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Shakespeare en dialogue avec la philosophie et la politique

« Who’s there? » : une question théâtrale politique pour Thomas Ostermeier

Delphine Edy

Résumés

Dans sa conférence de 2014 à Londres, le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier fait de la question initiale d’Hamlet : « Who’s there? » le leitmotiv de sa dramaturgie, « une sorte de fil rouge de [s]on approche de l’œuvre de Shakespeare, et même de son appréhension des raisons qui, de manière générale, [l]e poussent à faire du théâtre ». Thomas Ostermeier rappelle que, pour répondre à cette question, Shakespeare crée une situation doublement théâtrale où les personnages se mettent eux-mêmes en scène, car ils sont forcés d’avancer masqués pour découvrir qui sont les autres, et finalement, « qui est là », dans leur propre corps. Le projet shakespearien métathéâtral devient chez Ostermeier un véritable axe de recherche, un moyen de (re)penser le théâtre qui irradie l’ensemble de son œuvre. Il s’agirait donc ici d’analyser comment le metteur en scène, dans un geste esthétique radical, déterritorialise l’objet Shakespeare pour (re)penser le théâtre et son rapport à la société en en révélant la force politique conjuguée au présent sur la scène contemporaine.

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Texte intégral

  • 1 Wajdi Mouawad, Hortense Archambault et Vincent Baudriller, Voyage pour le Festival d’Avignon 2009, (...)

Il arrive parfois que l’on croie poser une question sans se rendre compte que l’on en pose une autre, de nature différente1.

La question shakespearienne fondatrice pour un dialogue sociologique et politique

1En septembre 2014 était organisé à Londres un colloque intitulé « Thomas Ostermeier : Reinventing Directors’ Theatre at the Schaubühne » à la Royal Central School of Speech and Drama, à l’occasion de la présentation au Barbican du 24 au 28 septembre de sa mise en scène de la pièce d’Ibsen Ein Volksfeind [Un ennemi du peuple], dont la première avait eu lieu deux ans plus tôt au festival d’Avignon, le 18 juillet 2012.

  • 2 Peter M. Boenisch et Thomas Ostermeier, The Theatre of Thomas Ostermeier, New York, Routledge, 2016
  • 3 Thomas Ostermeier, Le Théâtre et la Peur, Arles, Actes Sud, coll. « Le temps du théâtre », 2016.

2C’est dans ce cadre que Thomas Ostermeier a prononcé sa conférence intitulée « TOTUS MUNDUS AGIT HISTRIONEM : Staging and Playing Shakespeare », publiée en anglais dans l’ouvrage qu’il a co-écrit avec Peter Boenisch, The Theater of Thomas Ostermeier, paru en 20162 et que l’on peut lire dans une traduction française dans Le Théâtre et la Peur3 qui accueille une grande part des textes théoriques du metteur en scène traduits pour l’occasion en français.

  • 4 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau. Totus mundus agit histrionem : li (...)
  • 5 Marie Torrès, « Hamlet de William Shakespeare dans une mise en scène de Thomas Ostermeier – La crit (...)
  • 6 Philippe Chevilley, « Le fol Hamlet d’Ostermeier aux Gémeaux de Sceaux », Les Échos, 23 janvier 201 (...)
  • 7 Olivia Gesbert, « Lars Eidinger, comédien-roi. La Grande Table », France Culture, 23 juin 2017, acc (...)
  • 8 Fabienne Pascaud, « Hamlet au royaume de la folie », Télérama, 18 juillet 2008, accessible en ligne (...)

3Thomas Ostermeier formalise donc sa pensée sur le théâtre de Shakespeare en 2014, alors qu’il travaille depuis environ sept ans sur les œuvres du dramaturge qu’il qualifie lui-même de « plus grand auteur de tous les temps4 » : sa première mise en scène de Shakespeare, lorsqu’il s’est emparé d’Hamlet dans le cadre d’une co-production avec le Festival d’Athènes et le Festival d’Avignon en juillet 2008 fut un véritable événement théâtral. La critique y a vu un « sublime spectacle qui force l’admiration5 », « une version rock-and-roll flamboyante du chef-d’œuvre de Shakespeare6 » portée par l’acteur Lars Eidinger, qualifié de « comédien-roi7 » du metteur en scène, aujourd’hui reconnu sur le plan international ; et même lorsque les propos sont plus mesurés, on rappelle que la « démence [qui nous est donnée à voir n’est] pas si éloignée de nous, pas si étrangère. Et [qu’] Ostermeier [nous en] montre magistralement les ressorts. Hamlet, ce vieux frère8… ». Ce qui apparaît avec force, c’est que cette mise en scène est une véritable ode à la théâtralité qui trouvera de nombreux échos dans ses mises en scène ultérieures de Shakespeare : Othello en 2010, Mesure pour Mesure en 2011, Richard III en 2015, La Nuit des rois en 2018, alors que Le Roi Lear est annoncé pour la saison théâtrale 2022-2023 à la Comédie Française.

  • 9 Thomas Ostermeier et Gerhard Jörder, Ostermeier backstage, Paris, L’Arche, 2015, p. 102.
  • 10 Alexandre Kissler, « Hommage zum Jubiläum – „Shakespeare altert nie” », Cicero Online, 1er décembre (...)

4Pourtant, Hamlet n’est pas la première confrontation du metteur en scène avec l’œuvre de Shakespeare, puisqu’il avait déjà monté Le Songe d’une nuit d’été en 2006, en collaboration avec la danseuse et chorégraphe argentine Constanza Macras. Cela étant, de son propre aveu, il y avait dans ce spectacle « soixante pour cent de Macras », même s’il « adore, ces soixante pour cent9 ». Il a d’ailleurs précisé ultérieurement que son « travail [qualifié de] plus sérieux avec Shakespeare [n’]avait commencé [qu’]après10 ».

  • 11 Jean-Pierre Thibaudat, « Peter Brook a fait un long voyage », Libération, 21 décembre 1995, accessi (...)
  • 12 Ibid.

5Dans le programme pour Hamlet édité en 2008 par la Schaubühne, Thomas Ostermeier fait figurer un certain nombre de textes théoriques, et notamment un texte de Peter Brook intitulé « Evokation Shakespeare », texte d’une conférence qu’il a tenue à la Schaubühne en mai 1996, au moment même où il participait avec sa pièce Qui est là ? aux Berliner Festspiele. Peter Brook avait fait de cette première réplique d’Hamlet le titre de son spectacle, ne donnant pas à voir le tragique destin du prince du Danemark mais « une méditation gaie et toujours en actes, sur les pouvoirs du théâtre à travers le prisme du metteur en scène qui, depuis son apparition il y a un siècle, en est le maître de cérémonie11 ». Peter Brook qualifie lui-même sa pièce de « recherche théâtrale » et fait « entendre en résonance » les grandes voix du passé [Stanislavski, Meyerhold, Craig, Brecht, Artaud] « avec celle provenant du miroir sans fin qu’est Hamlet de Shakespeare »12. Dans le texte « Evokation Shakespeare », Peter Brook rappelle les exigences qui s’imposent à tout metteur en scène :

  • 13 Schaubühne am Lehniner Platz, Hamlet von William Shakespeare, Programmheft, Berlin, 2008, p.24: « F (...)

