« Petruchio, I shall be your ben venuto » : Shakespeare, Jonson et la langue italienne
Résumés
Le but de cette communication est de s’intéresser à la présence de la langue italienne dans les pièces italiennes de Shakespeare et dans Volpone de Ben Jonson. Nous verrons ainsi que si la langue italienne est très présente dans les pièces de ces deux dramaturges grâce à des emprunts de mots et d’expressions dans les ouvrages de John Florio (First Fruites, Second Fruites, A World of Words), cette présence ne se limite pas à cela. La langue italienne est également très présente dans l’onomastique, dans les titres correspondant à des fonctions, dans les interjections ou encore dans les noms de lieux. Il s’agit donc de tout un univers de mots qui permet au dramaturge de recréer sur scène une Italie lointaine et en partie imaginaire que le public ne connaît pas. Il faudra s’interroger sur les buts recherchés par les deux dramaturges : l’objectif est-il seulement de faire « couleur locale » et de répondre à un besoin d’exotisme ? Après avoir évoqué les mots italiens eux-mêmes, il conviendra de s’interroger sur l’influence de la langue italienne sur la langue anglaise elle-même. En effet, celle-ci semble parfois s’infiltrer à l’intérieur de la langue anglaise par le biais de jeux de mots, d’expressions, de métaphores et d’interjections nouvelles. On s’interrogera alors sur le but recherché qui ne peut seulement être de faire « couleur locale ».
Texte intégral
1Dans un de ses dialogues bilingues des First Fruites – ouvrage publié en 1578 – John Florio invente une conversation entre deux personnages italiens en visite à Londres et pour qui le choc culturel s’avère fort déroutant. En effet, lorsque son interlocuteur lui demande envers qui les Anglais sont les plus mal élevés, l’autre personnage répond :
- 1 John Florio, First Fruites, Londres, Thomas Dawson, 1578, Dialogue 27, p. 51.
Toward Strangers : and few of these English men delight to have their chyldren learne divers languages, whiche thing displeaseth me. When I arrived first in London, I could not speake English, and I met above five hundred persons, afore I could find one, that could tell me in Italian, or French, where the Post dwelt1.
- 2 Ibid., Dialogue 27, p. 50.
2Les personnages italiens de ce long dialogue bilingue évoluent dans un pays qui leur semble étrange, barbare, fermé à toute influence étrangère et surtout à toute langue étrangère, alors que, comme le dit un des personnages, l’Anglais est « a language that wyl do you good in England, but passe Dover, it is woorth nothing2 ».
- 3 Frances Yates, The Life of an Italian in Shakespeare’s England, Cambridge, Cambridge University Pr (...)
3Dans ses Second Fruites publiés treize ans plus tard – en 1591 – John Florio nous dépeint une atmosphère très différente. Ses personnages semblent en effet évoluer dans un pays beaucoup plus ouvert aux influences étrangères, dont les habitants souhaitent apprendre les principales langues européennes. Comme le montre très bien Frances Yates dans son ouvrage sur la vie de Florio, nombreux sont d’ailleurs ceux qui enseignent ces langues à Londres, qui rédigent des ouvrages sur le modèle des Fruites de Florio ou qui travaillent à la rédaction de dictionnaires. Si en l’espace de quelques années, l’attitude des Anglais a changé, c’est parce que, nous dit Frances Yates, l’Angleterre a été gagnée par l’esprit d’ouverture qui caractérise la Renaissance3.
