenue philanthropie, la magnanimité que Tallemant reconnaissait dans Louis XIV se retrouvent dans l’hommage que David, grand pourfendeur des académies, rend à Marat, et ce avec le même art de l’adresse, de l’allusion, de la prétérition, de la répétition, de l’antonomase. En l’occurrence, Marat a pris le nom générique de son propre journal : il est l’ami du peuple, auquel on s’adresse constamment, au-delà de la mort (et l’intéressé David en profite pour s’autopromouvoir) :
- 55 J.– L. David, Discours à la Convention, 15 novembre 1793.
« Le peuple redemandait son ami, sa voix désolée se faisait entendre, il provoquait mon art, il voulait revoir les traits de son ami fidèle : David ! saisis tes pinceaux, s’écria-t-il, venge notre ami, venge Marat ; que ses ennemis vaincus pâlissent encore en voyant ses traits défigurés, réduis-les à envier le sort de celui que, n’ayant pu corrompre, ils ont eu la lâcheté de faire assassiner. J’ai entendu la voix du peuple, j’ai obéi.
Accourez tous ! La mère, la veuve, l’orphelin, le soldat opprimé ; vous tous qu’il a défendus au péril de sa vie, approchez ! et contemplez votre ami ; celui qui veillait n’est plus ; sa plume, la terreur des traîtres, sa plume échappe de ses mains. Ô désespoir ! Votre infatigable ami est mort !
Il est mort, votre ami, en vous donnant son dernier morceau de pain : il est mort sans même avoir de quoi se faire enterrer. Postérité, tu le vengeras ; tu diras à nos neveux combien il eût pu posséder de richesses, s’il n’eût préféré la vertu à la fortune. Humanité, tu diras à ceux qui l’appelaient buveur de sang, que jamais ton enfant chéri, que jamais Marat ne t’a fait verser de larmes55 ».
39Rares sont ceux, comme Gilbert Romme, à s’inscrire en faux contre ces modes historiques d’Ancien Régime, à rejeter l’histoire événementielle, « celle des carnages, des injustices, de la cruauté, de l’ambition des hommes de tous les âges » ; à refuser l’héroïsation abusive de quelques-uns :
- 56 Museo del Risorgimento (Milan), Fonds Gilbert Romme (1, II). Lettre à G. Dubreul, de St-Petersbourg (...)
« À mes yeux, un héros est toujours un fou et trop souvent un coquin qu’on décore parce qu’on le craint et qu’on ne pourroit le punir (…). On applaudit aux vices qu’on cherche à approuver en soi et l’on appelle grand homme celui qui nous ressemble 56».
- 57 Ph. Bourdin, art. cit., note 55.
Mais cette déclaration date de 1779. Romme lui-même passe outre, la Révolution venue, et comme beaucoup sacrifie dès 1791 aux mânes de Mirabeau dans un discours dithyrambique, prisonnier de l’image positive répandue du tribun, adressé aux villageois de Gimeaux57.
- 58 M.– A. Giudicelli, « La nation assemblée, une fiction politique contre-révolutionnaire dans la Gaze (...)
40La novation, si elle existe, tient davantage dans la mise en forme d’une histoire immédiate. La nation, avec ou sans armes, se nourrit de ses progrès et écrit ses plus belles pages en les vivant, au secours en particulier de la patrie en danger. Si l’expérience et l’image d’hommes emblématiques, civils et militaires, peuvent un instant la servir, si le récit des batailles peut l’enorgueillir, elle vit aussi de plus en plus par et pour elle-même, en autarcie référentielle si l’on peut dire, sujet et objet de cette Révolution qui lui a donné naissance. Homme de théâtre et journaliste royaliste, Rozoi, dans la Gazette de Paris, envisage dès octobre 1789 cette existence autonome de la nation, débarrassée brutalement du carcan de l’ordre ancien et échappant au modèle de Sparte privilégié par l’auteur. Du Rozoi, dans sa rubrique « nation assemblée » qu’a analysée Marie-Anne Giudicelli58, imagine le rassemblement d’un « peuple né pour aimer » attendant son roi ; une délégation de vieillards va chercher le souverain, revient portant seulement son buste et déclarant, solennelle : « point de roi ». Les causes sont alors développées avec insistance : le massacre des gardes royaux, la proscription des officiers, le bannissement des princes de sang, l’isolement du monarque prisonnier de l’Assemblée. Du Rozoi veut faire naître l’indignation susceptible de rendre « toute son énergie à la Nation assemblée », une nation réduite aux amoureux de la royauté, expurgée des patriotes. En deçà de cette fidélité revendiquée à l’ancien régime, existe bel et bien jusqu’en juin 1791 au moins une ambiguïté : la nation n’est adulte qu’associée à la loi et au roi ; son caractère est avant tout politique, relatif à la source, l’organisation et l’exercice du pouvoir. Elle est, selon les termes de Sieyès dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat, « un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par la même législature ». C’est à cette entité que les patriotes acceptent d’appartenir, soulignant à loisir l’indéfectible lien qui soude les trois termes de la trilogie : la nation – la loi – le roi. Ainsi les jacobins de Clermont-Ferrand en mars 1791 :
- 59 A.D. P.-de-D., fonds Clermont-Ferrand. Adresse « Au Roy des Français », 9 mars 1791.