Il est clair que pour Shakespeare et ses spectateurs il n’y avait aucune certitude. Et cette absence de certitude est une bénédiction, car elle a permis une compréhension intuitive très profonde que, derrière le chaos, se cache une certaine possibilité de comprendre, possibilité qui se réfère à un autre ordre, un ordre qui n’a rien à voir avec l’ordre politique. On retrouve cela dans toutes les pièces de Shakespeare, et comme l’a dit Gordon Craig il y a cent ans, si on refuse d’accepter la réalité d’un monde des esprits, alors il vaudrait mieux brûler immédiatement toutes les œuvres de Shakespeare. […] Lorsque nous voulons aujourd’hui mettre en scène une pièce de Shakespeare, la difficulté réside dans le fait de trouver comment aider le public à voir avec les yeux et à entendre avec les oreilles de son époque. Ce que nous voyons doit nous sembler aujourd’hui (c’est-à-dire lorsque nous sommes assis dans la salle de théâtre) tout à fait naturel13.

  • 14 Programme du spectacle Qui est là ? – saison 2015-2016, Bouffes du Nord, p. 2-3.

6Chacun des metteurs en scène dont Peter Brook fait entendre la voix dans son spectacle avait selon lui « le goût de la connaissance, l’humilité et surtout le questionnement permanent » ; chacun a développé « sa méthode, ses théories, son système14 ».

  • 15 Ibid.
  • 16 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 88.
  • 17 Ibid.

7Une décennie plus tard, Thomas Ostermeier n’est pas en reste ; lui aussi, en tant que metteur en scène doit « refaire le chemin pas à pas15 » et, comme ces prédécesseurs, à la fois « visionnaires », « pionniers » et « aventuriers » – ainsi que Peter Brook les définit – il fait le choix de poser sans cesse des questions, de sorte que la question initiale de Bernardo dans Hamlet : « Who’s there? » ne constitue plus seulement le titre d’un spectacle, mais devient le leitmotiv de sa dramaturgie, « une sorte de fil rouge de [s]on approche de l’œuvre de Shakespeare16 ». C’est en effet à partir de cette formulation, dont il revendique explicitement la filiation en choisissant de faire figurer le texte de Peter Brook dans son programme, qu’il cherche à interroger les textes de Shakespeare. Cette question initiale finit par déborder dans sa pratique théâtrale et par déclencher toute une série de questions constitutives de son « appréhension des raisons qui, de manière générale, le poussent à faire du théâtre17 ».

  • 18 Lors du Congrès de la SFS, Jean-Michel Déprats a très justement rappelé qu’il existait un enjeu de (...)
  • 19 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 88.

« Qui est là ?18 » au sens de : Qui est la personne devant nous ? Qui est l’autre ? Qui nous parle ? Qui sommes-nous ? Qu’est-ce qu’un être humain ? Lorsqu’on commence à envisager les réponses possibles à ces questions au sein d’Hamlet, cela se complique davantage. On peut facilement imaginer une situation où, par exemple, la lumière dans une cage d’escalier s’éteint et quelqu’un qui attend en bas et qui a entendu le bruit de vos pas demande : « Qui est là ? » Que répondriez-vous ? Quelle pourrait être la réponse à cette question ? Votre nom, tout simplement ? Que se cache-t-il derrière le masque de votre apparence physique – de votre nom ? Qui êtes-vous ? Qui sommes-nous ? Quelle est votre identité ? Quel est votre « moi » ?19

8Ce qui attire Thomas Ostermeier chez Shakespeare, c’est la manière dont la dimension politique des pièces a directement à voir avec les rapports entre les personnages : se savoir observé, observer comment les autres cherchent à se dissimuler, toute cette dimension de jeu de cache-cache est pour le metteur en scène quelque chose d’éminemment politique :

  • 20 Alexandre Kissler, « Hommage zum Jubiläum – „Shakespeare altert nie” », op. cit. : « Die zwei wicht (...)

Les deux principales raisons de mon envie de me pencher sur Shakespeare sont la dimension politique de ses pièces et la relation des personnages avec les spectateurs. Les deux sont liées : dans la mesure où les personnages savent qu’on les regarde et dans la mesure où ils s’observent mutuellement en train de se dissimuler. La contrainte de la dissimulation est liée à la situation. Shakespeare était un maître en la matière. Cette mascarade, ce jeu d’acteurs dans la sphère publique a une éminente signification politique20.

  • 21 https://cnrtl.fr/definition/politique
  • 22 Nancy Delhalle, Vers un théâtre politique : Belgique francophone 1960-2000, Bruxelles, Le Cri, 2006
  • 23 Sylvie Chalaye, Thomas Ostermeier, Actes Sud, Arles, Actes-Sud-Papiers, 2006, p. 51 : « Pour moi, i (...)
  • 24 Nancy Delhalle emprunte l'expression à Nathalie Heinich, Ce que l’Art fait à la sociologie, Paris, (...)

9Le terme « politique », tel que l’emploie Thomas Ostermeier ici, a un double sens. Lorsqu’il évoque « la dimension politique des pièces », ou « la signification politique [du jeu d’acteurs dans la sphère publique] », l’adjectif politique renvoie à l’évidence à une forme d’ « habileté manifestée dans les rapports avec les autres, qui consiste essentiellement à amener autrui à faire ce que l’on désire, sans pour autant dévoiler ses propres intentions »21. La liberté de penser qu’accorde le théâtre de Shakespeare lui permet en réalité d’en faire un véritable objet de recherche, le fondement même de sa méthodologie de metteur en scène qui a à cœur de faire dialoguer le texte et les moyens du théâtre au sein d’un laboratoire sociologique qui vise un véritable « théâtre politique » au sens de Nancy Delhalle22, c’est-à-dire un théâtre défini par une double aspiration : porter un travail esthétique qui donne à voir l’autre face du réel – celle qui se cache derrière la photo de l’usine Krupp pour reprendre les termes de Brecht23 – et défendre l’agir social, que Nathalie Heinich envisage comme ce que « l’art fait au social24 ».

  • 25 Jacques Rancière, Politique de la littérature, Paris, Galilée, 2007, p. 11.

10Par ailleurs, lorsqu’il évoque le fait que « les personnages savent qu’on les regarde » et qu’ « ils s’observent mutuellement en train de se dissimuler », il nous rappelle, avec Jacques Rancière, que la littérature est politique, dans la mesure où elle « fait de la politique en tant que littérature25 », puisque

  • 26 Idem, p. 12.

la littérature intervient en tant que littérature dans ce découpage des espaces et des temps, du visible et de l’invisible, de la parole et du bruit. Elle intervient dans ce rapport entre des pratiques, des formes de visibilité et des modes du dire qui découpe un ou des mondes communs26.

  • 27 Jean Starobinski, Interrogatoire du masque, Paris, Éditions Galilée, coll. « lignes fictives », 201 (...)

11En effet, c’est la littérature qui intervient ici chez les personnages pour mettre en œuvre l’observation mutuelle, la dissimulation, le jeu qu’ils jouent les uns avec les autres. Les personnages n’ont la plupart du temps pas d’autres choix que d’avancer masqués. Ce masque peut être aussi bien une simple apparence qui permet de dissimuler son identité, un véritable travestissement, et parfois, il « se confond même avec la réalité nue », comme le signale Jean Starobinski dans son essai Interrogatoire du masque27 :

  • 28 Idem, p. 12.