4Or, c’est au cours de ces années 1590 que l’Italie fait son apparition comme lieu scénique dans le théâtre anglais. Mais bien souvent les dramaturges tels que Shakespeare et plus tard Ben Jonson ne se contentent pas d’utiliser l’Italie comme un simple lieu mentionné au début de la pièce et qui n’aurait aucun rapport avec le pays réel. Nombreux sont en effet les éléments de couleur locale qui visent à ancrer l’action dans un pays différent, exotique, pays que l’immense majorité du public ne connaît bien sûr pas. Pour faire exister sur la scène ce pays, pour bien insister sur son caractère exotique, le dramaturge ne peut pas vraiment s’appuyer sur les décors qui sont presque inexistants (décors qui de toute façon n’apporteraient rien s’ils existaient, puisque le spectateur n’a sans doute aucune idée de ce à quoi ressemble l’Italie). Il va alors s’appuyer sur un autre type de décor que j’appellerai décor auditif, c’est-à-dire fondé sur les mots italiens qui parsèment les pièces de Shakespeare qui ont l’Italie pour cadre et Volpone de Ben Jonson. En cela, le théâtre de ces deux dramaturges témoigne du nouvel engouement pour les langues étrangères et les pays étrangers et l’accompagne, sans doute en répondant à une certaine demande du public, mais aussi en la provoquant. On peut alors se demander comment ce décor auditif se met en place, sur quel type de mots il porte, mais surtout quelles sont les sources qu’utilisent Shakespeare et Ben Jonson, dont la connaissance de l’italien n’est pas forcément avérée. On a toujours supposé que Florio (ses First et Second Fruites, son dictionnaire A World of Words dont la première version est publiée en 1598) était l’unique source où l’on allait puiser les mots italiens dont on avait besoin. Or, ce dernier n’est peut-être pas la seule source, même si son influence demeure primordiale. Si le lien entre Florio et Ben Jonson est à peu près avéré (le British Museum possède en effet une copie de Volpone dédicacée à Florio), on a beaucoup glosé sur l’éventuel lien entre Florio et Shakespeare. En effet si l’on sait que les deux personnages ont dû se croiser et se connaître à certaines époques de leur existence (autour de Southampton notamment), il n’existe malheureusement aucune preuve directe, aucune lettre de l’un ou de l’autre, aucune dédicace prouvant qu’ils se connaissaient personnellement. De plus, certaines différences fondamentales apparaissent à l’étude des textes des pièces entre Shakespeare et Ben Jonson. Chez Jonson, il s’agit beaucoup plus de reprendre directement des mots lus ou appris ailleurs et parfois de les accumuler de façon pédante, comme pour s’en moquer, comme dans la scène ii de l’acte ii de Volpone, où Volpone se fait passer pour un « mountebank ». Chez Shakespeare, la langue italienne fait l’objet d’une utilisation pour ainsi dire plus subtile et aussi plus rare. Certes, certains mots ou citations sont souvent repris tels quels, mais la plupart du temps l’auteur y ajoute sa touche personnelle, utilise ces mots étrangers afin de créer des jeux de mots porteurs de sens, si bien que Shakespeare dépasse le simple effet de couleur locale et cherche aussi à enrichir la langue anglaise afin de démultiplier les significations des mots de façon presque anamorphotique.
5Le premier élément du décor auditif façonné dans les pièces italiennes de Shakespeare et dans Volpone, ce sont bien sûr les noms de personnages. Ce sont tous ces noms italiens qui font entrer le spectateur dans un univers étranger et exotique. Chacun des deux dramaturges use abondamment de ce procédé qui est le plus simple mais qui peut aussi donner lieu à de multiples études et interprétations. Les noms des personnages sont en effet sources de jeux de mots nombreux ; ils sont souvent réinventés, refabriqués.
6Si l’on regarde bien la longue liste des personnages italiens de Shakespeare, on s’aperçoit très vite que les noms italiens authentiques et véritables sont souvent ceux des personnages secondaires (par exemple Leonardo, Stephano ou Lorenzo dans The Merchant of Venice ; Lodovico, Gratiano ou Emilia dans Othello ; Lucetta et Antonio dans The Two Gentlemen of Verona), ce qui renforce l’idée d’un décor auditif ou onomastique autour des personnages principaux. La plupart de ces noms italiens ne sont pas présents dans les textes sources, soit parce que les personnages sont inventés, soit parce qu’ils correspondent à des personnages qui n’ont pas de nom dans la source. Il est bien difficile de savoir quelle est la source de ces prénoms, puisque ni le dictionnaire de Florio ni ses Fruites ne contiennent de prénoms. On peut cependant remarquer que jamais Shakespeare n’utilise les prénoms italiens les plus courants et qui sont ceux des apôtres : Giovanni, Pietro, Paolo, Luca. Ces noms de personnages secondaires sont la plupart du temps des noms authentiques qui n’ont pas de sens particulier ou dont le sens est sans rapport avec l’action ou la fonction du personnage.
- 4 John Sanford, A Grammer or Inroduction to the Italian Tongue, Oxford, 1605, chap. « Of Derivatives (...)
- 5 « Julia. What think’st thou of the rich Mercatio ? » (i.ii.12).
- 6 Francis Griffin Stokes, A Dictionary of the Characters and proper Names in the works of Shakespear (...)