« Sire (…) nous vous sommes fidèles autant qu’à la nation et à la loi et ce serment que nous renouvelions ici atteste votre gloire comme il assure votre bonheur : roi des Français, vous commandés a un peuple libre et la nation dont vous êtes le chef vous a rendu le premier monarque de l’univers59 ».
41La tentative de fuite de Louis XVI en juin de la même année modifie les données ; la nation gagne en autonomie ce que le roi perd en souveraineté, mouvement désormais irréversible. Le « cœur paternel » du roi, vanté par les Clermontois en mars, paraît bien artificiel alors, malgré le pontage indécis réalisé par une Assemblée nationale qui n’ose déposer Capet. L’événement permet à beaucoup de patriotes de projeter la nation dans l’histoire, référence majeure pour le « citoyen isolé » et pérenne quelles que soient les circonstances. L’« Opinion et adieu d’un volontaire à ses concitoyens » du Puy-de-Dôme, fin 1791, la voudrait ainsi :
- 60 B.M.I.U., A 36225 (10). L’opinion est de François Biauzat, neveu du Constituant.
« Une Nation qui par son essence tent sans cesse à sa perfection ne devroit jamais céder en masse aux circonstances ; sa vertu et son honneur réside dans l’opposition constante à tout ce qui peut nuire à la liberté et à la sûreté des personnes et des propriétés60 ».
- 61 A.D. P.-de-D., L 6375. Discours du 6 janvier 1792.
42Aux qualités intrinsèques de la nation, collationnées dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lui sont bientôt ajoutées à l’occasion du débat sur la guerre des vertus xénophiles. « Jusque-là, elle ne se montrait que juste envers les peuples de la terre (…), redoutable à ses ennemis », mais cette nation déifiée est censée montrer sa magnanimité, « vertu inséparable de l’énergie des hommes libres ». Elle sera donc respectueuse des citoyens des pays conquis, les accueillera en son sein, oubliera tout le conflit fini, lorsque, forcément victorieuse, « elle ne verra que des frères dans ses ennemis vaincus, réconciliés ou désarmés ». Dijon de Saint-Mayard, commis par les jacobins de Clermont-Ferrand pour diffuser cette vision prémonitoire de la « grande nation », peut donc conclure : « la guerre que fait un peuple libre devient un acte d’humanité, de justice et de générosité61 ».
43Née de la liberté et à son tour libératrice, dotée d’un hymne et d’un drapeau, parée de qualités humaines éminentes à l’image des concitoyens qui la composent et auxquels, immortelle, elle préexiste et survit – selon l’idée de Sieyès –, la nation balance entre l’histoire et le mythe. Entité suprême, à laquelle tout Français doit sacrifier, elle offre régulièrement à l’opinion des héros magnifiés par ses guerres, hissés sur l’Olympe républicain. Et les émissaires jacobins, envoyés sur tous les terrains de bataille, sont autant d’oracles à son service. Écoutons les récits édifiants envoyés de Vendée par deux fervents couthonistes clermontois, le liquoriste Bouscarat et l’acteur Deséssement :
- 62 A.D. P.-de-D., fonds Clermont-Fd. Lettre à la société populaire de Clermont-Ferrand, 12 floréal an (...)
« C’est un spectacle bien consolant pour les patriotes et bien digne d’honorer la nation française que de voir, dans une guerre aussi meurtrière que celle-là, quel est le courage de nos braves défenseurs. Les soldats de la République sont autant de héros62 ! »
Sans doute ces vertus du sacrifice à l’histoire immédiate auraient-elles convenu à Rousseau, mais l’on mesure aussi tout l’opportunisme à réincarner dans une nation immuable les figures successives de la jeune Révolution ; à fonder le nouveau régime sur quelques gestes et autant de figures emblématiques, effaçant en l’an II les ancêtres de panthéons plus anciens. Cette actualité mythifiée ne parle pas du quotidien, mais systématiquement de l’avenir politique et moral, de « l’aurore de la félicité universelle », d’où, au-delà des fondations républicaines et de la régénération acculturante entreprise, le besoin d’éternité.