Le masque est l’une des expressions d’une faculté, ou plutôt d’une ambition fondamentale de l’être humain, qui est celle de se faire être. Se faire être : devenir un acteur jusqu’à devenir une personne agissante désormais reconnue dans son identité28.

12Le projet shakespearien métathéâtral qui consiste à créer une situation doublement théâtrale où les personnages se mettent eux-mêmes en scène, forcés d’avancer masqués pour découvrir qui sont les autres, et finalement, « qui est là », dans leur propre corps, devient donc chez Ostermeier un véritable axe de recherche qui irradie l’ensemble de son œuvre et engage le dialogue entre le théâtre, nos représentations sociales et notre agir politique. C’est ce que je propose d’analyser à partir de trois exemples, en traçant un arc qui part d’Hamlet, passe par Les Revenants d’Henrik Ibsen et nous amène à Retour à Reims de Didier Eribon, dans le but de montrer comment le metteur en scène, en développant une esthétique du double qui fait une large part à l’intermédialité, interroge nos identités sociales et déterritorialise l’objet Shakespeare pour (re)penser le théâtre et son rapport à la société en en révélant la force politique conjuguée au présent sur la scène contemporaine.

Hamlet : l’identité en question entre spectre et masques

  • 29 Florence Thomas, archiviste-documentaliste de la Comédie-Française à propos de Shakespeare, décembr (...)
  • 30 Monique Borie, Le Fantôme ou Le Théâtre qui doute : essai, Arles, Actes sud, 1997, p. 99.
  • 31 William Shakespeare, Hamlet, trad. Jean-Michel Déprats, éd. Henri Suhamy et Lois Potter, in Tragédi (...)
  • 32 Idem, p. 731 [I.v.9].
  • 33 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 88.

13Les lecteurs et spectateurs de Shakespeare le savent, « le spectre le plus illustre et spectaculaire hantant l’histoire du théâtre demeure celui qui se présente à Hamlet comme l’esprit de son défunt père, un spectre, également visible des soldats, qu’Hamlet finit par considérer comme un messager29 ». Ce qui fait que la véritable question dans Hamlet, ce n’est peut-être finalement pas « être ou ne pas être, là est la question », mais bien : « Le spectre, là est la question30 », comme l’écrit Monique Borie dans Le Fantôme ou le Théâtre qui doute. Les premier mots de la pièce, « Qui va là ?31 », soulignent l’idée que le plus important, c’est la diversité des réponses possibles. Lorsque le spectre dit à Hamlet « Je suis l’esprit de ton père32 », cela renvoie à l’écart qui existe entre le père et l’esprit du père, à cette « incertitude de l’identité et (donc) du moi qui est très certainement l’un des problèmes essentiels de l’homme moderne33 ». Par ailleurs, si la nature de notre identité est insaisissable, alors se pose nécessairement la question, mais qui sont les autres ? C’est cette situation doublement théâtrale que Thomas Ostermeier choisit d’inscrire au cœur de sa mise en scène d’Hamlet et dont découlent ensuite tous ses choix esthétiques.

  • 34 Florence March, « Shakespeare at the Festival d’Avignon : the Poetics of Adaptation of L. Lagarde ((...)

14Dans la version scénique allemande en prose que Thomas Ostermeier a commandée à Marius von Mayenburg, la première scène d’Hamlet a subi de nombreuses opérations dramaturgiques ; le nombre de personnages est réduit (Francisco est notamment absent), la scène est largement concentrée, et surtout, la formule « Wer da ? » n’apparaît pas. On ne peut que s’en étonner. Plus encore, c’est toute cette première scène qui est coupée dans le spectacle. La pièce commence sur un ajout du metteur en scène, un prologue constitué de plusieurs scènes : il débute par le monologue « Sein oder nicht sein », repris deux fois par la suite, est suivi par l’enterrement d’Hamlet père sur le « mode burlesque » comme le signale Florence March, dans une scène de « danse de la mort où le fossoyeur se débat avec le cercueil en montrant ses talents d'acrobate dans une chorégraphie imitant le style de Buster Keaton34 ». À cette scène d’enterrement, où le tombeau, un monticule de terre qui semble littéralement aspirer le héros, est immédiatement juxtaposée – avec un effet de miroir – une scène de banquet, le montage très serré des deux scènes rappelant les vers 180-181, dans lesquels Hamlet indique à Horatio sur le mode ironique que les temps sont à l’économie et que les restes de l’enterrement sont servis froids au repas de noce.

15Ce prologue spectaculaire éminemment intermédial (en ce qu’il agence différents matériaux tels que texte, danse, musique, pantomime et projections vidéo) renverse donc la dramaturgie, crée une volontaire dissonance, mais remplit parfaitement la fonction de cette interrogation initiale de Bernardo : Qui est donc ce mort que l’on ne parvient pas à enterrer ? Qui est cette femme qui se déhanche aux côtés de Claudius, qui a tout l’air d’être Gertrude mais se transforme à vue en Ophélie ? Qui est cet Hamlet qui ne semble pas connaître la pièce et intervertit l’ordre de son propre texte ? Et dans le fond, qui nous parle ? Qui sommes-nous ? Quelle est donc notre identité ? Voici les questions auxquelles nous confronte ce prologue, ce que le metteur en scène formule ainsi :

  • 35 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 89.

J’ai le sentiment que la force motrice des personnages des pièces de Shakespeare est précisément de découvrir qui sont les autres, ce qui se cache derrière leurs apparences physiques, quels sont leurs véritables motifs. Il me semble parfois que c’est également la force motrice de leur auteur, Shakespeare : découvrir davantage comment sont les êtres humains35.

  • 36 J’emprunte cette expression à Bernard-Marie Koltès dans sa pièce L’Héritage, Paris, Éd. Minuit, 201 (...)

16La pièce commence dans l’obscurité : seul un plateau étroit, sur lequel se dresse une table rectangulaire et des chaises où Gertrude et d’autres convives sont déjà attablés, est éclairé par en-dessous et diffuse une « lumière sourde36 ». Après quelques longues secondes, le visage d’Hamlet apparaît en gros plan au-dessus de la table, visage auto-projeté de Lars Eidinger qui se tient dans le noir à côté du plateau éclairé et se filme en direct. Cette image projetée sur un rideau transparent en fils semi-dorés, crée un flou, et même une déformation de l’acteur. C’est à ce moment qu’Hamlet entame le monologue « to be or not to be » en allemand, tout en dirigeant à présent sa caméra vers les autres acteurs qui semblent inanimés, comme si cette scène se jouait dans un autre espace-temps ou comme si tout cela n’était qu’un rêve : est-ce donc un rêve auquel nous prenons part ou Hamlet fils est-il ici un fantôme omniscient, affirmant sa supériorité sur les autres personnages, et ce, avant même que la pièce ne commence, avant même que l’on n’enterre Hamlet père ? Choisir de commencer la pièce avec le monologue « to be or not to be » pose d’emblée la question de notre identité spectrale : les fantômes n’apparaissent-ils vraiment que dans les rêves ?

  • 37 Ce que défend Fabienne Pascaud dans son article cité précédemment.
  • 38 Monique Borie, « Le Fantôme ou le théâtre qui doute », op.cit., p.131.
  • 39 Ibid.