7En revanche, pour les personnages de premier plan, Shakespeare et Ben Jonson utilisent souvent les ressources de la langue italienne afin de donner un sens précis au nom du personnage. C’est là un procédé évident dans Volpone où chaque personnage a un nom italien lié à sa personnalité. Ainsi le nom de Volpone signifie littéralement « gros renard ». Florio nous donne dans son dictionnaire une deuxième définition qui correspond à un sens figuré : « Also an old crafty, subtle sneaking companion », définition qui correspond tout à fait au personnage. On peut faire la même analyse avec Voltore l’avocat : « a ravenous bird called a vultur », Corvino, le petit corbeau, Corbaccio, le sale corbeau (Florio nous dit : « a filthy great raven ») ou Mosca, la Mouche. Ce qui est intéressant ici, c’est que Florio ne se contente pas de transposer des noms d’animaux ou d’oiseaux de proie, il utilise une des règles particulières de la grammaire italienne, celle des suffixes augmentatifs, diminutifs ou dépréciatifs comme « -one », « -ino » ou « -accio ». Cette règle est mentionnée sans être vraiment expliquée dans les First Fruites de Florio : il évoque la possibilité d’utiliser des « diminishers » et des « augmentours ». Les explications sont beaucoup plus détaillées dans une annexe de l’édition de 1611 de son dictionnaire. Mais cette règle est également expliquée en détails dans la grammaire de John Sanford4 publiée en 1605, autre source possible pour Ben Jonson. Shakespeare, lui, use très peu de ce procédé, sauf dans le cas de Lucetta déjà mentionné et celui de Petruchio (littéralement : « le joli ou gentil petit Pierre ») dans The Taming of the Shrew. Toutefois, ces deux prénoms existent plus ou moins en tant que tels et Shakespeare n’avait peut-être pas conscience de la présence de ces suffixes. On trouve cependant de très nombreux jeux sur le sens italien des noms. On peut évoquer entre autres le nom de Gobbo qui signifie « le bossu » (« hunch or croope-backt » nous dit Florio), ce qui n’est pas sans rappeler la silhouette du Polichinelle de la Commedia dell’Arte ou la statue de « Gobbo di Rialto » érigée au xvie siècle par Pietro da Salò sur laquelle les Vénitiens avaient l’habitude d’accrocher des petits billets dans lesquels ils ridiculisaient le clergé ou les Patriciens. On peut également citer Mercatio qui renvoie à la fonction de marchand dans The Two Gentlemen of Verona (il est même qualifié de « rich Mercatio5 »), ou bien Salerio dans The Merchant of Venice, qui indique aussi la fonction de marchand du personnage avec le jeu sur « salaire » ou bien sur le « salarius » latin qui signifiait « marchand de poisson ». Quant à Cambio dans The Taming of the Shrew, qui signifie « changement », c’est naturellement le nom que prend Lucentio lorsqu’il se déguise en professeur de latin. Certains ont une consonance italienne mais sont apparemment totalement inventés : c’est le cas d’Othello. En effet, le personnage n’a pas de nom dans la nouvelle de Cinzio : Othello n’est qu’un « Capitaine Maure ». Le nom d’Othello qui a une forte consonance italienne, malgré son origine étrangère, avec notamment ses deux « l » a donné lieu à de très nombreuses études contradictoires : certains veulent y voir une allusion à une origine ottomane par exemple. Toutefois, il est plus intéressant de se pencher sur une éventuelle origine italienne du nom. On trouve en vénitien le terme « osella », nom de la médaille que remettait chaque année le Doge aux Vénitiens les plus valeureux, ce qui correspond tout à fait à l’image du personnage au début de la pièce. Cependant, ce terme n’est pas présent chez Florio. Il y a une autre explication possible, et que je trouve très séduisante, c’est celle du lien entre le nom de « Maure », nom qui lui est donné dans la source, et celui de la grande famille vénitienne Moro – même mot en italien – qui a donné à Venise un Doge et de nombreux généraux dont un qui a précisément servi à Chypre en 1508. Le blason de cette famille contenait des mûres, ce qui rappelle les fraises brodées sur le mouchoir d’Othello et qui ne sont pas mentionnées chez Cinzio. Dans son livre A Dictionary of the Characters and proper Names in the works of Shakespeare6, Frances Griffin Stokes affirme avoir trouvé le nom complet et plus ancien de cette famille qui serait « Otelli del Moro ». Cela semble être l’explication la plus plausible, même s’il est bien difficile de savoir comment Shakespeare a pu avoir accès à cette information. On remarquera enfin que tous ces noms de personnages sont des prénoms et que les noms de famille n’apparaissent pratiquement jamais, sauf celui des Montagues et des Capulets (Montecchi et Capelletti en Italien, noms qui apparaissent déjà chez Dante et que Brooke avait traduits ou adaptés avant Shakespeare), ou encore le nom de la famille Minola dans The Taming of the Shrew. Ce dernier nom n’apparaît dans aucune source. C’est un nom typiquement italien, plutôt d’origine lombarde, encore très présent aujourd’hui. On trouve également le nom de la famille des Bentivolii, famille de Lucentio : ce n’est pas un nom pisan mais plutôt un nom originaire d’Emilie-Romagne, puisque les Bentivogli étaient effectivement une puissante famille bolonaise aux xve et xvie siècles. Les noms de famille comme Bentivolii ou Minola produisent un effet de couleur locale très fort.