44Les notables de 1791 comme ceux du Directoire, les mêmes souvent, n’usent pas de cette perspective. Leurs rêves de propriétaires reposent sur la stabilisation du mouvement né en 1789, sur cette pause réclamée en vain par Barnave. Limitée dans le temps, leur révolution est une fin davantage qu’un commencement. Il lui faut donc aller chercher ses origines ailleurs qu’en elle-même, les limiter politiquement à l’aspiration à la liberté, qui fonde 1789, les enraciner dans un terreau culturel profond et territorialement étendu, qui légitime et identifie la « grande nation ». Les élucubrations sur le monde celte trouvent alors leur raison d’être.
Notes
1 Jean-Yves Guiomar, « Patrie, nation, État », dans Langages de la Révolution française (1770-1815), Actes du quatrième colloque international de lexicologie politique, Paris, Klincksieck, 1995, p. 461-469.
2 J. Godechot, « Nation, patrie, nationalisme et patriotisme en France au xviiie siècle », Actes du colloque Patriotisme et nationalisme en Europe à l’époque de la Révolution française et de Napoléon, XIIe Congrès international des Sciences historiques (Moscou, 19 août 1970), Paris, Société des Études robespierristes, 1973, p. 7-27.
3 Colloque des 26-27 mai 1986 (Paris IV-Sorbonne), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1989 [En ligne] URL : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k3335032n/f5.item.
4 P. Vidal-Naquet, introduction à La monarchie absolutiste et l’histoire en France…, p. 15-16.
5 Ch. Grell, ibid., présentation du sujet, p. 19-27.
6 Ibid.
7 Bourdon de Sigrais, Considérations sur l’esprit militaire des Gaulois, Paris, 1774, p. XVI à XVIII.
8 Cf. note 4.
9 J. Ehrard, « Les Gaulois dans l’Encyclopédie », dans Paul Viallaneix et Jean Ehrard (dir.), Nos Ancêtres les Gaulois, actes du colloque international de Clermont-Ferrand, Clermont– Ferrand, Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Clermont-Ferrand II, 1982, p. 101.
10 Ph. Bourdin, Des lieux, des mots, les révolutionnaires. Le Puy-de-Dôme entre 1789 et 1799, Clermont-Ferrand, Publication de l’Institut d’études du Massif central, 1995, p. 59 et suivantes.
11 M. Goncalvès, Conscience historique et pratiques historiographiques à l’académie de Clermont– Ferrand (1747-1791), mémoire de maîtrise, Clermont-Ferrand, 1995.
12 M. Toquant, La société des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont-Ferrand, DES, Clermont-Ferrand, 1966.
13 B.M.I.U. (Bibliothèque municipale et interuniversitaire de Clermont– Ferrand), Ms 785 à 787.
14 M. Goncalvès, « Entre gallicité et arvernité. Provincialisme et mythologie des origines à l’Académie de Clermont-Ferrand », Siècles, n° 4, 1996.
15 B.M.I.U., Ms 785. Dissertation sur les deux premières époques de l’histoire d’Auvergne, 1764.
16 M. Goncalves, art. cit., note 14.
17 B.M.I.U., Ms 785. Dissertation sur la langue originaire des Gaulois, 1752.
18 B.M.I.U., Ms 787. Dufraisse de Vernines, Mémoire sur les mœurs et le gouvernement des Auvergnats avant que les Romains fissent la conquête des Gaules, 1754.
19 Ibid.
20 M. Goncalvès, art. cit., note 14.
21 B.M.I.U., Ms 787. De Vernines, Discours sur la généalogie des rois de France de la seconde et de la troisième race suivant le système d’Audigier, Ms 786, Micolon de Blanval, Dissertation sur les lieux où étoit le château d’Avitacum de Sidoine Apollinaire, 1782, Ms 785, Teilhard de Beauvezeix, Mémoire sur ¡'Empereur Avitus, 1753.
22 M. Goncalves, art. cit. note 11, p. 174.
23 B.M.I.U., Ms 785. Ribaud de la Chapelle, Mémoire historique et politique sur le caractère et les actions de Vercingétorix, 1752.
24 Ibid., et Pélissier de Féligonde, Extraits des pièces de littérature lues à l’assemblée publique de la Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont-Ferrand, 1752.
25 P. Zobermann, Les panégyriques du roi prononcés dans l’Académie française, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1991.
26 D. Nordmann, « Des limites d’État aux frontières nationales », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire. La nation, vol. 2, Paris, Gallimard, 1986, p. 62.
27 Texte cité par Y. Bosc et S. Wahnich, Les voix de la Révolution. Projets pour la démocratie, Paris, La documentation française, 1990, p. 22.