17Le dédoublement, opéré ici par la caméra, est un vrai leitmotiv de cette mise en scène. En effet, un peu plus tard, juste après qu’Horatio est entré en scène pour signifier à Hamlet qu’il a rencontré le fantôme de son père, Hamlet s’approche de Claudius qui semble dormir, la tête plongée dans son assiette. Sous l’œil de la caméra qui se remet à projeter en gros plan, il relève le visage de Claudius, visage trash maculé de sang, sur lequel Horatio pose la couronne royale. C’est sous les traits de l’image de son oncle projetée et dans sa voix qu’Hamlet reconnaît son père. Pourquoi choisir de figurer le spectre d’Hamlet père en utilisant les traits de son meurtrier ? Est-ce là une preuve de sa folie37 ? Monique Borie nous délivre – sans le savoir – une autre réponse possible en rappelant que « la forme usurpée, c’est le mimétique qui se donne pour vrai38 » : Claudius a pris la place de son frère à la tête du royaume, en affichant – à la manière d’une star du show-biz – sa légitimité. « Le théâtre, art du voir et de l’être vu, […] art où les pouvoirs de la vision sont comme démultipliés39 » servirait donc ici une volonté politique en dénonçant l’usurpateur, avant même que le spectre ne révèle la vérité à Hamlet.

  • 40 Jean Starobinski, “interrogatoire du masque”, dans Interrogatoire du masque, op. cit., p. 29. L’aut (...)
  • 41 William Shakespeare, “Hamlet” dans Tragédies I, op. cit., p. 865 [III.iv.89-92].
  • 42 Pour celles et ceux qui n’auraient pas vu la pièce, on trouve sur le site officiel de la Schaubühne(...)
  • 43 https://www.cnrtl.fr/definition/star.

18La nature de Gertrude, la reine du Danemark, apparaît tout aussi double. Depuis toujours, le fait qu’elle se remarie très rapidement avec son beau-frère interroge sur sa nature profonde : pourquoi épouse-t-elle son beau-frère si vite ? Pourquoi ne fait-elle pas davantage cas de ce qu’éprouve son fils ? Pourquoi joue-t-elle le jeu de son second époux ? Et pourquoi s’aveugle-t-elle jusqu’au point d’en perdre la vie ? Les pourquoi sont nombreux. N’y-a-t-il pas là en réalité une véritable stratégie de la part de la reine ? Gertrude ne porte-t-elle pas en fait un « masque à couvert40 » pour le dire avec Starobinski ? Ne se sauve-t-elle pas elle-même de sa situation de veuve ? On se souvient, lorsqu’elle « tourne [s]es yeux vers l’intérieur de [s]on âme, / [elle] y voi[t] des tâches si noires et si imprégnées / Que leur teinture est indélébile41 », signe qu’à la fois elle sait, mais aussi qu’elle s’aveugle consciemment pour se protéger. Porter un masque, celui de l’amante, lui permet donc de dissimuler les ruses de la séductrice, afin de préserver sa situation sociale à la cour du royaume et sa situation de femme seule, ce que soulignent les choix de Thomas Ostermeier : la reine nous apparaît au début de la pièce telle une diva en deuil42 : chevelure blonde, lunettes noires et imperméable noir cintré, la reine est en deuil, le roi Hamlet est mort, et, telle une star « à la Grace Kelly », elle cache ses larmes et son chagrin sous ses larges lunettes de soleil alors même qu’il pleut. Rappelons-nous d’ailleurs que le terme « star », renvoie à une « actrice dont l’image auprès du public est celle d’un être fantasmatique, inaccessible, intouchable, entourée de mystère43 », une sorte de figure divinisée donc, qui « joue » (et le verbe jouer est ici essentiel) son rôle. Gertrude revêt donc ici le masque de la diva, à la fois pour mieux dissimuler son être profond, mais aussi dans le but de devenir une femme intouchable.

19Mais a contrario, on pourrait tout aussi bien dire qu’en se travestissant, Gertrude « avoue [tout autant] ses secrets44 ». Et on voit bien ici que le masque ne sert pas seulement à dissimuler, « tâche entièrement négative », « le masque est le lieu de rencontre du négatif et du positif, de l’ostentation et de l’occultation : il se montre en cachant »45. L’utilisation de la chanson de Carla Bruni, L’amour pas pour moi, est dans ce cadre un masque auditif. En effet, au moment du banquet de noce, Gertrude entonne cette chanson pour signifier son amour à Claudius. La critique, en 2008, y a vu une allusion directe au couple Bruni-Sarkozy, c’est-à-dire une allusion à la starisation de la vie politique française. Mais peut-être faut-il aller plus loin encore, en s’attardant sur les paroles de cette chanson : « L’amour, pas pour moi – C’est pas net, ça joue des tours – comme un traître de velours – ça se déguise en douce – c’est une embuscade…46 ». Au travers de ce texte, Gertrude déconstruit en chantant ce qu’elle est en train de construire publiquement : elle dénonce le sentiment amoureux en tant que ruse, en tant que masque, qui vaut autant pour elle que pour Claudius, et qui pourrait sonner comme un avertissement pour Hamlet. Au travers de ce choix musical Thomas Ostermeier envoie donc un message double, lui-même masqué en quelque sorte, qu’Hamlet ne perçoit pas. Pourtant, le travestissement qui permet à l’actrice de passer du personnage de Gertrude à celui d’Ophélie par le truchement de perruques aurait pu le mettre sur la voie à l’issue de la performance musicale : la théâtralité revendiquée ici explicitement renvoie à un univers où s’effacent les frontières entre le réel et le fictionnel, entre le Soi et l’Autre, entre les différentes temporalités et conduit à une confusion des identités.

  • 47 Élisabeth Angel-Perez, « Spectropoétique de la scène », Sillages critiques 8, « La Lettre et le fan (...)

20Au travers de ces choix esthétiques, Thomas Ostermeier crée une dynamique qui relève d’un double mouvement, tel qu’Élisabeth Angel-Perez l’a formulé dans son analyse des modalités du spectral sur la scène anglaise contemporaine : en choisissant à la fois de « figurer l’absence » et de « fantomiser le visible »47 en créant de la confusion entre les identités, en choisissant de jouer des masques, le metteur en scène interroge la nature profonde des personnages. De quels doubles sont-ils donc constitués ?

  • 48 Thomas Ostermeier et Gerhard Jörder, Ostermeier backstage, op. cit., p. 102.
  • 49 Ibid.

21Ce qui attire depuis toujours Thomas Ostermeier chez Shakespeare, c’est ce qu’il nomme « l’éclat multidimensionnel48 » de ses pièces, c’est-à-dire l’épaisseur, la profondeur et la densité du texte littéraire. Thomas Ostermeier fait une différence ostensible entre Shakespeare et les autres : « Une pièce normale est comme une vitre à deux dimensions, on peut décider de la regarder d’un côté ou de l’autre. Les scènes de Shakespeare sont comme des dés en verre : il y a un ou deux ou cinq ou six côtés par lesquels on peut les regarder49. »

  • 50 Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode : les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, trad. (...)