8L’usage de la langue italienne ne se limite pas aux noms de personnages. Si c’était le cas, l’exotisme du décor auditif semblerait bien artificiel et limité. Les mots italiens sont aussi souvent utilisés dans les conversations entre les personnages. Ce sont ces mots-là qui apportent sans doute la touche italienne la plus marquée, puisqu’ils font des personnages des étrangers aux yeux du public : certains mots de leur langue sont différents, leurs fonctions sont différentes, les titres qu’on leur attribue sont différents ou bien encore les moyens de transport ou lieux qu’ils fréquentent ont des noms aux consonances étrangères. Il semble évident que Shakespeare et Ben Jonson ont dû faire dans ce domaine des recherches plus ou moins poussées, dans le but d’apporter cette touche d’étrangeté et d’exotisme linguistiques. Ainsi, par le biais de quelques mots, c’est tout un monde politique, publique, de relations entre les personnages qui apparaît comme étranger.
9Parmi ces mots italiens, les plus nombreux sont sans doute ceux qui correspondent à des fonctions politiques et publiques ou bien à des organes politiques ou judiciaires, notamment à Venise. Ben Jonson les utilise abondamment dans Volpone : on trouve des termes comme le « Scrutineo » (sorte de tribunal vénitien) ou bien le « Lazaretto » (hôpital où l’on mettait en quarantaine les malades de la peste), ainsi que des expressions politiques comme « ragion del Stato » (avec une faute sur l’article qui aurait dû être « dello ») D’autres organes politiques sont en revanche traduits : ainsi l’on trouve « the Senate », « the Great Council », « the Forty », « the Ten », termes précis qui renvoient à des organes politiques vénitiens réels. On ne trouve pas la même précision chez Shakespeare puisque seul le terme « senator » apparaît dans Othello et que d’autres termes tels que « consuls » ou « Signiory » ne correspondent pas à la réalité vénitienne. Si la plupart de ces termes sont traduits, c’est parce que la source utilisée n’est pas Florio – la plupart de ces termes ne sont ni dans son dictionnaire ni dans ses Fruites – mais plutôt des ouvrages traduits en anglais qui en donnent uniquement la traduction. Ainsi, la source principale est le livre de Lewkenor, The Commonwealth and Government of Venice publié en 1599. Mais ce livre n’est qu’une traduction du De magistratibus et Repubblica Venetorum de Contarini, ouvrage écrit en latin et publié en 1540. Contarini est mentionné dans Volpone, à la scène i de l’acte iv, lorsque Sir Politic dit « I had read my Contarene », comme si son livre était la Bible de tout voyageur se rendant à Venise. Si les termes d’ordre politique ne sont présents que dans les pièces qui ont Venise pour cadre, c’est en grande partie parce que nombreux étaient les ouvrages du même type qui décrivaient le régime politique vénitien, régime qui fascinait toute une partie de l’Europe. En ce qui concerne les fonctions elles-mêmes, on en trouve très peu chez Shakespeare en dehors des termes « Senator » dans Othello ou encore « special officers of the night » qui correspond aux « offizieri di notte », sorte de police nocturne à Venise. En revanche, Ben Jonson fait un effort particulier en la matière, puisqu’il accumule des termes tels que « avocatori », « notario », « commandatore » ou encore « saffi » (sortes d’huissiers) : tous ces termes sont dans le dictionnaire de Florio et le fait de ne pas les traduire renforce l’effet de couleur locale.
- 7 Mario Praz, Shakespeare e l’Italia, Florence, Le Monnier, 1963, p. 22.
10Chez Ben Jonson, la recherche de couleur locale est, semble-t-il, bien plus poussée que chez Shakespeare en ce qui concerne les noms de lieux. On trouve les principaux noms de lieux vénitiens tels que « St Mark » à quatre reprises, « the Rialto », « the Grand Canal », « the Arsenale ». Là encore, Jonson utilise plutôt les versions traduites, sans doute parce que ce sont des mots qu’il a souvent vus dans des ouvrages anglais ou traduits en anglais et non chez Florio qui mentionne seulement le Rialto dans son dictionnaire. C’est ce même Rialto qui, dans The Merchant of Venice de Shakespeare, est vu comme le centre de l’espace vénitien où se retrouvent les marchands, ce qui justifie la question récurrente de Shylock : « what news on the Rialto ? » Le centre névralgique de la Venise de Jonson semble plutôt être la Place St-Marc dont le nom revient très souvent, ainsi que le terme « piazza ». Ce terme très difficile à traduire en anglais (Florio lui-même ne trouve pas une très bonne définition avec « any market-place, a chiefe street or broad way in any cittie or town ») est un élément de couleur locale et d’exotisme très fort. Si la Venise de The Merchant of Venice est une Venise de l’argent, des marchands, des échanges et donc du Rialto, celle de Ben Jonson est plutôt une Venise de la « Piazza », c’est-à-dire celle de tous les citoyens, y compris les escrocs et les charlatans. Il est un nom de lieu intéressant, encore à Venise mais cette fois dans Othello, et qui a donné lieu à de nombreuses interrogations, c’est le fameux « Sagittary ». Beaucoup ont voulu voir dans ce nom celui d’une taverne. Or, si c’est le cas, il s’agit d’un nom inventé car aucune taverne n’a jamais porté ce nom à Venise. Wilson Knight a émis une autre hypothèse : le nom « Sagittary » pourrait renvoyer à l’Arsenal, résidence d’Othello qui est général, puisque l’entrée de l’Arsenal était surplombée d’une statue d’archer. Pourtant, jamais le nom de « Sagittaire » n’a été utilisé pour désigner l’Arsenal. Pour ma part, je préfère une autre explication. Le Sagittaire serait plutôt la rue qui s’appelle « Frezzarìa ». C’est une petite rue qui existe encore aujourd’hui. Le terme « frezza » signifie « flèche » : la « frezzarìa » était une rue où l’on trouvait des fabricants d’armes, et notamment de flèches. Il semble curieux, au premier abord, que Shakespeare ait souhaité transformer le nom de « frezzarìa » en « Sagittary ». Mais cette transposition s’explique grâce au livre d’Antonio Sabellico, De Situ Orbis, publié en 1560, ouvrage écrit en latin et qui décrit la ville de Venise, ses rues, ses places et ses palais. Or, dans ce livre qui a dû circuler en Angleterre, la « frezzarìa » s’appelle « vicus sagittarius ». N’ayant pas le nom italien à sa disposition, Shakespeare a tout simplement anglicisé le nom latin. On peut également s’arrêter un instant sur les noms de moyens de transport qui, là encore, ne sont présents que lorsqu’il s’agit de Venise chez Shakespeare. En effet, comme chez Ben Jonson, on trouve le terme « gondola » dans The Merchant of Venice et « gondolier » dans Othello. On trouve ce terme chez Florio mais aussi dans tous les livres qui portent sur Venise. En revanche, il y a deux autres termes plus intéressants à étudier : « argosy » et « traject » dans The Merchant of Venice. « Argosy » qui apparaît auparavant chez Marlowe, est la version anglaise de l’italien « ragusea », nom qui désigne les navires marchands vénitiens et qui renvoie à la ville de Ragusa, actuelle Dubrovnik, comptoir vénitien où l’on fabriquait ces navires. L’anglais « argosy » a été formé à partir de l’autre nom de Ragusa : Aragusa ou Arragossa. Le terme « traject » ou « tranect », quant à lui, pose problème. Il apparaît dans la bouche de Portia à la scène iv de l’acte iii : « Bring them (I pray thee) with imagin’d speed / Unto the traject, to the common ferry / Which trades to Venice ». Certains, comme Mario Praz7, ont voulu y voir une version anglaise de l’italien « traghetto ». Le problème, c’est que « traject » ne peut pas ici être le « traghetto » ici car le « traghetto » n’est qu’une simple gondole ou barque qui permet de traverser un canal dans Venise. Ce n’est en aucun cas le « common ferry » qui permet de se rendre à Venise depuis la terre ferme. Ce navire-là, beaucoup plus gros qu’un « traghetto », s’appelait le « burchio ». On peut bien sûr supposer qu’il s’agit là d’une erreur de Shakespeare car il ne savait pas exactement ce qu’était le « traghetto », même si Florio en donne une définition assez précise. Pourtant, si l’on analyse bien le vers, la présence du « to » au milieu de la phrase indique que « traject » et « common ferry » ne sont pas une seule et même chose : le « traject » est plutôt une étape avant d’atteindre « le common ferry ». Or, cette étape ne peut qu’être, à mon sens, un embarcadère ou bien encore le mécanisme appelé « carro » par lequel des chevaux soulevaient les navires afin de les faire passer de la Brenta à la lagune de Venise. Si l’on retient cette interprétation, « traject » n’est pas un mot italien mais plutôt le mot anglais que Shakespeare a choisi pour désigner ce mécanisme dont il ignorait le nom.
11Comme on vient de le voir, c’est donc tout un univers de mots qui renvoient à des fonctions, à des lieux ou à des moyens de transport que Ben Jonson et Shakespeare créent, à chaque fois qu’ils le peuvent. Mais l’un et l’autre, de façons différentes, vont plus loin en tentant de faire entrer la langue italienne dans le langage ordinaire de leurs personnages, si bien que ce n’est pas seulement le cadre public mais aussi les personnages eux-mêmes qui sont des étrangers aux yeux du public.
- 8 Dialogue 7, p. 117.