28 Ibid., p. 72.
29 E. Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, Paris, Flammarion, rééd. 1988, p. 44.
30 J.-Y. Guiomar, « La Révolution française et les origines celtiques de la France », A.H.R.F (Annales historiques de la Révolution française), n° 287, janvier-mars 1992, p. 63-85 [En ligne] DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/ahrf.1992.1475.
31 A.D. P.-de-D. (Archives départementales du Puy-de-Dôme), L 6391.
32 Idem.
33 A.D. Puy-de-Dôme, L 6389. Numéro du 8 janvier 1791.
34 Ibid., p. 4.
35 B.M.I.U., A 10556 (69). Discours du 21 février 1791 devant le Directoire du Département.
36 A.D. Puy-de-Dôme., L 6391. Discours sur le droit à émigrer, 4 novembre 1790.
37 Ibid.
38 A. Jourdan, « The image of Gaul during the French Revolution: between Charlemagne and Ossian », dans T. Brown (dir.), Celticism, Amsterdam, Rodopi, 1995, p. 183-206. L’auteur rappelle aussi l’utilisation dans les peintures et les gravures révolutionnaires, mais à un degré bien moindre que le coq, de la lance de fer gauloise. Elle renvoie à la pique du sans-culotte qui est proposée en 1792 par la Commission des Monnaies comme symbole de la Liberté, devant « rappeler la monnaie de nos ancêtres gaulois ». B. Baczko, Une éducation pour la démocratie. Textes et projets de l’époque révolutionnaire, Paris, Garnier, 1982, p. 29 et 41 : intervention de Baraillon à la Convention, 25 brumaire an II (15 novembre 1793) ; extrait du rapport Barère du 13 prairial an II (1er juin 1794).
39 art. cit., note 30.
40 Nos ancêtres les Gaulois, op. cit., note 9, p. 115.
41 J.-Y. Guiomar, art. cit., note 30.
42 J. Cambry, Voyage dans le Finistère, éd. 1835-38, dans J.-M. Goulemot, P. Lidsky et D. Masseau (dir.), Le voyage en France. Anthologie des voyageurs européens en France du Moyen Âge à la fin de l’Empire, Paris, Robert Laffont, 1995, p. 965.
43 M. Ozouf, « L’invention de l’ethnographie française », dans L’école de la France. Essais sur la Révolution. L’Utopie et l’enseignement, Paris, Gallimard, 1984, p. 351-379.
44 J.-Y. Guiomar, art. cit. note 30.
45 J.-A. Dulaure, Description de I’Auvergne, Paris, 1789, p. 77.
46 J.-Y. Guiomar, art. cit., note 30.
47 Ibid.
48 J.-Y. Guiomar, art. cit., note 30.
49 C. Mossé, L’Antiquité dans la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1989, p. 62.
50 D’après l’inventaire de M. Carlson, Le théâtre de la Révolution française, Paris, Gallimard, 1970.
51 J. Jacquart, Bayard, Paris, Fayard, 1987, p. 351.
52 A.D. P.-de-D., L 6375.
53 Archives nationales, C 524 (249).
54 Cf. P. Zobermann, op. cit., note 25.
55 J.– L. David, Discours à la Convention, 15 novembre 1793.
56 Museo del Risorgimento (Milan), Fonds Gilbert Romme (1, II). Lettre à G. Dubreul, de St-Petersbourg, 1779. Cf. Ph. Bourdin, « Le sans-culotte Gilbert Romme ou la pédagogie politique par l’exemple », Annales historiques de la Révolution française, n° 2, 1996, p. 283-302 [En ligne] DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/ahrf.1996.1973.
57 Ph. Bourdin, art. cit., note 55.
58 M.– A. Giudicelli, « La nation assemblée, une fiction politique contre-révolutionnaire dans la Gazette de Paris (janvier-juin 1791) », dans Langages de la Révolution (1770-1815) ; op. cit., note 1, p. 353-359.
59 A.D. P.-de-D., fonds Clermont-Ferrand. Adresse « Au Roy des Français », 9 mars 1791.
60 B.M.I.U., A 36225 (10). L’opinion est de François Biauzat, neveu du Constituant.
61 A.D. P.-de-D., L 6375. Discours du 6 janvier 1792.
62 A.D. P.-de-D., fonds Clermont-Fd. Lettre à la société populaire de Clermont-Ferrand, 12 floréal an II (1er mai 1794).
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Référence papier
Philippe Bourdin, « La part de l’histoire dans les éloges de la nation », Siècles, 9 | 1999, 7-34.
Référence électronique
Philippe Bourdin, « La part de l’histoire dans les éloges de la nation », Siècles [En ligne], 9 | 1999, mis en ligne le 24 juillet 2024, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/siecles/12082 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/123kl
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