22Ce qui intéresse le metteur en scène, c’est une littérature et un théâtre capables de faire tomber les masques, qui associent les dimensions sociologique, psychologique et anthropologique aux questions de pouvoir : comment les individus ont-ils une chance de s’épanouir malgré le fardeau de l’héritage, le poids des contraintes, les enjeux de pouvoir ? Ce sont exactement ces mêmes questionnements qui l’amènent à choisir de mettre en scène Les Revenants d’Henrik Ibsen et Retour à Reims de Didier Eribon. Ce qui m’amène à penser qu’en s’appropriant les textes shakespeariens de manière productive et interactive, au sens de Hans-Georg Gadamer lorsqu’il écrit que « la compréhension n’est pas une attitude uniquement reproductive, mais aussi et toujours une attitude productive50 », Thomas Ostermeier développe une véritable méthode de travail en déterritorialisant Shakespeare pour (re)penser le théâtre et son rapport à la société.

Les Revenants et Retour à Reims : revenir pour se confronter à la question « Who’s there? »

23Comme l’a judicieusement remarqué Arnaud Maïsetti, chez le metteur en scène,

  • 51 Arnaud Maïsetti, « Thomas Ostermeier. Le dépli de l’Histoire », accessible en ligne sur : http://ww (...)

de Shakespeare à Ibsen, rien de commun hormis le souci d’une scène expérimentale, ou plutôt laboratoire. Pour Thomas Ostermeier, […] ces dramaturgies expérimentales […] semblent elles-mêmes l’occasion de libérer l’expérimentation de sa nature quasi-théorique – l’une sur la règle morale du pouvoir à l’échelle de l’État ; l’autre sur le pouvoir moral de la règle à l’égard de la famille – pour y exercer un théâtre du dépli. C’est qu’en effet ces scènes sont moins des appuis pour déployer un art (de la mise en scène) que des espaces où déplier des questions (politiques)51.

24« Déplier des questions politiques » pour interroger nos identités sociales, c’est ce qu’entreprend Thomas Ostermeier avec Les Revenants d’Henrik Ibsen, où l’on passe d’un masque individuel à un masque collectif, avec toujours la même question qui résonne comme un coup à la porte « Who’s there? », matérialisant qu’on ne reconnaît pas immédiatement la personne ou la réalité qui se présente.

  • 52 Terje Sinding, « Les Revenants, une tragédie ? », dans Jean Bessière, avec la collaboration de Chri (...)

25Dans un espace scénique resserré, une boîte noire, à l’allure de sombre cénotaphe, déambulent les figures spectrales des Revenants. Le décor réaliste est minimaliste pour représenter l’intérieur bourgeois de la maison Alving et la tournette participe à une scénographie plus abstraite, en permettant de regarder les personnages évoluer sous tous les angles. Ils apparaissent comme pris au piège dans ce « lieu ouvert à tous vents, entièrement exposé au regard, (où) toute intimité est déniée et toute fuite impossible même dans la mort52 ». Ce dispositif permet de raconter la lutte de cette famille contre des fantômes qui reviennent de loin, qui se révèlent sous la forme de terribles et lourds secrets créant une véritable angoisse, celle que quelqu’un ne finisse par les démasquer et comprendre que tout ce qu’ils vivent n’est qu’une façade hypocrite.

26Sur ce plateau où rien ne peut échapper à notre regard, les revenants font leur entrée : le menuisier Engstrand revient pour tenter de convaincre sa fille Régine au nom de l’amour paternel de quitter sa place de domestique et de rentrer en ville avec lui pour le seconder dans un nouveau projet. Puis, ce sont des affaires financières qui, après une longue absence, ramènent le pasteur Manders au domaine, pour l’inauguration de l’orphelinat construit en mémoire de feu M. Alving. Enfin, c’est le fils prodigue, Osvald, qui rentre chez lui après de longues années passées à l’étranger pour assister à l’inauguration de l’orphelinat.

  • 53 Thomas Ostermeier, « Lire et mettre en scène Ibsen », dans Le Théâtre et la Peur, op. cit., p. 103.

27Tout au long de l’entrée des différents personnages sur le plateau, on mesure petit à petit le caractère polysémique du terme « revenant », car c’est bien l’identité de ces personnages qui se voit interrogée. Qui sont-ils vraiment ? Chez chacun d’entre eux, on perçoit un décalage entre ce qu’ils montrent et ce qu’ils sont. Déjà dans le prologue, Osvald, caméra à la main, avait projeté les visages filmés depuis le plateau sur la cloison en bois clair qui divise le plateau en deux espaces. Les visages projetés en gros plan nous scrutent, nous spectateurs, et Régine apparaît tout d’abord derrière un masque rigide qu’elle ne baisse qu’à la toute fin de la projection. Ce dédoublement des personnages interroge. Très vite, on va comprendre que « contrairement aux clichés sur les personnages d’Ibsen […], tous les personnages ont sacrifié leur âme, leurs sentiments, leur passion, leur amour et même leur capacité d’aimer à leur désir financier53 ». Régine ne cherche qu’à quitter sa situation sociale pour vivre la belle vie avec Osvald qu’elle n’aime pas, mais dont elle espère profiter. Engstrand, un être vulgaire et vénal, veut récupérer sa fille pour des besoins lucratifs en lui faisant jouer le même rôle que sa défunte mère, celui d’une « fille », comprendre ici une prostituée dans un établissement pour riches marins. Le pasteur cherche surtout à sauver son image d’homme saint, à la fois en occultant l’histoire intime qui s’était nouée dans sa jeunesse avec Mme Alving lorsqu’elle avait cherché de l’aide auprès de lui, en raison de la perversité, de la sexualité débridée et de la vie débauchée de son époux, et en faisant porter sa propre responsabilité dans l’incendie de l’orphelinat par Engstrand, qui voit de son côté son propre intérêt dans cet accord tacite avec le pasteur. Quant à Osvald, l’artiste bohème, il est très fatigué… une fatigue que sa mère comprend immédiatement comme le masque d’une autre réalité.

  • 54 Henrik Ibsen, Les Revenants, trad. Olivier Cadiot, non publiée, version française du 17 février 201 (...)
  • 55 « Quelque chose est pourri dans l’État de Danemark » [I.v.90].
  • 56 Ibsen, op. cit., p. 61.

28A la fin de l’acte I, il n’est pas possible de repousser plus longtemps la question « Qui est là ? », Mme Alving ne peut plus « tenir la façade », elle ne peut plus conserver le masque social qu’elle a porté toutes ces années pour sauver l’honneur de son fils et le sien, et la catastrophe devient inéluctable, la vérité éclate : « La vérité, c’est que mon mari est mort aussi pourri qu’il a toujours vécu. […] Après dix-neuf ans, il était aussi pourri que le jour où vous nous avez mariés54 », dit-elle au pasteur. Le mot « pourri » résonne comme un fort écho aux mots de Marcellus55 et à ceux du médecin qu’Osvald a consulté dans son exil : « Vous avez le cerveau vermoulu ... depuis la naissance. Il m’a dit ça ... textuellement : vermoulu56 ».