12Le signe le plus évident de la présence de l’italien dans le discours des personnages, ce sont bien sûr les interjections de toutes sortes. Elles ont l’avantage de souligner le caractère naturel de l’italien et en même temps de ne pas empêcher la compréhension du discours pour le public. Assez présentes chez Shakespeare, elles sont pratiquement absentes de Volpone, si l’on fait l’exception de la principale d’entre elles, à savoir le terme « Signor », présent également dans toutes les pièces de Shakespeare. Curieusement, il n’apparaît qu’une fois dans The Two Gentlemen of Verona, alors qu’on trouve à plusieurs reprises le terme « Don » (dans « Don Alphonso » ou « Don Antonio ») qui n’est pas utilisé en Italie pour des laïques mais plutôt en Espagne où il sert à désigner des personnes nobles. C’est plus tard, avec la domination espagnole, qu’il apparaîtra, essentiellement en Italie méridionale. Ainsi, sa présence dans Much Ado About Nothing est parfaitement justifiée. Au premier acte de The Taming of the Shrew, on trouve l’interjection « Basta » dont la source est sans doute Florio puisqu’on le trouve dans ses Fruites ainsi que dans son dictionnaire. On peut également citer le « ay me » prononcé par Romeo puis par Juliette dans Romeo and Juliet, très certainement issu du « aimè » que l’on trouve souvent dans la poésie italienne, notamment chez Pétrarque, et qui signifie « hélas » Enfin, je citerai un dernier exemple intéressant, c’est celui de l’interjection « via » que Florio traduit au chapitre 5 de ses Second Fruites par « goe to » On trouve le terme tel quel dans la bouche de Falstaff dans The Merry Wives of Windsor : « go to, via ! » (ii.ii.145). Mais il n’est jamais présent tel quel dans les pièces dont le cadre est italien. Pourtant, on trouve « fia » dans The Merchant of Venice, sorte de terme hybride (formé à partir du « via » italien et du « fie » anglais) prononcé par Gobbo qui est lui-même un bouffon hybride, puisqu’il est à la fois « Gobbo » et « Launcelot ». À ces interjections, il faut ajouter les nombreux termes d’escrime italiens qui sont présents à chacun des combats dans Romeo and Juliet et qui ont très certainement une valeur ironique. Ces expressions telles que « punto riverso » (en réalité l’expression juste est « punta riversa »), « alla stoccata », « passado » (terme d’origine espagnole) ou encore « hay » (de l’italien « hai » dans « hai il colpo ») sont prononcées par Mercutio pour ridiculiser la façon dont se bat Tybalt, lui qui est « a very good blade » et qui, comme les maîtres d’escrime italiens installés à Londres, considère le duel comme un art et non comme une activité violente. La source de ces termes d’escrime n’est pas Florio mais plutôt Vincenzo Saviolo, maître d’escrime italien installé à Londres et qui a publié un manuel en 1595 intitulé Practice. Ce Saviolo était au centre d’une controverse et Shakespeare semble être de ceux qui se moquent de lui puisqu’il l’identifie au personnage de Tybalt. Florio lui-même, ami et défenseur de Saviolo, le mentionne dans ses Second Fruites sous l’appellation « Master VS » et le décrit comme « that Italian that lookes like Mars himself8 ». Il est alors présenté comme un être raffiné venu apprendre l’art du duel à des Anglais qui se battent comme des Barbares. On peut considérer que ces termes d’escrime italiens ont une double fonction : tout d’abord ils servent à ridiculiser Saviolo et ses élèves (sans doute un bon acteur doit-il les prononcer de façon exagérément raffinée), mais aussi, par le biais de l’escrime et de son vocabulaire, ils ont un effet de couleur locale très fort. Il semble en effet qu’une partie du public associe l’Italie à l’escrime et à l’art du combat, pour s’en moquer ou pour l’admirer.
13Enfin, il faut s’intéresser de plus près au premier acte de The Taming of the Shrew. En effet, c’est là, très certainement, que Shakespeare réussit le mieux à produire cet effet de couleur locale grâce aux phrases italiennes entières qui s’y trouvent. C’est le seul exemple de cette méthode dans toute son œuvre si l’on fait exception du proverbe sur Venise prononcé par Holofernes dans Love’s Labour’s Lost. On y trouve ces phrases notamment : « Mi perdonato » (i.i.25), « Con tutto il cuore ben trovato » (i.ii.24), « Alla nostra casa ben venuto, molto honorato signor mio Petrucio » et encore « Petruchio, I shall be your ben venuto » (i.ii.280). Toutes les éditions de la pièce précisent en note que ces phrases proviennent des Fruites de Florio, mais je nuancerais un peu cette affirmation. Il est vrai que les Second Fruites sont la source utilisée. Pourtant, si on lit en détail les Second Fruites, on s’aperçoit qu’aucune de ces phrases n’est recopiée à l’identique. Toutes sont en réalité réécrites, refabriquées par Shakespeare à partir de morceaux de phrases existants. En effet, on trouve chez Florio des fragments tels que « siate il molto ben trovato », « honorato sarò io » ou encore « con tutto il cuore ». Il semble donc qu’après la lecture ou l’étude des Second Fruites, Shakespeare ait voulu en quelque sorte écrire son propre italien en compilant des expressions qui chez Florio n’apparaissent pas ensemble. Cela tend à prouver que Shakespeare a quelque peu étudié l’italien dans les Fruites, en tout cas suffisamment pour être capable de faire cette compilation et d’aboutir à des phrases où sont accumulées différentes formules de politesse. On constate cependant une erreur sur « mi perdonato », expression qui n’est pas italienne et qui aurait dû être, comme chez Florio, « perdonate mi ». Ben Jonson n’utilise quant à lui jamais cette technique qui consiste à insérer des phrases italiennes entières dans le texte. Il préfère insérer de simples mots qui proviennent sans doute tous du dictionnaire de Florio et aboutir ainsi à une sorte de langue hybride dans certaines scènes. Le meilleur exemple est la scène ii de l’acte ii où Volpone, déguisé en « mountebank », devient tellement italien qu’il prononce des phrases bilingues telles que : « I was condemned a sforzato to the galleys » ou « I cannot endure to see the rabble of these ground ciarlatani ». La création d’une langue hybride, chez les deux dramaturges, témoigne de cet engouement nouveau pour les langues étrangères dont Florio est lui-même le symbole.
- 9 Dante Alighieri, l’Enfer, trad. Jacqueline Risset, coll. GF, Paris, Flammarion, 1997.
14Cette langue parfois hybride nous montre à quel point les deux dramaturges tentent de faire en sorte que les deux langues soient imbriquées. Au-delà des mots italiens souvent présents dans le texte, on peut donc aussi s’interroger sur l’influence sous-jacente de l’italien sur le texte anglais. En effet, il me semble intéressant d’étudier les éventuels jeux de mots qui sont suggérés par l’italien, surtout chez Shakespeare. Je reprendrai tout d’abord les exemples donnés précédemment : le « aimè » de la poésie italienne qui devient en anglais « ay me » ou bien le terme d’escrime « hai » qui devient « hay ». Ces exemples là sont assez nombreux mais il ne s’agit que d’une modification orthographique et sonore d’un mot. Plus intéressants sont les exemples qui donnent lieu à des doubles sens ou à des sens multiples. C’est le cas du mot « fig » que Iago emploie dans un de ses monologues lorsqu’il dit « Virtue ? A fig ! ’tis in ourselves that we are thus, or thus » (i.iii.320). Or, cet usage du terme « fig » est directement issu de l’italien. Mais il peut avoir plusieurs sens : soit il s’agit de la traduction du terme « fico » qui renvoie au fruit et qui est utilisé au sens figuré pour désigner une chose sans valeur, sans intérêt ou sans crédibilité, soit il s’agit de « fica », juron italien qui s’accompagne généralement d’un geste qui consiste à mettre le pouce entre l’index et le majeur et à tendre le bras. Il s’agit là d’un geste obscène que l’on fait pour montrer son mépris. C’est un geste très courant en Italie à l’époque qui est même évoqué chez Dante où un damné de l’Enfer se permet de le faire en direction de Dieu : « le voleur / Leva les deux mains en faisant la figue : / Dieu, cria-t-il, tiens, c’est pour toi » (chant xxv)9. Ce sens du mot « fica » est donné chez Florio. Sa définition est la suivante : « a flurt with ones fingers given or shewen in disgrace ». On peut très bien imaginer Iago faisant ce geste en direction du public ou de Roderigo. De la même façon, on peut s’interroger sur le terme « cats » qui, dans Romeo and Juliet, est associé à Tybalt qui est « prince of cats ». N’y a-t-il pas un rapprochement à faire avec l’italien « cazzo » présent dans le dictionnaire de Florio ? Il s’agirait bien sûr d’une injure de la part de Mercutio et elle serait dans la continuité des nombreux jeux de mots grivois qui parsèment la première scène de la pièce.