29Thomas Ostermeier fait vivre pleinement cette pourriture sur le plan esthétique : le réalisme sobre et épuré de la première partie, toutefois entaché par les projections vidéo, cède la place dans la deuxième partie à l’hystérie trash d’Osvald qui détruit tout littéralement, et « karchérise » à l’aide d’un extincteur l’intérieur de la maison, symbole de la société et de la morale bourgeoises, de cette vie nécrosée, rappelant d’autres images de mises en scène de Shakespeare auxquelles Thomas Ostermeier nous a habitués : le jet d’eau dans Mesure pour Mesure avec lequel Angelo cherche à éradiquer la luxure, les personnages d’Hamlet qui pataugent dans la terre puis dans la boue, l’eau dans laquelle se débattent les personnages d’Othello

  • 57 Thomas Ostermeier, « Lire et mettre en scène Ibsen », op. cit., p. 104-105.
  • 58 Compris ici comme l’ensemble des personnages d’Ibsen.
  • 59 Jacques Derrida, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 1993, p. 22.

30Le metteur en scène prolonge donc, avec Ibsen, sa réflexion dramaturgique et esthétique dans les traces de Shakespeare et montre comment la dramaturgie ibsénienne, « nourri[t] [s]a passion pour un regard sociologique sur les êtres humains et celle du théâtre en tant que laboratoire sociologique où le comportement des êtres humains est examiné » et rend également compte d’une « complexité de conflits » (liés à l’argent, à la morale bourgeoise, aux rapports de pouvoir) que le metteur en scène perçoit comme « plus compliquée que dans une pièce de Shakespeare où ‘je tue pour devenir roi’ »57. Comme dans Hamlet, « le revenant58 va venir. Il ne saurait tarder. Comme il tarde. Plus précisément encore, tout s’ouvre dans l’imminence d’une -apparition59 ».

  • 60 Idem, p. 31.
  • 61 Idem, p. 32.

31Thomas Ostermeier travaille au cœur de la répétition – on le voit au travers de ses choix de textes – mais d’une « répétition » qui va de pair avec une « première fois »60 comme dirait Derrida. Tout se passe comme si, après chaque spectacle, l’esprit de Shakespeare revenait pour poursuivre le dialogue : « l’esprit vient en revenant, il figure à la fois un mort qui revient et un fantôme dont le retour attendu se répète, encore et encore61 ». En effet, en actualisant au sens deleuzien les questionnements shakespeariens dans le cadre du travail sur d’autres auteurs, le metteur en scène choisit de défendre un théâtre intempestif, qui, en débordant, en acceptant toute forme de « déterritorialisation », se veut politique, en tant qu’il émane d’un mouvement, d’un passage, au service de la vérité à l’œuvre et d’une meilleure compréhension de nos contemporains, car le sens est du côté du déplacement.

32Revenir sur ses traces, revenir pour chercher à comprendre qui l’on est, pour que les fantômes des pères ne s’abattent plus sur les fils, pour dire aux vivants ce qu’on a pu comprendre, c’est une nouvelle fois le programme théâtral que Thomas Ostermeier met en œuvre dans l’une de ses dernières mises en scène d’un texte ultra-contemporain, Retour à Reims de Didier Eribon, un récit aux multiples épaisseurs qui nous est livré sur scène dans une performance à multiples facettes, dont il existe à ce jour six versions différentes (en anglais, deux en allemand, en français et en italien et en suédois).

33Dans son auto-analyse, Didier Eribon cherche à comprendre les mécanismes qui l’ont conduit à quitter Reims alors qu’il était encore étudiant : son identité gay et son identité sociale de fils d’ouvrier sont les leviers pour analyser sa propre trajectoire mais aussi celle du monde social et politique et notamment la montée de l’extrême-droite depuis un demi-siècle.

34Dans son travail scénique, Thomas Ostermeier part de la parole de Didier Eribon, de son vécu, pour déplier une réalité de plus en plus globale, qui déborde à travers les discussions des personnages qui finissent par engager un dialogue avec leur propre histoire. Texte, théâtre, documentaire et performance musicale sont dès lors agencés sur le plateau pour créer une nécessaire distance avec le texte initial de Retour à Reims. Le texte lu et les images documentaires retraçant la vie de Didier Eribon, tout comme la réalité politique et sociale depuis 1968, sont mises en abyme sur la scène du théâtre et se trouvent spectacularisées au cœur de l’espace où les personnages s’interrogent sur l’analyse à faire de Retour à Reims. La réalisation d’un film documentaire sur Didier Eribon est-elle un acte suffisant ? Quelle est sa véritable portée politique ? Ne faut-il pas repenser l’engagement artistique ? Dans sa conférence sur Shakespeare, Thomas Ostermeier proposait déjà une réponse à la série de questions qui fait suite à « Who’s there? » :

  • 62 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau. Totus mundus agit histrionem : li (...)

Nous sommes des « moi » multiples qui tentons de nous adapter en jouant aux différentes situations auxquelles nous sommes confrontés. Nous nous mettons en représentation dans différentes situations et essayons de résoudre les conflits de ces situations en prétendant être quelqu’un d’autre. […] [Autrement dit,] nous sommes forcés de nous mettre en représentation par les situations auxquelles nous sommes confrontés dans la vie62.

35C’est exactement cela qui se joue sur le plateau de Retour à Reims. C’est la fabrique des représentations, à la fois artistiques mais aussi sociales, qui se trouve ainsi questionnée au travers de ce livre de sociologie et de théorie critique : quelle image donnons-nous de nous-mêmes ? Que percevons-nous des autres ? Que cachons-nous ? Qui sommes-nous ? Les questions de la comédienne qui enregistre la voix-off du documentaire pousseront le réalisateur à interroger ses propres choix sur les plans humain, artistique et politique, et à sortir de son mode de représentation. Tout comme le questionnement et les réactions du technicien son, propriétaire du studio d’enregistrement, obligeront le réalisateur et la comédienne à faire réellement cas de son existence, à le re-connaître, si bien qu’il finira lui aussi par baisser son masque et quitter son espace de représentation pour livrer des choses plus personnelles.

36Dans ce spectacle intermédial aux multiples facettes, la partition dramaturgique se trouve en réalité prise en charge de plus en plus par les personnages dans la deuxième partie du spectacle, et l’on comprend qu’ils apparaissent alors comme de véritables doubles de Didier Eribon, se livrant à leur propre auto-analyse ; de sorte que chacun replongeant dans son histoire, conjuguant son histoire individuelle à l’Histoire collective, ils nous offrent une nouvelle lecture de la violence sociale, un véritable miroir de notre temps. Sur la scène du théâtre, Reims n’est plus seulement la ville natale de Didier Eribon mais revêt la forme d’une ville mythique, celle de l’anagnorisis ; le lieu où les personnes, derrière leurs masques de personnages, se reconnaissent en tant que comédiens, mais aussi en tant qu’acteurs sociaux et politiques.

Conclusion

  • 63 Jitka Pelechová, « Le Théâtre de Thomas Ostermeier : phénomène culturel ou démarche artistique ? » (...)

37Au travers de la question initiale d’Hamlet « Who’s there? », érigée au rang de principe esthétique fondateur de son théâtre, Thomas Ostermeier choisit de déterritorialiser Shakespeare, de dialoguer avec nos représentations sociales et politiques et d’interroger la trajectoire de nos identités malléables. Accepter en tant que spectateur de se confronter au questionnement sur sa propre identité, sur son propre masque, permet dès lors de mieux se comprendre soi-même, parce qu’il y a au théâtre quelque chose qui a à voir avec l’idée de toujours se réinventer, et c’est bien cela qui anime d’abord Thomas Ostermeier, lorsqu’il écrit : « Je fais du théâtre pour mieux comprendre ce qui se passe autour de moi et en moi. C’est mon chemin à moi et je suis assez content quand le public partage cet intérêt qui est le mien, pour les pièces, les personnages, les histoires63 ».

  • 64 Thomas Ostermeier, « Rencontre avec Thomas Ostermeier à l’occasion de sa mise en scène La Nuit des (...)
  • 65 Ostermeier et Jörder, op. cit., p. 10.
  • 66 Jacques Derrida, Spectres de Marx, op. cit., p. 26.

38En cherchant, dans son œuvre théâtrale, à répondre inlassablement à la question « Qui se cache derrière le masque social, le rôle que nous devons jouer, ce que nous représentons64 ? », Thomas Ostermeier propose une véritable Politique de la littérature en scène et « donne à voir les lignes de fracture65 » de notre monde, celles des hommes qui l’habitent ou des spectres qui le hantent, mais n’est-ce pas finalement la même chose ? Il y a une « Chose [qui] nous regarde […] et nous voit ne pas la voir même quand elle est là66 ».

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Notes

1 Wajdi Mouawad, Hortense Archambault et Vincent Baudriller, Voyage pour le Festival d’Avignon 2009, Paris, P.O.L, 2009, p. 15-16.

2 Peter M. Boenisch et Thomas Ostermeier, The Theatre of Thomas Ostermeier, New York, Routledge, 2016.

3 Thomas Ostermeier, Le Théâtre et la Peur, Arles, Actes Sud, coll. « Le temps du théâtre », 2016.

4 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau. Totus mundus agit histrionem : lire et mettre en scène Shakespeare », dans Le Théâtre et la Peur, op. cit., p. 87.

5 Marie Torrès, « Hamlet de William Shakespeare dans une mise en scène de Thomas Ostermeier – La critique », Artistik Rezo, 8 février 2009, accessible en ligne sur

https://www.artistikrezo.com/spectacle/hamlet-de-william-shakespeare-dans-une-mise-en-scene-de-thomas-ostermeier.html, consulté le 8 juin 2021.

6 Philippe Chevilley, « Le fol Hamlet d’Ostermeier aux Gémeaux de Sceaux », Les Échos, 23 janvier 2017, accessible en ligne sur

https://www.lesechos.fr/2017/01/le-fol-hamlet-dostermeier-aux-gemeaux-de-sceaux-1114205, consulté le 7 juin 2021.

7 Olivia Gesbert, « Lars Eidinger, comédien-roi. La Grande Table », France Culture, 23 juin 2017, accessible en ligne sur https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/lars-eidinger-comedien-roi, consulté le 2 juin 2021.

8 Fabienne Pascaud, « Hamlet au royaume de la folie », Télérama, 18 juillet 2008, accessible en ligne sur https://www.telerama.fr/scenes/hamlet-au-royaume-de-la-folie,31667.php, consulté le 8 juin 2021.

9 Thomas Ostermeier et Gerhard Jörder, Ostermeier backstage, Paris, L’Arche, 2015, p. 102.

10 Alexandre Kissler, « Hommage zum Jubiläum – „Shakespeare altert nie” », Cicero Online, 1er décembre 2014, accessible en ligne sur https://www.cicero.de/kultur/doppel-interview-shakespeare-altert-nie/58550, consulté le 7 juin 2021 : « Der Sommernachtstraum“ für das Theaterfestival Athen war ein spezielles Projekt in Zusammenarbeit mit der in Berlin lebenden argentinischen Choreografin Constanza Macras. Meine gewissermaßen seriöse Beschäftigung mit Shakespeare beginnt danach ».

11 Jean-Pierre Thibaudat, « Peter Brook a fait un long voyage », Libération, 21 décembre 1995, accessible en ligne sur http://www.newspeterbrook.com/1995/12/21/peter-brook-a-fait-un-long-voyage/, consulté le 7 juin 2021.

12 Ibid.

13 Schaubühne am Lehniner Platz, Hamlet von William Shakespeare, Programmheft, Berlin, 2008, p.24: « Fest steht aber, dass es für Shakespeare und seine Zuschauer keinerlei Sicherheiten gab. Diese fehlende Sicherheit war ein Segen, denn sie schuf ein sehr tiefes intuitives Verständnis dafür, dass hinter dem Chaos irgendeine seltsame Möglichkeit des Verstehens verborgen lag, die sich auf eine andere Art von Ordnung bezog, eine Ordnung, die nichts mit der politischen Ordnung zu tun hatte. Diese Bedeutung ist in allen Stücken Shakespeares gegenwärtig, und – wie Gordon Craig vor hundert Jahren schrieb – wenn man sich weigert, die Wirklichkeit einer Welt der Geister zu akzeptieren, sollte man besser gleich alle Werke Shakespeares verbrennen » et p. 26 « Wenn wir heute ein Shakespeare-Stück auf die Bühne bringen, liegt die Schwierigkeit darin, dass wir dem Publikum helfen müssen, mit den Augen und Ohren der Gegenwart zu sehen und zu hören. Was wir sehen, muss jetzt, im Moment, wenn die Leute im Zuschauerraum sitzen, natürlich erscheinen ».

14 Programme du spectacle Qui est là ? – saison 2015-2016, Bouffes du Nord, p. 2-3.

15 Ibid.

16 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 88.

17 Ibid.

18 Lors du Congrès de la SFS, Jean-Michel Déprats a très justement rappelé qu’il existait un enjeu de traduction de cette formule introductive de la relève de la garde : faut-il en effet traduire par « Qui va là ? » ou « Qui est là ? » En allemand, dans la traduction en prose de Christoph Martin Wieland de 1766 (considérée comme le point de départ de la réception germanique de l’œuvre de Shakespeare, même si la critique a pu rendre compte d’infiltrations antérieures du texte d’Hamlet dans l’aire germanophone), on trouve « Wer da ? », la formule ad hoc de la relève de la garde en allemand, ce qui règle la question du choix du verbe. Schlegel et Tieck, dans leur traduction en vers de 1798 qui fera de Shakespeare un poète allemand au même titre que Goethe et Schiller, feront le même choix, tout comme Holger Michael Klein, le traducteur de la classique édition Reclam dont la dernière réédition date de 2014. Le problème ne se pose donc pas en allemand. En revanche, il est intéressant de voir que dans la traduction française de la conférence de Thomas Ostermeier par Jitka Goriaux Pelechová, il est affirmé p. 87 que c’est la traduction de Jean-Michel Déprats qui a été retenue pour toutes les citations de Shakespeare, or, « Who’s there? » est traduit de manière erronée par « Qui est là ? ». Cela étant, cette entorse peut aussi traduire un malaise, car c’est celui qui est de garde qui devrait poser la question, pas celui qui prend la relève.

19 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 88.

20 Alexandre Kissler, « Hommage zum Jubiläum – „Shakespeare altert nie” », op. cit. : « Die zwei wichtigsten Gründe für meine Lust an Shakespeare sind die politische Dimension der Stücke und die Beziehung der Figuren zum Zuschauerraum. Beides hängt zusammen: indem die Figuren wissen, dass ihnen zugeschaut wird, und indem sie sich gegenseitig dabei zugucken, wie sie sich verstellen. Der Zwang zur Verstellung kommt aus der Situation. Darin war Shakespeare ein Meister. Dieses Maskenhafte, dieses Schauspielen in der Öffentlichkeit hat eine eminent politische Bedeutung ».