15Pour terminer et toujours pour insister sur cette idée selon laquelle l’italien peut influencer la langue anglaise, je souhaiterais brièvement revenir sur les Fruites de Florio eux-mêmes. En effet, le texte des Fruites a, semble-t-il, beaucoup influencé les deux dramaturges qui se sont aussi intéressés à la partie anglaise du texte. En effet, plus que de simples manuels de langue étrangère, les Fruites sont une œuvre littéraire à part entière où l’on trouve de très nombreux proverbes d’origine anglaise ou italienne, ainsi que des situations dramatiques – car il s’agit avant tout de dialogues – fort intéressantes. On peut à ce titre citer le célèbre proverbe sur Venise que reprend Holofernes (« Venetia, Venetia, Chi non ti vede, non ti pretia ») : il est directement puisé chez Florio, ce qui pousse certains commentateurs à dire que Holofernes serait une caricature de Florio. Mais on peut également citer la phrase « fruitful Lombardy, / The pleasant garden of great Italy » au début de The Taming of the Shrew, phrase qui est une reprise de celle de Florio au chapitre 19 des First Fruites : « Lombardie is the garden of the world ». Des passages entiers sont, à mon avis, également inspirés de Florio, comme le passage dans Othello où Iago critique les femmes :
… you are pictures out of doors,
Bells in your parlours, wild-cats in your kitchens,
Saints in your injuries, devils being offended
Players in your housewifery, and housewives in…
Your beds… (ii.1.109-112)
16Ce passage fait écho à la description des femmes que nous livre un des personnages de Florio au dialogue 12 des Second Fruites : « Women are in churches, Saints : abroad, Angels : at home devills : at windowes Syrens : at doores, pyes : and in gardens, Goates. » Ben Jonson est lui aussi à l’évidence inspiré par Florio lorsqu’il écrit les dialogues entre Sir Politic et Peregrine, deux voyageurs anglais qui se rencontrent à Venise et évoquent ce pays étranger qu’ils découvrent. La scène i de l’acte iv, où Sir Politic explique les manières des Italiens à Peregrine, arrivé plus récemment, est en quelque sorte un renversement de la situation mise en scène dans les Fruites de Florio. L’ironie repose ici sur le fait que, tout comme les Italiens étonnés et critiques à l’égard de la barbarie des Anglais chez Florio, nos deux Anglais sont également critiques et renversent chacun des arguments de Florio. Par exemple, la citation que j’ai donnée en introduction a son pendant dans cette scène avec : « Well, if I could but find one man… one man / To mine own heart, whom I durst trust… » À la remarque de Florio sur l’incapacité des Anglais à parler les langues étrangères, Jonson répond ironiquement que les Italiens sont incapables d’être dignes de confiance. On remarquera d’ailleurs que Florio et ses livres sont sans doute mentionnés de manière allusive dans l’un de ces dialogues avec cette phrase de Peregrine : « that vulgar grammar / Which he that cried Italian to me taught me » (ii.i.113-114).
17Pour conclure, je reviendrai sur les différences qu’il y a entre Shakespeare et Ben Jonson dans leur usage de la langue italienne. Dans Volpone, il me semble que l’usage qui en est fait reste très artificiel sans doute parce que les mots italiens, au-delà de la recherche de « couleur locale », ont une fonction comique. En effet, à travers ces mots, ce sont d’autres auteurs tels que Florio, Contarini ou encore Coryat (dont s’inspire la scène du « mountebank ») qui sont mis en scène et ridiculisés. Il me semble que le désir de couleur locale italienne n’est pas ici primordial : il s’agit plutôt de mettre en scène une Italie livresque et de tenter de la démythifier par le ridicule. Chez Shakespeare, l’approche semble tout à fait différente. Les mots italiens font apparemment l’objet de moins de recherches et d’études en amont. Leur présence est également beaucoup moins systématique que dans Volpone. Toutefois, il y a un effet de couleur locale réel, quoique très variable selon les pièces, effet de couleur locale qui s’appuie essentiellement sur les mots. Mais, tout comme avec les textes sources qu’il utilise comme base, mais qu’ensuite il modifie ou dépasse, il me semble que la langue italienne est pour lui une source de création, d’invention. En cela il est à l’opposé de Ben Jonson pour qui l’italien est plus un point d’arrivée qu’un point de départ.
Notes
1 John Florio, First Fruites, Londres, Thomas Dawson, 1578, Dialogue 27, p. 51.
2 Ibid., Dialogue 27, p. 50.
3 Frances Yates, The Life of an Italian in Shakespeare’s England, Cambridge, Cambridge University Press, 1934.
4 John Sanford, A Grammer or Inroduction to the Italian Tongue, Oxford, 1605, chap. « Of Derivatives », p. 14.
5 « Julia. What think’st thou of the rich Mercatio ? » (i.ii.12).
6 Francis Griffin Stokes, A Dictionary of the Characters and proper Names in the works of Shakespeare, Londres, Harrap, 1924.
7 Mario Praz, Shakespeare e l’Italia, Florence, Le Monnier, 1963, p. 22.
8 Dialogue 7, p. 117.
9 Dante Alighieri, l’Enfer, trad. Jacqueline Risset, coll. GF, Paris, Flammarion, 1997.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Christophe Camard, « « Petruchio, I shall be your ben venuto » : Shakespeare, Jonson et la langue italienne », Actes des congrès de la Société française Shakespeare, 22 | 2005, 39-53.
Référence électronique
Christophe Camard, « « Petruchio, I shall be your ben venuto » : Shakespeare, Jonson et la langue italienne », Actes des congrès de la Société française Shakespeare [En ligne], 22 | 2005, mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/shakespeare/740 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/shakespeare.740
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