21 https://cnrtl.fr/definition/politique

22 Nancy Delhalle, Vers un théâtre politique : Belgique francophone 1960-2000, Bruxelles, Le Cri, 2006.

23 Sylvie Chalaye, Thomas Ostermeier, Actes Sud, Arles, Actes-Sud-Papiers, 2006, p. 51 : « Pour moi, intrinsèquement la mise en scène ne se limite pas au réel, elle l’explore, c’est pourquoi le réalisme va au-delà. Brecht interrogeait très justement la notion de réalisme en évoquant une photo de l’usine Krupp. Selon lui la photo ne raconte rien sur la réalité du travail qui s’y déroule. Or le réalisme, c’est donner à voir la réalité de l’intérieur de l’usine, ce n’est pas seulement (et simplement !) la photo de l’extérieur ».

24 Nancy Delhalle emprunte l'expression à Nathalie Heinich, Ce que l’Art fait à la sociologie, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », 1998.

25 Jacques Rancière, Politique de la littérature, Paris, Galilée, 2007, p. 11.

26 Idem, p. 12.

27 Jean Starobinski, Interrogatoire du masque, Paris, Éditions Galilée, coll. « lignes fictives », 2015 (unique réédition depuis la première parution en 1946), p. 34.

28 Idem, p. 12.

29 Florence Thomas, archiviste-documentaliste de la Comédie-Française à propos de Shakespeare, décembre 2017, accessible en ligne sur https://www.comedie-francaise.fr/fr/actualites/shakespeare-a-la-comedie-francaise#, consulté le 8 juin 2021.

30 Monique Borie, Le Fantôme ou Le Théâtre qui doute : essai, Arles, Actes sud, 1997, p. 99.

31 William Shakespeare, Hamlet, trad. Jean-Michel Déprats, éd. Henri Suhamy et Lois Potter, in Tragédies I, éd. Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 2002, p. 675.

32 Idem, p. 731 [I.v.9].

33 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 88.

34 Florence March, « Shakespeare at the Festival d’Avignon : the Poetics of Adaptation of L. Lagarde (Richard III, 2007), T. Ostermeier (Hamlet, 2008) and I. van Hove (The Roman Tragedies, 2008) », in Shakespeare en devenir. Mise en scène de pièces de Shakespeare, L’Œil du Spectateur 2 – Saison 2009-2010 [en ligne : https://shakespeare.edel.univ-poitiers.fr:443/shakespeare/index.php?id=188].d

35 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau… », op. cit., p. 89.

36 J’emprunte cette expression à Bernard-Marie Koltès dans sa pièce L’Héritage, Paris, Éd. Minuit, 2014, p. 49.

37 Ce que défend Fabienne Pascaud dans son article cité précédemment.

38 Monique Borie, « Le Fantôme ou le théâtre qui doute », op.cit., p.131.

39 Ibid.

40 Jean Starobinski, “interrogatoire du masque”, dans Interrogatoire du masque, op. cit., p. 29. L’auteur emploie l’expression « porter un masque à découvert » que je transforme ici en son négatif.

41 William Shakespeare, “Hamlet” dans Tragédies I, op. cit., p. 865 [III.iv.89-92].

42 Pour celles et ceux qui n’auraient pas vu la pièce, on trouve sur le site officiel de la Schaubühne (https://www.schaubuehne.de/de/produktionen/hamlet.html) quelques photos de la mise en scène et notamment trois photos de Judith Rosmair dans le rôle de Gertrude.

43 https://www.cnrtl.fr/definition/star.

44 Jean Starobinski, « Interrogatoire du masque », dans Interrogatoire du masque, op. cit., p. 30 : « Étrange contradiction, qui fait que je me travestisse pour avouer mes secrets ».

45 Jean Starobinski, « Interrogatoire du masque », dans Interrogatoire du masque, op. cit., p. 35-36.

46 https://greatsong.net/PAROLES-CARLA-BRUNI,LAMOUR,27207.html. Je choisis de citer ici les éléments qui renvoient à la face obscure de cette relation et non à la dimension de la passion amoureuse.

47 Élisabeth Angel-Perez, « Spectropoétique de la scène », Sillages critiques 8, « La Lettre et le fantôme », 2006, n.p., accessible en ligne sur: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/sillagescritiques.558, consulté le 08 juin 2021.

48 Thomas Ostermeier et Gerhard Jörder, Ostermeier backstage, op. cit., p. 102.

49 Ibid.

50 Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode : les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, trad. Paul Ricœur, Paris, Le Seuil, 1976, p. 136.

51 Arnaud Maïsetti, « Thomas Ostermeier. Le dépli de l’Histoire », accessible en ligne sur : http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article1440, consulté le 22 juillet 2014.

52 Terje Sinding, « Les Revenants, une tragédie ? », dans Jean Bessière, avec la collaboration de Christian Biet, Jean Bollack, Terje Sinding..., Théâtre et destin : Sophocle, Shakespeare, Racine, Ibsen : études recueillies par Jean Bessière, Paris, Champion, coll. « Collection Unichamp », n° 60, 1997, p. 126.

53 Thomas Ostermeier, « Lire et mettre en scène Ibsen », dans Le Théâtre et la Peur, op. cit., p. 103.

54 Henrik Ibsen, Les Revenants, trad. Olivier Cadiot, non publiée, version française du 17 février 2013, p. 31-32.

55 « Quelque chose est pourri dans l’État de Danemark » [I.v.90].

56 Ibsen, op. cit., p. 61.

57 Thomas Ostermeier, « Lire et mettre en scène Ibsen », op. cit., p. 104-105.

58 Compris ici comme l’ensemble des personnages d’Ibsen.

59 Jacques Derrida, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 1993, p. 22.

60 Idem, p. 31.

61 Idem, p. 32.

62 Thomas Ostermeier, « L’art de l’acteur et les combats du plateau. Totus mundus agit histrionem : lire et mettre en scène Shakespeare », dans Le théâtre et la peur, op.cit., p. 89-90.

63 Jitka Pelechová, « Le Théâtre de Thomas Ostermeier : phénomène culturel ou démarche artistique ? », Cahier d’études germaniques 64.1, 2013, p. 343.

64 Thomas Ostermeier, « Rencontre avec Thomas Ostermeier à l’occasion de sa mise en scène La Nuit des rois ou tout ce que vous voulez », accessible en ligne sur https://www.comedie-francaise.fr/fr/actualites/rencontre-avec-thomas-ostermeier#, consulté le 5 juin 2021.

65 Ostermeier et Jörder, op. cit., p. 10.

66 Jacques Derrida, Spectres de Marx, op. cit., p. 26.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Delphine Edy, « « Who’s there? » : une question théâtrale politique pour Thomas Ostermeier »Actes des congrès de la Société française Shakespeare [En ligne], 40 | 2022, mis en ligne le 09 juillet 2022, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/shakespeare/7629 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/shakespeare.7629

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Auteur

Delphine Edy

CRLC (Sorbonne Université) et ACCRA (Université de Strasbourg)

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